Loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale : éléments de contexte

Modifié le 16 mai 2023

Famille :

Notions clés

Au-delà du caractère formel des textes qui les régissent, les lois n’ont de sens et de fonction sociale, voire d’efficacité, qu’en fonction des contextes dans lesquelles elles s’insèrent, souvent extérieurs à leur objet, et des conditions d’appropriation par les acteurs en présence. La loi du 5 mars 2014 sur la formation n’échappe pas à cette règle, d’autant plus qu’elle s’inscrit dans un environnement réglementaire plus général et très particulier qu’il faut analyser pour comprendre les enjeux et les limites de cette loi dans le moyen et long terme. C’est ce que nous allons essayer de faire en pointant les éléments qui suivent.

../..

Au-delà du caractère formel des textes qui les régissent, les lois n’ont de sens et de fonction sociale, voire d’efficacité, qu’en fonction des contextes dans lesquelles elles s’insèrent, souvent extérieurs à leur objet, et des conditions d’appropriation par les acteurs en présence. La loi du 5 mars 2014 sur la formation n’échappe pas à cette règle, d’autant plus qu’elle s’inscrit dans un environnement réglementaire plus général et très particulier qu’il faut analyser pour comprendre les enjeux et les limites de cette loi dans le moyen et long terme. C’est ce que nous allons essayer de faire en pointant les éléments qui suivent.

1. Une genèse un peu particulière…

La loi du 5 mars 2014 ne déroge par à la règle de la négociation collective entre partenaires sociaux qui, depuis 1970, précède obligatoirement le processus législatif, et s’est concrétisé en l’espèce par l’ANI (Accord National Interprofessionnel) du 14 décembre 2013, qui apporte les principales innovations en matière de droit privé de la formation, avant que l’Etat y ajoute les dispositions plus publiques et de régulation des acteurs. Néanmoins, elle présente quatre caractéristiques particulières dans son mode d’élaboration.

En premier lieu par le fait qu’elle constitue la troisième réforme se voulant « refondatrice » en dix ans. En effet les lois du 4 mai 2004 et du 24 janvier 2009 s’étaient déjà fixées pour but de revenir sur un certain nombre de fondamentaux de la loi de 1971, déjà considérés par certains acteurs comme périmés ou inadaptés dès la fin de la décennie 1990. Cette fébrilité de la refondation a eu comme conséquence la mise en chantier la loi de 2009 sans même attendre l’évaluation des effets concrets de la loi de 2004, et que de même, celle de 2014 n’a pu s’appuyer sur aucun élément véritablement stabilisé de l’application de celle de 2009. Le volontarisme politique est manifestement à l’œuvre dans cette singularité, en particulier de la part de l’Etat.

Ensuite, par la contradiction entre les discours officiels tout au long de 2012 et des six premiers mois de 2013, où l’idée d’une nouvelle réforme n’était pas à l’ordre du jour, et le changement radical de position à la mi-2013, où une négociation doit s’engager d’urgence entre les partenaires sociaux sous l’égide du Ministère du Travail. En outre, avant même que celle–ci aie commencé, le Ministre de l’époque, Michel SAPIN, déclare « qu’il n’y a plus de tabou sur la question de la taxe », thème qui constituait une pomme de discorde entre les organisations syndicales depuis 2002, voire avant. Donc une situation et une injonction institutionnelles tout à fait singulière et inédite.

En troisième lieu, dans cette même logique d’urgence, l’accélération de processus de négociation entre partenaires sociaux, de transcription de l’ANI en projet de loi par les services de l’Etat, et la mécanique législative parlementaire convoquée en procédure d’urgence est sans précédent avec l’apparition de lois sur la formation professionnelle depuis les années 1960, et en particulier celle de 1971 ; entre fin septembre 2013, où la négociation est relancée, la signature de l’ANI le 14 décembre 2013 et le 5 mars 2014, date officielle de promulgation de la loi, six mois se sont écoulés alors que d’ordinaire, quatorze mois (en 2009) à…quatre ans (en 2004) sont nécessaires.

Enfin la négociation des partenaires sociaux et le vote de la loi se font effectués dans un contexte politique et social particulier, lui aussi inédit, à plusieurs facettes, qui toutes ont pour effet de resituer la question de la formation dans un cadre plus général: la sécurisation de l’emploi, le Pacte de solidarité, l’assouplissement du droit du travail, la modification du contexte territorial, points sur lesquels nous reviendrons plus loin dans cet article. Mais la question de fond posée par ce contexte est bien celle de l’autonomie et/ou de la dépendance des politiques de formation professionnelle par rapport à des enjeux et des législations qui les dépassent.

2. Des ruptures et des éléments de dynamique nouveaux générés par la réforme

La réforme issue de la loi du 5 mars 2014 est sans doute la plus ambitieuse depuis longtemps, plus que celles de 2004 et 2009 dans la mesure où elle met un terme à certains « fondamentaux » issus de la loi et de « l’esprit » de 1971.

