Par Eric Guérin

Dernière mise à jour : juillet 2019

Le régime juridique des libertés publiques repose sur les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme tels que les interprètes la Cour européenne des droits de l’homme. Toutefois, les sources nationales ne sont pas à négliger. Les Etats partis à la Convention restent libres de fixer par voie législative le régime juridique des principales libertés et les juridictions nationales d’exercer leur propre contrôle.

1 Le droit à la vie et la dignité humaine

Le droit à la vie et la dignité humaine ne sont pas expressément mentions dans la Constitution française. Toutefois, la jurisprudence fait régulièrement référence au respect de la dignité de la personne humaine et la Convention européenne des droits de l’homme accorde à ces deux droits une protection explicite (articles 2 à 4 de la Convention).

1.1 Le droit à la vie

1.1.1 L’énoncé du droit à la vie

Le droit à la vie est protégé par l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme qui dispose : « le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ».

Le droit à la vie peut supporter des exceptions pour des motifs considérés comme légitime. Il en va ainsi en cas de légitime défense, d’arrestation régulière ou de répression d’émeutes. Il revient aux Etat non le soin non seulement le soin de ne pas porter atteinte au droit à la vie mais également de prendre les mesures nécessaires pour protéger les personnes. Des obligations positives pèsent sur les Etats et la Cour européenne des droits de l’homme le rappelle régulièrement. A ce titre la France a été condamnée en 2008 (arrêt du 16 octobre 2008 Renolde c/ France) pour avoir manqué à son obligation de protéger le droit à la vie d’un détenu qui s’était suicidé, car son placement en cellule disciplinaire n’était pas approprié à ses troubles mentaux.

1.1.2 Le droit à la vie et la peine de mort

L’article 2 de la Convention précitée n’interdit pas le recours à la peine de mort. Toutefois, la Cour estime que si un tribunal prononce la peine de mort, il doit avoir respecté les principes de l’article 6 de la Convention relatifs au droit à un procès équitable. Par ailleurs, la Cour estime que l’extradition d’un individu vers un Etat (les Etats Unis) pour un crime passible de la peine de mort constitue un traitement inhumain et dégradant (article 3 – arrêt soering du 7 juillet 1989).

L’abolition de la peine de mort s’étant répendue en Europe, les sixième et treizième protocoles additionnels à la Convention portent abolition de la peine de mort dans les Etats signataires. La France a aboli la peine de mort par la loi du 9 octobre 1981 et en 2007 cette abolition a été renforcée par une révision de la Constitution. Désormais l’article 66-1 de la Constitution dispose que « Nul ne peut être condamné à la peine de mort ».

1.1.3 Le droit à la vie et l’avortement

La question du droit à l’avortement pose à la fois des questions d’ordre moral, éthique ou religieuse. Mais sur le plan juridique l’article 2 de la Convention précité reste silencieux. En droit français, le Conseil constitutionnel s’est prononcé en faveur de la conformité de la loi autorisant l’IVG dans sa décision du 15 janvier 1975. Actuellement L’IVG est possible, en dehors des cas thérapeutiques, dans un délai de 12 semaines (loi du 7 juillet 2001).

1.2 La dignité humaine

La dignité humaine est protégée par les dispositions des articles 3 et 4 de la Convention européenne des droits de l’homme qui prohibent la torture et l’esclavage et le travail forcé, pour protéger de manière concrète la dignité humaine. En droit Français, la Constitution ne protège pas explicitement la dignité humaine, mais la jurisprudence du Conseil constitutionnel et celle du Conseil d’Etat y font référence.

