Migrations, famille et vieillissement : Défis et enjeux pour la Guyane

Modifié par Jean-Michel Carsuzaa le 27 septembre 2018

Auteurs : Claude-Valentin Marie (Direction scientifique), Franck Temporal, Stéphanie Condon (Ined), Didier Breton (Université de Strasbourg), Bénédicte Chanteur (Insee)

"Un Guyanais sur quatre n’a jamais quitté son département. A l’inverse, un sur cinq en est parti plus de six mois, pour le service militaire, les études ou pour trouver un emploi. A son retour, il occupe souvent une position plus favorable sur le marché du travail.
La Guyane demeure aussi, plus que tous les autres Dom, une terre d’immigration : elle compte plus d’ « immigrants » (63 %), personnes nées hors du département et venues s’y installer, que de « natifs » (37 %). Familles monoparentales et maternités précoces sont fréquentes en Guyane. Plus d’un enfant guyanais sur quatre vit toute son enfance avec un seul de ses parents et parmi les jeunes femmes âgées de 20 à 30 ans, plus d une sur quatre a été mère avant l’âge de 20 ans.
Les solidarités intergénérationnelles demeurent importantes en Guyane : les personnes âgées sont souvent aidées dans leur quotidien par leurs proches, mais elles reçoivent peu d’aide financière régulière qui bénéficie nettement plus aux jeunes."

Sommaire

Moins d’un Guyanais sur quatre n’a jamais quitté son département

Plus que tous les autres Dom, la Guyane se caractérise par une très forte ouverture vers l’extérieur que reflètent aussi bien les départs et retours des natifs que les arrivées de populations nouvelles. Un Guyanais sur cinq âgés de 18 à 79 ans a déjà vécu 6 mois ou plus hors de son département de naissance avant de revenir s’y installer « natifs de retour ». Par ailleurs, 57 % d’entre eux ont connu un ou plusieurs séjour(s) d’une durée inférieure à 6 mois.

A l’inverse, un peu moins d’un Guyanais sur quatre (22,4 %) n’a jamais quitté le département même pour un court séjour. En comparaison, ce sont la Guadeloupe et la Martinique qui comptent le plus grand nombre de natifs (respectivement 35 % et 32 %) qui ont vécu durablement hors de leur département. C’est aussi aux Antilles que la part de ceux qui n’ont jamais quitté leur île est la plus faible.

30 % des « natifs de retour » était parti pour poursuivre des études
Motifs de départ des « natifs de retour »
En %

ÉtudesEmploiFormation professionnelleRaison familialeService militaireAutre raisonTotal
Guadeloupe21,429,79,514,916,77,8100
Martinique18,633,46,815,819,16,3100
Guyane29,118,114,522,687,7100
Réunion9,528,78,914,534,73,7100
Ensemble Dom16,029,88,715,224,75,6100

Source : Enquête Migrations, Famille et Vieillissement, Ined-Insee 2009-2010

Seuls 21% des guyanais n’ont jamais quitté leur département
Migrations des natifs des Dom vivant dans leur département selon le département

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La Métropole : destination privilégiée des Guyanais

Quelle que soit la période, les Guyanais qui émigrent durablement sont des jeunes adultes âgés de moins de 35 ans (99,8 %) et même pour la plupart de 18 à 24 ans (72 %). Interrogés sur les motifs de leur départ, ceux revenus au pays (les « natifs de retour ») placent au premier rang la poursuite des études; plus encore les femmes que les hommes (37 % contre 28 %). Par comparaison, dans les autres Dom, ce sont le service militaire et l’emploi qui arrivent en tête des motifs évoqués.
La Métropole a été la destination privilégiée de ces natifs de retour guyanais (83 %), dont la durée moyenne de séjour apparait inférieure à celle des Antillais (4,1 ans contre un peu plus de 7 ans) en raison notamment du caractère plus récent de leur émigration.

