Les principes budgétaires de l'Etat

Modifié le 16 mai 2023

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Notions clés

Le droit budgétaire de l’Etat s’articule autour de quatre grands principes. Ils sont nés à l’époque de la Restauration de la monarchie, c’est-à-dire à un moment ou le régime parlementaire se mettait en place. Leur but est le même, garantir le pouvoir budgétaire du Parlement. C’est pourquoi ils sont toujours en vigueur aujourd’hui, même s’ils ont subi quelques évolutions.

Deux sortes de principes encadrent le budget. D’une part les principes qui régissent l’objet de l’autorisation, d’autre part les principes qui s’appliquent à la présentation.

1.      Les principes régissant l’objet de l’autorisation budgétaire

1.1. Le principe de la spécialité budgétaire

1.1.1     Un principe toujours en vigueur malgré quelques évolutions

Selon le principe de la spécialité, les crédits ouverts par la loi de finances sont affectés à des dépenses déterminées. Ce qui implique :

  • Sur le plan de la présentation budgétaire, une nomenclature précise des dépenses. Le point  d’aboutissement étant traditionnellement le chapitre budgétaire
  • Sur le plan de l’autorisation budgétaire, un vote par chapitre

Si ce principe a vu le jour c’est pour des raisons d’ordre politique. En effet ce principe est pour le Parlement la garantie de son pouvoir budgétaire puisqu’il lui  permet d’exercer un contrôle sur le Gouvernement : le pouvoir budgétaire apparaît ainsi. Plus la spécialisation est grande plus le principe est efficace car il permet un plus grand contrôle.

C’est en 1831, sous la Monarchie de juillet que pour la première fois le vote par chapitre apparaît. C’est à dire à une époque où le régime parlementaire se met progressivement en place. Plus le poids politique du Parlement se développera et plus la précision des chapitres augmentera. A l’inverse, quand des régimes autoritaires s’installeront, le principe sera écarté : sous le second Empire par exemple.

Bien qu’ancien, le principe est toujours appliqué aujourd’hui, même s’il a connu quelques évolutions. Ainsi, le principe n’est plus appliqué qu’à la présentation du budget et non au vote.

Ainsi, à la présentation par chapitre qui était la règle dans le cadre de l’Ordonnance du 2 janvier 1959 (art 7) a succédé une présentation par programme.

« Un programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d’intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l’objet d’une évaluation ». (article 7 ; LOLF).

Mais si le programme est l’unité de spécialisation il n’est pas l’unité de vote.

S’agissant du vote, le principe est appliqué dans son esprit et non plus dans sa lettre. En effet, le vote se fait par mission (article 43 LOLF). Une mission « comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie » (article 7 ; LOLF)

La répartition des crédits par programme se fait par décret conformément aux indications figurant dans les annexes explicatives (article 44 ; LOLF). Ainsi, les parlementaires savent comment les crédits qu’ils votent seront répartis par programmes à travers ces annexes qu’ils ont contribués à élaborer à travers la discussion budgétaire. Ainsi, le Parlement ne vote certes pas les crédits par programme, mais c’est lui qui décide de leur répartition par programme.

S’agissant du vote, le principe est donc appliqué dans son esprit et non plus dans sa lettre.

1.1.2     Mais un principe qui connait des aménagements

1.1.2.1  Un principe limité

Certains crédits ne sont pas spécialisés, il s’agit des crédits globaux et des fonds.

1.1.2.1.1 Les crédits globaux

Ce sont des crédits-réservoirs comme on les surnomme dans le jargon budgétaire. Il est possible d’y puiser en cours d’année pour abonder tel ou tel chapitre. Ces crédits sont maintenus avec quelques modifications par la loi organique sur les lois de finances du 1er août 2001.

La disparition des chapitres dans le cadre de la loi organique sur les lois de finances du 1er août 2001 ne fait pas disparaître pour autant les crédits globaux. Ils sont remplacés selon l’article 7, par deux dotations rassemblées dans une mission spécifique intitulé « Provision ». Il s’agit de :

  • Une dotation pour dépenses accidentelles, destinée à faire face à des calamités, et pour dépenses imprévisibles
  • Une dotation pour mesures générales en matière de rémunérations dont la répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au moment du vote des crédits.»

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1.1.2.1.2 Les fonds

—Les fonds spéciaux du Premier ministre

L'attribution de ces crédits au budget du Premier ministre, résulte de la loi n° 46-854 du 27 avril 1946. Le Premier ministre dispose librement de ces crédits et joue à la fois le rôle d'ordonnateur et de comptable (cette pratique méconnaît ainsi les règles de la comptabilité publique).

En juillet 2001, l’existence de ces fonds a suscité une polémique à la suite de laquelle le Premier ministre, Lionel Jospin a demandé à Monsieur Logerot, Premier  président de la Cour des comptes de lui fournir un rapport  en vue de réformer les fonds spéciaux.

Ce rapport préconisait un réexamen du périmètre des fonds spéciaux et  jugeait nécessaire de "recentrer" le régime de ces crédits sur leur "seul objet légitime, qui est le financement d'actions liées à la sécurité intérieure et extérieure de la Nation (DGSE, DST, services des Douanes...) ou à d'autres interventions exceptionnelles que le Premier ministre estimerait nécessaires à la sauvegarde des intérêts supérieurs du pays".

Quant aux indemnités allouées aux membres des cabinets ministériels et aux ministres eux-mêmes..., elles doivent désormais être versées par virement et donner lieu à une fiche de paie. Elles sont soumises aux contributions sociales et à l'impôt sur le revenu.

La LOLF n’a pas supprimé les fonds secrets. Ceux-ci figurent dans la mission « Direction de l’action du gouvernement », programme « Coordination du travail gouvernementale », Action « Coordination de la sécurité et de la défense » pour un montant de 67,8 millions € en 2017.

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—  Les fonds des pouvoirs publics

L’Assemblée Nationale  et le Sénat disposent de crédits que la loi de finances leur ouvre globalement  Au nom de l’autonomie financière dont elles bénéficient, les assemblées, décident de l’utilisation de ces crédits, elles élaborent librement leur budget dans le cadre établi par la loi de finances de l’année.