1.2.1 Le respect de l’intégrité physique

1.2.1.1La prohibition de la torture et des traitements inhumains ou dégradants

Selon l’article 3 de la Convention « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Pour qu’un traitement soit considéré comme tel, il doit atteindre un minimum de gravité. Les atteintes peuvent toucher des situations très différentes. Par exemple

1.2.1.2 Le respect du corps humain

Le respect du corps humain complète l’interdiction des traitements inhumains et dégradants. En France, la loi du 20 décembre 1988 règlemente les expérimentations sur le corps humain, dont la finalité ne peut être que scientifique ou thérapeutique. Mais surtout les lois de juillet 1994 et du 6 aout 2004 forment un corpus juridique relatif à la bioéthique. De plus, le Code civil proclame l’inviolabilité et la non-patrimonialité du corps humain (interdiction de faire commerce de ses organes ou de son sang). La loi de 2004 interdit le clonage reproductif ou thérapeutique, la recherche sur l’embryon et le recours aux techniques d’eugénisme.

La loi du 7 juillet 2011 ajuste la bioéthique aux enjeux contemporains. Elle réaffirme des principes anciens auxquels notre législation reste attachée comme l’interdiction de la gestation pour autrui, l’anonymat du don de gamètes, le principe de l’interdiction des recherches sur les cellules souches,…

La loi procède à certaines modifications en matière d’assistance médicale à la procréation, mais plus encore a autorisé le don croisé d’organes. Le législateur a autorisé cette pratique « en cas d'incompatibilité entre la personne ayant exprimé l'intention de don et la personne dans l'intérêt de laquelle le prélèvement peut être opéré (...), rendant impossible la greffe ». Le don croisé d'organes consiste pour le receveur potentiel à bénéficier du don d'une autre personne ayant exprimé l'intention de don et également placée dans une situation d'incompatibilité à l'égard de la personne dans l'intérêt de laquelle le prélèvement peut être opéré, tandis que cette dernière bénéficie du don du premier donneur. En cas de mise en oeuvre d'un don croisé, les actes de prélèvement et de greffe sont engagés de façon simultanée respectivement sur les deux donneurs et sur les deux receveurs. L'anonymat entre donneur et receveur est respecté.

1.2.1.3 L’interdiction de l’esclavage et du travail forcé

L’article 4 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que « nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire ». La Convention signée à Genève de 25 septembre 1926 défini l’esclavage comme la condition de l’individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété.

1.2.2 La prohibition des discriminations

Il existe en droit européen un principe général de non-discrimination repris en droit Français par les juridictions nationales. La discrimination peut être définie comme une inégalité de traitement fondée sur une caractéristique intrinsèque de l’individu tel, la race, la religion, le sexe, …. Une clause de non-discrimination est prévue à l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ce droit à la non-discrimination inclut l’interdiction pour les Etats de procéder à des différences de traitement mais également l’obligation de traiter de façon différente des personnes placées dans des situations objectives différentes.

En droit français, les discriminations sont prohibées par les dispositions du Préambule de 1946 (alinéa 1). Le principe d’égalité est en outre proclamé à de nombreuses reprises dans la Constitution :

  • Article 1 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « les hommes naissent et demeure libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ».
  • L’article 6 de la Déclaration qui affirme le droit de tous les citoyens à concourir à l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens doivent être égaux devant la loi.
  • Alinéa 3 du Préambule de 1946 : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ».
  • Article 1 de la Constitution : La France « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

La jurisprudence du Conseil constitutionnel et celle du Conseil d’Etat sont désormais bien établis en matière de lutte contre les discriminations. De plus, la loi du 30 décembre 2004 a instauré la Haute autorité de lutte contre les discriminations (HALDE) chargée d’émettre des avis ou des recommandations en matière de discrimination.

2 Les libertés individuelles

Les libertés individuelles recouvrent deux aspects. Il s’agit en premier lieu du droit de ne pas être arrêté et détenu arbitrairement. On parle de droit à la sûreté. Mais il s’agit également de la liberté d’aller et de venir.

2.1 Le droit à la sûreté

2.1.1 Le droit à un juge indépendant

Le droit à la sûreté figure dans la Déclaration des Droit de l’Homme et du Citoyen parmi les droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Cette liberté est également consacrée par le Conseil constitutionnel. De même l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que « toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté ». Ce principe implique également que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial (article 6 CEDH). Dans notre Constitution, le principe d’indépendance des juges est garanti par l’article 64 de la Constitution.