La suppression du 0,9% (plan de formation) de la taxe et le passage d’une obligation de financer à une obligation de faire est à la source de cette réforme, et constituait de longue date (près de vingt ans) un sujet de débat aussi bien au niveau des partenaires sociaux que de l’Etat, et un des principaux objectifs du MEDEF. Curieusement, et pour des raisons multiples et pas toujours claires, elle avait été de fait écartée lors des lois de 2004 et 2009 alors qu’elle continuait de faire l’objet d’âpres discussions informelles. L’argument longtemps invoqué était que le principe de la taxe était considéré par les entreprises comme peu incitatif pour développer la formation et comme une marque d’interventionniste étatique.

Une autre difficulté résidait dans la définition de la notion d’action de formation, inscrite dans la loi en 1971, qui avait concrètement presque exclusivement privilégié les pratiques de stages de formation, de moins en moins adaptées aujourd’hui à la diversification des modalités d’acquisition des compétences (FOAD, formation en situation de travail, etc.). La suppression de la taxe, emportant en même temps la disparition de la notion de dépense imputable, laisse liberté aux entreprises de mettre en œuvre toutes modalités de formation de leur choix, ce qui est espéré constituer un facteur d’incitation au développement de la formation. C’est sans doute en ce sens que l’on peut considérer que la loi de 2014 libère la formation professionnelle du « carcan » de 1971.

Le CPF est une nouveauté juridique et un montage institutionnel tout à fait inédits rompant avec les dispositifs antérieurs qui avaient essayé de favoriser l’initiative individuelle, en particulier le DIF. C’est un véritable nouveau droit pour les individus (ce que le DIF n’était pas) attaché à la personne indépendamment du statut et dont le financement est prévu, en tous les cas à minima. Le caractère transversal du CPF par rapport aux différentes mesures, statuts et financeurs est une innovation majeure sur l’ensemble du système dont, on le sait, le cloisonnement est une des caractéristiques. La question se posait, au moins en théorie, de savoir si le CPF pouvait devenir le socle principal voire unique du dispositif, ce qui aurait impliqué entre autres choses qu’il regrouperait la totalité ou la majorité des financements aujourd’hui éclatés. Cette « révolution » n’a pas eu lieu et le CPF, quoique transversal, apparaît comme un dispositif ajouté aux autres mesures des différents acteurs (entreprises, branches, Etat, Conseils Régionaux, Pôle Emploi, FPSPP).

La consécration de la branche professionnelle comme moteur des politiques de formation, apparaît aussi par la substitution d’une obligation conventionnelle de branche à une obligation fiscale étatique concernant les entreprises. La loi de 2014 consacre une évolution qui avait commencé timidement en 1991 avec l’obligation d’accords de branche, mais qui était alors conçus comme « un plus » aux politiques des entreprises et de l’Etat, et non pas le moteur principal de la formation des salariés. Cependant cette évolution questionne l’accentuation des différences de droit et d’accès effectif des salariés à la formation en fonction des branches (qui existent de fait déjà, mais dans une moindre mesure), et la capacité des partenaires sociaux à piloter une véritable « ingénierie de formation de branche » dans ses différentes composantes, notamment l’évaluation.

Enfin, la quatrième nouveauté semble être une nouvelle approche de l’espace régional, conçu à la fois comme lieu d’un « vrai » pouvoir du Conseil Régional, espace de mise en place de services publics, espace de coordination des acteurs et des politiques, espace de concertation entre les multiples acteurs de la formation, dans le cadre d’un Dialogue Social Territorial développant la quadripartisme et l’interprofessionnel. Cet aspect de la réforme a été sans doute moins médiatisé, mais à notre avis est peut-être le plus important, demandera du temps pour se déployer, et sera sans doute le plus difficile à évaluer dans le long terme.

3. Mais aussi continuités de la loi de 2014 par rapport aux tendances lourdes de l’évolution du système de la formation professionnelle depuis 30 ans

La réforme de 2014 se situe aussi dans le continuité des réformes précédentes en ce sens qu’elle n’a pas remis en cause quelques grandes logiques de fonctionnement du système et a accentué des tendances d’évolution qu’on avait pu repérer antérieurement.

La première tendance est celle de l’individualisation de la décision du départ en formation et la gestion du parcours professionnel, dont on espère qu’elle aura un impact positif sur l’engagement et la motivation des personnes, qui sont une des conditions essentielles de l’atteinte des objectifs de formation et de l’acquisition des compétences visées. Les dispositifs de co-investissement ou de codécision imaginés antérieurement (dont le DIF) n’avaient pas produit les effets escomptés. On a donc promu le CPF, mais dont ses caractéristiques techniques font et feront encore à l’avenir l’objet de débats (faut-il donner le « même compteur » à des personnes qui ne sont égales ni socialement, ni économiquement, ni en terme de qualification, faut-il donner une totale liberté de choix de formation aux individus, comment ceux-ci vont-ils s’y retrouver dans le labyrinthe du dispositif et du marché de la formation, etc. ?).