Dans sa décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001 relative à la loi de finances pour 2002, le Conseil constitutionnel consacre cette autonomie, par une réserve d’interprétation du texte examiné : « ces dispositions ne sauraient être interprétées comme faisant obstacle à la règle selon laquelle les pouvoirs publics constitutionnels déterminent eux-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement (…) cette règle est en effet inhérente au principe de leur autonomie financière qui garantit la séparation des pouvoirs ».

Chaque assemblée dispose donc librement de crédit qui lui est ouvert globalement par le  budget. Les autres pouvoirs publics sont dans la même situation.

1.1.2.2  Un principe qui peut être écarté

Des mouvements de crédits sont possibles d’un programme à l’autre, portant ainsi atteinte à la spécialité des crédits. L’Ordonnance de 1959 prévoyait deux techniques permettant de tels mouvements les transferts et les virements de crédits. Ces deux techniques sont reprises La par la LOLF qui les réorganise.

1.1.2.2.1 Les transferts de crédits

 La LOLF redéfinit les transferts de la manière suivante :

« Les transferts peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes de ministères distincts, dans la mesure où l'emploi des crédits ainsi transférés, pour un objet déterminé, correspond à des actions du programme d'origine » (art 12 ; LOLF)

L'Ordonnance prévoyait que les transferts pouvaient être opérés par arrêté du Ministre des finances. Dans le  cadre de la LOLF, ils sont effectués par décret. Après information des commissions des finances.  L'utilisation des crédits transférés donne lieu à l'établissement d'un compte rendu spécial, inséré au rapport annuel de performances.   Aucun transfert ne peut être effectué au profit du titre des dépenses de personnel à partir d'un autre titre.

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1.1.2.2.2 Les virements de crédits

« Les virements peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes d'un même ministère » (art 12 ; LOLF) 

Dans la mesure où les transferts portent plus gravement atteinte au principe, ils seront plus difficiles à réaliser. Des conditions doivent être respectées :

  • Sur le plan de la  forme :
    • C’est par  décret que le virement est mis en œuvre
    • Après information préalable des commissions des finances
    • L'utilisation des crédits virés donne lieu à l'établissement d'un compte rendu spécial, inséré au rapport annuel de performances.
  • Quant au  fond :
    • Limitation du champ d’application : le virement n’est possible qu’entre entre programmes d'un même ministère
    • Limitation du montant : 2% de l'ensemble des crédits ouvert initialement par la loi de finances.

1.2. Le principe de l’annualité

L’autorisation budgétaire est non seulement spécialisée  mais aussi annuelle. L’origine du principe de l’annualité est à rechercher dans le principe du consentement de l’impôt qui naît à l’époque féodale. Après bien des avatars, le consentement s’étendra aux dépenses et de plus, sa portée sera limitée dans le temps à un an.

Ainsi le Parlement contrôlera-t-il non seulement la levée de l’impôt mais aussi l’utilisation de celui-ci.

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 affirmera le principe dans son article 14:

« Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ».

Ce principe ne sera finalement appliqué qu’à partir de la restauration de la Monarchie, après sa mise entre parenthèses pendant la Révolution et l’Empire.

Aujourd’hui la LOLF dans son article 6 rappelle que "le budget décrit, pour une année, l'ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l'Etat".

Selon le Conseil constitutionnel « le principe de l'annualité de la loi de finances, qui découle de l'article 47 de la Constitution, s'applique dans le cadre de l'année civile » CC Décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, Loi organique relative aux lois de finances, cons. 7.

1.1.3     Un principe maintenu

Le principe présente deux facettes.

1.1.3.1 L’annualité du vote du budget

Si l’autorisation et la prévision budgétaire sont valables pendant un an, il faudra nécessairement voter chaque année un nouveau budget.

En France, l’année budgétaire et l’année civile  coïncident. Mais ce n’est pas le cas nécessairement ailleurs. Ainsi, en Grande Bretagne l’année budgétaire commence-t-elle le 1er avril et aux Etats-Unis le 1er octobre. Ces choix s’expliquent le plus souvent  par des calendriers parlementaires différents.

1.1.3.2 L’annualité de l'exécution du budget

Les opérations financières, recettes et dépenses, ne sont pas des opérations instantanées. En moyenne il faut un  moins pour qu’une dépense engagée soit payée. Et il en va de même pour les recettes. Dans ces conditions, certaines dépenses, certaines recettes peuvent chevaucher deux exercices budgétaires. Se pose alors le problème du rattachement de l’opération financière à l’un ou l’autre des deux budgets. Deux types de solution peuvent être trouvés.

1.1.3.2.1 Le système de l'exercice

Ce système qui est le plus ancien consiste à rattacher la recette ou la dépense, à l’année de sa naissance juridique c’est à dire l’engagement pour une dépense,  la constatation des droits pour une recette. Dans ce système on fait prévaloir une vision juridique, ce qui peut présenter un certain nombre d’inconvénients aussi sera- t-il abandonné. 

Il sera abandonné, mais progressivement, puisqu’en 1934 il ne s’appliquera plus qu’aux dépenses pour disparaître définitivement en 1955.

1.1.3.2.2 Le système de la gestion

Ce système se situe aux antipodes du précédent. Puisque le rattachement de l’opération financière se fait à l’année de réalisation financière.   C’est ce système que l’on pratique aujourd’hui. C’est ce système que la LOLF retient dans son article 28, pour la comptabilité budgétaire, comme c’était déjà le cas dans le cadre de l’ordonnance :

« La comptabilisation des recettes et des dépenses budgétaires obéit aux principes suivants :

« 1° Les recettes sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles sont encaissées par un comptable public ;

2° Les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles sont payées par les comptables assignataires. Toutes les dépenses doivent être imputées sur les crédits de l'année considérée, quelle que soit la date de la créance.

Mais, ce système présente un inconvénient majeur, il fait glisser automatiquement les dépenses engagées en fin d’année dans l’exercice budgétaire suivant. On corrige ce défaut  par «la période complémentaire ».