Le juge administratif de son coté s’assure que l’administration ne se comporte pas de façon arbitraire. Pendant la guerre d’Algérie, deux juridictions ont été créés : le Haut tribunal militaire, qui a donné lieu à l’arrêt Rubin de Servens (Conseil d’Etat, 2/3/1962), et la Cour militaire de justice. Par l’arrêt Canal (Conseil d’Etat, 19/10/1962), le Conseil d’Etat se reconnaît compétent pour connaître du recours formé contre la création de cette cour, et constate que les atteintes aux principes généraux du droit pénal étaient excessifs, notamment par la procédure qui y est prévue et par l’exclusion de toute voie de recours.

2.1.2 Le principe de la légalité des délits et des peines et la présomption d’innocence

Ce principe est consacré par l’article 7 de la DDHC, l’article 7 de la CEDH et l’article. Ce principe implique que pour chaque affaire, le juge doit qualifier les faits en visant le texte applicable. Si le fait reproché n’est ni prévu, ni puni, il ne peut y avoir ni poursuite ni condamnation. De plus, le texte ne s’applique qu’aux seules hypothèses qu’il prévoit. Ce principe est repris par le Code pénal. Ce principe est essentiel car il n’y a pas de liberté quand un acte, licite au moment où il a été accompli, peut exposer son auteur à une sanction.

Le principe de la présomption d’innocence est consacré par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par l’article 6-2 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ce principe implique que l’accusation doit prouver la culpabilité de l’intéressé. Avant qu’un jugement de condamnation ne soit intervenu, l’inculpé doit être considéré comme innocent, même s’il existe contre lui des indices graves et concordants de culpabilité.

2.1.3 Les mesures privatives de liberté

Les mesures privatives de liberté prises par les autorités de police judiciaire et notamment la garde à vue doivent respecter des procédures garantissant les droits du justiciable. S’agissant de la garde à vu la loi du 15 juin 2000 prévoit qu’elle doit être limitée aux strictes nécessités de la procédure. De plus, par une décision du 30 juillet 2010 le Conseil constitutionnel a estimé que le Code de procédure pénale n’instaurait pas toutes les garanties nécessaires à la préservation des libertés publiques. A la suite de cette décision, le régime de la garde à vue a été modifié par la loi du 14 avril 2011 permettant à l’avocat d’être présent pendant toute la durée de la garde à vue.

La détention provisoire fait également l’objet de mesure d’encadrement strict. Elle ne peut être ordonnée que pour des individus ayant commis les infractions les plus graves. Elle doit être l’unique moyen de conserver les preuves ou d’empêcher de faire pression sur des témoins. En outre, elle ne doit pas dépasser un délai raisonnable. La Cour européenne de justice tolère rarement des détentions provisoires excédant une durée supérieure à deux ans.

Les hospitalisations d’office en raison de troubles psychiatriques sont également régies par l’article 5 de la Convention précitée. En France, ces hospitalisations relèvent du régime de la loi du 27 juin 1990 et se font soit à la demande d’un tiers soit à la demande du préfet et doivent être précédées d’expertises médicales. Ces mesures se font sous le contrôle du procureur de la République.

2.2 La liberté d’aller et de venir

La liberté d’aller et de venir présente plusieurs aspects : droit d’entrée et de sortie du territoire, droit de circuler librement, liberté d’installation …. Toutefois, des dispositions particulières sont applicables aux non-nationaux.

2.2.1 La garantie de la libre circulation en général

A l’intérieur du territoire national, la liberté d’aller et venir est totale : chacun peut circuler sur l’ensemble du territoire dès lors qu’il y est régulièrement entré. L’article 2 al.1 du protocole 4 de la CEDH, proscrit toute interdiction générale d’exercer cette liberté. Son exercice peut toutefois être limité pour des raisons d’ordre public ou de sécurité. Par exemple, la Cour de cassation dans un arrêt Bonnet du 28 novembre 1984 s’est fondée sur ces dispositions internationales pour juger que le retrait d’un passeport par la police des frontières pour motif fiscal constituait une voie de fait, car il y avait atteinte grave à la liberté fondamentale de quitter le territoire national. Le Conseil d’Etat adopte la même position mais en se fondant sur l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

