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Notions clés

Alors que les primaires existent depuis plus d'un siècle aux Etats-Unis et qu’elles s’y sont généralisées depuis les années soixante, elles ne se développées en Europe qu'à la fin des années quatre-vingt-dix.

En France ce sont les socialistes qui ont véritablement lancé le processus en 1995 sous la forme, il est vrai de primaires fermées. Pourtant l’idée avait été formulée quelques années auparavant à droite. En effet, en raison de leurs divisions, le RPR et l’UDF, craignant une pluralité de candidats de droite lors de la prochaine présidentielle, s’étaient engagés en 1991 à faire des primaires en 1995. C’est pourquoi deux ans plus tard, Edouard Balladur, Premier ministre, a demandé à Charles Pasqua de réfléchir à la question et d’élaborer  un projet de loi. Finalement l’idée sera abandonnée dans la mesure où le Premier ministre caracolait en tête des sondages et où Jacques Chirac ne voulait  pas dans ces conditions se laisser enfermer dans ce qu’il considérait comme un piège.

Les primaires sont des techniques qui se sont diversifiées avec le temps et les situations, mais ces techniques ne sont pas neutres, elles ont des effets sur les systèmes politiques qui les ont adoptées.

1. Une technique qui s’est diversifiée

Si les primaires américaines sont apparues les premières, elles ne sont pas devenues un modèle en France où elles ont pris une forme différente.

1.1. Les primaires américaines

Un an avant l’élection présidentielle, chaque parti compte dans ses rangs un nombre de candidats à la candidature plus ou moins important Or le parti ne peut avoir qu’un seul candidat.
Pour désigner ce candidat, des primaires sont organisées dans tout le pays. Cette technique se caractérise de trois manières différentes.
En premier lieu les élections primaires américaines sont décentralisées puisqu’elles se déroulent dans chacun des cinquante Etats fédérés, mais pas au même moment, elles sont donc désynchronisées. Enfin, ces primaires se déroulent de manière variable selon les Etats, il s’agit donc d’une technique plurielle.

1.1.1. Une technique décentralisée

Aux Etats-Unis ce sont plusieurs  milliers de délégués qui choisissent le candidat de leur parti lors d'une Convention nationale qui se déroule au milieu de l’été. Eux-mêmes sont désignés dans chaque Etat en fonction du candidat à la candidature qu’ils soutiennent.
Pour choisir ces délégués, des primaires sont organisées, dans chacun des cinquante Etats fédérés, ainsi que dans un certain nombre de territoires américains, comme Guam ou les îles Vierges.
Chacun de ces Etats et territoires dispose d'un nombre défini de délégués à envoyer à la Convention nationale en fonction du poids démographique de chacun. Toutefois, le nombre de délégués dans un Etat n’est pas le même chez les Républicains et chez les Démocrates. Dans les Etats traditionnellement démocrates par exemple, le nombre de délégués sera plus important chez ces derniers que chez les Républicains et inversement. Ce sont en effet les partis  dans chaque Etat qui fixent librement les règles de leur primaire.
Aux délégués élus lors des primaires s’ajoutent des délégués particuliers, ceux que l’on appelle les « super délégués ». Ils n’interviennent qu’au moment de la Convention nationale de chaque parti. Eux ne sont pas élus lors d’une primaire. Ce sont des personnalités politiques qui doivent à leur statut de participer à la Convention. Le plus souvent ce sont des sénateurs, des représentants, des gouverneurs ou des cadres du parti.
Chez les Démocrates, on comptait 718 super-délégués, soit 15% des délégués lors des dernières primaires alors que chez les Républicains, ils étaient moins nombreux. Dans chaque Etats en effet pas plus de trois cadres du parti ont le droit de siéger à la Convention nationale sans avoir été désignés.
Leur intervention au sein de la Convention peut être déterminante, en raison de leur nombre, mais aussi parce qu’ils votent pour qui ils veulent et ne suivent donc pas forcément le choix des citoyens.

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1.1.2. Une technique désynchronisée

Les primaires se déroulent entre le 1er février et le 14 juin, soit sur une période de cinq mois. Plus précisément, 71 primaires et caucus se sont tenus dans tout le pays pendant cette période. Le premiers Etats dans lesquels se déroulent les primaires et caucus donnent ainsi une indication précieuse sur les chances de chacun des candidats, et comme les campagnes électorales coûtent cher aux Etats-Unis, ceux qui ont de mauvais  résultats abandonnent. Au fur et à mesure que le temps passe le nombre de candidats à la candidature diminue.
Ainsi, chez les Républicains, Mike Huckabee a abandonné la compétition après le caucus de l'Iowa comme Rick Santorum et Rand Paul. Chris Christies s'est retiré de la course après ses résultats décevants lors de primaire dans le New Hampshire de même que Carly Fiorina. Jeb Bush peinait à décoller dans les sondages il s’est donc retiré après la primaire de Caroline du sud ainsi que  Marco Rubio après sa défaite lors de la primaire de Floride.
Ce filtrage peut paraître critiquable dans la mesure où se sont de petits Etats qui commencent à voter et notamment l’Iowa qui est au 26ème rang de l'Union par sa superficie et au 30ème sur 50 par sa population. Régulièrement, des batailles ont lieu pour tenter de voler la vedette à l’Iowa, mais les responsables locaux ont menacé d'avancer la date des caucus, parfois même avant le début de l'année électorale.
Le calendrier des primaires est donc  extrêmement important. Selon certaines études les premiers électeurs à voter ont une influence vingt fois supérieure à ceux votant en dernier. C’est pourquoi, les candidats s’investissent plus dans ces Etats, et en vue de chaque élection présidentielle, les Etats fédérés sont tentés d’organiser leur primaire avant celles des autres. Dans ces conditions, le calendrier s’est peu à peu avancé et resserré. Le Super Tuesday, qui réunit une masse critique de primaires, a été avancé et un Mini Tuesday a été créé en 2004. Des projets de réformes, comme des calendriers rotatifs, qui donneraient à chaque Etat, un jour ou l’autre, son heure de gloire ont même été présentés.