Ce même article 28 de la LOLF précise ce qu’il faut entendre par là :

« Dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, des recettes et des dépenses budgétaires peuvent être comptabilisées au cours d'une période complémentaire à l'année civile, dont la durée ne peut excéder vingt jours. En outre, lorsqu'une loi de finances rectificative est promulguée au cours du dernier mois de l'année civile, les opérations de recettes et de dépenses qu'elle prévoit peuvent être exécutées au cours de cette période complémentaire. »

Le Décret n° 2007-687 du 4 mai 2007 précise les conditions d’utilisation de cette période complémentaire tant en matière de dépenses qu’en matière de recettes :

Art. 1er. − Les mandats et ordonnances émis entre le 1er octobre et le 31 décembre de l’année, qui n’auraient pu être pris en compte à cette dernière date par les comptables, sont pris en compte au titre du budget de l’année écoulée, au cours de la période complémentaire à l’année civile mentionnée à l’article 28 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée.

Art. 2. − Les recettes, autres que les recettes fiscales, dont le titre de recouvrement a été émis entre le 1er octobre et le 31 décembre, qui n’auraient pu être prises en compte à cette dernière date par les comptables, sont prises en compte au titre du budget de l’année écoulée au cours de la période complémentaire à l’année civile.

Art. 3. − Les comptables publics de l’Etat peuvent procéder, au cours de la période complémentaire à l’année civile, à des opérations de régularisation relatives à des recettes et des dépenses budgétaires comptabilisées au titre du budget de l’année précédente.

Toutefois la comptabilité générale qui permet de connaître la situation financière globale de l’Etat  est fondée sur le principe de la constatation des droits et obligations (système de l’exercice) c’est à dire que « Les opérations sont prises en compte au titre de l'exercice auquel elles se rattachent, indépendamment de leur date de paiement ou d'encaissement. » (LOLF ; article 30)

1.1.4 Mais un principe qui peut être dépassé

Les autorisations budgétaires valables sans limitation de durée ont certes disparu, mais il existe toujours des  autorisations inférieures à l'année et des autorisations supérieures à l'année

1.1.4.1 Les autorisations budgétaires valables sans limitation de durée ont certes disparu

Certaines autorisations budgétaires avaient dans le cadre de l’ordonnance du 2 janvier 1959 une valeur supérieure à l’année, il s’agissait de ce que l’on appelait les autorisations de programme. En réalité elles étaient associées à d’autres autorisations : les crédits de paiement. Ce système a été substantiellement modifié par la loi organique sur les lois de finances du 1er août 2001 (LOLF).

1.1.4.1.1 Le système de l’ordonnance

Pour planifier le financement d’opérations d’investissement sur plusieurs années l’ordonnance, dans son article 12, met en place un nouvel instrument composé de deux éléments.

—Les autorisations de programme (AP)

« Les autorisations de programme constituent la limite supérieure des dépenses que les ministres sont autorisés à engager pour l'exécution des investissements prévus par la loi »

Ce sont donc des autorisations dont l’objet est limité à l’engagement de la dépense, mais dont la portée temporelle est illimitée : « Elles demeurent valables sans limitation de durée jusqu'à ce qu'il soit procédé à l'annulation ».

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—Les crédits de paiement (CP)

« Les crédits de paiement sur opérations en capital constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être ordonnancées ou payées pendant l'année pour la couverture des engagements contractés dans le cadre des autorisations de programme correspondantes ».

Les crédits de paiements ont donc un objet limité  au paiement mais leur portée temporelle est limitée à l’année.

A ce système de « stock » d’AP, la LOLF a entendu substituer une logique de « flux » d’AE annuelles

1.1.4.1.2 Le système de la LOLF

La loi organique reprend dans ses grandes lignes le système de l’ordonnance du 2 janvier 1959, toutefois, certaines modifications ont été introduites.

La première concerne les termes utilisés puisque que l’on parlera d’autorisation d’engagement et non plus d’autorisation de programme. Mais les définitions sont quasiment les mêmes :

« Les autorisations d'engagement constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être engagées. Pour une opération d'investissement, l'autorisation d'engagement couvre un ensemble cohérent et de nature à être mis en service ou exécuté sans adjonction. »

« Les crédits de paiement constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être ordonnancées ou payées pendant l'année pour la couverture des engagements contractés dans le cadre des autorisations d'engagement. » (article 8)

Plus substantiellement, le système est étendu à toutes les autorisations budgétaires et pas seulement aux dotations affectées aux dépenses en capital et aux prêts (article 8).

Enfin, les nouvelles autorisations d’engagement ne sont pas valables sans limitation de durée comme l’étaient les anciennes autorisations de programme. Leur report est possible sans formalité. Le législateur organique a ainsi entendu rompre avec les pratiques antérieures consistant à accumuler des AP disponibles pouvant être exécutées plusieurs années après leur ouverture, de manière à rétablir une corrélation étroite entre l’autorisation parlementaire et la dépense effective.

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1.1.4.2 Les autorisations inférieures à l'année : les modifications de l'autorisation

Par transfert ou virement de crédits l’autorisation budgétaire peut être modifiée en cours d’année conduisant à de nouvelles autorisations nécessairement inférieures à l’année. Il en va de même pour les le recours aux crédits globaux que nous avons évoqués plus haut. Mais il existe d’autres cas dans lesquels des autorisations inférieures à l’année sont produites.

1.1.4.2.1 Les annulations de crédits

La prévision budgétaire comme toute prévision est nécessairement limitée. Il est donc impérieux de pouvoir la corriger en cours d’année. Dans ces conditions des annulations de crédits sont possibles.

Les cas dans lesquelles l’annulation de crédits sont possibles sont au nombre de deux. D’abord, comme c’était déjà le cas dans le cadre de l’ordonnance lorsqu’un  crédit est devenu sans objet. Mais la LOLF a prévu un nouveau cas : en vue « de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire »

LOLF ; Article 14

I. - Afin de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l'année concernée, un crédit peut être annulé par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances. Un crédit devenu sans objet peut être annulé par un décret pris dans les mêmes conditions.

Avant sa publication, tout décret d'annulation est transmis pour information aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et aux autres commissions concernées.

Le montant cumulé des crédits annulés par décret en vertu du présent article et de l'article 13 ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours.

