Par Nicolas Thill
Dernière mise à jour : janvier 2020

Au sein des administrations publiques, les relations hiérarchiques se structurent dans un système pyramidal.

En effet, à l’origine, l’administration s’est développée autour des notions d’ordre public, de sécurité publique. Donc, ce qui était essentiel, c’était de faire régner l’ordre, la paix publique.

Pour cela, l’important c’est qu’un ordre une fois décidé soit rapidement et correctement exécuté. Il ne doit donc pas y avoir de place à l’interprétation. C’est le responsable qui décide, l’intendance doit suivre, et plutôt rapidement.

Ce mode de fonctionnement a induit au sein des administrations publiques un management directif, caractérisé par un chef plutôt autoritaire, qui lui seul a légitimité pour décider.

Il est fait référence ici au modèle tayloriste de la séparation des fonctions de conception et d’exécution.

Cette séparation a d’ailleurs été reprise dans le statut de la fonction publique avec les articles qui donnent une définition pour les différents cadres d’emploi.

  • la catégorie A, pour les fonctions d'études générales, de conception et de direction ;
  • la catégorie B, pour les fonctions d'application ;
  • la catégorie C pour les tâches d'exécution (la catégorie D est en extinction depuis 1992).

Ce modèle d’organisation a été largement inspiré sur les modèles militaires. Ainsi, on retrouve dans l’administration beaucoup de termes empruntés à l’armée : on parle de chef, de division, de grade…

Toutefois, ce modèle de management se concilie de plus en plus difficilement avec les contraintes de gestion moderne des organisations (réactivité, transversalité, synergie des compétences…) et les nouveaux outils de communication.

Cette nécessaire évolution de la gestion des collectivités territoriales conduit les managers à imaginer constamment des solutions nouvelles, plus performantes, pour améliorer leur capacité à mobiliser les personnes, à valoriser leurs compétences, à décloisonner des entités de travail.

Globalement, on constate au sein des collectivités territoriales une évolution vers un management qui prend davantage en compte la situation des individus, leurs compétences, leurs motivations, mais également des nouvelles formes d’organisations du travail comme le télétravail.

1 Les quatre grands types de management

Poser le problème des relations hiérarchiques c’est déterminer le mode ou le style managérial qui s’instaure entre un cadre et ses collaborateurs.

En effet, il existe plusieurs styles managériaux. Kurt Lewin (psychologue à l’origine de la théorie de la « dynamique de groupe » à travers laquelle il met l’accent sur l’amélioration de l’efficacité individuelle et sociale par le groupe) a analysé les différentes formes de leadership.

En soi, il n’y a pas de bon ou de mauvais style d’animation d’équipe contrairement à ce que le langage commun pourrait laisser croire. Il existe un style de management qu’il convient d’adapter en fonction des situations ou en fonction des individus auxquels il s’adresse.

1.1 Le management directif (M1)

Historiquement, c’est le mode de management le plus répandu dans la fonction publique. Il constitue une déclinaison de la vision taylorienne de l’organisation et de la fonction de cadre.

Les comportements du manager directif sont très organisationnels et faiblement relationnels. Sa mission principale consiste à structurer et à organiser les relations de travail.

Ce type de management sa caractérise par les aspects suivants :

  • oriente, dirige, donne des instructions,
  • n’explique pas ou peu,
  • limite les initiatives,
  • est peu centré sur la personne,
  • programme, planifie, indique les procédures,
  • surveille et contrôle,
  • organise une communication descendante,

Ce management est à préconiser lorsque la décision à prendre s’inscrit dans un contexte d’urgence, lorsque l’enjeu est important ou bien pour des collaborateurs peu autonomes dans leur pratique professionnelle.

1.2 Le management persuasif (M2)

Ce mode de management est à la fois très organisationnel et très relationnel. Le cadre s’ouvre davantage à l’écoute de ses collaborateurs. Le manager ici essaie de convaincre ses collaborateurs, et ne cherche pas systématiquement à imposer des comportements par l’application de règles et procédures.