Plus d’un jeune Guyanais sur deux prêts à quitter le département pour un emploi

Ces « natifs de retour » sont les plus diplômés des Guyanais vivant dans le département en 2010, et ils bénéficient généralement d’une bonne insertion économique et sociale. Ceux partis pour « études » sont évidement les mieux lotis : les deux tiers (65,4 %) sont diplômés du supérieur, contre 29,6 % pour l’ensemble des « natifs de retour » et seulement 16 % en moyenne départementale. Mieux formés, plus qualifiés, ils se retrouvent logiquement en position très favorable sur le marché du travail : plus de trois sur quatre (77,4 %) occupent un emploi et ils ne comptent dans leur rang que 8 % de chômeurs.
A l’opposé, les Guyanais qui « n’ont jamais quitté leur département » cumulent les difficultés socio-économiques : 46 % n’ont aucun diplôme, seuls 36 % exercent une activité et un sur trois vit en dessous du seuil de pauvreté. On comprend dès lors l’attrait du départ auprès d’une partie de la jeunesse guyanaise, en dépit de leur attachement au pays. Interrogés sur leurs intentions de mobilité, 54 % de ceux âgés de 18 à 34 ans se déclarent prêts à quitter leur département pour un emploi, mais en majorité (60,4 %) ils conditionnent ce départ à la possibilité d’un retour.

Les « immigrants » dans les Dom : la Guyane en première ligne

L’enquête MFV permet pour la première fois une connaissance approfondie des caractéristiques, trajectoires et projets de vie de toutes les personnes qui ne sont pas natives de Guyane, mais ont choisi d’y vivre plus ou moins durablement.
En 2010, ces « immigrants » forment la grande majorité (62,3 %) de la population du département âgée 18 à 79 ans: 42,8 % sont nés à l’étranger, 13,2 % en métropole et 6,2 % dans un autre Dom ou Com. Le contraste ici très net avec les autres Dom où les immigrants sont partout très minoritaires (16 % en Martinique, 17 % à La Réunion et 20 % en Guadeloupe) et, pour la plupart, nés en Métropole. Si leurs arrivées se sont échelonnées tout au long des dernières décennies, la majorité de ces immigrants est installée de longue date en Guyane : près de 4 sur 10 y résident depuis plus de 20 ans (39,1 %). Cette part s’élève à 43,7 % parmi les natifs du Surinam.
A l’inverse, les natifs du Brésil rassemblent la part la plus forte de personnes installées depuis moins de 10 ans (37,6 %). La Guyane connaît ainsi une dynamique de peuplement d’une intensité rare, dont l’impact sur la composition actuelle de sa population est en tout point remarquable. En effet, plus de 7 personnes sur 10 nées en Guyane (73,3 %) sont, à une ou deux générations près, des descendants d’immigrants. En comparaison, la proportion est d’à peine 18 % dans les autres Dom. Cette dynamique démographique souligne avec force le défi guyanais : œuvrer au vivre ensemble d’une population nouvelle pour une société nouvelle. 

La Guyane : première destination du parcours migratoire

Pour la plupart de ces immigrants, la venue en Guyane a constitué la première expérience migratoire. Ils s’y sont installés directement après avoir quitté leur pays ou région d’origine. Seule une minorité (16 %) formée aux 2/3 de métropolitains et de natifs des autres Dom a connu une (ou plusieurs) migration(s) antérieure(s) d’une durée supérieure à un an. La majorité des métropolitains concernés étaient précédemment installés dans un autre Dom-Com (41 %) ou à l’étranger (37 %), les autres avaient regagné la métropole avant de repartir pour la Guyane. Quant aux natifs des Dom, seul 1 sur 10 avait émigré à l’étranger, les 2/3 revenaient de métropole et les autres d’un Dom-Com.
En règle générale, ces immigrants (84 %) ne connaissaient pas la Guyane, à l’exception des Surinamiens dont plus d’un tiers (38,8 %) a profité de la proximité géographique pour une première visite. Les Haïtiens sont les plus nombreux (98 %) à la découvrir au moment de leur installation, et ils y arrivent le plus souvent seuls (86 %). Les Sud-Américains ne sont que 1 sur 2 à faire le même choix, alors que les autres immigrants arrivent majoritairement accompagnés d’un ou plusieurs membres de leur famille.