Toutefois, l’annulation de crédits doit rester dans des limites quantitatives acceptables. L’article 14 les fixe à  1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances  de l’année.

C’est par décret et non plus par arrêté du ministre des finances que l’annulation est réalisée, mais celui-ci doit être communiqué aux commissions des assemblées parlementaires avant sa publication.

1.1.4.2.2 Les décrets d’avances

Lorsqu’en cours d’année les crédits ouverts sont insuffisants, une procédure est prévue, celle de la loi finances rectificatives. Toutefois cette procédure est longue.

Or souvent lorsque le Gouvernement a besoin de crédits supplémentaires c’est dans l’urgence. Par conséquent la procédure de la loi de finances rectificative n’est pas adaptée.

C’est pourquoi, l’Ordonnance, puis la LOLF ont mis en place une procédure dérogatoire, celle du décret d’avance.

L’article 13 de la LOLF  précise le régime des décrets d’avance et prévoit comme par le passé  deux  catégories de décrets d’avance

—Les décrets d’avance en cas d’urgence

Outre la condition de l’urgence, la LOLF prévoit que plusieurs conditions doivent être respectées afin d’ouvrir des crédits supplémentaires par décrets d’avance.

D’abord et surtout, les crédits ne peuvent pas affecter l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances. Un rapport du ministre des finances doit montrer que les crédits supplémentaires demandés sont compensés par l’annulation de crédits équivalents. Les crédits demandés doivent être gagés.

Ensuite, le Conseil d’Etat doit être consulté. Il donne son avis.

De même, les commissions des finances des deux assemblées donnent leur avis dans les 7 jours. Passé ce délai, l’avis n’est plus nécessaire.

En outre, le montant cumulé des crédits ainsi ouverts ne peut excéder  1 % des crédits ouverts par  la LFI. Enfin, la ratification des décrets est demandée au Parlement dans le plus prochain  PLF afférent à l'année concernée. En 2016 trois décrets d’avance ont été publiés respectivement les 2 juin, 3 octobre et 2 décembre 2016.

— Le décret n° 2016-732 du 2 juin 2016 ouvre 1 450 M€ d’AE et 988 M€ de CP, pour financer le plan d’urgence pour l’emploi (1 228 M€ en AE et 766 M€ en CP), la prise en charge des demandeurs d’asile (158 M€) et diverses dépenses agricoles (épizooties, contentieux sur les retraites vétérinaires : 64 M€). Il annule 639 M€ en AE et 699 M€ en CP sur le budget général ainsi que 894 M€ en AE sur le CAS Participations financières de l’Etat.

— Le décret n° 2016-1300 du 3 octobre 2016 ouvre 1 532 M€ en AE et 699€ en CP sur le budget général à titre d’avance, pour financer les contrats aidés (123 M€ en AE et 575 M€ en CP), l’hébergement d’urgence (84 M€) et les frais de justice (25 M€ en AE et 40 M€ en CP). Il annule 639 M€ en AE et 699 M€ en CP sur le budget général ainsi que 894 M€ en AE sur le CAS Participations financières de l’État.

—Le décret n° 2016-1652 du 2 décembre 2016 ouvre 1 749 M€ en AE et 1 735 M€ en CP sur le budget général à titre d’avance, gagés par des annulations de même montant. Les ouvertures de crédits de personnel s’élèvent à près de 887 M€, principalement sur les missions Enseignement scolaire (601 M€) et Défense (187 M€). Les ouvertures de crédits hors titre 2 (862 M€ en AE et 849 M€ en CP) viennent abonder principalement les opérations extérieures et les missions intérieures du ministère de la défense (644 M€, hors crédits de personnel), l’hébergement d’urgence (100 M€), et les bourses scolaires et étudiantes (60 M€ en AE et 81 M€ en CP).

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—Les décrets d’avance en cas d’urgence et de nécessité impérieuse d’intérêt national

Dans cette hypothèse des conditions de fond et de forme doivent être réunies.

Pour ce qui est des conditions de fond, on peut porter atteinte à l’équilibre du budget contrairement au cas précédent.

Pour ce qui est de la  forme, l’avis du Conseil d’Etat est exigé, l’information du Parlement également, une ratification parlementaire est nécessaire, elle doit être immédiate et spécifique.

De plus le décret est délibéré en Conseil des ministres, il est donc signé par le Président de la République.

1.1.4.3 Les autorisations supérieures à l'année : les prolongations de l'autorisation

1.1.4.3.1 Le report de crédits (art 14 LOLF)

Le régime des reports de crédit varie selon qu’il s’agit de reporter des autorisations d’engagement ou des crédits de paiement.

Pour ce qui est des autorisations d'engagement, aucune condition restrictive n’est prévue. Ce n’est pas le cas  des  crédits de paiement puisqu’une limitation quantitative existe: le total des crédits de paiement reporté ne peut en effet dépasser  3 % des crédits initiaux.

C’est  par arrêté conjoint du ministre des finances et du ministre intéressé, publié au plus tard le 31 mars de l’année suivante que le report est réalisé.

1.1.4.3.2 Les engagements par anticipation

Ils sont prévus par l'article 108 de la loi de finances pour 2005  qui reprend les dispositions du décret n° 86-451 du 14 mars 1986.

Quatre conditions doivent être respectées :

  • L’engagement ne peut concerner que des dépenses autres que de personnel et d'investissement
  • Il ne peut intervenir qu’à  partir du 1er novembre
  • Il ne peut porter que sur le quart des crédits de l'année en cours
  • Ces engagements stipulent que l'exécution du service ne pourra intervenir avant le premier janvier.

LOI n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 - Article 108

I. - A partir du 1er novembre de chaque année et dans la limite du quart des crédits de l'année en cours ouverts par les lois de finances sur les titres correspondants de chaque programme ou dotation, les engagements de dépenses autres que de personnel et d'investissement peuvent être pris sur les crédits de l'année suivante. Ces engagements indiquent que l'exécution du service ne pourra intervenir avant le 1er janvier.