1.1.3. Une technique plurielle

1.1.3.1. Primaires et caucus

Les primaires au sens strict sont des élections avant l’élection d’où leur qualificatif de primaires. Elles se déroulent donc comme de véritables élections. Il n’en va pas de même pour les caucus. En effet, lors d’un caucus, le vote est différent d’un vote classique, matérialisé par des bulletins, un isoloir, et une urne.
Les caucus sont des réunions organisées par les partis eux-mêmes, généralement dans des lieux publics comme des hôtels, des écoles, des gymnases, des bibliothèques, des centres associatifs. Les électeurs doivent être physiquement présents, rassemblés dans une même salle, où ils doivent se rendre à une heure précise.
Généralement, les partisans de chaque candidat se regroupent dans des coins différents de la salle où ils sont rassemblés. Après comptage, les groupes totalisant moins de 15% des votants sont éliminés. Leurs membres sont alors approchés par les responsables des autres candidats, en vue de les convaincre de soutenir leur candidat. Ils choisissent donc de rejoindre un nouveau groupe, ou de s’en aller. A l’issue de cette nouvelle répartition, un autre comptage a lieu, et les voix obtenues sont ensuite attribuées au prorata aux délégués de la circonscription représentant les candidats. Ces délégués élus seront ensuite chargés de désigner les délégués du comté, qui eux-mêmes éliront les délégués de l'Etat, qui participeront à la Convention nationale. Il s'agit donc en fait d'un vote en pyramide, à partir de l'échelon le plus petit possible.
Dans certains Etats et notamment chez les Républicains, le processus est moins lourd. Il commence par un discours des représentants du parti, qui défendent leur candidat et appellent à voter pour lui devant les électeurs en présence. Ceux-ci participent ensuite à un vote à bulletin secret. Le résultat du vote est ensuite transmis aux instances locales du parti, qui agrègent les résultats de tout l’Etat et décident au prorata du nombre de délégués de chaque candidat républicain qui seront ensuite envoyés à la Convention nationale du parti.
Ce système est complexe et assez peu démocratique malgré les apparences, puisque ce sont essentiellement les militants et adhérents des partis qui participent et beaucoup moins les électeurs. Mais surtout le vote indirect à trois niveaux tend à rendre plus oligarchique ce système  que celui des primaires proprement dites. C’est sans doute la raison pour laquelle les caucus ne sont plus pratiqués que dans une quinzaine d'Etats.

1.1.3.2. Corps électoral

Le système des primaires pure et simple est moins complexe. Mais, en fonction de leur corps électoral elles peuvent se présenter de différentes manières. Les primaires peuvent en effet être « ouvertes », « fermées », ou « semi-ouvertes ».
Les primaires ouvertes sont accessibles à tout le monde, électeurs démocrates comme républicains, tandis que les primaires fermées ne s’adressent qu’aux sympathisants du parti. Les primaires semi-ouvertes sont quant à elles ouvertes aux électeurs indépendants, qui ne sont pas sympathisants d’un parti.
Ainsi, dans les faits, les inscrits démocrates votent pour la primaire démocrate, les républicains pour la primaire républicaine. Les indépendants peuvent choisir l'une ou l'autre, d'où les efforts des deux partis pour séduire cet électorat très nombreux.

1.1.3.3. Mode de scrutin

La primaire se fait au suffrage indirect car les partisans de tel ou tel candidat à la candidature ne votent pas directement pour lui. Ils élisent en effet des délégués, qui représentent chaque candidat.
Quant au mode de scrutin, il diffère selon les Etats et selon les partis.
Chez les démocrates, la règle est simple : c'est la proportionnelle qui est appliquée partout. Chaque candidat à la présidentielle obtient un nombre de délégués proportionnel au score qu'il obtient dans l'Etat. Chez les républicains, c'est bien plus compliqué. La proportionnelle existe dans certains Etats ; dans d'autres s'applique la règle dite du « winner takes all », qui accorde l'ensemble des délégués en jeu au candidat arrivé en tête, que ce soit à une ou 500 000 voix près. Il s’agit donc de ce que l’on appellerait en France d’un scrutin majoritaire de liste.  Le système est même parfois mixte : proportionnelle avec bonus pour le candidat de tête, ou proportionnelle transformable en « winner takes all » si un candidat obtient plus de 50% des suffrages, etc.

1.2. Les primaires françaises

Alors que l’idée d’organiser des primaires en vue de sélectionner le candidat du parti à l’élection présidentielle vient de la droite, c’est finalement le Parti Socialiste qui le premier en 1995 en organisera une. En 2006, les socialistes renouvelleront l’expérience, et l’UMP s’y essaiera à son tour, mais de manière presque caricaturale. Dans tous ces cas, il s’agira de primaires fermés. Il faudra attendre 2011 puis 2015 et 2016 pour voir apparaître les premiers primaires ouvertes.
Toutes ces primaires, à la différence des primaires américaines  sont des procédures de désignation directes. En d’autres termes, les électeurs ne votent pas pour des représentants qui ultérieurement se chargeront, eux, de choisir le candidat à la candidature du parti.
L’autre différence tient au fait que les primaires françaises se déroulent en une seule journée sur tout le territoire national. Il n’y a donc pas de calendrier des primaires qui s’étalerait sur cinq mois comme c’est le cas aux Etats-Unis.
Les primaires sont l’affaire des partis qui les organisent comme ils l’entendent. Cependant, le ministère de l’Intérieur a précisé dans une circulaire publiée, le 22 février 2016, dans quelle mesure les maires pouvaient participer à l’organisation des primaires.
Les maires sont libres d’accepter ou non les demandes émises par les partis politiques de mise à disposition de locaux ou de personnels communaux. Le maire fixe les conditions de rémunération de ces services. Dans les bâtiments publics, et notamment à l’intérieur de la mairie, la mise à disposition de documents relatifs à l’élection primaire est exclue pour éviter de donner un caractère officiel à l’élection.
Les maires sont autorisés à fournir les isoloirs et les urnes. L’utilisation des panneaux d’affichage municipaux est laissée à leur appréciation. En revanche, l’utilisation des panneaux d’affichage spéciaux réservés aux affiches électorales est interdite. De même, il est interdit aux communes de prêter les enveloppes de scrutin, leur remplacement faisant l’objet d’un marché public de l’Etat.

