Par Eric Guérin

Dernière mise à jour : juillet 2019

La constitution d'un État est à la fois l'acte politique à valeur juridique et la loi fondamentale qui unit et régit de manière organisée et hiérarchisée l’ensemble des rapports entre gouvernants et gouvernés au sein de cet État, en tant qu'unité d'espace géographique et humain. La constitution garantit aussi les droits et les libertés de la communauté humaine. En France, le Conseil constitutionnel a en 1971 élargi la notion de constitution en considérant qu’il fallait ajouter au texte de 1958, la DDHC de 1789 et le préambule de la Constitution de 1946.

Aujourd'hui, chaque État a une constitution, quelle que soit la forme qu'elle prenne, qu'elle soit réellement appliquée ou non. Le plus souvent elle prend la forme d’un acte formel ce qui n’empêche pas l’existence de coutumes constitutionnelles. Nous allons donc tenter de cerner la notion de constitution ; d’en préciser les modalités d’adoption ; et enfin de présenter les modalités du contrôle de constitutionnalité.

1 La notion de constitution

La notion de constitution peut se définir sous trois aspects qui se combinent :

1.1 La définition formelle de la Constitution

La constitution est un acte juridique, le plus souvent concrétisé par un ou plusieurs documents écrits nouveaux. Cet acte se situe au sommet de son ordre juridique : tout autre acte juridique doit être conforme à ses prescriptions. Ainsi, selon la théorie de la hiérarchie des normes, développée notamment par Hans Kelsen, chaque règle de droit est légitimée par une règle de droit supérieure et à laquelle elle doit être conforme. La Constitution se trouve ainsi être la loi fondamentale qui légitime toutes les normes inférieures.

Une Constitution écrite est formalisée dans un texte unique ou un ensemble de lois constitutionnelles. Elles représentent la grande majorité des constitutions modernes.

La Constitution coutumière est l'ensemble des règles relatives à l'organisation du pouvoir qui ne se trouvent pas sous forme écrite. Ces règles sont appelées « Conventions de constitution ». Cela n'empêche pas qu’un ou plusieurs documents écrits servent de base pour cette constitution.

Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, l'organisation politique des États était régie presque entièrement par la coutume, notamment dans les États monarchiques avec des règles de dévolution du monarque. La forme coutumière a progressivement disparu en même temps que la monarchie absolue. En effet, les XVIIIe et XIXe siècles correspondent à des époques de rénovation politique et, par conséquent, constitutionnelle.

Actuellement, seul le Royaume-Uni est resté fidèle à une constitution coutumière parmi les États occidentaux, même si cette position doit être nuancée (voir infra Constitution du Royaume-Uni). D'autres pays dans le monde, notamment certains pays musulmans comme l'Arabie Saoudite (mais en réalité l'Arabie Saoudite a une constitution religieuse et non pas coutumière), ou encore Israël, la Nouvelle-Zélande ou le Québec (province canadienne), en sont dotés également.

1.2 La définition organique de la constitution

Cette place au sommet de la hiérarchie des normes résulte du fait que la Constitution est créée par le pouvoir constituant originaire, et révisée par le pouvoir constituant dérivé. C'est donc un acte juridique imposé par le pouvoir constituant à tous les organes de l'État et à la société. Elle relève donc d'une logique verticale du pouvoir, comme les lois ou les règlements. Cette logique s'oppose à celle, horizontale, des contrats et des traités (nom donné à des contrats particuliers entre personnes morales de droit international), où les cocontractants sont, tout au moins juridiquement, égaux, et doivent consentir aux droits et obligations résultant des actes qu'ils signent.

Des confusions ont pu apparaître entre ces deux logiques, du fait de la doctrine du contrat social. Cette théorie consiste à dire que la Constitution de l'État résulte d'un contrat passé entre tous les citoyens, égaux en droit. Cependant, cette doctrine n'a pas de réalité juridique.