II. - Pour la période du 1er novembre au 31 décembre 2005, la limite du quart des crédits est appréciée par titre des programmes et dotations figurant dans la présentation indicative prise en application du I de l'article 66 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Pour finir, il faut souligner qu’une pluriannualité  de la prévision et non pas de l’autorisation a été mise en place à travers les lois de programmation des finances publiques.

Lors de la révision de la Constitution intervenue le 23 juillet 2008, une nouvelle catégorie de loi voyait le jour : les lois de programmation. Parmi celles-ci, l’article 34 de la Constitution dans sa nouvelle rédaction, distingue les lois de programmation des finances publiques qui « s’inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Plusieurs lois de ce type ont déjà vu le jour, deux sous le quinquennat précédent, la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. Enfin, la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 a été adoptée dans le cadre du nouveau quinquennat.

L’article 34 de la Constitution précise que « Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique », c’est sur cette base notamment que la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques a été adoptée et plus récemment, la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Selon l’article 3 de la  loi organique, la période couverte par la programmation sera d’au moins trois ans, mais pourrait être adaptée.

Ce budget pluriannuel comporte ainsi les plafonds des trois années couvertes exprimés en crédits de paiement de chacune des missions du budget général.

Une programmation plus courte, de deux ans, ne trancherait pas suffisamment avec la logique annuelle des lois de finances. Dans le cas d’une programmation à plus long terme, l’incertitude risquerait de l’emporter sur la capacité à prévoir et à absorber les différents aléas, ce qui nuirait à sa crédibilité.

Mais ces indications ne sont que des prévisions et non pas des autorisations puisque les lois de programmation sont des lois qui dans la hiérarchie des normes se situent au même niveau que les lois ordinaires, les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale. Une loi de finances postérieure peut donc ne pas tenir compte des prescriptions de la loi de programmation.

Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs confirmé cela dans sa Décision n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012 :

« 12. Considérant que les orientations pluriannuelles ainsi définies par la loi de programmation des finances publiques n'ont pas pour effet de porter atteinte à la liberté d'appréciation et d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation ; qu'elles n'ont pas davantage pour effet de porter atteinte aux prérogatives du Parlement lors de l'examen et du vote des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale ou de tout autre projet ou proposition de loi »

2 Les principes régissant la présentation de l’autorisation budgétaire

2.1 Le principe de l’unité

Selon messieurs Paul GAUCHER et Pierre LLAU « Le principe d’unité (ou de synthèse),[est] essentiellement motivé par la volonté de permettre aux détenteurs de la souveraineté financière une vision unitaire et complète des prévisions de recettes et dépenses publiques, implique que toutes ces recettes et dépenses figurent en un compte unique. » 

Le principe de l’unité est donc une garantie pour les parlementaires. C’est pourquoi l’article 6 de la LOLF, en précisant que « le budget décrit, pour une année, l'ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l'Etat», rappelle ce principe en termes de contenu donc sur un plan matériel. Un peu plus loin ce même article 6  précise que « l'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont retracées sur un compte unique, intitulé budget général » reprenant l’aspect matériel de l’unité en l’englobant dans sa dimension formelle.

A l’unité de contenu doit correspondre une unité d’acte. Mais de nos jours et malgré les textes, le principe de l’unité comme tous les autres a dû subir un certain nombre d’atteinte.

2.1.1 Les atteintes à l’unité matérielle du budget ou la division du budget en plusieurs composantes

Parler du budget de l’Etat au singulier est une déformation de la réalité. En effet ce que l’on appelle le budget, c’est à dire  la loi de finances de l’année n’est en réalité qu’une façade derrière laquelle coexistent plusieurs budgets.

Le budget général d’abord qui  représente bien sûr l’élément le plus important, mais il est complété par deux budgets annexes et une trentaine de comptes spéciaux répartis en quatre grandes catégories. Non seulement le budget de l’Etat est flanqué de deux composantes, mais celles-ci sont multiples.

2.1.1.1  Les budgets annexes

C’est le développement des activités industrielles et commerciales de l’Etat au lendemain de la Première Guerre qui va provoquer la création des budgets annexes. Il était en effet nécessaire de comptabiliser à part les opérations financières relatives à ces activités qui ne pouvaient pas être mêlées aux autres dont la nature est bien différente. De plus, un grand nombre de principes budgétaires ne s’appliquent pas dans les budgets annexes.

C’est l’article 18 de la LOLF qui prévoit et définit les budgets annexes.

« I. - Des budgets annexes peuvent retracer, dans les conditions prévues par une loi de finances, les seules opérations des services de l'Etat non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances, lorsqu'elles sont effectuées à titre principal par lesdits services.» LOLF (article 18)

Trois critères sont retenus :

  • seuls les services de l’Etat qui ne sont pas dotés de la personnalité juridique peuvent être constitués en budgets annexes
  • ces services doivent se livrer à une « activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances, bref une activité de type économique
  • ces activités doivent être exercées à titre principal par le service en question

Les budgets annexes ne peuvent être créés que par une  loi de finances. Ils constituent une mission.

Ils sont présentés selon les normes du plan comptable général, en deux sections. La section des opérations courantes retrace les recettes et les dépenses de gestion courante. La section des opérations en capital retrace les recettes et les dépenses afférentes aux opérations d'investissement et aux variations de l'endettement.

Aucun virement ou transfert de crédit ne peut être effectué entre le budget général et un budget annexe.

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2.1.1.2  Les comptes spéciaux

Dans le cadre des finances publiques classiques, les opérations temporaires étaient extrêmement rares. Quand, au lendemain de la Première Guerre elles se sont développées, elles ont été comptabilisées à part, en dehors du budget car leur nature financière est bien différente. Au moment où ces opérations (prêts et emprunts) ont pris une réelle importance, il a été décidé de les intégrer dans le budget, mais à une place à part. C’est ainsi que sont apparus les comptes spéciaux du Trésor. Leur nombre n’a fait que croître sous la IVe République puisque l’on  dénombrait quelques 400 à  la veille de la Veme. C’est pourquoi l’ordonnance de 1959 a voulu organiser ces comptes pour en limiter le nombre en définissant non pas les comptes spéciaux du Trésor en général, mais en prévoyant six  catégories de comptes. La LOLF a poursuivi cet effort en réduisant le nombre de catégories de compte à quatre. Aujourd’hui, on dénombre  une trentaine de comptes spéciaux.