1.2.1. Les primaires fermées

A l’approche de l’élection présidentielle de 1995, c’est finalement le Parti socialiste qui a décidé d’organiser une primaire. Mais celle-ci était fermée : seuls les militants du parti  pouvaient voter. 80 000 personnes ont participé au scrutin et ont placé Lionel Jospin en tête (65 % des voix) face à Henri Emmanuelli.
Fin 1992, il était  clair que François Mitterrand ne serai pas candidat à sa réélection en raison de ses problèmes de santé.
Le président de la Commission européenne, Jacques Delors, était pressenti par les socialistes, en raison de sa popularité. Finalement, le 11 décembre 1994, il a renoncé, craignant de ne pouvoir disposer de la majorité nécessaire pour mener sa politique.
Deux candidats, Lionel Jospin et le premier secrétaire du parti, Henri Emmanuelli étaient candidats. Pour les départager une primaire a été organisée dans la mesure où les statuts du parti le prévoyaient. Il s’agissait donc bien d’une primaire fermée puisque seuls les membres du parti à jour de cotisation pouvaient participer à la consultation.
Le 3 février 1995, le scrutin s’est déroulé. Un seul tour était prévu. La consultation a eu lieu au suffrage direct et secret. Finalement, c’est Lionel Jospin qui l’emportera avec 66 % des voix. Au total, plus de 82.000 militants socialistes ont voté.

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Avant la présidentielle de 2007 le Parti Socialiste organisera à nouveau une primaire en raison de la multiplicité de candidatures. Cette fois, les candidats étaient au nombre de trois (Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius). Comme en 1995 elle s’est déroulée à un seul tour, mais la campagne a duré environ trois mois, ponctuée de meetings et de débats publics ce qui tranchait avec la primaire de 1995. Mais surtout, si le corps électoral était toujours restreint aux membres du parti il était artificiellement élargi.  Pour augmenter le nombre de votants et « mobiliser au-delà des militants », le parti avait proposé une adhésion à 20 euros. Formellement il s’agissait bien d’adhérents, mais fondamentalement on pouvait en douter d’autant plus qu’après l’élection ils « s’évaporeront ». Or ces adhérents ont joué un rôle non négligeable puisque selon  Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et au Cevipof, ils ont représenté environ un tiers des inscrits à la primaire.  Il s’agissait donc d’une primaire que l’on pourrait qualifier de semi-fermée ou semi-ouverte. Finalement, c’est Ségolène Royal qui l’emportera avec 60 % des voix, le 16 novembre 2006.

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A son tour, la droite adoptera la primaire fermée pour l’élection présidentielle de 2007. Trois forums de débat seront organisés en décembre 2006 par l'UMP. Ces forums étaient ouverts aux candidats à la candidature, mais aussi à toutes les personnalités du parti présidentiel qui souhaitaient intervenir. Plusieurs candidats avaient annoncé leur participation, parmi lesquels Michèle Alliot-Marie, Rachid Kaci, président de la Droite libre, Dominique de Villepin, Premier ministre et Nicolas Dupont-Aignan, mais tous renonceront et finalement, une seule candidature sera validée par les instances  du parti, celle de Nicolas Sarkozy.  Le président du parti sera plébiscité dans sa course à l’Elysée par 98 % des militants. Finalement cette primaire faute de candidats n’aura de primaire que le nom.

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Les écologistes ne sont pas en reste : depuis la présidentielle de 2002, ils désignent eux aussi leur candidat par une élection primaire interne à deux tours.

1.2.2. Les primaires ouvertes

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1.2.2.1. En vue des élections présidentielles de 2012

Avec l’élection présidentielle de 2012, on verra apparaitre les premières primaires ouvertes. Le corps électoral n’y est plus restreint aux adhérents d’un parti, mais ouvert à tous ou du moins à tous ceux qui se déclarent en accord avec une charte de valeurs. De plus le caractère ouvert se traduit également dans les candidatures qui peuvent émaner de différentes formations.
Le parti Europe-Ecologie-les-Verts (EELV) est le premier en France à «ouvrir » sa primaire, en 2011. Il n’est plus obligatoire pour participer d’être adhérent d’EELV. Le vote est en effet étendu à l'ensemble des sympathisants de la coopérative EELV et du Mouvement écologiste indépendant (MEI), entre autres. Tout autre personne peut participer à condition d’avoir au moins 16 ans, sans condition de nationalité, d’approuver la charte des Verts mondiaux, verser la somme de 10 euros et s’inscrire avant le 10 juin 2011.
Le vote s'est fait en ligne ou par courrier. Il y a eu 32 896 inscrits et plus de 25.000 votants au premier tour, un peu moins au second. Pendant la campagne électorale trois  débats entre les candidats ont été organisés.
Si deux candidats étaient membres d’EELV : Eva Joly et Henri Stoll, les deux autres n’appartenaient pas au parti : Nicolas Hulot et Stéphane Lhomme. L’ouverture ne concernait donc pas seulement le corps électoral, mais aussi les candidats.
Les résultats du premier tour ont été publiés le 29 juin 2011. Comme aucun candidat n’avait obtenu la majorité absolue, un second tour opposant Eva Joly et Nicolas Hulot a été organisé. Les résultats de celui-ci ont été proclamés le 12 juillet 2011. C’est Eva Joly qui l’a emporté.

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Les socialistes quant à eux ont également organisé une primaire ouverte. Par les dimensions de son corps électoral, elle a justifié son qualificatif de Primaire citoyenne. En effet, le premier tour rassembla 2.661.231 électeurs et plus encore au second tour : 2.860.157. Cela fut possible dans la mesure où 9 400 bureaux de vote furent ouverts, mais aussi parce qu’une campagne électorale put se développer à travers notamment trois débats télévisés avant le premier tour du scrutin. Un quatrième débat eu lieu avant le second tour. Pour financer leur campagne, les candidats ont reçu 50.000 euros du parti.

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Les électeurs, devaient signer une déclaration sur l’honneur d’adhésion aux « valeurs de la Gauche et de la République » et s’acquitter d’un euro à chaque tour du scrutin. Six candidats se sont affrontés : le radical de gauche Jean-Michel Baylet, les socialistes Martine Aubry, François Hollande, Arnaud Montebourg, Ségolène Royal et Manuel Valls.
Une haute autorité présidée par Jean-Pierre Mignard, avocat et comprenant Mireille Delmas-Marty, juriste, membre de l'Institut, professeur au Collège de France et Rémy Pautrat, ancien préfet étaient chargés d'entériner les candidatures, de surveiller les débats et les échanges pour vérifier qu'ils respectent les règles de « bonne compétition » du parti, et de proclamer les résultats. C’est François Hollande qui l’emporta.. .

1.2.2.2. En vue des élections présidentielles de 2017

Là encore les écologistes ont été les premiers à mettre en place leur primaire après quelques atermoiements. Le scrutin organisé par Europe Ecologie-Les Verts s’est tenu en deux tours par voie postale et les résultats ont été publiés les 19 et 6 novembre.

