Par Raymond Ferretti : maître de conférence des Universités
Dernière mise à jour : septembre 2016

L’Etat peut prendre plusieurs formes, celle d’un Etat unitaire comme la France, celle d’un Etat composé c’est-à-dire une confédération ou une fédération.

1. L’ETAT UNITAIRE

Cette forme d’Etat s’articule autour d’un modèle idéal qui dans la réalité se rencontre rarement. Quelques aménagements y sont en effet souvent apportés.

1.1. Le modèle idéal

C'est un Etat qui est un, c’est à dire indivisible c’est ce que la Constitution exprime assez clairement, dans son article premier, par la formule célèbre : « La République est indivisible ». Ce principe d’indivisibilité s’applique aussi bien au territoire, qu’à la population ainsi qu’aux pouvoirs publics.

1.1.1. Unité du territoire

En réalité le principe d'indivisibilité se traduit à ce niveau par l’égalité entre collectivités territoriales. Ces collectivités doivent donc être égales en droit, régies par un droit uniforme et découpées de manière aussi régulière que possible.

Ce principe d’uniformité des structures territoriales a été considérablement assoupli. Longtemps, le juge constitutionnel a interprété la nécessité d’une identité de statut de manière extensive en l’imposant même aux départements d’outre-mer (CC, 2 décembre 1982, 82-147, DC, Loi portant adaptation de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique et à la Réunion).

Toutefois la position du Conseil constitutionnel s’est assouplie : d’abord le juge constitutionnel a admis que le législateur puisse créer de nouvelles catégories de collectivité ne comprenant qu’une seule unité (CC, 25 février 1982, 82-138 DC Loi portant statut particulier de la région de Corse), puis que cette collectivité ait un statut spécial (décision précitée de 1991 sur la Corse).

Deux conditions sont cependant maintenues par le juge :

- le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales

- le respect des prérogatives de l’Etat.

Enfin la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 admet le droit à l’expérimentation art 72 de la Constitution

1.1.2. Unité de la population

La population forme un tout : la nation. Aucune partie de celle-ci ne peut revendiquer une place particulière au sein de la République. Ce principe d’unité de la République ou d’indivisibilité a été appliqué à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel.

D’abord dans sa décision de 1991 sur la Corse (CC, 9 mai 1991 - 91-290 DC, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse) par laquelle il refuse de reconnaître un peuple corse même comme composante du peuple français. Celui-ci est un tout. Ainsi est exclue toute reconnaissance de subdivisions nationalitaires.

Ensuite, par sa décision de 1999, (CC, 15 juin 1999 - 99-412 DC Charte européenne des langues régionales ou minoritaires) le Conseil constitutionnel refuse la reconnaissance de minorités linguistiques dotées d’un statut spécial.

1.1.3. Unité de l’organisation politique

A ce niveau le principe d’indivisibilité signifie l’unité du pouvoir normatif de l’Etat. Certes les collectivités territoriales peuvent y participer indirectement à travers le Sénat, mais aucune collectivité territoriale ne peut l’exercer. En censurant la loi sur la Corse le Conseil constitutionnel l’a rappelé récemment (CC, 17 janvier 2002, 2001-454 DC Loi relative à la Corse) en se fondant sur l’article 34 : « La loi est votée par le Parlement ». Seule exception, les territoires d'outremer dont l'assemblée territoriale peut se voir confier par le législateur un pouvoir réglementaire autonome dans un domaine relevant normalement de la loi.

Les autres collectivités territoriales ne détiennent ni pouvoir législatif, ni même un pouvoir réglementaire autonome. Le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales s’exerce dans les conditions fixées par la loi puisque c’est elle qui met en œuvre le principe de libre administration (art. 34 C).

1.2. Les aménagements

1.2.1. La déconcentration

Le décret du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration et pris en application de la loi du 6 février 1992, affirme dans son article premier : « La déconcentration est la règle générale de répartition des attributions et des moyens entre les différents échelons des administrations civiles de l’Etat. »

La déconcentration est un système d’organisation administrative dans lequel sont créés à la périphérie des relais du pouvoir central. Comme le disait Odilon Barrot : « dans le cadre de la déconcentration c’est toujours le même marteau qui frappe mais on en a raccourci le manche ». C’est donc toujours l’Etat qui agit mais pour être plus efficace, il rapproche certaines de ses autorités de ses administrés. En termes plus juridiques, les organes centraux de l’administration d’Etat installent des agents : les services déconcentrés afin d’agir dans des aires géographiques délimités : les circonscriptions administratives.