Le manager persuasif :

  • parle beaucoup et argumente,
  • cherche à influencer plus qu’à imposer,
  • donne de nombreuses explications,
  • apporte assistance lorsque le collaborateur est en difficulté,
  • donne de la légitimité aux objectifs,
  • fédère et encourage,
  • valorise les résultats positifs,
  • échange beaucoup, suscite la réflexion, les propositions, les questions,
  • est attentif aux indicateurs de motivation et de démotivation,
  • veille à ce que chacun ait bien compris ce qui est attendu.

1.3 Le management participatif (M3)

Le manager participatif adopte peu de comportements organisationnels, il est très relationnel. Il a pour souci de développer une ambiance de convivialité et de recherche d’harmonie ; il favorise une collaboration de son équipe à la définition des objectifs et encourage les prises d’initiatives.

Les caractéristiques principales sont les suivantes. Le manager participatif :

  • développe la participation active de chacun,
  • suscite les idées, les suggestions et en tient compte,
  • les décisions et les plans s’élaborent en commun,
  • l’équipe est impliquée dans la prise de décision,
  • écoute, analyse et conseille,
  • informe sur ce qui est négociable et non négociable,
  • essaie de rompre le lien de subordination,
  • cherche à équilibrer les intérêts généraux et particuliers.

1.4 Le management délégatif (M4)

Ce style de management est à la fois peu organisationnel et faiblement relationnel. Le manager responsabilise, délègue et évalue. Il valorise l’ensemble des collaborateurs et sollicite pleinement leurs compétences.

Le fil conducteur est le suivant : pourquoi diriger ce qui peut fonctionner seul ; il convient lorsque cela est possible de laisser le pouvoir d’action et le choix des méthodes à l’équipe.

Les caractéristiques de ce type de management sont les suivantes :

  • très peu présent, laisse faire, exprimant ainsi la confiance accordée,
  • indique les missions et les résultats à obtenir et laisse les collaborateurs mettre en œuvre leurs propres plans d’actions et méthodes,
  • le suivi et le contrôle sont ponctuels et selon un calendrier préétabli,
  • accepte les suggestions et propositions,
  • accepte l’initiative,
  • le soutien se fait à la demande du collaborateur,
  • donne des informations qui peuvent être utiles,
  • il n’y aura pas nécessairement d’encouragement,
  • la responsabilité est partagée,
  • fonctionne bien avec des personnes expérimentées.

Ces différents styles de management ne s’exercent pas dans l’absolu. Le paramètre essentiel à prendre en compte est le niveau des collaborateurs, c'est-à-dire leur degré d’autonomie.

En effet, il convient pour un cadre d’adapter son style de management en fonction du degré d’autonomie de son équipe.

2 L'autonomie des collaborateurs

2.1 Définition de l'autonomie des collaborateurs

Parler de l’autonomie des collaborateurs c’est faire référence à deux notions à la fois distinctes, mais complémentaires, à savoir :

  • La compétence  ce n’est pas un attribut que l’on possède mais elle s‘acquiert par la formation et par l’expérience
  • La motivation se manifeste par l’implication dans son travail et la disponibilité vers les autres

L’autonomie est donc la résultante de la compétence (connaître, savoir-faire) et de la motivation (vouloir faire), face à un objectif ou à une mission donnée.

Il existe une certaine interdépendance entre ces 2 notions. Exemple :

  • le phénomène des “sur-compétents démotivés” : ainsi, confier des activités d’un niveau inférieur aux capacités d’un agent entraîne à terme une démotivation certaine.
  • acquérir une nouvelle compétence nécessite un effort, donc un minimum de motivation.

Le souci permanent du manager consiste donc à appréhender le degré d’autonomie d’un collaborateur, donc de le juger à l’aune de ces 2 critères : motivation et compétence.

Ce qui fait, que par combinaison, il existe 4 niveaux d’autonomie possibles.