Le second élément de continuité est l’hypothèse de l’insuffisance de la qualification de la population active et de la sécurisation des parcours professionnels. Il faut comprendre en ce sens l’alignement des listes éligibles au CPF essentiellement sur des diplômes et titres inscrits au RNCP (ce qui, par parenthèse, constitue une entorse par rapport à ce qu’aurait pu être un véritable choix de la personne en matière d’offre de formation). Cette hypothèse n’est pas fausse, mais est sans doute insuffisante pour expliquer à elle seule la fragilisation de la population active sur le marché du travail, et l’existence sur le long terme d’un chômage de masse. La qualification à acquérir ou à renforcer est appréhendée comme un moyen privilégié d’atténuer les ruptures de parcours professionnel, et la formation comme moyen privilégié d’acquérir cette qualification, par rapport à d’autres formes d’acquisition et de reconnaissance des compétences (formation par l’expérience, VAE, etc.).

Enfin, la lisibilité et la simplification de l’appareil de formation étaient un des objectifs de la loi, dans la continuité de celles de 2004 et 2009. La modification de la taxe, la contribution de l’entreprise à un OPCA unique, la suppression de la déclaration 2483, la suppression des dépenses imputables sont certainement, au moins dans un premier temps, des éléments de simplification comptable pour les entreprises. De la même manière, la réforme de la taxe d’apprentissage et de sa collecte (une des plus grosses « usines à gaz » du système, incompréhensible pour un non spécialiste) apporte des éléments de simplification et de plus grande lisibilité dans l’espace régional.

Mais globalement on ne peut que s’interroger sur « la continuité dans la complexité tout en ayant la volonté de la réduire » que l’on observe en fait sur toutes les réformes depuis 1991. On n’a pas assisté à un véritable décloisonnement des mesures et des financeurs, qui eût pourtant été un atout majeur dans la sécurisation des parcours, et le nouveau positionnement des branches, aussi légitime qu’il soit, introduit aussi une marge d’incertitude et de complexification. Mais surtout, le CPF apparaît bien comme un dispositif de droit commun de plus, dont la complexité de fonctionnement fait peser de grandes interrogations sur sa réussite effective.

4. Quelques éléments clefs de l’applicabilité et de la réussite de la réforme

Quatre points de la loi et de ses décrets nous apparaissent déterminants pour que les pratiques des acteurs puissent aller dans le sens voulu par les partenaires sociaux et le législateur, et constituer autant de points de vigilance dans la mise en œuvre concrète des dispositions de la loi.

En premier lieu la fonction de Conseil en Evolution Professionnelle apparaît déterminante dans la montée en puissance du CPF et son utilisation en particulier pour les salariés et demandeurs d’emploi les plus en difficultés, les moins formés et informés face à la complexité de la mesure. Le cahier des charges de la fonction CEP ne considère pas le seul aspect de la formation, mais bien le projet et le parcours professionnel de la personne, dans une approche globale regroupant de fait des activités d’accompagnement déjà offertes dans différentes institutions et sur certains territoires. Mais la nouveauté de la réforme réside dans la généralisation de cette mesure, d’où le choix de l’instituer dans les cinq réseaux nationaux (Missions Locales, Pole Emploi, OPACIF, APEC et CAP Emploi) plus des labellisations d’organismes régionaux. De plus la difficulté technique de cette fonction nécessite une montée en compétence des agents de ces réseaux sur la base de pratiques antérieures et cultures respectives différentes.

Au sein des entreprises, l’entretien professionnel constitue l’outil qui devrait permettre de fonder le développement des formations sur les réalités des situations professionnelles et des perspectives de carrière des salariés, dans une approche « Ressources Humaines » des formations. Ces dernières sont en effet aujourd’hui encore trop mises en place à partir d’approches « offre et gestion de la formation » et pas assez à partir des vrais besoins et évolutions des personnes. Dans cette perception, la qualité des entretiens professionnels tous les deux ans, mais aussi celui des bilans de parcours tous les six ans, devraient constituer un des piliers des politiques d’investissement formation et des démarches d’anticipation, dont la GPEC, qui constituent les véritables finalités de la réforme. Cependant, la très grande hétérogénéité des tailles et situations des entreprises et de leur pratiques de formation fait que, pour beaucoup d’entre elles, la mise en place d’entretiens de qualité pose de multiples difficultés difficiles à lever par la seule injonction de la loi ou le volontarisme des branches professionnelles.

En troisième lieu, il nous apparaît que l’éligibilité au CPF du socle commun de compétences et plus généralement des blocs de compétences constitue une donnée importante d’applicabilité de la réforme. En effet, le choix d’inscrire le CPF dans une logique de qualification et de fait, par le biais des formations éligibles, de certification, emporte le risque de rigidifier le recours au compte en l’enfermant dans des normes de formations longues, parfois sélectives, souvent universitaires qui ne sont pas exactement dans la logique du « libre choix » ni de l’individualisation des parcours de formation tous deux vantés par ailleurs dans la loi. Sans ces blocs de compétences « à la carte », le CPF risque de devenir un dispositif parallèle voire concurrent du CIF, mais surtout de ne pas correspondre vraiment aux besoins de formation – pas forcément longue - dont les individus sont porteurs, ni aux possibilités techniques (organisationnelles et financières) du départ en formation. L’éligibilité de blocs de compétences peut par ailleurs induire une remise en cause importante de la construction de l’offre de formation, notamment universitaire, en obligeant les offreurs à modulariser leur offre et leurs parcours. Ce chantier, compte tenu de la structuration actuelle du marché de la formation, est susceptible d’avoir des effets importants de recomposition de ce dernier.