1.2.1.1. Les services déconcentrés

Les services déconcentrés dépendent des services centraux par le biais du pouvoir hiérarchique. Il est détenu de plein droit par l'autorité supérieure qui peut intervenir, pour des raisons tant d'opportunité que de légalité. Il s’exerce aussi bien sur les personnes que sur les actes.

 Pouvoirs sur les actes:

• Le pouvoir d'instruction : le supérieur hiérarchique indique par voie de circulaires ou directives comment interpréter les textes ou comment mener concrètement son action.

• Le pouvoir de réformation : le supérieur hiérarchique remplace la décision du subordonné par une autre décision qui n’a pas d'effet rétroactif.

• Le pouvoir d'annulation : le supérieur hiérarchique fait disparaître la décision des subordonnés de l'ordonnancement juridique avec effet rétroactif.

 Pouvoirs sur les personnes :

• Le pouvoir de nomination

• Le pouvoir de notation

• Le pouvoir disciplinaire

1.2.1.2. Les circonscriptions administratives

 Définition

Une circonscription administrative est une division du territoire national à l’intérieur de laquelle une autorité administrative est compétente pour agir. Elle n’a pas de personnalité juridique.

 Catégories

• Les circonscriptions administratives générales :

La loi d'orientation no 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République énumère les trois circonscriptions suivantes :

- la circonscription régionale qui « est l'échelon territorial :

1° De la mise en œuvre des politiques nationale et communautaire en matière de développement économique et social et d'aménagement du territoire

2° De l'animation et de la coordination des politiques de l'Etat relatives à la culture, à l'environnement, à la ville et à l'espace rural

3° De la coordination des actions de toute nature intéressant plusieurs départements de la région. Elle constitue un échelon de programmation et de répartition des crédits d'investissement de l'Etat ainsi que de contractualisation des programmes pluriannuels entre l'Etat et les collectivités locales. » (art 3 décret 1-7- 1992)

- la circonscription départementale qui « est l'échelon territorial de mise en œuvre des politiques nationale et communautaire. Les moyens de fonctionnement des services départementaux de l'Etat leur sont alloués directement par les administrations centrales.» (art 4 décret 1-7- 1992)

- la circonscription d’arrondissement qui «est le cadre territorial de l'animation du développement local et de l'action administrative locale de l'Etat. » (art 5 décret 1-7- 1992)

• Les circonscriptions administratives dérogatoires :

-la circonscription communale

-la circonscription cantonale

1.2.2. La décentralisation

Dans le cadre de la décentralisation, la relation centre-périphérie est aménagée différemment puisque ce sont de véritables centres de pouvoir qui sont créés et installés à la périphérie. De manière plus juridique, l’Etat transfère à des collectivités territoriales un certain nombre de compétences exercées sous son contrôle.

La décentralisation est relativement récente en France. Elle apparaît avec la Révolution qui par la loi du 14 décembre 1789 crée une municipalité dans chaque commune. Mais c’est la IIIe République qui va véritablement confirmer ce mouvement à travers la loi du 5 avril 1884 considérée comme la « Charte communale ». Quelques années auparavant, le Département voyait son organisation déterminée par la loi du 10 août 1871. Toutefois c’est la Ve République qui va donner un véritable contenu à la notion de décentralisation avec la loi du 2 mars 1982.

Le maître mot de la décentralisation est donc l’autonomie, qui se traduit en termes plus juridiques par le principe de la libre administration des collectivités locales, posé par l’article 72 de la Constitution.

La Constitution précise que « La France est une république indivisible», mais la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a rappelé solennellement, que « Son organisation est décentralisée. »

 

ENTITESORGANESCOMPETENCESRELATIONS
DECENTRALISATIONPersonnes juridiques distinctes de l’ÉtatÉlusTransféréesContrôle
DECONCENTRATIONAgents de l’ÉtatNommésDéléguéesPouvoir  hiérarchique

 

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1.2.2.1. Des personnes distinctes de l’Etat : les collectivités territoriales

C’est, le principe de la libre administration des collectivités territoriales affirmé par l’article 72 de la Constitution qui exprime le mieux l’autonomie des collectivités territoriales. Celle-ci présente un double aspect juridique et politique.