La liberté d’aller et venir peut toutefois supporter certaines limites. Certaines sont propres à une catégorie de personnes, comme par exemple pour les gens du voyage, les personnes assignées à résidence, celles faisant l’objet d’une interdiction de séjour,… . D’autres limites résultent des circonstances comme par exemple les contrôles d’identité. Les agents ou officiers de police judiciaire peuvent les exercer dès lors qu’il existe un indice à l’égard d’une personne qui fait présumer qu’elle a commis une infraction ou s’apprête à la commettre, ou en a été témoin. De même, les vérifications d’identité permettent de retenir une personne pendant 4 heures afin de procéder à la vérification des informations déclinées par la personne.

2.2.2 Le régime particulier applicable aux étrangers

Les conditions d’entrée et de séjour des étrangers peuvent être restreintes par mesure de police administrative conférant à l’autorité publique des pouvoirs spéciaux étendus, et reposant sur des règles spéciales (autorisation préalable). Les conditions d’entrée sont privilégiées pour les ressortissants de l’Union Européenne, et encore plus avec les états signataires des accords de Schengen.

L’étranger relevant du régime général doit présenter des documents et visas exigés par les traités et règlements en vigueur (variables suivant la nationalité). Le plus souvent, il faut un passeport régulier et un visa d’entrée. Ce dernier est considéré comme une faveur accordée discrétionnairement par les autorités administratives et diplomatiques, et le refus de l’accorder n’a pas à être motivé. En cas d’entrée clandestine, l’étranger encourt une amende et une peine de prison. Une la loi de 1992 fait encourir une amende à toute entreprise de transport débarquant en France tout passager clandestin.

Le ressortissant étranger doit également présenter des documents relatifs à l’objet et aux conditions du séjour ; posséder des documents relatifs à ses moyens d’existence (espèces, cartes de paiement, chèques de voyage) et des documents relatifs à son rapatriement ; ne pas être indésirable sur le territoire : ne pas constituer une menace pour l’ordre public, faire l’objet d’une interdiction de territoire ou d’un arrêté d’expulsion.

Un ressortissant étranger séjournant sur le territoire national et ne remplissant pas ces conditions peut faire l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière. Dans l’attende de sa reconduction il peut faire l’objet d’une mesure de rétention administrative. Mais dans ce cas il doit bénéficier de certains droits comme le recours à un interprète, consulter un médecin… Et la rétention ne doit pas dépasser un délai raisonnable.

Le droit d’asile est cependant reconnu par le préambule de 1946. Les personnes admises à ce titre sur le territoire français demanderont à bénéficier du statut de réfugié qui leur donne droit à une carte de résident. L’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides accorde ou refuse ce statut. Un recours est possible devant la Commission de recours, et devant le Conseil d’Etat.

Les ressortissants étrangers hors Union européenne sont en outre soumis aux principes résultant des accords de Schengen. La convention de Schengen signée le 14 juin 1985 repose le principe de la disparition des frontières intérieures et le renforcement des frontières extérieures pour assurer la sécurité des citoyens au sein d’un espace de libre circulation. A l’intérieur des frontières de l’Union la circulation est libre mais le contrôle se fait aux frontières extérieures sous la responsabilité de l’Etat qui a la charge de contrôler la frontière. Ce dispositif implique notamment une politique de visas commune. Par ailleurs, le système d’information Schengen (SIS) est une pièce essentielle du dispositif. Il permet des échanges d’informations sur les personnes signalées, en matière d’immigration ou de procédure judiciaire, ou pour des objets volés. Il s’agit donc d’un système très perfectionné de coopération entre les États membres de l’espace Schengen pour veiller à ce que la liberté de circulation ne s’accompagne pas d’une moindre sécurité.