2.2 Les niveaux d'autonomie

Quatre niveaux d’autonomie peuvent être distingués :

Responsabilités managériales.PNG

  • A1 : très faible niveau d’autonomie : la compétence de la personne est faible ou très faible. Il en est de même pour sa motivation.
  • A2 : faible niveau d’autonomie : la compétence est faible mais sa motivation est importante (la personne veut bien mais elle ne sait pas encore faire)
  • A3 : la personne est compétente mais sa motivation est faible ou conditionnelle.
  • A4 : fort niveau de motivation : le collaborateur possède une expertise réelle ; il est motivé.

3 L'adaptation de son style de management

L’approche d’un management adapté repose sur les 3 points suivants :

  • il n’existe pas de style de management idéal. L’efficacité consiste à adopter à chaque moment, les attitudes que commande la situation.
  • l’efficacité de management suppose d’évaluer en permanence l’autonomie des personnes et des groupes
  • le rôle du manager est de créer les conditions propices au développement de l’autonomie.

Le cadre agile doit donc combiner différents styles de management, en fonction des situations, des personnes et des groupes à manager.

Donc 2 éléments doivent être pris en compte :

  1. les types de collaborateurs
  2. les caractéristiques du contexte et du problème à régler.
  1. Adapter son style de management à ses collaborateurs, notamment par rapport à leur degré d’autonomie

Le bon manager sait jouer sur tous les registres, du directif au délégatif, en fonction du niveau d’autonomie de ses collaborateurs, selon les combinaisons ci-dessous :

Responsabilités managériales 2.PNG

Il s’efforce de faire progresser ce niveau d’autonomie en faisant évoluer son mode de management.

Le manager doit être un leader, un pédagogue, un initiateur. Face à une personne très faiblement autonome, il est d’abord directif, puis cherche à introduire des comportements plus relationnels. Il s’explique, forme, mobilise, reconnaît la progression de son collaborateur. Il adopte alors un management persuasif.

Par la suite, le managé manifeste des signes d’autonomie. Le manager les repère et se place en position d’accompagnateur. Il cherche à associer, à négocier. Son style de management devient participatif.

Cette progression de l’autonomie du collaborateur permet d’établir de véritables contrats de délégation.

  1. Adapter son style de management aux caractéristiques du contexte et du problème

En effet, il ne faut jamais oublier le contexte et le problème car :

  • les  relations  au  sein  d’une  équipe  ne  se  développent  pas  dans  le  vide, uniquement en fonction de la psychologie des uns et des autres
  • les relations se développent autour de problèmes et d’enjeux
  • pour gérer les relations avec les collaborateurs, le responsable doit prendre en compte les spécificités du problème et du contexte

4 Le télétravail : le management à distance

4.1 Les dispositions juridiques

Un rapport sur le télétravail remis au ministre du Budget, des Comptes publics, de la Fonction publique et de la Réforme de l'État le 15 juillet 2011 a dressé le bilan suivant:

  • Dans le secteur public, le télétravail est une pratique encore embryonnaire avec des expériences positives et variées (seulement une vingtaine d'expérimentations formalisées et quelques centaines de télétravailleurs identifiés au plan national) ;
  • Le télétravail peut apporter une réponse concrète aux problèmes quotidiens des personnels et se traduit par des gains réels pour les agents : réduction du stress dû au transport, reconquête du temps au profit d'un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et privée, plus grande liberté d'organisation des journées, conditions plus propices aux tâches demandant de la concentration, plus grande responsabilisation dans le travail et, dans certains cas, des gains substantiels en pouvoir d'achat ;
  • Pour l'employeur, les avantages sont également nombreux : continuité des services en cas d'épidémies ou d'intempéries, modernisation du management, amélioration de la sécurité des agents (moins de transports) et de leur bien- être général, voire réduction...

La loi sur la précarité dans la fonction publique adoptée le 12 mars 2012 offrent aux fonctionnaires relevant de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983, la possibilité de télétravailler.