 L’autonomie juridique

Les collectivités territoriales, ont la personnalité juridique. Ce sont en effet des personnes morales de droit public au même titre que l’Etat lui-même ou encore les établissements publics. En tant que telles, les collectivités territoriales disposent d’un patrimoine, de la capacité d’accomplir des actes juridiques et de la possibilité d’ester en justice.

La Constitution consacre leur existence dans son article 72 :

« Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. »

Mais, d’autres collectivités territoriales peuvent être créées par la loi. C’est ce qui s’est passé pour la région mise en place par la loi du 2 mars 1982 que la récente révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a constitutionalisé.

C’est d’ailleurs la loi qui selon l’article 34 de la Constitution fixe les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales garantissant ainsi les collectivités territoriales contre l’éventuel arbitraire du pouvoir exécutif.

 L’autonomie « politique »

Si les collectivités territoriales sont autonomes c’est aussi parce qu’elles sont administrées par « des conseils élus » (art. 72) Alors que les autorités administratives déconcentrées sont nommées par l’Etat (le Préfet), les organes délibérants des collectivités locales (conseil municipal, conseil général, conseil régional) sont élus au suffrage universel direct par les administrés.

Sans élection du conseil, il ne peut y avoir de collectivité territoriale. C’est si vrai que la région n’est devenue réellement collectivité territoriale qu’à partir de 1986, date de la première élection des conseillers régionaux au suffrage universel direct alors même que la loi du 2 mars 1982 avait élevé la région au rang de collectivité territoriale.

L’article 72 est muet sur les organes exécutifs (maire, président du conseil général, président du conseil régional). Cependant on constate qu’ils sont élus par les organes délibérants et donc au suffrage universel indirect.

Au fond, les collectivités territoriales obéissent ainsi aux principes de la démocratie représentative, et c’est la raison pour laquelle pendant longtemps, on a exclu tout type de référendum local. Ce n’est qu’en 1992 avec la loi du 6 février qu’un référendum purement consultatif a été mis en place au niveau communal, et plus récemment la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a introduit le référendum décisionnel au niveau local (art 72-1 parag. 2 de la Constitution), élargi le référendum consultatif (art 72-1 parag. 3 de la Constitution) et enfin accordé aux électeurs un droit de pétition (art 72-1 parag. 1 de la Constitution)

1.2.2.2. Des compétences propres

 Les principes

 La clause générale de compétence

La notion de collectivité territoriale est liée à celle « d’affaires locales ». C’est ce concept qui est à l’origine de ce que l’on appelle la clause générale de compétence. Cette clause peut être interprétée comme permettant la mise en œuvre d’actions d’intérêt public au niveau communal ou départemental, régional, mais elle ne renvoie pas à des domaines d’activité déterminés.

Toutefois, cette clause connaît quelques limites. D’abord, bien sûr ne sont pas concernées les activités privées. S’agissant des activités publiques, sortent de la compétence des Conseils les actions qui relèvent de l’Etat ou d’autres collectivités territoriales. Enfin, les actions décidées ne peuvent pas aller à l’encontre des lois et décrets en vigueur.

La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a restreint cette « clause générale » pour les départements et les régions à compter du 1er janvier 2015, mais cette mesure a été supprimée par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. Finalement, la loi NOTRe procède, à nouveau, à la suppression de la clause générale de compétence pour les régions et les départements.

 L’attribution législative : le transfert de compétence

C’est la loi du 7 janvier 1983 qui a opéré un transfert relativement massif de compétences de l’Etat vers les collectivités territoriales. D’autres lois ont suivi. Ainsi ce procédé a pris des proportions si importantes qu’il a eu tendance à éclipser le premier.

 Le principe de subsidiarité

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a introduit un nouveau principe relatif à la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales, la subsidiarité. Ainsi, l’article 72 de la Constitution précise dans son deuxième paragraphe : « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ». Ce principe établit de la sorte un équilibre entre le la clause générale de compétence et l’attribution législative de compétence.