L’article 19 de la loi organique change non seulement la dénomination de ces comptes puisqu’il est question de comptes spéciaux, mais de plus réduit le nombre des catégories à quatre. Chacun des comptes spéciaux constitue une mission, leurs crédits sont spécialisés par programme. Aucun virement, aucun transfert ou encore aucune répartition provenant des crédits globaux ne peut être effectué entre le budget général et un compte spécial.

Deux catégories de comptes spéciaux sont dotées d’autorisations budgétaires semblables à celles contenues dans le budget général c’est à dire des autorisations d’engagement et des crédits de paiement, ce sont les  comptes d'affectation spéciale et les comptes de concours financiers. Les deux dernières catégories de compte comportent des autorisations de découverts ce sont les  comptes de commerce  et les comptes d'opérations monétaires

2.1.1.2.1 Les comptes d'affectation spéciale (art 21)

Ils retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. Ces recettes peuvent être complétées par des versements du budget général, dans la limite de 10 % des crédits initiaux de chaque compte.

Parmi les comptes d’affectation spéciale deux sont prévus  explicitement  par la LOLF (art. 21) :

  • un premier relatif aux participations financières de l’Etat
  • un second relatif aux pensions et avantages accessoires
2.1.1.2.2 Les comptes de concours financiers (art 24)

Ils retracent les prêts et avances consentis par l'Etat. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs.

Les comptes de concours financiers sont dotés de crédits limitatifs, à l'exception des comptes ouverts au profit des Etats étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

Les prêts et avances sont accordés pour une durée déterminée. Ils sont assortis d'un taux d'intérêt qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d'échéance la plus proche. Il ne peut être dérogé à cette disposition que par décret en Conseil d'Etat.

2.1.1.2.3 Les comptes de commerce  (art 22)

Leur définition est très proche de celle de l’ordonnance. Là encore la LOLF prévoit l’existence d’un compte de commerce bien précis : celui retraçant « les opérations budgétaires relatives à la dette et à la trésorerie de l'Etat, à l'exclusion de toute opération de gestion courante ».  Ce compte devant respecter les règles suivantes :

Il « est divisé en sections distinguant les opérations selon leur nature. Chaque section est dotée d'une autorisation de découvert.

Sont déterminés par une disposition de loi de finances :

-          la nature des opérations autorisées, chaque année, sur chaque section ;

-          le caractère limitatif ou évaluatif de chaque autorisation de découvert ;

-          les modalités générales d'information du Parlement sur l'activité du compte et les modalités particulières selon lesquelles le ministre chargé des finances informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances de tout dépassement d'une autorisation de découvert ;

-          les conditions générales de fonctionnement du compte. »

2.1.1.2.4        Les comptes d'opérations monétaires (art 23)

La définition de ces comptes est la même que dans l’ordonnance. Il est cependant précisé que pour cette catégorie de comptes, les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses ont un caractère indicatif. Par contre le découvert fixé pour chacun d'entre eux a un caractère limitatif.

Ce que l’on appelle communément le budget est en réalité on vient de le constater un ensemble de plusieurs composantes. Mais l’acte qui contient ces composantes ne peut être réduit à la loi de finances initiale. En effet tout au long de l’année se multiplient les actes budgétaires portant ainsi atteinte à ce que l’on peut appeler l’unité  formelle du budget.

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2.1.2 Les atteintes à l’unité formelle du budget : la multiplication des actes budgétaires

La loi de finances de l’année  est complétée par des actes législatifs et par des actes réglementaires. Leur multiplication porte atteinte à l’unité externe du budget.

2.1.2.1  La multiplication des actes législatifs

On réduit trop souvent le budget à la loi de finances de l’année. Or, d’autres lois de finances interviennent au cours de la même année voire l’année suivante et doivent être considérées comme faisant partie intégrante du budget. Il s’agit des lois de finances rectificatives et des lois de règlement.

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2.1.2.1.1 Les lois de finances rectificatives

Les articles 1 et 35 de la LOLF prévoient l’existence de ces lois que l’on continue, dans le langage courant, à appeler des collectifs budgétaires puisque tel était leur nom sus la IIIe République. Dans la mesure où la prévision budgétaire comme toutes les prévisions est incertaine, en raison de la survenance d’événements  inattendus, il faut pouvoir la modifier.  C’est à cela que sert la loi de finances rectificative.  « Seules les lois de finances rectificatives peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année » précise l’article 35 de la LOLF.

Le régime des lois de finances rectificatives est aligné sur le régime des lois de finances initiales et ce sur deux points essentiellement.

La présentation, d’abord. La loi de finances rectificative comprend en effet comme la loi de finances de l’année, deux parties. La première décrit les modifications de recettes et le nouvel équilibre du budget la deuxième partie contient le détail des ouvertures de crédits et des dispositions permanentes.

La loi organique sur les lois de finances du 1er août 2001 renforce les informations des parlementaires en  disposant que sont joints à tout projet de loi de finances rectificative :

Un rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions qu'il comporte

Une annexe explicative détaillant les modifications de crédits proposées ;

Des tableaux récapitulant les mouvements intervenus par voie réglementaire et relatifs aux crédits de l'année en cours (article 53)

La procédure est également calquée sur celle des lois de finances de l’année puisque la loi de finances rectificative est soumise aux mêmes délais. De plus les mêmes règles de priorité s’appliquent : priorité à l’Assemblée Nationale, vote préalable de la première partie.

2.1.2.1.2 La loi de règlement

Si la loi de finances initiale est adoptée avant l’exercice budgétaire et la ou les lois de finances rectificatives pendant l’année, la loi de règlement, elle, est adoptée après la fin de l’exercice. L’article 1er de la LOLF définit ces lois à partir de deux finalités, la constatation des résultats et l’approbation des différences entre les résultats et les prévisions.          