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Pour être candidat, il fallait être parrainé par 36 conseillers fédéraux d'EELV, sur un total de 240. Les candidatures étaient ouvertes jusqu'au 31 août. Les dirigeants du parti  espéraient avoir des candidats issus de la société civile, il n’en fut rien. Quatre candidats tous parlementaires furent retenus : l'ancienne ministre et actuelle député de Paris, Cécile Duflot et les trois députés européens Yannick Jadot, Michèle Rivasi et Karima Delli.
L’ouverture était à peine plus grande au niveau du corps électoral puisque pour en faire partie il fallait être adhérents ou coopérateurs 2016. Les non-militants devait s’inscrire à condition d'avoir au moins 16 ans au 1er octobre 2016, de résider en France ou d'être inscrits sur les listes électorales françaises pour les Français établis hors de France, et moyennant une participation de 5 euros et la signature d'une charte. Le corps électoral ainsi formé rassemblait 17 146 personnes, soit deux fois moins que celui de la primaire de 2011.
Le principe d'un scrutin majoritaire à deux tours comme en 2011 a été retenu. Il a été précédé de deux débats télévisés avant le premier tour et d’un autre débat entre les deux tours.
C’est Yannick Jadot qui a été élu. Cécille Duflot ayant été éliminée dès le premier tour.
La droite et le centre ont pour la première fois eu recours à une primaire pour désigner leur candidat à une présidentielle sur le modèle de la primaire socialiste de 2011.
Une Commission nationale d’organisation a été chargée de la mise en place de la primaire. Présidée par Thierry Solère et composée de 15 membres elle était secondée par des Commissions départementales et locales d’organisation.
Une Haute Autorité de la Primaire présidée par Anne Levade, Professeur de droit public, strictement indépendante de tous partis politiques était chargée de définir le cadre d’organisation du scrutin, de veiller à sa régularité et à l’égalité entre les candidats. Elle a examiné les réclamations et proclamé les résultats.
Les candidats du parti Les Républicains ont dû fournir à la Haute Autorité les signatures d’au moins 2.500 adhérents et 250 élus (dont vingt parlementaires au minimum). Au titre de président du Parti Chrétien-Démocrate, Jean-Frédéric Poisson a été dispensé de parrainages. Sept candidats ont pu participer au scrutin : François Fillon, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire, Jean-Frédéric Poisson, Nathalie Kosciusko-Morizet et Jean-François Copé.

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Pour participer les 20 et 27 novembre, il fallait, être inscrit sur les listes électorales au 31 décembre 2015 ou avoir 18 ans à la date de l’élection présidentielle 2017, verser 2 euros par tour, s’engager sur l’honneur en signant la phrase suivante : « Je partage les valeurs républicaines de la droite et du centre et je m’engage pour l’alternance afin de réussir le redressement de la France ».
La participation a été importante et au-delà des espérances des organisateurs puisque 4.298.097 électeurs se sont déplacés lors du premier tour et 4.385.038 lors du second tour. Ils ont pu voter dans les 10.228 bureaux de vote qui avaient été ouverts. François Fillon l’a emporté en battant Alain Juppé au second tour.
Les socialistes ont organisé des primaires  dans le cadre de la Belle Alliance populaire (BAP), les 22 et 29 janvier 2017. Elles étaient ouvertes aux membres de cette alliance à savoir : outre le PS, le Front démocrate, l’Union des Démocrates et Ecologistes (UDE), le Parti radical de gauche et le Parti écologiste. La tâche revenait au Comité d’organisation de la primaire (CNOP),  présidé par le socialiste Christophe Borgel, quant à la Haute autorité éthique, présidée par Thomas Clay, professeur de droit, elle, devait veiller à la régularité du scrutin et proclamer les résultats.
Le 17 décembre 2016 elle a validé les candidatures de Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon, Benoît Hamon, pour le Parti socialiste, ainsi que celles de Jean-Luc Bennahmias (Front démocrate), François de Rugy (Parti écologiste) et Sylvia Pinel (Parti radical de gauche) pour les partis associés.
Les candidats issus du PS devaient réunir les parrainages de 5 % de l’un des groupes suivants : membres titulaires du conseil national ; ou parlementaires socialistes ; ou conseillers régionaux et départementaux socialistes représentant au moins quatre régions et dix départements ; ou maires socialistes de villes de plus de 10 000 habitants représentant au moins quatre régions et dix départements. Les candidats des partis associés étaient eux, dispensés d’obtenir les parrainages nécessaires.
Tous les candidats devaient également avoir signé une « Charte d’éthique » fixant les règles de conduite durant la campagne et une déclaration d’engagement sur le rassemblement des candidats à l’issue du scrutin.
La campagne a permis aux candidats de faire connaître leur programme à travers notamment trois débats télévisés avant le premier tour et un débat avant le second tour. Pour financer leur campagne, le PS verse 50 000 euros à chaque candidat.
Ont pu voter dans 7530 bureaux de vote annoncés tous les Français inscrits sur les listes électorales, les mineurs en âge de voter en mai 2017, ainsi que les adhérents des partis coorganisateurs de la primaire, étrangers ou âgés d’au moins 16 ans. Les votants devaient également s’acquitter d’un euro par tour de scrutin et signer la feuille d’émargement où ils affirmaient « se reconnaître dans les valeurs de la gauche ».

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2. Une technique qui n’est pas sans effets

Les primaires sont parfois présentées comme de simples techniques permettant de choisir un candidat lorsque dans un parti, plusieurs personnes sont en lice, mais qu’aucune ne s’impose naturellement. C’est sans doute vrai, mais en partie seulement, car le recours à ce processus va inévitablement produire quelques effets.
Pour certains, les primaires renforcent en la développant la démocratie et c’est incontestablement le cas, mais en France et appliquées aux élections présidentielles, les primaires semblent mettre en cause le dogme monarchique autour duquel s’est construite la Cinquième République. Les primaires ont donc des effets et sur la démocratie et sur la « monarchie républicaine ».

2.1. Les effets sur la démocratie

Les élections primaires ont des effets sur la démocratie. Elles remettent en cause la démocratie représentative et elles contribuent au développement de la démocratie d’opinion.