 Les garanties

 Les garanties financières

- La constitutionnalisation du principe de la compensation financière des transferts de compétences

Afin d’éviter que le transfert de compétence ne se transforme en transfert de charges, la loi du 2 mars 1982 prévoyait que « tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétence effectués entre l’Etat et les collectivités territoriales ou la région sera compensé par un transfert de ressources » (art 108 de la loi, devenu l’art L.1614-1 du CGCT).

Ce principe a été inscrit dans la Constitution lors de la révision du 28 mars 2003. Désormais, l’article 72-2 comprend-t-il un quatrième paragraphe ainsi rédigé :

« Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

- Le principe de la libre disposition des ressources et ses corollaires

Le nouvel article 72-2 de la Constitution rappelle dans premier paragraphe :

« Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. »

Ce principe est complété par plusieurs corollaires.

- La part déterminante des ressources propres

-La libre fixation du taux et de l’assiette des impositions de toutes natures

-L’égalité par la péréquation

 Les garanties juridiques : le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 met fin à une controverse qui a animé la doctrine durant de nombreuses années, celle relative à l’existence d’un pouvoir réglementaire des collectivités territoriales. Nié par certains, reconnu par les autres ce pouvoir réglementaire est désormais reconnu par l’article 72 de la Constitution et associé au principe de la libre administration des collectivités territoriales :

« Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences. »

Le pouvoir réglementaire constitue donc pour elles, l’instrument juridique qui permet la mise en œuvre du principe de la libre administration des collectivités territoriales.

Toutefois ce pouvoir est encadré. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 17 janvier 2002 sur la loi relative à la Corse, avait affirmé que le pouvoir réglementaire local n'est qu'un pouvoir résiduel. Il ne peut s'exercer en dehors du cadre des compétences dévolues par la loi aux collectivités territoriales. De plus, ce pouvoir réglementaire ne peut avoir « ni pour objet, ni pour effet de mettre en cause le pouvoir réglementaire d'exécution des lois que l'article 21 de la Constitution attribue au Premier ministre, sous réserve des pouvoirs reconnus au président de la République par l'article 1,3 de la Constitution ».

L’article 1er de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (Loi NOTRe) «qu’un conseil régional ou, par délibérations concordantes, plusieurs conseils régionaux peuvent présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires, en vigueur ou en cours d’élaboration, concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement d’une, de plusieurs ou de l’ensemble des régions. » Les propositions adoptées par les conseils régionaux sont transmises par les présidents de conseil régional au Premier ministre et au représentant de l’État dans les régions concernées. Il est à noter que le délai de six mois imparti au Premier ministre pour répondre aux propositions d’évolutions législatives et règlementaires formulées par les régions initialement envisagé n’a finalement pas été retenu. Le Premier ministre n’est donc tenu par aucun délai pour formuler une réponse

 Les limites

 Limites liées à la nature des compétences

En France les compétences transférées ne peuvent être que purement administratives. (CC, 9 mai 1991 - 91-290 DC, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse). Par contre dans des pays voisins, les entités décentralisées peuvent se voir transférer des compétences législatives, on passe alors à la décentralisation politique qui donne naissance à ce que l’on appelle des Etats régionaux. C’est le cas de l’Italie, de l’Espagne, et plus récemment du Royaume-Uni.

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003, a timidement, fait évoluer la question. En effet, le nouvel article 72 de la Constitution prévoit que « les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent … déroger, à titre expérimental … aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences ».

 Limites liées à l’existence d’un contrôle

L’exercice des compétences ne peut se faire que dans le respect des lois et de l’intérêt national comme le rappelle l’article 72 de la Constitution. A cette fin, un « contrôle administratif » est prévu et confié par le même article au représentant de l’Etat.

Ce contrôle ne peut être supprimé, par la loi, mais il peut être réduit à sa plus simple expression. C’est ce qui s’est passé en 1982, lorsque la loi du 2 mars a transformé la tutelle en contrôle. Plus précisément, le contrôle d’opportunité exercé à priori par le préfet, s’est transformé en contrôle de légalité exercé à posteriori sur l’initiative du préfet par le Tribunal administratif.

2. L’ETAT COMPOSÉ

2.1. La fédération ou Etat fédéral

C'est un État d’Etats qui se fonde sur un certain nombre de principes qui mis en œuvre donnent naissance à un phénomène important.