Ce faisant, le Parlement exerce un contrôle sur le Gouvernement. Mais ce contrôle n’est efficace que dans la mesure où il intervient peu de temps après la fin de l’exercice concerné. C’est pourquoi la LOLF prévoit que le projet de loi de règlement devra être déposé au plus tard le 1er juin de l’année qui suit celle de l’exécution du budget (article 46). De plus, selon l’article 41 de la LOLF « Le projet de loi de finances de l'année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant le vote par celle-ci, en première lecture, sur le projet de loi de règlement afférent à l'année qui précède celle de la discussion dudit projet de loi de finances. »

Enfin, l’objet essentiel des lois de finances rectificatives est de permettre  le contrôle du Parlement sur l’exécution du budget. Il le peut d’autant plus que la LOLF a prévu la mise en place dans la  loi de finances de l’année de projets annuels de performance (PAP) (article 51-5°) auxquels répondront dans la loi de règlement les rapports annuels de performance (RAP) (article 54 –4°). Les premiers instruments (PAP) décrivent de manière assez précise les intentions du Gouvernement. Ils retracent, en effet par programme, les actions, les coûts associés, les objectifs poursuivis, les résultats obtenus et attendus pour les années à venir mesurés au moyen d'indicateurs. Les seconds (RAP) permettent de vérifier très précisément si les promesses ont été tenues en mettant en évidence les écarts avec les prévisions des lois de finances de l'année, ainsi qu'avec les réalisations constatées dans la dernière loi de règlement Ainsi on passera d’une analyse des moyens à une analyse des performances obtenues.

2.1.2.2  La multiplication des actes réglementaires

La multiplication des actes réglementaires prend des proportions bien plus importantes que celle des actes législatifs. En effet, si l’on compte en moyenne trois lois de finances pour un seul exercice, il faudra compter plus ou moins 300 actes réglementaires (décrets et arrêtés).

Traditionnellement, le règlement permet l’application des lois, c’est le cas d’une bonne partie des règlements en matière budgétaire. Mais curieusement, en ce domaine, on constate l’existence d’actes qui modifient la loi !

2.1.2.2.1 Les règlements permettant l’application de la loi de finances

—Le décret de répartition

Dans le cadre de l’ordonnance, les crédits votés par le Parlement, par grandes masses étaient mis à la disposition des ministres par des décrets dit de répartition au niveau de chapitre.

On comptait  autant de décrets de répartition que de ministères, de budgets annexes et de comptes spéciaux du trésor.

La loi organique sur les lois de finances du 1er août 2001 reprend ces dispositions en les adaptant à la nouvelle situation. Ainsi son article 47 précise que  « Dès la promulgation de la loi de finances de l'année ou d'une loi de finances rectificative, ou dès la publication de l'ordonnance prévue à l'article 47 de la Constitution, le Gouvernement prend des décrets portant :

1° Répartition par programme ou par dotation des crédits ouverts sur chaque mission, budget annexe ou compte spécial ;

2° Fixation, par programme, du montant des crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel.

C’est en réalité par un seul décret qu’aujourd’hui sont répartis les crédits.

2.1.2.2.2  Les règlements modifiant la loi de finances de l’année

Ces règlements modifient aussi bien le montant que l’objet des crédits.

La modification du montant des crédits

  • les arrêtés de report
  • les décrets d’annulation
  • les décrets d’avance

Dans le cadre de la loi organique sur les lois de finances du 1er août 2001 les annulations de crédits seront opérées par décret et non plus par arrêté.

La modification de l’objet des crédits

  • les décrets de transfert
  • les décrets de virement

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2.2 Le principe de l’universalité

L’article  18 de l’ordonnance  énonce le principe de l’universalité dans ces termes : « Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ». La LOLF reprend mot pour mot ces dispositions dans son article 6.  Il conviendra dans un premier temps d’analyser ce principe, avant de préciser comment il est appliqué.

2.2.1     L’analyse du principe

Comme tous les principes du droit budgétaire, celui de l’universalité peut s’analyser sur deux plans : politique et technique.

2.2.1.1 Sur un  plan technique

Ce n’est pas le budget lui-même qui doit être universel, ce sont ses deux éléments : les recettes et les dépenses. Toutefois, ce terme peut être compris de deux manières proches, mais néanmoins différentes. Selon le sens donné au mot universel, deux règles en découlent.

2.2.1.1.1 La règle du produit brut

On peut d’abord prendre le terme universel dans le sens de totalité : c’est, l’ensemble des recettes qui couvre l’ensemble, des dépenses. Cela implique que les dépenses et les recettes doivent figurer dans le budget pour leur totalité, pour leur produit brut. Par conséquent les contractions entre les recettes et les dépenses  et les compensations sont interdites ce que rappelle l’article  18 de l’ordonnance du 2 janvier1959 : « Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses » et que précise dans les mêmes termes la LOLF dans son article 6.

2.2.1.1.2 La règle de la non-affectation des recettes

Mais on peut également considérer que ce qui est universel, est indifférencié. Dans ces conditions, c’est l’ensemble des recettes qui doit couvrir l’ensemble des dépenses de manière indifférenciée, sans par  conséquent qu’une recette particulière ne couvre une dépense précise. Cela se traduit par l’interdiction des affectations c’est à dire la règle de la non-affectation des recettes

2.2.1.1.3 Sur un plan politique

Si les deux règles ont vu le jour et ont été maintenues c’est parce qu’elles ont un enjeu politique. Sur ce plan, ces deux règles expriment une double volonté.

La volonté de connaître avec exactitude le montant des dépenses

Lorsque les parlementaires se prononcent sur le budget,  la règle du produit brut leur permet, de disposer d’une information complète et exhaustive. Ils se prononcent donc en toute connaissance de cause. Le pouvoir budgétaire du Parlement est ainsi sauvegardé.

La volonté de connaître avec certitude le montant des dépenses

Si l’affectation des recettes était possible la réalisation de chaque dépense dépendrait de la réalisation de chaque recette. Ainsi, rendrait-on hypothétique l’exécution du budget.

2.2.2 L’application du principe

Si le principe est justifié, son application doit tenir compte des réalités. C’est pourquoi, on constate l’existence d’un certain nombre de dérogations.