1.3 La définition matérielle de la constitution

Si l’on se fonde sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen toute constitution se doit de contenir deux choses essentielles : d'une part, l'ensemble des règles qui organisent les pouvoirs publics et leurs rapports entre eux (gouvernement, parlement, président, roi...), d'autre part, les libertés publiques (ou libertés fondamentales) qui sont accordées à toute personne résidant sur le territoire ou ressortissante de l'État concerné. On retrouve le plus souvent dans cette dernière catégorie des droits ou libertés tels que la liberté d'aller et venir, la liberté d'expression...

C'est le sens de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution.»

2 L’élaboration de la Constitution

Une constitution est rigide lorsque la procédure prévue pour la révision de la constitution est peu aisée à mettre en œuvre. Une constitution est souple lorsque la révision de la constitution s'avère techniquement plus simple.

Cependant, une révision peut être rigide au sens technique, mais souple au sens pratique. La Constitution française prévoit une procédure de révision difficile à mettre en œuvre, elle est techniquement rigide : elle a cependant été révisée de nombreuses fois depuis l'avènement de la Ve République.

Une constitution peut également être souple au sens technique, mais rigide au sens pratique. La constitution coutumière britannique n'est pas, au sens technique, difficile à réviser, elle possède un caractère souple. Le contexte social et politique du pays et son attachement à la tradition constitue cependant un obstacle à la révision : elle possède donc, de fait, un caractère rigide.

En France la révision de la Constitution relève de l’article 89 de la Constitution. Elle s'effectue en 3 phases spécifiques : initiative, discussion et adoption, ratification. La loi constitutionnelle est ensuite promulguée par le Président de la République.

« L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier Ministre et aux membres du Parlement.

Le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.

Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l'Assemblée Nationale.

Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire.

La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision. »

3 Le respect de la constitution

La constitution n’a véritablement de valeur que s’il existe une juridiction compétente pour en assurer le respect. Il existe deux grands systèmes opposés et complémentaires de contrôle de la constitutionnalité des lois.

3.1 Le contrôle de constitutionnalité par voie d’action

Le contrôle par voie d’action correspond au modèle européen. Le contrôle relève d’une juridiction spécialisée qui a le monopole du contrôle de constitutionnalité. Il se fait a priori mais de façon abstraite.

Le contrôle par voie d’action présente l’avantage de la sécurité juridique puisque la loi est contrôlée avant son entrée en vigueur. En revanche, une loi qui n’aurait pas fait l’objet d’un contrôle, soit parce que le juge n’a pas été saisi, soit parce qu’il n’existait pas de contrôle au moment de sa promulgation, ne peut plus faire l’objet d’une censure.

3.2 Le contrôle de constitutionnalité par voie d’exception

Le contrôle par voie d’exception correspond au modèle nord-américain. Il est effectué par les tribunaux ordinaires (contrôle diffus). Le contrôle est exercé concrètement à partir d’un contentieux et a posteriori

Ce type d’action est né aux États-Unis. La Cour suprême exerce un contrôle constitutionnel élaboré par la jurisprudence Marbury v. Madison en 1803. Elle s'est octroyé le droit (qui n'était pas prévu dans la Constitution) d'apprécier la loi fédérale par rapport à la constitution. En 1810, elle s'est également attribué le droit d'apprécier la conformité des lois des Etats fédérés par rapport à la constitution. C'est, selon elle, une extension de sa mission de "dire le droit" et de trancher les litiges. Aux USA, le contrôle constitutionnel se fait par voie d'exception, c'est-à-dire qu'il ne se fait pas de droit mais c'est la Cour Suprême qui décide de se saisir d'une affaire qui l'intéresse. Lorsqu'une loi est déclarée inconstitutionnelle, elle n'est pas directement "annulée" mais plutôt "suspendue" dans son exécution. C'est ainsi un contrôle a posteriori de la loi, puisqu'elle doit être entrée en vigueur pour pouvoir subir ce contrôle.

Cette voie d’action présente l’avantage de rendre toujours possible le contrôle de constitutionnalité d’une loi même des années après sa promulgation. En revanche, il présente l’inconvénient de l’insécurité juridique. Que se passe-t-il lorsque le juge déclare inconstitutionnelle une loi qui s’applique depuis des années ? En France, il existe une procédure appelée « Question prioritaire de constitutionnalité » qui se rapproche de cette procédure.

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