2.1.1. Les principes du fédéralisme

La fédération est une union d’Etats (Etats fédérés) qui débouche sur la création d’un nouvel Etat (l’Etat fédéral). Les Etats fédérés ne disparaissent pas pour autant : ils disposent d’une relative autonomie, mais l’Etat fédéral qui se superpose à eux n’est que le produit de la participation des Etats fédérés.

2.1.1.1. L’autonomie

Les États fédérés sont autonomes sur le plan non seulement administratif, mais aussi législatif et surtout constitutionnel.

 L’autonomie constitutionnelle

Chaque État fédéré a sa propre Constitution. Il dispose d’une double autonomie en ce domaine.

- Une autonomie constitutionnelle organique :

Cette Constitution est le fruit d’un pouvoir constituant propre : la Constitution n’est donc pas accordée, voire élaborée, par l’État fédéral.

- Une autonomie constitutionnelle matérielle :

La Constitution de l’Etat fédéré peut réglementer tout ce qui n’est pas prévu par la Constitution fédérale.

Cette autonomie est le critère qui permet de distinguer l’Etat fédéral de l’Etat «régional ».

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 L'autonomie législative

Chaque Etat fédéré peut adopter ses propres lois.

 L’autonomie législative organique :

Dans chaque État fédéré il existe un Parlement local qui adopte des lois locales, c'est à dire applicables sur le territoire de l’Etat fédéré.

 L’autonomie législative matérielle :

Les Etats fédérés sont compétents dans un domaine qui est délimité par la Constitution fédérale. Le partage de compétence pouvant se faire selon des procédés variés.

 L’autonomie administrative

Chaque Etat fédéré dispose bien sûr d’administrations propres.

2.1.1.2. La participation

Chaque Etat fédéré a la possibilité de participer à l’expression de la volonté de l’Etat fédéral, tant sur le plan législatif que constitutionnel.

 La participation de l’État fédéré au pouvoir législatif fédéral

- Une participation directe : l’initiative législative : rare

- Une participation indirecte : la deuxième chambre fédérale

Cette chambre est composée de représentants des Etats fédérés : le Sénat aux Etats-Unis.

Cette chambre doit avoir des pouvoirs non négligeables dans la procédure législative.

 La participation de l’Etat fédéré au pouvoir constituant fédéral

- Une participation directe : pouvoir d’initiative ou de ratification des organes locaux

- Une participation indirecte : par le biais de la seconde chambre fédérale   

Procédure de révision de la constitution américaine

 

1. Élaboration (2/3)

 

 

   Par le vote d'un amendement par le Congrès à la majorité des 2/3 dans chaque chambre

 SOIT  

Par le vote d'une proposition de révision par les " 2/3 des    législatures, puis une convention nationale rédige l'amendement. 

 

2. Ratification (3/4 des Etats doivent accepter l'amendement)

 

 Par l'intermédiaire de leurs législatures locales

 SOIT

 Par l'intermédiaire de conventions d'État

 

 La superposition

Le droit fédéral l’emporte sur le droit fédéré et directement c'est à dire sans intervention des autorités locales.

 La primauté du droit fédéral

 L'applicabilité directe du droit fédéral

2.1.2. Le phénomène fédéral

2.1.2.1. La formation des fédérations

 Le fédéralisme par association

C'est le fédéralisme classique, illustré par les Etats-Unis, dans lequel les Etats s’unissent pour former un Etat qui les englobe.

« Il est relativement fréquent que l'intégration des Etats fédérés au sein d'un État fédéral soit précédée par la création d'une Confédération qui regroupe d'abord ces Etats. Ainsi, la Fédération des Etats-Unis d'Amérique du Nord en 1787 a succédé à la Confédération qui avait été créée en 1776 entre les mêmes treize Etats. La Confédération helvétique, qui devait - sans modifier son nom - devenir un authentique Etat fédéral en 1848 avait été fondée en 1315 par trois cantons auxquels les autres sont venus s'associer progressivement. La création de l'Empire allemand en 1871 avait été annoncée par la formation de la Confédération de l'Allemagne du Nord en 1866... »

Bernard CHANTEBOUT Droit constitutionnel et science politique A. COLIN p. 69

 Le fédéralisme par dissociation

C'est une hypothèse plus récente qu’illustre bien la Belgique. Etat unitaire, depuis sa création en 1830, la Belgique s’est largement décentralisée entre 1970 et 1980. De nombreuses compétences politiques étant ainsi transférées dans des domaines de plus en plus importants. Puis un pas important a été franchi en 1993 à travers la transformation de l’Etat unitaire en Etat fédéral.