2.2.2.1 Les dérogations à la règle du produit brut

Elles n’existent que dans les comptes spéciaux. Dans la moitié des comptes spéciaux en effet  ou plus précisément dans deux catégories sur quatre il est possible de recourir à une présentation contractée. Cela signifie que seul le solde et plus précisément le découvert  apparaît, ou plus exactement a une valeur d’autorisation. C’est le cas pour les  comptes de commerce ainsi que les comptes d’opérations monétaires.

2.2.2.2 Les dérogations à la règle de la non-affectation des recettes

La règle de la non-affectation subit elle aussi des dérogations qui sont plus importants dans les budgets annexes et les comptes spéciaux du trésor que dans le budget général.

2.2.2.2.1 Dans les budgets annexes et les comptes spéciaux

Comme le rappelle l’article 16 de la LOLF: « certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations spéciales prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux du Trésor ou de procédures comptables particulières au sein du budget général ou d'un budget annexe. » Ces deux composantes du budget de l’Etat ne servent donc qu’à cela. Ajoutons qu’une catégorie de comptes spéciaux du trésor est intitulée Comptes d’affectations spéciales.

2.2.2.2.2 Dans le budget général

Plusieurs procédures permettent d’affecter des recettes.

—La procédure du fond de concours (art17 LOLF)

Les fonds de concours par nature correspondent aux fonds versés volontairement en vue de concourir avec ceux de l’État à des dépenses d’intérêt public. Leur ouverture est de droit.

Les fonds de concours par assimilation concernent le produit de recettes à caractère non fiscal assimilées à des fonds de concours par décret pour dépenses d’intérêt public. Ainsi, des redevances  ou des rémunérations de services rendus ont été assimilées à des fonds de concours. Parfois même, de véritables ressources fiscales ont été assimilées, ce qui a provoqué la réaction du Conseil constitutionnel (97-395 DC, 30 décembre 1997). Il n’a, certes pas annulé la loi de finances, devant les promesses du Gouvernement de mettre fin à cette pratique.

Les fonds de concours n’étaient pas évalués dans la loi de finances initiale même si quelques informations étaient communiquées au Parlement dans une des annexes jaunes. Quant aux prévisions de rattachements inscrits aux verts budgétaires, elles n’étaient pas exhaustives et l’écart entre les prévisions de rattachement et les rattachements en exécution est important.

Enfin, le  respect de la volonté de la partie versante n’est pas toujours vraiment assuré. En effet, les fonds de concours par assimilation font souvent l’objet d’un prélèvement «forfaitaire».

C’est pourquoi, la LOLF reprend certes  à peu de chose près la définition des fonds de concours de l’ordonnance, mais elle précise le régime des fonds. En particulier, il y dit que les recettes des fonds de concours sont non seulement  prévues, mais aussi évaluées par la loi de finances. De plus, l'emploi des fonds doit être conforme à l'intention de la partie versante. Pour en être certain il est prévu qu’un décret en Conseil d'Etat devra définir les règles d'utilisation des crédits ouverts par voie de fonds de concours.

— L’attribution de produit (art 17 -III LOLF)

Cette nouvelle procédure est destinée à recueillir les recettes tirées de la rémunération de prestations régulièrement fournies par un service de l’Etat. Un décret en Conseil d’Etat autorisant la perception d’une rémunération au titre des prestations fournies régulièrement par un service de l’État est nécessaire dans un premier temps. Il est suivi d’un décret simple, pris sur le rapport du ministre chargé du Budget, attribuant le produit des recettes correspondantes au ministère concerné. Le régime de  l’attribution de produit est le même que celui des fonds de concours

—La procédure du rétablissement de crédit (art 19 O et 17 IV LOLF)

A travers cette procédure il est possible d’inscrire des sommes versées, non pas en recettes, mais en crédits que l’on rétablit car il s’agit d’une régularisation. Deux cas sont prévus par l’article 19 de l’Ordonnance :

  • La restitution au Trésor de sommes payées indûment
  • Les cessions ayant donné lieu à paiement sur crédits budgétaires

—Les prélèvements sur recettes

Ce procédé permet d’affecter directement des ressources (impôts locaux, ressources des organismes de sécurité sociale), à des organismes divers qu’il s’agisse des collectivités territoriales ou de l’Union européenne. Ces deux prélèvements portent sur des sommes importantes : 44,17 milliards d’euros    pour les collectivités territoriales en 2017 et 19,08  milliards d’euros pour l’Union européenne soit 63,25 milliards d’euros au total.

Aucun  texte ne les prévoyait au départ. C’est en 1969 qu’ils sont apparus malgré les protestations constantes de la Cour des comptes qui estimait qu’ils « affecte(nt)  la lisibilité et la cohérence des inscriptions budgétaires ». Cependant le Conseil constitutionnel a admis la régularité du procédé  (82-154 DC, 29 décembre 1982 et 98-405 DC, 29 décembre 1998) dans le mesure l'Etat A évalué la totalité des recettes brutes de  l’Etat il n’y a pas d’atteinte au principe de sincérité de l’évaluation.

La loi LOLF prévoit désormais dans son article 6 les prélèvements sur recettes dans les termes suivants :

«Un montant déterminé de recettes de l'Etat peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales ou des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d'impôts établis au profit des collectivités territoriales. Ces prélèvements sur les recettes de l'Etat sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte » 

Un nouveau principe est venu s’ajouter aux principes classiques, il s’agit du principe de la sincérité. Ce principe a d’abord été dégagé par la jurisprudence. Dès 1993, pour les lois de finances et, dès 1999, pour les lois de financement de la sécurité sociale, avant que ce principe ne soit expressément consacré par les textes organiques, (art. 27, 31 et 32, LOLF) (art. 1er et 12 LOLFSS).

Par la suite, ce nouveau principe a vu sa valeur juridique réévaluée puisque la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a, inséré dans la Constitution l’article 47-2 qui précise « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».

Le Conseil constitutionnel a rappelé (décisions n° 2009-585 DC du 6 août 2009 et n° 2006-538 DC du 13 juillet 2006), le principe de sincérité découle des articles 14 et 15 de la DDH de 1789.

Auteur(s) :

FERRETTI Raymond

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