2.1.1. Sur la démocratie représentative

« Episode  du procès permanent fait à la représentation, les primaires se proposent de réduire empiriquement l’écart entre représentés et représentants en faisant intervenir les représentés dans la sélection des candidats des partis aux fonctions de représentant ». Tel est le constat de Pierre Avril qui souligne en quoi le développement des primaires s’inscrit dans une contestation du modèle de la démocratie représentative.
Les partis politiques sont au cœur de la démocratie représentative, puisque comme le rappelle l’article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958, ils « concourent à l'expression du suffrage ». Et c’est par le suffrage, l’élection donc, que les représentants du peuple sont désignés.
Or à  peine 30 % des Français s’estiment représentés par un parti politique. Jamais ceux-ci n’avaient souffert d’un tel discrédit provoquant et encourageant l’abstention. Cette faiblesse de la participation à la vie démocratique pose la question du rôle des partis. L’instauration des primaires peut permettre aux citoyens de participer au choix du candidat présidentiable, qui n'est plus désormais du seul ressort des dirigeants du parti.
Ce faisant, les primaires remettent en cause la fonction électorale des partis et ce dans ses deux volets : la fonction programmatique et la fonction de sélection des élus. (Voir mon article sur ce site).
Il est clair que la fonction de sélection des candidats est remise en cause de manière frontale par l’instauration des primaires puisque par définition celles-ci visent à faire sélectionner les candidats par les électeurs. Il faut cependant souligner que les primaires ne concernent que les présidentielles, même si la technique a été utilisée pour départager des candidats lors de certaines municipales. Quoiqu’il en soit, les partis vont retrouver leur fonction de sélection pour les législatives.
La fonction programmatique des partis est également remise en cause par les primaires dans la mesure où chaque candidat met en avant un programme quelque peu différent de celui de ses concurrents et surtout de celui élaboré par le parti. C’est tout le travail du parti et de ses instances qui est ainsi délégitimé.
Mais c’est aussi à une transformation de la nature du parti à laquelle on assiste. Le parti de militants a tendance à devenir un parti d’électeurs. (Voir mon article sur ce site).
C’est ce que confirme Yves Mény lorsqu’il constate que «  la structure des partis centralisés, disciplinés, idéologisés, fonctionnant grâce à des militants engagés est menacé par cet intrus qu’est la primaire, qui met sur un pied d’égalité le militant, le sympathisant, l’opportuniste et même le stratège du parti d’en face lorsqu’il s’agit d’une primaire ouverte »
L’existence des primaires peut cependant avoir un effet positif sur les partis en contribuant à leur revalorisation dans l’opinion publique. En acceptant de recourir aux primaires, les partis cessent de jouer le rôle exclusif de machine électorale, voire d’écurie présidentielle et cela, en termes d’image ne peut que leur être favorable.
Les primaires ont également des répercussions sur les élections elles-mêmes c’est à dire sur l’un des instruments  classiques de la démocratie représentative.
Comme on le soulignait plus haut, en France, le recours aux primaires se fait avant tout dans le cadre de l’élection présidentielle. Ce faisant ces élections se déroulent désormais en trois temps. (Primaires, présidentielles proprement dites, législatives)
Mais, paradoxalement, la montée en puissance du Front national aurait tendance à les ramener à un seul temps.  Traditionnellement, dans le système pseudo bipartisan que l’on a connu sous la Cinquième République, le premier tour permettait de choisir entre les différents candidats de droite et de gauche. Aujourd’hui, la vie politique française est tripartite : en l’absence de candidat évident, les primaires jouent alors le rôle de premier tour et permettent de désigner un leader unique pour éviter l’éparpillement des voix. Comme pour beaucoup d’observateurs et de sondages, le deuxième tour des présidentielles opposera le candidat de la droite classique à celui du Front national et que ce dernier sera battu, les primaires de la droite deviendrait le seul et unique tour des présidentielles.
Si les primaires ne sont pas le remède miracle à la crise politique profonde que connaît notre démocratie représentative, elles peuvent contribuer à rénover la vie politique française et à redonner confiance aux citoyens en renforçant la démocratie d’opinion.

2.1.2. Sur la démocratie d’opinion

Devant la crise de la démocratie représentative la volonté populaire tend à s’exprimer par d’autres canaux. Les sondages notamment, se sont développés et ont pris une place considérable dans les médias qui eux-mêmes encadrent la vie politique et même tendent à la submerger. D’autres moyens plus classiques sont employés de manière récurrente. Les manifestations, les « assemblées générales », les collectifs en tous genres qui sont censés exprimer la volonté populaire ont connus ces derniers temps quelques succès. Que ce soient, les bonnets rouges, les pigeons, les dindons et autres rassemblements contestataires. Bref, ce que communément on appelle « la rue » exprime une volonté qui souvent est prise en considération par les pouvoirs publics qui sont court-circuités ; les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire capitulent souvent devant la rue.
Cette substitution de l’opinion au suffrage et aux représentants a pour non la démocratie d’opinion. Jacques Julliard caractérise de trois manières ce type de démocratie.
Médiatique, tout d’abord, en raison de l’essor des nouveaux moyens de communication (téléphonie mobile, Internet, etc…). Directe, ensuite puisque les gouvernants sont vus comme un problème, et non comme un lien. Permanente, enfin, et c’est là son trait principal.
Les primaires s’inscrivent dans ce mouvement de récusation de la démocratie représentative. Elles permettent aux citoyens d'être davantage acteurs de la vie politique par la désignation, en amont de la campagne présidentielle, du candidat le plus légitime et le plus crédible à leurs yeux pour porter leurs idées et incarner leurs valeurs. Cette intervention traduit l’opinion qui se forme et se déforme grâce à d’autres moyens qui se nourrissent mutuellement : les sondages et les médias.
Pour Rémi Lefebvre, le choix de Ségolène Royal lors de la primaire de 2011 est en grande partie le produit d’une « bulle médiatico-sondagière ». Jusque-là, les logiques partisanes l’emportaient sur les logiques d’opinion. Ainsi, en 1981 alors que les sondages et la presse faisaient de Michel Rocard un candidat préférable pour l’opinion, c’est finalement François Mitterrand qui sera le candidat du Parti Socialiste.
En 2011, c’est le contraire. Si Ségolène Royal a été préférée à Dominique Strauss-Khan et Laurent Fabius, deux « éléphants » du parti, c’est tout simplement parce qu’elle était la seule capable de battre Nicolas Sarkozy selon les sondages et les médias. Elle « s’impose dans l’opinion avant d’être investie par les adhérents qui avalisent le verdict des sondages. » comme le souligne Rémi Lefebvre. Ce que traduit d’une autre manière Laurent Fabius : « désormais c’est l’opinion qui fait le parti ».
Le même phénomène fonctionnera lors de primaire socialiste de 2011. Il bénéficiera dans un premier temps à Dominique Strauss-Khan que les médias, sur la base de sondages auto-entretenus, est présenté comme le futur vainqueur, jusqu’à son élimination inattendue. Mais de la même manière, c’est François Hollande qui sera porté à la victoire, par l’opinion formée et entretenue par les sondages et les médias.
L’opinion commande certes, mais elle se rebelle aussi parfois contre ce qui est sensé l’exprimer. Ainsi, lors des primaires de la droite et du centre en 2016, le vainqueur, François Fillon a surpris beaucoup d’observateurs car ce n’était pas le candidat que les sondages et les médias attendaient. Il semble en effet que les électeurs aient voulu prendre leur distance avec ceux qui forment l’opinion. Celle-ci au tout dernier moment s’est révoltée et a voulu s’exprimer directement, prenant en compte, peut-être, d’autres logiques.
On mesure qu’au fond les primaires, sont un mariage équivoque de la démocratie d'opinion et de la démocratie représentative. Encore faut-il prendre en compte la dimension particulière imprimée à la vie politique française par la Cinquième République.