Les fonctionnaires peuvent exercer leurs fonctions dans le cadre du télétravail tel qu’il est défini au premier alinéa de l’article L. 1222-9 du code du travail. L’exercice des fonctions en télétravail est accordé à la demande du fonctionnaire et après accord du chef de service. Il peut y être mis fin à tout moment, sous réserve d’un délai de prévenance. Les fonctionnaires télétravailleurs bénéficient des droits prévus par la législation et la réglementation applicables aux agents exerçant leurs fonctions dans les locaux de leur employeur public.

Un décret en Conseil d’Etat interviendra pour fixer, après concertation avec les organisations syndicales représentatives de la fonction publique, les conditions d’application de cette nouvelle disposition, notamment en ce qui concerne les modalités d’organisation de ce télétravail.

4.2 Des expérimentations

L’absence de parution du décret n’empêche par certaines collectivités d’expérimenter d’ores et déjà ce dispositif.

Une expérience de télétravail au Conseil Départemental du Lot

En grande majorité rural, le département du lot est confronté à un problème de mobilité de ses habitants, souvent éloignés de leur lieu de travail. Pour y remédier, les élus du conseil général ont décidé de promouvoir le télétravail en faveur de l’ensemble de leurs administrés – en favorisant l’implantation de télé centres sur le territoire –, et de se montrer exemplaire sur ce point, en le mettant en place au sein des services départementaux. Lors d’une expérimentation, des agents du Département ont ainsi « testé » le télétravail.

Il a enfin été nécessaire d’associer, au-delà des conseillers départementaux, les chefs de services et les autres agents du conseil départemental à cette démarche. Notamment, les encadrants ont dû être accompagnés, car le fait que les agents ne travaillent plus à proximité de leurs managers constitue un véritable bouleversement pour ces derniers. Néanmoins, la mise en place d’outils d’évaluation appropriés a permis de pallier les inquiétudes qui pouvaient éventuellement exister dans ce domaine.

4.2.1 Évaluation et suites de l’expérimentation

Une évaluation de l’expérimentation a révélé que le télétravail présentait de nombreux bénéfices :

  • satisfaction des encadrants du fait de l’amélioration de la productivité des agents – plus de calme et donc plus de concentration
  • amélioration de la vie sociale des agents – meilleure conciliation des temps de vie
  • impact environnemental positif
  • augmentation du pouvoir d’achat des agents.

Par ailleurs, il faut rappeler que l’absence d’un agent pendant un voire deux jours par semaine n’affecte en aucun cas le déroulé de sa carrière. Les liens que celui-ci entretient avec son ou sa manager se voient parfois même renforcés par le télétravail, car lors de son retour sur le lieu de travail, il dialogue souvent davantage avec son encadrant que les autres agents.

Au vu de ces résultats positifs, la direction générale du Département a souhaité étendre en juin 2012 à l’ensemble des agents départementaux la possibilité de recourir au télétravail. A ce jour, 5 % des agents départementaux télétravaillent.

4.3 L’impact sur le management et l’organisation du travail

Mettre en place le télétravail se réalise au travers des procédures classiques de conduite du changement :

  • La frilosité des  responsables qui dans un contexte de réforme et d’économie craignent d’attirer l’attention ou de trahir l’existence de sureffectifs.
  • La persistance du management informel. L’encadrement de proximité privilégie le management informel au management par objectifs et a besoin d’avoir les personnels « sous la main ». Dans une moindre mesure, il recherche un niveau de qualité sans recherche conjointe d’une progression de la production réalisée.  A défaut de faire évoluer ces pratiques, le développement du télétravail ne portera que sur de faibles effectifs.
  • La disponibilité réelle des outils ou mesures qui permettent de télétravailler.
  • Le fonctionnement même du dialogue social dans les structures, avec de très forts effets d’instrumentation et de cliquet associés à une certaine méconnaissance du travail réel.
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