2.12.2. L’évolution des fédérations

Les fédérations connaissent trois sortes d’évolution.

 La centralisation

Phénomène fréquent dans les vieilles fédérations ou l’Etat fédéral développe ses compétences au détriment des Etats fédérés. Les moyens utilisés peuvent être divers : le parti unique dans l’ancienne URSS, la théorie des « implied powers » appliquée par la Cour Suprême des Etats-Unis.

 L’éclatement

Cette tendance à l’éclatement peut se dessiner dans un contexte pacifique comme au Canada où la province du Québec revendique périodiquement un statut de plus grande autonomie quand ce n’est pas la partition. Mais elle a abouti dans des conditions tragiques en Yougoslavie ou encore en Russie avec la guerre de Tchétchénie.

 Le fédéralisme coopératif

En Allemagne, le Bund et les Länder coopèrent dans un certain nombre de domaines par le biais d’organes qui au départ étaient improvisés, puis qui ont été inscrit dans la Loi fondamentale. Cette coopération dessine une voie moyenne entre les deux types d’évolution précédents.

2.2. La confédération

2.2.1. Les critères de la confédération

2.2.1.1. Le traité

C'est un Traité qui crée la Confédération et non pas une Constitution. Autrement dit c'est un acte juridique international qui est à l’origine de la Confédération. On reste dans le cadre du droit international alors que la fédération se situe dans le cadre du droit interne et c'est pourquoi l’acte fondateur de celle-ci est une Constitution.

2.2.1.2. L’unanimité

Dans une Confédération les décisions prises par l’organe commun sont prises à l’unanimité et non à la majorité comme dans les Fédérations.

2.2.2. Le phénomène confédéral

2.2.2.1. La forme historique

C'est une formule qui précède la Fédération comme dans le cas américain, suisse et allemand. (Voir plus haut).Mais plus récemment on a vu la Confédération succéder à la Fédération.

« Un nouveau pacte fédéral proposé par M. Gorbatchev sera approuvé par référendum- le premier référendum de l'histoire soviétique - le 17 mars 1991. Mais le Traité d'union sera aussitôt contesté, à la fois par les Etats baltes et la Géorgie qui refuseront d'y adhérer, et par les «conservateurs » qui, pour en empêcher l'application, tenteront de déposer Gorbatchev le 19 août 1991. L'échec de ce putsch, et la création, le 8 décembre à Minsk, entre la Russie, l'Ukraine et la Bélarus d'une Communauté des Etats indépendants de nature confédérale à laquelle se rallieront, le 21 décembre, huit autres des quinze Républiques jusque-là fédérées, précipiteront la dislocation de l'U.R.S.S. qui sera officiellement constatée le 25 décembre par la démission de Gorbatchev de ses fonctions de Président de l'Union. La Russie, la plus vaste des Républiques issues de ce démembrement de l'U.R.S.S., et qui comportait déjà en son sein plusieurs Républiques autonomes, conserve une structure fédérale. »

Bernard CHANTEBOUT Droit constitutionnel et science politique A. COLIN p. 70

2.2.2.2. Les autres formes

 La forme post-coloniale

Le Commonwealth britannique en est le prototype. En France, on a voulu reprendre ce modèle en prévoyant dans la Constitution la mise place d’une Communauté française.

 L’organisation internationale

Les organisations internationales sont des unions d’Etats créées en vue de la réalisation d’objectifs communs par l’intermédiaire d’organes permanents sur la base d’un traité. On est pas loin de la définition des confédérations. Simplement l’organisation dispose de la personnalité juridique ce qui n’est pas le cas de la confédération.

ÉTAT UNITAIREÉTAT FÉDÉRAL 
DECONCENTRATIONDECENTRALISATION ADMINISTRATIVEDECENTRALISATION POLITIQUEFEDERALISMECONFEDERATION
 

Autonomie

- administrative

Autonomie

- administrative

- législative

Autonomie

- administrative

- législative

-constitutionnelle

 

 

   

Raymond FERRETTI, Maître de conférences des Universités, août 2016 Page 17

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