Les accords de Schengen supposent la suppression des contrôles aux frontières intérieures. Cependant, des contrôles temporaires peuvent cependant être remis en place pour des motifs de sécurité ou d’ordre public. Par exemple lors d’une manifestation sportive comme la coupe du monde de football.

3 Le droit au respect de la vie privée

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Le droit au respect de la vie privée recouvre de multiples aspects.

3.1 La protection du domicile

La notion de domicile est entendue de façon souple et recouvre plusieurs lieux et situations. Ainsi le lieu d’exercice du domicile ou le véhicule peuvent être considéré comme un prolongement du domicile. La protection du domicile implique notamment un encadrement strict de la procédure de perquisition ou de fouille. En droit français les perquisitions sont prévues par le droit pénal. Elles doivent être décidées par le juge judiciaire dans le cadre d’une enquête mais elles peuvent, en cas de flagrance, être décidées par un officier de police judiciaire. De plus, la loi encadre les perquisitions dans le temps (entre 21h et 6h sauf décision spéciale du juge). Le domicile fait ainsi l’objet d’une protection particulière même dans le cadre d’une procédure judiciaire.

3.2 La protection de la correspondance

Le droit au respect de la vie privée inclut le respect du secret de la correspondance, c'est-à-dire le droit d’échanger confidentiellement avec autrui par un moyen de communication (lettre, téléphone, courrier électronique). En France, les écoutes téléphoniques depuis 1991 doivent faire l’objet soit d’une autorisation écrite et motivée du Premier ministre (écoute administrative) soit d’une autorisation d’un juge (écoute judiciaire) pour les crimes et délits passibles d’une peine supérieure à deux ans d’emprisonnement.

3.3 Le droit à l’image

Le droit à l’image protège la personne et l’utilisation qui en est faite. C’est le droit reconnu à toute personne de s’opposer à ce que son image soit figée, reproduite ou diffusée sans son consentement ou dans des conditions qu’elle n’a pas acceptées. La protection du droit à l’image est civile et pénale.

Le droit à l’image est protégé par le droit civil même s’il n’est pas formulé expressément dans le Code Civil. Cependant deux articles du Code Civil peuvent servir de fondement à ce droit :

  • L’article 9 :

Chacun a droit au respect de sa vie privée.

Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.

  • et l’article 1382 :

Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Les articles 226-1 et 226-2 du Code pénal sanctionnent les atteintes au droit à l’image.

  • Article 226-1

Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :

1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;

2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.

Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé.

  • Article 226-2

Est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit, tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1.

Lorsque le délit prévu par l'alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.

4 La liberté de conscience et la liberté d’expression

4.1 La liberté de conscience, d’opinion et de religion

La liberté de conscience, qui englobe la liberté de religion, désigne le choix fait par un individu des valeurs ou des principes qui vont conduire son existence. Ce choix est de manière générale plus ou moins encadré par les lois. Il s’agit également de la liberté d’agir en fonction de ses convictions.

En France, la liberté de conscience fait partie des Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République dégagés par le Conseil constitutionnel et par le Conseil d'État, qui figurent dans le bloc de constitutionnalité, elle recouvre notamment le droit de ne pas être croyant, la liberté de culte si on l'est, le droit de changer de religion ou de conviction, l'objection de conscience et le droit à l'éducation en accord avec ses convictions religieuses et philosophiques. La liberté de conscience est également protégée par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui définit le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Cela comprend aussi la liberté de changer de religion ou de convictions, et de manifester sa religion ou ses convictions individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites et l'objection de conscience selon la jurisprudence de la cour.

4.2 La liberté d’expression

Pour la Cour européenne des droits de l’homme, « la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiale de son progrès et de l’épanouissement de chacun ». L’article 11 de la Déclaration de 1789 en fait « l’un des droit les plus précieux de l’homme ». En France, le concept de liberté d'expression a germé sous l'Ancien Régime et fut l'une des premières conquêtes de la Révolution française. Aujourd'hui, la liberté d'expression de ses opinions est une des premières libertés politiques.