Enfin l’évolution de la gouvernance régionale par l’articulation CR/CARIF/ CREFOP/ COPAREF et la généralisation du quadripartisme constitue une possibilité réelle d’évolution du système de formation professionnelle dans son ensemble. Le cloisonnement de celui-ci est en effet un handicap dénoncé depuis longtemps mais auquel on n’a jamais pu trouver solution tant les différents acteurs restent sur leurs logiques et politiques propres. L’accent mis dans la réforme sur la coordination, la concertation quadripartite, le renforcement de l’interprofessionnel dans l’espace régional, est peut-être le signe annonciateur ou l’élément déclencheur d’un mouvement de fond de mise en cohérence et non plus national mais au niveau régional par le recours à la concertation, la contractualisation et l’expérimentation. Cette approche et cet état d’esprit semblent bien conformes à  « l’esprit » de la décentralisation, mais susceptible aussi de libérer et de valoriser les énergies et initiatives - souvent nombreuses et innovantes - qui remontent des territoires sans toujours trouver les formes institutionnelles de leur reconnaissance et de leur développement.

En particulier, l’articulation partenaires sociaux/acteurs publics régionaux, et en premier lieu le Conseil Régional, apparaît décisive. La présence des partenaires sociaux dans la plupart des CARIF-OREF, l’organisation interne des CREFOP avec un bureau et des commissions de travail obligatoires quadripartites, l’articulation COPAREF/CARIF/ CREFOP sont très potentiellement des éléments d’une nouvelle gouvernance régionale plus intégrée.

5. Mais l’applicabilité de la réforme est aussi tributaire d’autres dispositifs législatifs connexes

Le thème désormais récurrent (et oh combien polymorphe et ambigu) de la sécurisation des parcours professionnels au-delà du statut de salarié (déjà en filigrane dans le rapport Boissonnat de 1996 et qui entre autres choses a donné son nom à la loi de 2009) constitue la toile de fond sur laquelle s’inscrivent la plupart des multiples initiatives et réformes engagées ces dernières années sur les questions du travail et de l’emploi, dont celle de la formation professionnelle. Mais le processus semble s’accélérer et se développer considérablement à partir des années 2012 et surtout 2013. Il faut en effet, pour comprendre l’évolution du dispositif de formation, prendre en compte les dispositions suivantes.

5.1. L’ANI du 11 janvier 2013 et loi du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi

Le CPF, mesure phare de la loi du 5 mars, est en fait une création juridique de cet ANI et de cette loi, même si les dispositions techniques et financières de ce compte ne seront effectivement précisées qu’en 2014. La loi sur la sécurisation de l’emploi emporte d’autres dispositions touchant à la formation professionnelle, dont (liste à la Prévert): le CIF-CDD assoupli pour les salariés de moins de 30 ans, l’accès privilégié au CIF en cas de refus par l’employeur d’une “période de mobilité”, une prime de 1 000 € pour les bénéficiaires du CSP (contrat de sécurisation professionnelle), la mise en œuvre plus souple de la POE (préparation opérationnelle à l’emploi), l’articulation de la négociation sur la GPEC et du plan de formation, une nouvelle négociation triennale sur la mobilité interne (changements de poste ou de lieux de travail au sein de la même entreprise) qui doit comporter des mesures d’accompagnement en termes de formation, l’encouragement à se former en cas de recours à l’activité partielle, l’alignement de la durée maximale du congé de reclassement sur celle du CSP.

5.2. Le pacte de responsabilité de 2013

Ce programme d’exonérations fiscales et de charges sociales des entreprises à hauteur de 40 milliards correspondait à une proposition (et non pas un engagement) du MEDEF de créer un million d’emplois, et sans contreparties concrètes qui auraient été négociées au préalable avec les syndicats de salariés. Le pacte prévoit par contre que d’éventuelles contreparties se feront par négociation et accords de branche. Les grandes branches représentées au sein du MEDEF ont effectivement engagé ce dialogue et abouti à des accords qui impliquent tous des modalités, si ce n’est d’emplois, du moins de formations, portant en particulier sur l’alternance et l’apprentissage, l’insertion des jeunes, l’aide au parcours, l’accès à la formation, la VAE pour les principaux d’entre eux.