2.2. Les effets sur la « monarchie républicaine »

2.2.1. Menaces sur la légitimité présidentielle ?

Les primaires remettraient en cause, selon certains observateurs, la légitimité du président puisqu’il est issu d’une procédure inconnue de ses fondateurs et qui serait incompatible avec l’esprit du régime.
Pour le Général De  Gaulle il y a deux plans : « celui de l’Etat ou de la République qui s’adosse à la nation des citoyens, celui de la démocratie qui exprime les exigences du peuple entendu comme réalité sociologique ». Sur le  premier, celui de l’Etat, c’est la continuité, la permanence, bref l’Histoire qui importe. Sur le second celui de la démocratie, c’est la diversité des opinions, la rivalité des partis, la « propension gauloise aux divisions et querelles »  qui l’emporte. C’est pourquoi, il préconise « qu’au-dessus des contingences politiques soit établi un arbitrage national qui fasse valoir la continuité au milieu des combinaisons »  Pour le Président de la République il est donc nécessaire qu’un contact direct avec le peuple soit établi.
Le candidat à l’élection présidentielle ne saurait dans ce schéma  souffrir quelque intercession de qui que ce soit et surtout pas des partis. Dans ces conditions, l’élection présidentielle consiste dans la rencontre entre un homme et le pays.
Le Général De Gaulle et dans une certaine mesure Georges Pompidou ont pu se présenter à l’élection dans ces conditions. Mais très vite les choses ont changé avec la place que les partis politiques ont pris dans le système de la Cinquième République.
L’élection présidentielle est en effet l’occasion rêvée pour les partis d’affirmer leur existence. Naturellement ils vont avoir tendance à présenter un candidat. Leur existence semble d’ailleurs se justifier par la présentation d’un candidat. Ils sont devenus des «écuries présidentielles». Leur existence se justifie essentiellement par la présentation d’un candidat.
Très tôt le Général de Gaulle avait compris que les partis politiques s’étaient emparés de l’élection présidentielle : «On a fait des confessionnaux, c’est pour tâcher de repousser le diable, mais si le diable est dans le confessionnal, cela change tout » résumait-il.
On a alors vu se développer une longue période pendant laquelle le leadership partisan coïncidait avec la candidature présidentielle. En d’autres termes pour être candidat il fallait être à la tête d’un parti, qui plus est, d’un parti construit sur mesure par le candidat. C’est ainsi que François Mitterrand après son échec de 1965 comprendra que non seulement il lui fallait bénéficier d’un grand parti, mais surtout d’un parti configuré autour de son projet. C’est le même choix que feront Jacques Chirac, puis Nicolas Sarkozy. Le premier en transformant l’UDR en RPR, le second en s’emparant de l’UMP.
Lorsque le leadership partisan sera menacé, l’idée de la primaire s’imposera. C’est ainsi, comme on l’a vu, qu’en 1991, le RPR et l’UDF craignant une pluralité de candidats lors de la prochaine présidentielle  s’étaient  engagés  à faire des primaires, mais sans  succès.
C’est au parti socialiste que le leadership du premier secrétaire, François Hollande, sera menacé après la division du parti lors du référendum sur la Constitution européenne en 2005. Dans ces conditions, François Hollande ne pouvait imposer sa candidature en 2007, la primaire allait de soi.
Commençait alors une nouvelle période pendant laquelle, la contestation des partis aidant, ainsi que le poids de l’opinion et de ses instruments, les médias et les sondages, le leadership présidentiel tendait à échapper aux partis.
Pour certains, les primaires, en permettant aux candidats d’échapper aux partis, permettent aussi, de renouer d’une certaine manière avec l’esprit de la Cinquième. Mais, d’aucuns mettent en avant le fait que les primaires sont quand même organisées par les grands partis. Aussi, et c’est paradoxal, certains candidats voulant renouer avec le mythe fondateur de l’homme qui rencontre son peuple se présentent en dehors des primaires sans appartenir à de « vrais » partis politiques, que ce soit Emmanuel Macron ou encore Jean-Luc Mélenchon.
En réalité, les primaires ouvertes se situeraient entre les deux systèmes  de candidatures aux présidentielles qui se sont succédés sous la Cinquième République, celui de l’homme providentiel qui s’impose et celui de l’investiture par un parti. En reprenant l’image du confessionnal on peut dire que le diable est toujours dedans, mais on a ouvert la porte.