Une installation souvent précaire des immigrants étrangers à leur arrivée

Les motifs de la venue en Guyane comme les conditions d’installation diffèrent selon l’origine. Pour les natifs d’Haïti et d’Amérique du Sud, les premières raisons évoquées sont la recherche d’un emploi et le souhait de rejoindre un membre de la famille, alors que, pour les métropolitains, prédominent la mutation professionnelle et l’occupation d’un emploi. Il est à noter que 8 fois sur 10 ces derniers disposaient, dès avant leur arrivée, d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche et que 4 fois sur 10 ils bénéficient des avantages de rémunération spécifiques à l’Outre-mer.
S’agissant des conditions d’installation, le contraste le plus net oppose, là encore, la situation des métropolitains à celle des Haïtiens. Si en majorité (52,6 %) les premiers occupent leur propre logement ou sont logés par leur employeur dès leur arrivée, aucun Haïtien ou presque ne bénéfice de tels avantages. A l’égal des autres étrangers, ils comptent avant tout sur la solidarité familiale ou communautaire : 8 fois sur 10, les Haïtiens sont, à leur arrivée, hébergés chez un proche, un ami ou un membre de la famille.
A ces conditions sociales d’installation, s’ajoutent pour les étrangers les règles qui régissent leur droit à la résidence. En 2010, plus de 25 % d’entre eux ont déclaré n’avoir jamais obtenu de titre de séjour depuis leur arrivée ; ce taux s’élève à plus de 4 sur 10 pour les Surinamiens.

Plus de mixité des Guyanais avec les originaires du Brésil et du Surinam

Les immigrants nés à l’étranger vivent plus souvent en couple (59 %), que les Français de naissance (52 %) ou les natifs du département (44 %) et plus souvent en couple mixte. Mais cette mixité varie aussi notablement selon l’origine. Rare chez les Haïtiens, qui près de 9 fois sur 10 ont pour conjoint(e) un(e) compatriote, cette mixité est nettement plus fréquente chez les Surinamiens et les Brésiliens, notamment pour les femmes, lesquelles sont le plus souvent en couple avec un Guyanais ou un métropolitain. A titre d’exemple, 43 % des brésiliennes vivant en couple ont un conjoint français.

Personnes vivants en couple mixte en Guyane selon le pays de naissance et le sexe

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La Guyane : terre d’adoption des Sud américains et des Caribéens

Si une forte part des immigrants (48,3 %) reconnaît avoir rencontré des difficultés depuis leur arrivée, ils ne sont qu’une infime minorité à émettre un jugement négatif sur leur séjour (1,5 %). La plupart se disent satisfaits de leur vie en Guyane. Six sur 10 l’estiment clairement « positive », la proportion atteint les 9 sur 10 si on y ajoute ceux qui la considèrent « plutôt positive » (33,8 %). Sur ce point, ce sont les Haïtiens et les Brésiliens (94 % et 98 %) qui paraissent les plus satisfaits.
Cette appréciation s’accorde bien avec leur choix pour l’avenir : un immigrant sur deux tient la Guyane pour sa terre d’adoption et considère son installation comme définitive. Ce choix de vie est particulièrement fort chez les Haïtiens et Surinamiens (près de 69 %), alors qu’il n’est envisagé que par 45 % des immigrants nés dans un autre Dom. A l’inverse, les Métropolitains vivent le plus souvent la Guyane comme une terre de passage : ils sont à peine 20 % à vouloir s’y établir définitivement.
Cet attachement s’accroit généralement avec le temps : plus l’installation est ancienne, plus ce choix de vie parait déterminé. Seuls les originaires d’Haïti se distinguent : quelle que soit leur période d’arrivée - récente ou très ancienne (plus de 30 ans) - tous expriment avec la même vigueur leur volonté de faire leur vie en Guyane. Les crises politiques et les catastrophes naturelles à répétition qu’a connues Haïti n’y sont certainement pas étrangères. Ce que semblent confirmer les derniers arrivés (depuis 2005) qui montrent un attachement plus vif encore.
L’examen de leur situation patrimoniale éclaire en partie ces choix. Peu souvent propriétaires d’un logement dans leur pays d’origine (4,4 % en moyenne, et seulement 2,6 % pour les haïtiens), les immigrants étrangers leur sont nettement plus souvent en Guyane, c’est le cas pour 26 % des Haïtiens, 35 % des Brésiliens et 40 % des Surinamiens âgés de 18 à 79 ans.
Qu’elle soit vécue comme définitive ou provisoire, l’installation en Guyane s’accompagne pour tous de contacts réguliers avec la famille ou les amis restés au pays (lettre téléphone, internet). Les métropolitains sont les plus assidus. Plus de 8 sur 10 disent correspondre « souvent » avec leurs proches, contre seulement un sur deux chez les Haïtiens, et à peine de 1 sur 3 chez les Surinamiens. Pour ces derniers, on peut penser que le coût des communications téléphoniques et les difficultés plus grandes d’accès à internet limitent la fréquence de ces contacts.
Du reste, l’attachement au pays et à la famille des immigrants nés à l’étranger se traduit très concrètement par l’aide financière qu’ils leur apportent régulièrement ou occasionnellement. En moyenne, pas loin de 6 sur 10 (57 %) déclarent soutenir leurs proches, dont 10 % régulièrement. Les Haïtiens sont, sous cet angle, les plus solidaires (68,4 %) et les plus nombreux à le faire régulièrement (13 %). Au soutien financier à la famille s’ajoutent, en part plus modeste, des contributions financières à des projets collectifs au pays (école, santé, lieu de culte). Ce sont, là encore, les Haïtiens les plus généreux : 10,8 %, contre 8,8 % en moyenne.