5.3. Le CICE (Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi)

Institué à partir de 2013, il a pour objet « l’amélioration de la compétitivité des entreprises à travers notamment des efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement ». Les premiers éléments de suivi de la mesure dont on dispose aujourd’hui (rapport de France Stratégie de septembre 2014) semble indiquer que les entreprises bénéficiaires utiliseraient plus cette possibilité financière en terme de politique RH et de formation qu’en terme de politique d’embauche, ce qui est positif pour notre sujet de la formation, mais pas véritablement pour l’emploi. La simultanéité du CICE avec la réforme de la taxe à la formation à partir de 2015, permet de se demander si certaines entreprises ne vont pas essayer d’utiliser cet effet d’aubaine conjoncturel pour combler la baisse de la taxe, du moins à court terme. A moyen et long terme, les effets concrets sont difficiles à anticiper.

5.4. Les investissements d’avenir

Dans son programme 2015, l’Etat a lancé une série d’appels à projet d’actions innovantes en particulier sur l’Enseignement Supérieur et la formation en tant que telle. L’appel à projets « Partenariats pour la formation professionnelle et l’emploi », est à destination de projets pouvant porter « sur l’intégration verticale de filières, sur des démarches territoriales d’anticipation et d’accompagnement des mutations économiques, sur l’accompagnement des besoins des entreprises membres des pôles de compétitivité, ou sur des projets plus ciblés et particulièrement innovants en matière de formation et d’emploi. » (Communiqué de la Caisse des Dépôts, qui gère le dispositif).

Même si ce programme n’est abondé « que » de 126 millions, il présente l’intérêt de mettre l’accent sur le lien formation/Pôles de Compétitivité donc l’économie, les territoires, le partenariat local et le dialogue Social territorial qui ne sont pas forcément mis en avant voire même présents dans les autres textes. L’effet qualitatif de ce dispositif centré sur les logiques d’acteurs semble plus important que les retombées purement quantitatives à attendre.

5.5. La loi sur le dialogue social et l’emploi dite Rebsamen du 23 juillet 2015

Cette loi (précisons-le non précédée d’un ANI des Partenaires Sociaux faute d’entente entre ces derniers) complète des dispositions prises dans d’autres textes, parfois « à la marge », mais introduit aussi quelques éléments qui peuvent se révéler importants pour l’appareil de formation professionnelle.

La création du CPA (Compte Personnel d’Activité) par fusion du CPF tout fraichement installé, et du Compte pénibilité, préfigure peut-être l’émergence d’une conception nouvelle des droits sociaux par l’existence de droits de tirage de l’individu, quel que soit son statut, quant à son activité professionnelle et son parcours. On reste bien dans la même logique de sécurisation de parcours avec l’hypothèse d’aller vers une sorte de sécurité sociale professionnelle (notion défendue par un certain nombres de syndicats), même si pour l’heure, la réalité technique est celle d’un CPF alimenté en partie par des abondements du compte pénibilité. Cependant on peut se poser la question de la pertinence de la méthode, qui consiste à intégrer une nouvelle mesure complexe et pas encore vraiment opérationnelle (le CPF), dans une autre mesure plus large, dont les contours et modalités concrètes restent à définir, et font déjà l’objet d’âpres controverses au niveau des différents acteurs. En d’autres termes, l’apparition du CPA ne risque-t-il pas d’obérer les chances de décollage du CPF ?

La loi Rebsamen emporte d’autres dispositions pas anecdotiques, notamment le renforcement de la négociation dans les PME et TPE, très insuffisante voire nulle, par la création de Commissions Paritaires Régionales Interprofessionnelles pour les entreprises de moins de dix salariés, le regroupement des IRP en une DUP (délégation unique du personnel dans les entreprises de 50 à 300 salariés), la modification du statut de l’AFPA, premier organisme de formation en France, en grande difficulté depuis plusieurs années (passage du statut d’association en GIP), des modifications du contrat d’apprentissage, du contrat de professionnalisation et du fléchage de la partie hors quota de la taxe d’apprentissage, déjà modifiée un an auparavant précisément par la réforme de la formation du 5 mars 2014.

5.6. La simplification prévue du système des branches professionnelles

La loi du 5 mars prévoit dans la partie « dialogue social » la réduction du nombre de branches professionnelle, et les déclarations ultérieures du premier ministre envisageaient même de réduire celui-ci à une trentaine (au lieu des… 674 actuelles). Cette réforme de grande ampleur est sans doute nécessaire, car la classification des branches correspond à un état des activités et secteurs économiques qui peut avoir plus d’un siècle et ne correspond pas forcément (sauf dans les « grandes » branches) à l’activité d’aujourd’hui. Nombre de branches n’existent plus parfois que sur le papier et ne génèrent pas de dialogue social réel, et quand elles le font encore, l’atomisation du processus est sans doute un obstacle à la créativité du résultat et à la réalité de sa mise en œuvre. Des données du Ministère du Travail indiquent que seulement 10% des branches répertoriées seraient vraiment actives. La réduction de leur nombre à environ 70 voire moins serait un gage d’un dialogue social plus efficace, notamment quant aux négociations en interprofessionnel.