2.2.2. Renforcement de la présidentialisation ?

L’instauration de primaires ouvertes tend indéniablement à limiter le rôle des partis politiques, mais sans excès. Ce qui a pour conséquence indirecte de renforcer la position des candidats et notamment celle de celui qui accèdera à la présidence de la République. Les primaires renforceraient donc la présidentialisation du régime ?
D’abord, les primaires auraient tendance à accroitre la personnalisation de la vie politique mais renforceraient-elles pour autant la fonction présidentielle ?
Il est vrai que la personnalisation du pouvoir est un phénomène qui n’est pas nouveau. Mais il tend à se développer en raison du système de la Cinquième République et notamment de l’élection présidentielle au suffrage universel direct. La personnalisation du pouvoir est aussi le résultat du développement considérable non seulement de l’audiovisuel mais aussi des réseaux sociaux et d’Internet en général. Dans ce contexte il est illusoire de penser que les primaires ne renforceraient pas ce mouvement.
D’abord, parce qu’elles doublent l’élection présidentielle elle-même.  Ne sont-elles pas des élections dans l’élection. Or chaque élection et notamment la présidentielle est l’occasion de voir la personnalisation se développer. Ce phénomène est encore plus grand pour les primaires puisque ce sont des élections « pour rire », des entrainements où l’on peut se faire plaisir et à la limite où l’on joue.
Pour Bernard Lamizet en effet : « la primaire accentue, d'abord, l'aspect de jeu, voire de feuilleton, de la vie politique. On suit le déroulement de la primaire de la même façon que l'on suivrait une compétition ».
Dans cette compétition, les programmes des candidats passent à la trappe et le débat se transforme souvent en affrontement entre des personnalités plus ou moins fortes qui débouche sur un combat d’ego. Dans ces conditions, les primaires pourraient avoir tendance à se transformer en « concours de beauté » pour reprendre l’expression de Laurent Fabius. Cet escamotage des projets est d’autant plus facile qu’une primaire oppose les membres d’un même parti ou d’une même coalition, donc des personnes qui politiquement sont proches. La différence ne peut se faire vraiment sur les projets, et ce encore moins de nos jours où malheureusement les promesses électorales ont tendance à être oubliées. Mieux vaut ne pas en faire ou du moins faire en sorte qu’elles soient au second plan, plutôt que de se voir reprocher plus tard leur oubli.
Si la personnalisation du débat semble renforcée par les primaires, pour autant le président élu aux termes de ces primaires et de l’élection qui suit ne semble pas renforcé dans sa fonction et ses pouvoirs.
Ce qui s’est passé durant ce quinquennat tend à nous le montrer. François Hollande a emporté la primaire des socialistes contre Martine Aubry qui dirigeait le parti. Il n’avait dans ces conditions pas le pouvoir d’accorder les investitures pour les législatives devant suivre les présidentielles. La majorité comprenant les écologistes lui a été imposée par la direction du parti. Ne maîtrisant pas vraiment sa majorité, le Président a dû construire des gouvernements dans lesquels étaient progressivement éliminés les éléments qui ne le soutenaient plus vraiment, ce qui a provoqué la naissance de ce que l’on a appelé les « frondeurs ». Comme le rappelle Pascal Jan, « Un président qui ne maîtrise pas sa majorité, c’est un président qui ne peut qu’échouer». C’est bien ce qui est arrivé.
Fort de cet exemple, François Fillon, au lendemain de sa désignation comme candidat de la droite et du centre et conformément aux statuts de son parti a pris les commandes des Républicains, ce qui lui a permis de revoir les investitures des législatives et ainsi de ne pas tomber dans le piège dans lequel était tombé François Hollande.
Tout ceci montre que les primaires permettent de prendre des distances avec les partis pour ce qui est de la désignation du candidat, mais cette distance doit impérativement être resserrée après la désignation. 

  • * *

Selon Pascal Jan «Les primaires ouvertes fragilisent considérablement la fonction présidentielle et sont un danger pour les institutions», mais d’après J-Ph Derosier, « Il est incontestable qu’elle (la primaire) permet aussi une diffusion des idées plus large, une explication du programme plus grande, une occupation du terrain médiatique plus certaine, un renflouement des caisses plus immédiat. »
On le voit, les opinions sont partagées. En réalité il semble que les avantages et les inconvénients des primaires peuvent s’équilibrer. Tout dépend des conditions dans lesquelles elles sont organisées.   
Certes elles renforcent la personnalisation, mais ce phénomène est une tendance lourde des démocraties modernes, et de la Cinquième République en particulier. La fonction présidentielle n’est pas nécessairement remise en cause, il suffit de ne pas couper les ponts entre le vainqueur des primaires et les dirigeants du parti. Evidemment, elles renforcent la démocratie d’opinion, mais celle-ci n’est pas nouvelle et surtout elle permet de compenser quelques aspects négatifs de la démocratie représentative. En réalité, les primaires ouvertes ne sont pas à l’origine des phénomènes qu’on leur reproche, mais plutôt la conséquence de ceux-ci.
Alors servent-elles quand même à sélectionner le candidat d'un parti quand il y a pluralité de prétendants. Pas sûr, car on  l'a  vu les primaires permettent  de sélectionner les candidats les plus à droite ou à gauche selon la primaire. Alors que les présidentielles, généralement se jouent au centre. C'est pourquoi, on peut  le constater actuellement, les primaires de droite et de gauche  n'ont pas empêché l’existence de candidatures relativement sérieuses hors primaires comme celle d’Emmanuel Macron.

Au moment où les primaires connaissent un large succès puisque pour la première fois elles sont organisées à droite et au centre, à gauche et chez les écologistes, elles sont contournées par des candidats qui pourraient troubler la course à la présidence.

Les 17 candidats à la candidature Républicains en 2016

 

- Donald Trump (68 ans) qui l’emportera
- Ted Cruz (44 ans): sénateur du Texas. Il est soutenu par le Tea Party.
- John Kasich (63 ans): gouverneur de l'Ohio
- Marco Rubio (43 ans): sénateur de Floride. Il s’est retiré après sa défaite dans  son propre Etat contre Donald Trump.
- Ben Carson (64 ans): neurochirurgien à la retraite
- Jeb Bush (62 ans): ancien gouverneur de Floride et frère de l'ex-président George W. Bush Il a abandonné la course après la primaire de Caroline du sud.
- Jim Gilmore (65 ans): ancien gouverneur de la Virginie,
- Chris Christie (53 ans): gouverneur du New Jersey. Il s'est retiré de la course le 10 février, après ses résultats décevants lors de la primaire dans le New Hampshire.
- Carly Fiorina (61 ans) : ancienne PDG du géant informatique Hewlett-Packard et seule femme à se présenter côté républicain.. Elle aussi s’est retirée de la compétition après la primaire du New Hampshire.
- Mike Huckabee (60 ans) : ex-gouverneur de l'Arkansas.
- Rick Santorum (57 ans): ex-sénateur de Pennsylvanie. Il a abandonné après la primaire de l'Iowa.
- Rand Paul (53 ans): sénateur du Kentucky. Fils de Ron Paul, qui fut candidat à la présidentielle de 1988 et aux primaires républicaines de 2008 et 2012. Il a quitté la compétition après la primaire de l'Iowa.
- Lindsey Graham (60 ans): sénateur de Caroline du Sud.
- Bobby Jindal (44 ans): gouverneur de Louisiane.
- George Pataki (70 ans): ancien gouverneur de New York.
- Rick Perry (65 ans): ancien gouverneur du Texas. Il a été le premier à abandonner en septembre 2015.
- Scott Walker (48 ans): gouverneur du Wisconsin.