A. Le contenu de la liberté d’expression

La définition donnée à la liberté d’expression est assez large. L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, prévoit que « toute personne a droit à sa liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ». La cour fait également bénéficier les parlementaires d’une liberté d’expression très étendue lorsque les propos sont tenus dans l’enceinte de l’assemblée. La liberté d’expression implique également pour la cour la protection des sources journalistiques ou des organismes de presse.

En droit français, la liberté d’expression se rattache à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et elle fait partie des libertés les plus essentielles pour le Conseil constitutionnel qui la décrit comme une liberté fondamentale dans une décision du 11 octobre 1984. La liberté d’expression trouve en outre à s’exprimer de façon particulière dans certains domaines :

4.2.1 La liberté d’expression et la liberté de la presse et du livre

De façon générale la liberté d’expression implique l’interdiction de régime d’autorisation s’agissant de la parution de journaux ou de livres. L’édition d’un ouvrage peut être soumise à des obligations formelles telles que des obligations de dépôt légal, ou l’obligation de désigner un responsable de la publication mais n’est en aucun cas soumis à une autorisation préalable. Cette liberté suppose toutefois certaines limites :

  • D’une part, la liberté de la presse doit respecter les contraintes de l’ordre public. Il est légitime d’interdire l’expression de certaines idées outrageantes (apologie du racisme, de la violence ….) ou de porter atteinte à la vie privée. De plus, les législations nationales peuvent comme c’est le cas en France sanctionner l’injure ou la diffamation.
  • D’autre part, La loi peut instaurer un régime de déclaration préalable qui constitue une modalité de contrôle des publications et prévoir des procédures visant à interdire ou faire retirer des publications susceptibles d’enfreindre les lois en vigueurs.

4.2.2 La liberté d’expression et la liberté de l’audiovisuel et du cinéma

La liberté d’expression concerne également la communication audiovisuelle, définie comme toutes communications au public de service de radio ou de télévision. La liberté de communication semble s’opposer à toute idée de monopole notamment de la part de l’Etat. Cependant, ce principe n’interdit pas que l’Etat fixe des règles d’attribution des fréquences ou un cahier de charges aux opérateurs privés.

En matière de cinématographie le droit français prévoit un régime d’autorisation préalable à la diffusion des films. Ces autorisations sont délivrées par le ministre de la culture qui conserve la possibilité de restreinte la diffusion de film en fonction de catégories d’âge ou en raison d’apologie de la violence ou du racisme comme dans le cas de la liberté de la presse.

4.2.3 La liberté d’expression et la liberté des télécommunications

En France, les télécommunications sont libres depuis la loi du 26 juillet 1996. La loi dispose que les activités de télécommunication doivent s’exercer librement. Sur le plan organique le droit des télécommunications a vue apparaitre un nouvel acteur, L’autorité de régulation de télécommunication, qui devient l’autorité de régulation des communications électroniques.

4.3 Les limites à la liberté d’expression

La liberté d’expression peut supporter plusieurs limites :

  • Pour assurer la sécurité nationale, par exemple les militaires se voient limités dans leur liberté d’expression ; ou pour assurer la protection de l’ordre public, les propos diffamatoires, injure, appel à la violence, … sont interdits et sanctionnés.
  • Le recours à la morale peut également justifier une limitation de la liberté d’expression. Par exemple la Cour européenne des droits de l’homme a admis l’interdiction des activités d’une association qui incité les femmes enceintes à se faire avorter à l’étranger (CEDH 8 juillet 1999 Sure c/ Turquie).
  • La législation peut interdire de publier des articles de presse sur des procès en cours au nom du secret de l’instruction ou du respect de la vie privée.
  • Les fonctionnaires peuvent également se voir limités dans leur liberté d’expression. Le fonctionnaire ne peut librement exprimer ses idées personnelles. Il est tenu à une obligation d’impartialité et de neutralité mais également à une obligation de modération. L’impartialité signifie que l’agent doit réaliser un traitement égal de tous les usagers du service public. Conformément à la signification traditionnelle de cette grande « loi » du service public qu’est le principe d’égalité, dès lors que des usagers sont dans une situation semblable, ils doivent être traités de la même manière quels que soient leur sexe, leurs opinions, leur religion, leur race. La neutralité, signifie que l’agent ne doit pas se servir du service comme moyen de propagande de ses idées politiques, philosophiques ou religieuses. L'obligation de modération impose la prudence dans l'expression des opinions et proscrit l'injure, la grossièreté dans les paroles, l'attitude ou les écrits, les opinions tranchées (CE, 1er décembre 1972, Demoiselle Obrego).