5.7. Le plan 500 000 formations pour les demandeurs d’emploi

L’annonce gouvernementale de vouloir d’ici 2017 doubler (ou presque, les Conseils Régionaux en financent déjà 650 000) le nombre de formations à destination des demandeurs d’emploi n’a pas non plus fait l’objet d’un accord entre partenaires sociaux dans la mesure où elle fait partie de la politique de l’emploi de l’Etat. Cette mesure est dans la continuité d’initiatives antérieures prises dès 2009 visant à augmenter la proportion de demandeurs d’emploi partant en formation, très inférieure à celle des salariés. Cependant la formation des demandeurs d’emploi est de la compétence des Conseils Régionaux qui n’ont pas été consultés, preuve une fois de plus des limites de la décentralisation « à la française » et du refus de l’Etat de décentraliser la politique de l’Emploi. Quoique reçue positivement, cette mesure ne va pas sans poser la question de la répartition des pouvoirs, compétences et financement entre l’Etat et les Conseils Régionaux, que l’on croyait réglée par la loi de 2014. Le compromis trouvé consiste en un pilotage par les régions au titre de leur compétence formation, mais un financement par l’Etat.

D’une manière générale, les accords, lois et mesures d’Etat diverses qui se succèdent depuis une décennie essayent d’intégrer la question de l’insertion des demandeurs d’emploi par la formation et en particulier en tentant de traiter les « ruptures de parcours ». Allant plus loin en remettant en cause la nature même du statut de salarié et du contrat de travail, certaines avancent l’idée d’une vie professionnelle « inter statut » (y compris passage de la fonction publique au privé et réciproquement) faite d’une succession de statuts juridiques divers, mission étant donnée à la formation professionnelle de gérer ou faciliter les passage d’un statut à l’autre, ce qui, à l’évidence, n’aurait plus rien à voir avec le système construit en 1971. Mais la loi du 5 mars a bien pour toile de fond ces considérations juridiques et sociales, en cohérence avec la volonté de réformer le code du travail dans le sens d’une plus grande flexibilité du marché du travail.

6. Mais l’applicabilité de la réforme est aussi tributaire des conséquences possibles des réformes territoriales

La volonté du nouveau pouvoir exécutif issu des élections de 2012 d’aller (enfin !) au bout de la réforme de décentralisation de 1982, et de revenir sur la réforme territoriale du gouvernement précédent (loi du 16 décembre 2010 en fait jamais appliquée) devait déboucher sur un « Acte III de décentralisation » dans le courant de l’année 2013. Pour des raisons complexes et pas toujours claires, cet Acte III n’a jamais vu le jour, a été décomposé en plusieurs textes, et a abouti au vote de trois lois : la loi MAPTAM de 2014, la loi de fusion des régions de juillet 2014 et la loi NOTRE de 2015. Certaines dispositions de ces textes peuvent avoir à terme des incidences importantes sur l’éducation et la formation.

6.1. Loi du 28 janvier 2014, dite loi MAPTAM (Modification de l’Action Publique et d’Affirmation des Métropoles)

Outre la systématisation de la notion de « chef de file » pour les compétences décentralisées des collectivités, le transfert aux Conseils Régionaux de la gestion de la majorité des financements des fonds structurels européens à la place de l’Etat, cette loi consacre l’émergence et la consécration des Métropoles et la modification du statut des Pays.

La notion de Métropole est un nouveau statut (qui n’est pas celui de Collectivité Territoriale de plein exercice, sauf pour certaines), légitimant les regroupements sur certains territoires urbains (12 au total) des anciennes intercommunalités qui y existaient déjà, avec un seuil minimum de 400 000 habitants. Le statut de métropole emporte le renforcement des compétences dévolues aux anciennes intercommunalités, et surtout la possibilité de partager des compétences des départements et des régions d’appartenance par voie contractuelle. La compétence formation pourra donc potentiellement résulter d’une initiative conjointe métropole/ région sur certains territoires.

Certains élus régionaux y voient, le risque d’une captation, voire d’un « siphonage » de la compétence formation par les Métropoles sous l’argument pas infondé que l’on risque d’assister à des chevauchements Métropole/ région sur les compétences et initiatives en matière économique, dont on sait qu’elles génèrent à terme de dispositions de formation professionnelle, mais aussi en raison des possibilités financières des métropoles, parfois supérieures à celles des Conseils Régionaux. Si ce raisonnement est juste, on pourrait interpréter l’émergence des Métropoles comme un moyen de donner un nouveau pouvoir politique à des structures qui ont déjà le pouvoir économique.

Les Pays (créés par la loi Voynet de 1999) quant à eux sont transformés en PETR (Pôles d’Equilibre Territorial et Rural) avec des modifications sur leur mode de gouvernance, mais sans restructuration de fond, à telle enseigne que l’on peut s’interroger sur la plus-value à terme de ces modifications. En particulier ces PETR devront, comme les anciens Pays, élaborer des projets de développement territoriaux, dont on sait qu’ils sont également susceptibles d’induire des besoins et actions de formation, notamment de type « formation développement ».