Plus d’une femme sur 4 née en Guyane a eu son premier enfant avant 20 ans

La maternité précoce est l’un des traits marquants de la vie familiale dans les Dom. L’enquête en confirme l’importance dans les générations les plus anciennes et souligne surtout son maintien à un niveau élevé dans les générations récentes.
C’est en Guyane (26 %) et à La Réunion (23 %) que la proportion des jeunes femmes déjà mères avant 20 ans est la plus remarquable. Leur part n’a quasiment pas varié au fil des générations, alors qu’elle s’est réduite de moitié aux Antilles à un niveau tout de même très supérieure à la moyenne métropolitaine. Plus significative encore est la part de jeunes mères qui au même âge ont déjà au moins deux enfants. Quasi inexistante en métropole, elle atteint 9 % à La Réunion et 8 % en Guyane, contre seulement 1 % aux Antilles. 

La parentalité précoce au fil des générations
 Part fes femmes natives des DOM ayant au moins un enfant à 20 ans
Unité : %

GuadeloupeMartiniqueGuyaneLa RéunionMétropole
Génération (année de naissance)40- 4980-8940-4980-8940-4980-8940-4980-8940-4980-84
Femmes ayant au moins un enfant à 20 ans2010221129262623104

Source : Enquête Migrations, Famille et Vieillissement, Ined-Insee 2009-2010

La maternité précoce : un substitut de statut social

Ces jeunes mères ont connu le plus souvent une scolarité défaillante. Souvent, l’arrivée de l’enfant coïncide - à un an près - avec la sortie du système scolaire. (41 % des cas en Guyane, 54 % à 56 % aux Antilles et 70 % à La Réunion).
La difficulté à intégrer le marché de l’emploi s’inscrit presque logiquement dans la suite de ce parcours. Peu diplômées, sorties précocement de l’appareil scolaire, elles sont souvent au chômage ou « femmes au foyer ». Elles pâtissent de conditions de vie plus difficiles que la moyenne et sont un peu plus nombreuses à vivre au sein d’un ménage ne déclarant aucun revenu d’activité. Elles sont 34 % dans ce cas en Guyane, contre 15 % pour celles qui n’ont pas d’enfants au même âge.

Un enfant guyanais sur 4 vit toute son enfance au sein d’une famille monoparentale

L’enquête MFV confirme aussi l’importance des familles monoparentales, en abordant, pour la première fois, ce sujet sous l’angle des enfants concernés. Ainsi, près de 25 % des enfants guyanais vivent toute leur enfance (0 à 10 ans) exclusivement au sein d’une famille monoparentale, soit une proportion inférieure à celles enregistrées en Martinique (31 %) et en Guadeloupe (29 %), tandis qu’à La Réunion, seuls 10 % des enfants sont concernés. En Métropole, seul 1 sur 50 a vécu toute son enfance dans une famille monoparentale. Pour une bonne part des enfants guyanais nés en 1990 et 1994 (22 %) la vie dans une famille monoparentale se prolonge jusqu’à l’adolescence (0 à 15 ans). Ils sont 28 % dans ce cas en Martinique, 24 % en Guadeloupe, mais seulement 5 % à La Réunion.