5 La propriété privée

Le Code civil définit le droit de propriété comme : « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements». Il s'agit d'un droit naturel et sacré garanti par la constitution. Il figure explicitement à l’article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 comme l'un des quatre « droits naturels et imprescriptibles de l'homme ». Ainsi, le droit de propriété bénéficie d'une protection particulière en droit français « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». Il fait également l'objet d'une protection particulière aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, dont la violation peut être sanctionnée par la Cour européenne des droits de l'homme. Le droit de propriété a une définition large puisqu’il s’applique à la fois aux biens matériels qu’aux biens immatériels (propriété littéraire et artistique).

Toutefois, le droit de propriété supporte certaines limites et peut faire l’objet de restrictions. Ainsi, si l'intérêt collectif le justifie, la loi peut imposer des restrictions. C’est par exemple le cas de la loi de 2015 sur l’encadrement des loyers. De même dans le cadre des rapports de voisinage un propriétaire ne peut construire librement ni procéder à sa transformation ci celle-ci entraine des désagréments pour ses voisins.

Mais l’atteinte sans doute la plus grave au droit de propriété est sans doute la procédure d’expulsion pour cause d’utilité publique. Cette procédure permet l’expropriation au profit de la puissance publique ou d’un organisme privé chargé d'une mission de service public. Toutefois, le transfert de propriété bien que forcé ne se fait qu’en respectant une procédure contraignante sous le contrôle du juge judiciaire et sous resserve d’une juste indemnisation de la propriété lésé de son bien.

6 Les libertés collectives

Les libertés collectives sont des libertés dont l’individu est titulaire, mais qui ne peuvent s’exercer qu’en groupe.

6.1 La liberté de réunion et d’association

6.1.1 La liberté de réunion

La liberté de réunion est définie comme le droit de s’assembler avec autrui. Dans la jurisprudence de la Cour européenne, elle inclut aussi bien les réunions privées que les réunions publiques. En droit français, la liberté de réunion n’existait pas sous l’Ancien régime car elle était soumise à une autorisation du roi. Elle est oubliée par la Déclaration de 1789, mais peut cependant être rattachée aux articles 10 et 11 de la Déclaration qui protègent la liberté d’opinion et la liberté d’expression. La liberté de réunion ne sera formellement proclamée que sous la IIIème République par la loi du 30 juin 1881. La loi soumettait le droit de réunion à une déclaration préalable. Cette formalité sera supprimée par une loi du 28 mars 1907.

Les réunions publiques sont définies comme un groupement momentané, ce qui les différencie des associations qui ont un caractère permanent. Elles sont organisées, ce qui les distingue des simples attroupements, pour la défense d’intérêts et se font sur invitation impersonnelle et anonyme. Le régime de cette liberté est assez libéral mais les réunions publiques ne peuvent normalement plus avoir lieu après 23 heures et l’ordre doit être maintenu par un bureau de trois personnes qui endossent la responsabilité pénale en cas de troubles. En revanche, les réunions privées ne sont soumises à aucune restriction particulière.

La liberté de réunion s’applique également aux partis politiques. Toutefois, en cas de risque avéré de trouble à l’ordre publique l’Etat peut prendre des mesures de restriction à l’exercice de cette liberté.

6.1.2 La liberté d’association

La liberté d’association comprend la liberté d’adhérer à une association ou de la créer. La notion d’association est autonome des qualifications que donne le droit national. En France, le Conseil constitutionnel a consacré le régime de la liberté d’association dans une décision du 16 juillet 1971. Le Conseil rappelle que « la constitution d’associations, alors même qu’elle paraîtrait entachée de nullité ou aurait un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l’intervention préalable de l’autorité administrative ou même de l’autorité judiciaire ».