6.2. La loi du 17 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral

Cette loi a vu le jour à l’initiative volontariste de l’Etat, après le vote de la loi MAPTAM, alors que l’on aurait pu penser que l’ordre inverse, ou la fusion des deux lois, eussent été plus cohérents. Les flottements, incertitudes et multiples modifications des principes de redécoupage des anciennes 22 régions métropolitaines (8 différents en moins de 6 mois) ne laissent pas non plus d’interroger, au delà de l’objectif affiché d’économie d’échelle en matière financière (qui reste d’ailleurs à prouver), sur les principes de cohérence qui ont pu prévaloir tout au long du processus législatif.

Indépendamment de ces interrogations générales, les nouvelles « grandes régions » créées par fusion d’anciennes vont devoir construire un nouveau périmètre d’exercice de leur compétence formation. Sans rentrer dans les détails techniques complexes de cette construction, pointons au moins les questions principales qui vont devoir être résolues : comment vont être harmonisées les politiques fusionnées et avec quel mode de décision, comment vont être redéfinis la place et fonctionnement des CARIF-OREF, comment vont être harmonisés le périmètre et le fonctionnement des SPRF et SPRO déjà largement avancés sur des modèles différents ?

En outre la constitution de ces régions de taille parfois considérable va poser dans d’autres termes la question de la relation aux territoires locaux qui les constituent et de la prise en compte de leurs particularismes. Les politiques régionales d’animation de ces territoires qui commençaient à trouver un équilibre et des modes de régulation intéressants ne risquent–elles pas de verser quelque peu dans des processus plus uniformisés en contradiction avec la notion de service de proximité, par ailleurs largement invoquée ; du fait de la taille et de l’uniformisation, ne risquent-elles pas d’être plus « descendantes » qu’auparavant, alors qu’on s’efforçait de construire les politiques à partir des données remontant du terrain ?

Enfin, le découpage des anciennes régions, quel que soit la part d’arbitraire que tout découpage implique, présentaient a minima une certaine cohérence historique et culturelle, dont on sait qu’elle a une certaine importance pour tout ce qui touche les questions d’éducation et d’apprentissage. Quelle cohérence culturelle est-il possible de repérer dans les régions Alsace/ Lorraine/ Champagne-Ardenne ou Aquitaine/ Limousin/ Poitou-Charentes ?

6.3. La loi NOTRE (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) du 7 août 2015

Cette ultime loi peut être considérée comme une loi de synthèse des précédentes, reprenant un certain nombre de leurs dispositions, tout en ajoutant de nouvelles et essayant de clarifier la responsabilité de chaque collectivité.

La loi en premier lieu supprime la Clause de Compétence générale pour les départements et les régions, qui avait été déjà supprimée par la loi de 2010, puis rétablie par la loi MAPTAM. La suppression de cette clause a pour effet de limiter les départements et régions dans l’exercice strict de leurs compétences respectives sans « mordre » sur celles des autres collectivités, et peut donc être un élément important pour limiter l’enchevêtrement des compétences depuis si longtemps dénoncé.

La loi NOTRE emporte aussi renforcement des compétences de la région sur plusieurs points qui dans les faits sont connexes à la formation professionnelle ou dans les modalités de sa mise en œuvre; il s’agit de l’intégration de nouvelles compétences transport anciennement confiées au département, du renforcement des interventions économiques de la région ainsi que des schémas économiques et schéma d’aménagement durable du territoire qui à l’avenir auront un caractère prescriptif.

La loi revient sur la question de l’intercommunalité, déjà abordée par la loi MAPTAM, et augmentant et uniformisant leur taille qui ne pourra plus être inférieure à 15 000 habitants, ce qui devrait impliquer des recompositions des intercommunalités existant sur près de 40% des territoires. Les compétences déléguées aux intercommunalités depuis les communes étant également augmentées et renforcées, les intercommunalités deviendront-elles le lieu principal de la gestion des affaires publiques au niveau local, ce qui contribuerait à régler l’atomisation des nos 36 000 communes ? Mais sur le volet formation, cette évolution n’irait pas sans conséquences sur toutes les structures à initiative, gouvernance ou financement local, notamment dans les domaines de l’orientation et de l’accompagnement vers l’emploi.

La région est enfin assignée à un rôle de pilotage d’un service public de l’emploi regroupant l’ensemble des structures d’insertion et d’accès à l ‘emploi par délégation des DIRECCTE (Maisons de l’emploi, PLIE), sauf Pôle –Emploi, qui continuera à relever de la compétence de l’Etat. Des bouts de compétence Emploi arrivent enfin aux Conseils Régionaux, par voie de délégation, mais la compétence Emploi reste l’apanage de l’Etat bien que depuis longtemps les Conseils régionaux en aient réclamé le transfert. Ce Service Public de l’Emploi sera bien évidemment à mettre en cohérence avec le SPRF et le SPRO sans en avoir la tutelle, ce qui risque de constituer une difficulté. Par ailleurs les structures qui vont à présent relever des régions craignent pour leur avenir et leur cohérence d’ensemble. Sur ce point il est difficile d’anticiper les évolutions à venir.