Répartition des enfants (1) selon leur histoire familiale durant l’enfance (0-10 ans)

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Un état de santé plus précaire des personnes âgées en Guyane

En Guyane, 6 % de la population est âgée de 60 ans et plus soit 14 000 personnes. En dépit de la jeunesse de sa population, le département va connaître une progression rapide du nombre des plus âgés. Leur effectif devrait passer à 46 000 en 2030 et à près de 69 000 en 2040. A cette date, leur part serait alors deux fois plus importante qu’en 2007. Mais c’est surtout aux grands âges que cette progression devrait être la plus vive : le département comptera huit fois plus de personnes âgées de 80 ans ou plus qu’aujourd’hui, accentuant ainsi fortement les enjeux de leur prise en charge.
L’importance de cette prise en charge et des exigences de solidarités envers les personnes âgées dépend aussi largement de leur état de santé, lequel se détériore à mesure de l’avancée en âge. A cet égard, c’est en Guyane et à La Réunion que la part des individus se déclarant en difficulté apparaît la plus forte chez les personnes de 60 ans et plus. Parmi les plus âgés (75 ans et plus), ils sont plus de 70 % en Guyane et à La Réunion à déclarer être en « très mauvaise état de santé » ou « limitées dans leurs activités quotidiennes ».
La proportion est supérieure à 60 % aux Antilles contre 40 % en Métropole au même âge (enquête Erfi).

Une aide importante envers les plus âgés
Personnes déclarant recevoir une aide régulière selon l’âge

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Une charge supportée dès 45 ans
Personnes déclarant apporter une aide régulière selon l’âge

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Les 45-54 ans : « générations pivots » des solidarités intergénérationnelles

L’enquête MFV confirme l’importance des solidarités familiales dans l’ensemble des Dom. Ainsi, au-delà de 60 ans, les aînés reçoivent généralement plus qu’ils ne donnent. C’est en Guyane (et à La Réunion) qu’ils reçoivent le plus. Mais les jeunes font l’objet d’une égale attention. Indubitablement, les moins de 25 ans et les plus de 75 ans sont les plus vulnérables et c’est vers eux que se dirige le plus souvent l’entraide familiale. Comparées aux Antilles, la Guyane présente la particularité d’une part importante de personnes qui dès 55 ans reçoivent une aide régulière.
Ce sont les adultes de 45 à 55 ans (« générations pivots ») qui proportionnellement bénéficient le moins de cette entraide familiale et en supportent le plus la charge. Cette génération pivot joue donc un rôle clé dans la solidarité intergénérationnelle. Et singulièrement, en leur sein, les femmes.

Les plus de 65 ans premiers bénéficiaires de l’entraide familiale non financière

L’enquête révèle aussi une répartition très différenciée selon l’âge de la nature de cette entraide et de ses modalités. Ce sont, et de loin, les jeunes de moins de 25 ans qui reçoivent l’essentiel des aides financière.
A l’autre extrême, les plus âgés bénéficient essentiellement d’aide non-financière, dont on peut penser qu’elle est leur apportée très souvent par les plus jeunes qui apparaissent fortement contributeurs sur ce plan.

Nature de l’aide apportée par âge

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Nature de l’aide reçue par âge

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Une précarité ressentie plus forte dans les Dom, surtout au-delà de 70 ans

Aux difficultés physiques ou sanitaires, s’ajoutent pour certains la précarité économique qui est appréciée ici en fonction du ressenti des personnes. Nombreuses sont celles qui déclarent « y arriver difficilement » financièrement ou « ne pouvant pas y arriver sans faire de dette » : entre 30 % et 40 %. Cette pauvreté ressentie apparaît ainsi nettement supérieure à ce qui est observé en Métropole, particulièrement en Guadeloupe et La Réunion.

Personnes déclarant « ne pas pouvoir s’en sortir sans faire des dettes » ou « y arriver difficilement » en fonction de l’âge

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L’enquête Migrations, famille, vieillissement : une première dans les quatre Dom.