C’est la loi du 1er juillet 1901 qui fixe le régime de la liberté d’association. L’association est définie comme « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissance ou leur activité, dans un but autre que de partager des bénéfices ». Une association est identifiée grâce à trois éléments : un contrat, une certaine permanence et un but désintéressé. Il existe trois régimes distincts de la liberté d’association :

  • Les associations non déclarées : elles ne font pas l’objet d’une déclaration en préfecture et ne sont soumises à aucune obligation formelle. En revanche, elles n’ont pas de personnalité morale.
  • Les associations déclarées : elles font l’objet d’une déclaration en préfecture et disposent de la capacité juridique. La déclaration doit mentionner le nom et l’objet de l’association, le siège, le nom des administrateurs (président, trésorier, secrétaire …). Le préfet a compétence liée, ce qui signifie qu’il doit accueillir l’association sans porter d’appréciation en opportunité sur les statuts de l’association. Il doit délivrer le récépissé attestant la déclaration dans un délai de 5 jours.
  • Les associations reconnues d’utilité publique : Elles disposent d’une capacité juridique comme les associations déclarées mais celle-ci est élargie leur permettant ainsi de recevoir des dons, des legs. Le récépissé est donné non plus par le préfet mais par le ministre de l’intérieur.

6.2 La liberté de manifestation

La liberté de manifestation couvre à la fois les réunions statiques mais également les défilés publics (dès lors qu’ils sont pacifiques). La protection de la liberté de manifestation est fondée sur l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme. En droit français, l’article 10 de la Déclaration fait référence à la liberté de manifestation des opinions mais aucune disposition mention la liberté de manifestation publique. Le décret-loi du 23 octobre 1935 soumet à l’obligation d’une déclaration préalable « tous cortège, défilés et rassemblement de personnes, et, d’une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique ».

6.3 La liberté syndicale et le droit de grève

6.3.1 La liberté syndicale

Au terme de la Convention européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence de la Cour, la liberté syndicale est comprise dans la liberté d’association. Elle implique le droit de créer un syndicat et d’y adhérer. Elle entraîne également la liberté de ne pas y adhérer. La jurisprudence de la Cour fait obligation aux Etats de mettre les syndicats en mesure de défendre les intérêts de leurs membres.

En droit français, les syndicats ou corporation ont d’abord été interdits par la loi le Chapelier du 17 juin 1791. Il a fallu attendre la loi du 21 mars 1884 pour proclamer à nouveau la liberté syndicale. Cette liberté a ensuite acquis une valeur constitutionnelle dans le Préambule de 1946 qui dispose que « tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ». Le Conseil constitutionnel a confirmé la liberté du droit syndical dans une décision du 20 juillet 1983, tout comme l’obligation d’assurer la protection de l’exercice des fonctions syndicales.

6.3.2 Le droit de grève

Le Préambule de 1946 affirme le droit de germe en même temps que la liberté syndicale. La grève se définie comme la cessation collective du travail en vue de satisfaire des revendications professionnelles. Ce droit n’est toutefois pas absolu et peut supporter des limitations notamment pour le concilier avec le principe de continuité du service public.

La grève a longtemps été considérée comme incompatible avec la continuité des services publics. Comme pour la liberté syndicale, il a fallu attendre le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 pour mettre fin à l’interdiction du droit de grève dans la fonction publique. Ce droit a d’abord été reconnu par le Conseil d’État dans un arrêt Dehaene du 7 juillet 1950, puis inséré à l’article 10 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Toutefois, il appartient au législateur de réglementer la grève dans les services publics. Par exemple, certains fonctionnaires sont privés par la loi du droit de grève en raison de la nature de leurs fonctions, comme les magistrats, les personnels de police ou les compagnies républicaines de sécurité. Certaines grèves sont interdites par la loi du 31 juillet 1963 telles que les grèves sauvages, les grèves surprises et les grèves tournantes.

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