Les 6 candidats à la candidature Démocrates en 2016

- Hillary Clinton (68 ans) : l'ancienne secrétaire d'État américaine - et ex-First Lady -. En 2008, elle avait été battue lors des primaires par l'actuel président Barack Obama.
- Bernie Sanders (74 ans): sénateur du Vermont, se présente comme un démocrate socialiste.
- Martin O'Malley (53 ans): ancien maire de Baltimore (1999-2007) et gouverneur du Maryland (2007-2015). Il a abandonné le 2 février 2016, après le caucus de l'Iowa.
- Lincoln Chafee (62 ans): l'ancien sénateur du Rhode Island était républicain avant de se déclarer démocrate.
- Lawrence Lessig (54 ans): professeur de droit.
- Jim Webb (69 ans) : ancien sénateur de virginie.

CalendrierEtatsTypeDélégués repVainqueur républicainDélégués démoVainqueur démocrate
1er févrierIowaCaucus30Ted Cruz44 (8)Hillary Clinton
9 févrierNew HampshirePrimaire23Donald Trump24 (8)Bernie Sanders
20 févrierNevadaCaucus//35 (8)Hillary Clinton
 Caroline du SudPrimaire44Donald Trump//
23 févrierNevadaCaucus30Donald Trump//
27 févrierCaroline du SudPrimaire//53 (6)Hillary Clinton
1er marsAlabamaPrimaire50Donald Trump53 (7)Hillary Clinton
 AlaskaCaucus28Ted Cruz//
 Samoa américainesPrimaire9 6 (4)Hillary Clinton
 ArkansasPrimaire40Donald Trump32 (5)Hillary Clinton
 ColoradoCaucus37/66 (13)Bernie Sanders
 GéorgiePrimaire76Donald Trump102 (14)Hillary Clinton
 MassachusettsPrimaire42Donald Trump91 (25)Hillary Clinton
 MinnesotaPrimaire38Marco Rubio77 (16)Bernie Sanders
 OklahomaPrimaire43Ted Cruz38 (4)Bernie Sanders
 TennesseePrimaire58Donald Trump67 (9)Hillary Clinton
 TexasPrimaire155Ted Cruz222 (30)Hillary Clinton
 VermontPrimaire16Donald Trump16 (10)Bernie Sanders
 VirginiePrimaire49Donald Trump95 (15)Hillary Clinton
 Démocrates de l'étrangerPrimaire//13 (4) 
5 marsKansasCaucus40Ted Cruz33 (4)Bernie Sanders
 KentuckyCaucus46Donald Trump/Hillary Clinton
 LouisianePrimaire46Donald Trump51 (8)Hillary Clinton
 MaineCaucus23Ted Cruz//
 NebraskaCaucus//25 (5)Bernie Sanders
6 marsMaineCaucus//25 (5)Bernie Sanders
 Porto RicoCaucus23Marco Rubio//
8 marsHawaiiCaucus19Donald Trump//
 IdahoCaucus32Ted Cruz/Hillary Clinton
 MichiganPrimaire59Donald Trump130 (17)Bernie Sanders
 MississippiPrimaire40Donald Trump36 (5)Hillary Clinton
12 marsDistrict de Columbia (Washington)Primaire19Marco Rubio//
 Îles Mariannes du NordCaucus//6 (5)Hillary Clinton
 GuamCaucus9 //
 WyomingPrimaire26 (3) //
15 marsFloridePrimaire99Donald Trump214 (32)Hillary Clinton
 IllinoisPrimaire69Donald Trump156 (26)Hillary Clinton
 MissouriPrimaire52Donald Trump71 (13)Hillary Clinton
 Îles Mariannes du NordCaucus9Donald Trump//
 Caroline du NordPrimaire72Donald Trump107 (14)Hillary Clinton
 OhioPrimaire66John Kasich143 (16)Hillary Clinton
19 marsÎles ViergesCaucus9 //
22 marsArizonaPrimaire58Donald Trump75 (10)Hillary Clinton
 IdahoCaucus//23 (4)Bernie Sanders
 UtahPrimaire40Ted Cruz33 (4)Bernie Sanders
26 marsAlaskaCaucus//16 (4)Bernie Sanders
 HawaiiCaucus//25 (9)Bernie Sanders
 WashingtonCaucus//101 (17)Bernie Sanders
5 avrilWisconsinPrimaire42Ted Cruz86 (10)Bernie Sanders
9 avrilWyomingCaucus//14 (4)Bernie Sanders
19 avrilNew YorkPrimaire95Donald Trump247 (44)Hillary Clinton
26 avrilConnecticutPrimaire28Donald Trump55 (15)Hillary Clinton
 DelawarePrimaire16Donald Trump21 (10)Hillary Clinton
 MarylandPrimaire38Donald Trump95 (23)Hillary Clinton
 PennsylvaniePrimaire71Donald Trump189 (21)Hillary Clinton
 Rhode IslandPrimaire19Donald Trump24 (9)Bernie Sanders
3 maiIndianaPrimaire57Donald Trump83 (9)Bernie Sanders
7 maiGuamCaucus//7 (5)Hillary Clinton
10 maiNebraskaCaucus36Donald Trump//
 Virginie-OccidentalePrimaire34Donald Trump29 (8)Bernie Sanders 
17 maiKentuckyCaucus//55 (5)Hillary Clinton
 OregonPrimaire28Donald Trump61 (13)Bernie Sanders
24 maiWashingtonCaucus44Donald Trump//
4 juinÎles ViergesCaucus//7 (5)Hillary Clinton
5 juinPorto RicoCaucus//60 (7)Hillary Clinton
7 juinCaliforniePrimaire172Donald Trump475 (71)Hillary Clinton
 MontanaPrimaire27Donald Trump21 (6)Bernie Sanders
 New JerseyPrimaire51Donald Trump126 (16)Hillary Clinton
 Nouveau-MexiquePrimaire24Donald Trump34 (9)Hillary Clinton
 Dakota du NordCaucus//18 (5)Bernie Sanders
 Dakota du SudPrimaire29Donald Trump20 (5)Hillary Clinton
14 juinDistrict de Columbia (Washington)Primaire/ 20 (25) 
         

Auteur(s) :

FERRETTI Raymond

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