En synthèse de ces multiples réformes territoriales, on ne peut être que dubitatif sur les difficultés, redondances, complications et parfois contradictions qui ont accompagné ces multiples processus législatifs, et sur l’esprit d’ensemble qui a pu les guider, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’apparaît pas à première lecture des textes. Les intercommunalités (dont les Métropoles) et le pouvoir des Conseils Régionaux sortent à l’évidence renforcés, mais sans qu’il soit possible de préfigurer de manière précise les évolutions et recompositions que cela induira dans le champ de l’emploi, de la formation et de l’orientation. La seule chose certaine est que les logiques des différents acteurs dans l’espace régional s’en verront fortement interrogées.

Enfin il faut insister sur le fait que ces réformes se font concomitamment avec la baisse annoncée et programmée des dotations de l’Etat aux collectivités territoriales, de manière relativement drastique (moins 12,3 milliards sur l’ensemble des trois années 2015, 2016 et 2017). Des interrogations subsistent donc à la fois sur le volume des financements que l’Etat va effectivement transférer aux Conseils Régionaux pour assurer leurs nouvelles missions (notamment le SPRF et le SPRO), et sur les conditions de la « montée »  de l’apprentissage à 500 000 contrats.

Conclusion sous forme d’interrogations

La réforme de 2014 semble fonctionner sur trois implicites intéressants, mais dont il est très difficile à ce jour de prédire si elles ont des chances de se réaliser malgré l’injonction législative.

Le premier implicite est lié au CPF et un engagement présupposé « naturel » des individus à vouloir se former. Certes un des reproches fait au système français réside dans le fait que, depuis 1971, les personnes qui partent en formation ne participent que pas ou très peu au financement de leur formation (sauf dans les cas précis de la promotion sociale et des cours du soir, des compléments de financement CIF ou des formations purement personnelles), mais aussi en règle très générale ne sont pas décideurs de leur départ en formation.

Ce système aurait à long terme engendré une sorte de passivité par rapport aux initiatives individuelles, contre laquelle le législateur, les partenaires sociaux et les services de l’Etat ont essayé de réagir depuis déjà presque 15 années, en développant les argumentaires de type « mettre l’usager au centre du système » « rendre l’individu acteur de son parcours professionnel et de sa formation, « rendre la personne, salariée ou demandeur d’emploi, responsable de son employabilité ». Le CPF, alimenté financièrement et en théorie « sorti » de l’entreprise, constitue certes l’outil le plus abouti à ce jour dans la stimulation des initiatives individuelles. Mais est-ce suffisant ? Qu’est-ce qui garantit que le CPF sera plus mobilisé que le DIF vu la complexité du dispositif, et notamment qu’il sera mobilisé en priorité par ceux qui en ont le plus besoin ?

Le second implicite tient à la capacité, « naturelle » elle aussi, de mobilisation des entreprises sur le développement de politiques internes de formation. Non contraintes, ou moins contraintes qu’auparavant par la suppression de la partie de la taxe « plan de formation », les entreprises sont supposées s’engager de manière volontariste dans des politiques d’investissement en formation, c’est-à-dire dans le capital humain. Est-ce réaliste de penser qu’il en sera ainsi ? La taxe était-elle un vrai carcan ou au contraire une garantie d’engagement financier « a minima » ? Pour les grandes entreprises qui dépensaient de fait beaucoup plus que l’obligation fiscale, cela ne devrait pas forcément changer beaucoup sur le plan quantitatif. Mais pour les PME et les entreprises entre 10 et 300 salariés (où travaillent un salarié sur deux), fortement impactées par la réforme, qu’en sera-t-il avec une diminution objective de la contribution financière, de la collecte et de la mutualisation des OPCA ?

Enfin le troisième implicite est sans doute que c’est dans l’espace régional que les politiques s’articuleront, que les questions de formation, d’orientation et de sécurisation pourront plus facilement trouver des solutions, et que des nouvelles synergies et contractualisations se construiront entre acteurs institutionnels publics et privés, dans des champs différents (économie, emploi, formation). Reste une grande interrogation sur le ou les types de régulations susceptibles de se mettre en place à moyen et long terme dans cet espace régional, entre les Conseils Régionaux, les grandes entreprises, les branches professionnelles, les PME, les structures interprofessionnelles, les Métropoles et les intercommunalités. La cohérence du système repose beaucoup là-dessus.

Enfin, au-delà de ces paris, la réforme comme celle de 2004 et celle de 2009 avait aussi pour objectif explicite de « simplifier » le système, hypothèse étant faite que sa complexité, ses cloisonnements, son absence de lisibilité étaient des obstacles majeurs au développement des initiatives en matière de formation aussi bien de la part des individus que des entreprises. Force est de constater que globalement, la réforme de 2014, ne le simplifie pas fondamentalement, et que même, par ailleurs, l’accumulation des réformes territoriales le complique. La France semble avoir un vrai problème avec la simplification de ses instances publiques, mais aussi privées, et une vraie difficulté à construire des dispositifs construits à partir de et dans une logique de l’usager, et non pas à partir des logiques institutionnelles qui ont souvent tendance à perpétuer l’existant.

Tags :

Accès thématique

Accès famille

© 2017 CNFPT