En 2009, l’Ined et l’Insee ont engagé, pour la première fois de manière coordonnée dans les quatre Dom, une enquête de grande envergure sur les mutations sociodémographiques en cours et leurs incidences sur l’avenir de ces départements : l’enquête Migrations, famille, vieillissement (MFV).
Trois thèmes d’étude ont été privilégiés, en interrogeant 16 000 personnes âgées de 18 à 79 ans : les évolutions de la vie familiale, les enjeux et conséquences des migrations et les effets du vieillissement sur les solidarités intergénérationnelles.
S’agissant des migrations, l’enquête Mfv permet une analyse fine de leurs réalités dans chacun des Dom. Elle étudie toutes les populations concernées : celles qui partent, celles qui s’installent, autant que celles qui reviennent. Mais elle s’intéresse aussi à ceux qui n’ont jamais quitté leur département, en essayant d’en comprendre les raisons.
Dans son approche de la famille, elle apporte un éclairage inédit en proposant une analyse des parcours familiaux des hommes, des femmes et surtout de leurs enfants. Plus largement, elle examine aussi les modalités d’accès aux biens et aux services (logement, emploi, services publics, santé, etc.) des personnes interrogées et les discriminations dont elles auraient pu être victimes.
Concernant les solidarités intergénérationnelles, l’enquête permet de mesurer l’entraide familiale, qui améliore la vie quotidienne des plus âgés.
Une attention particulière a été également accordée aux jeunes adultes de 18 à 34 ans. L’étude de leur parcours professionnel s’accompagne d’un examen de leur trajectoire scolaire et de leur éventuelle migration pour tenter d’en mesurer l’impact sur l’accès à l’emploi.
Enfin, parce que les Dom sont un creuset original de production, d’échanges et de mixité culturels, l’enquête Mfv s’est aussi intéressée aux formes objectives de ce dynamisme culturel, à l’étude des pratiques et valeurs religieuses et la place de la langue créole au sein des familles et aux réalités de sa transmission.

Précision sur les notions utilisées

Guyanais ou Natif de Guyane : Toute personne née en Guyane quelle que soit sa nationalité à la naissance.
Natif de retour ou Migrant retour : Toute personne née dans le département qui, après un séjour de six mois ou plus hors du département, y étaient réinstallée à la date de l’enquête.
Immigrant : toute personne née hors du département d’enquête. Ces « immigrants » peuvent être nés en France métropolitaine, à l’étranger ou dans un autre DOM ou COM.
Séjour de migration : pour les natifs, séjours de six mois ou plus hors du département.
Aides financières : soutiens financiers apportés ou reçus, de manière régulière (au moins quatre fois par an) entre membres de la famille ou de l’entourage.
Aides non financière ou entraide : aides apportée ou reçues  de manière régulière relatives aux tâches administratives (remplir des formulaires, régler des questions juridiques ou financières…), aux tâches ménagères (petits travaux, jardinage, courses…) ou aux soins personnels (s’habiller, se laver, manger…).
Garde d’enfant : garde d’enfants de moins de 11 ans, régulière (au moins une fois par mois), à caractère non professionnel.

L’enquête MFV a été conçue et préparée par Claude-Valentin Marie* (Direction scientifique), Didier Breton**, Franck Temporal* et Stéphanie Condon*.
Le suivi et la coordination des opérations statistiques ont été assurés par Pascale Pietri-Bessy et Ali Hachid (Cpos-Insee), la responsabilité interrégionale des opérations de collecte pour les Antilles-Guyane par Sylvain Quenum et pour La Réunion par Olivier Fagnot***. Jérémie Torterat***(Criem), a été responsable des opérations méthodologiques et du tirage des échantillons.
La collecte a été assurée par les enquêteurs de l’Insee des Antilles, de la Guyane et de La Réunion.
Pour sa réalisation, cette enquête a bénéficié du partenariat institutionnel et/ou financier de la Préfecture de La Guadeloupe, du Conseil régional de La Guadeloupe, du Conseil général de La Guadeloupe, la Délégation Générale à l’outre-mer, de l’AFD, de la Halde, de L’Acsé et des collectivités locales de la Guadeloupe, de la Guyane et de La Réunion.

* Ined ** - Université de Strasbourg - *** - Insee-Réunion

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