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Notions clés

Les infractions les plus connues, protégeant l’honneur ou la réputation d’une personne, sont la diffamation et l’injure.

Les éléments de leur définition et de leur distinction sont fixés par l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881. D’autres textes de cette même loi s’y ajoutent, car cette dernière incrimine différemment la diffamation et l’injure selon la qualité de la personne visée par les imputations ; ainsi notamment :

  • les articles 30 et 31 alinéa 1er, ainsi que 33 alinéa 1er, qui incriminent respectivement la diffamation et l’injure envers les autorités publiques (cours, tribunaux, armées, corps constitués tels que les Communes…), envers les fonctionnaires publics, les membres d’un ministère, les parlementaires, les agents dépositaires de l’autorité publique et les personnes chargées d’une mission de service public ou d’un mandat public ;
  • les articles 32 alinéa 1er et 33 alinéa 2, qui répriment respectivement la diffamation et l’injure envers un particulier.

Il sera question d’aborder les éléments constitutifs de ces infractions portant atteinte à l’honneur et à la considération (1) mais également les moyens de défense et la répression à elles attachés (2).

1 Les éléments constitutifs des infractions portant atteinte à l’honneur et à la considération

1.1 Définitions et distinctions

Aux termes de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 :

« Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.

Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure ».

Il résulte des définitions posées par cet article que les propos doivent :

  • porter atteinte à l’honneur et à la considération de la personne qu’il vise (1.1.1) ;
  • porter sur un fait précis pour caractériser la diffamation, à défaut ils consommeront une injure (1.1.2) ;
  • viser une personne identifiée ou identifiable (1.1.3).

1.1.1 L’atteinte à l’honneur et à la considération

L’article 29 de la loi exige que les propos tenus, écrits, proférés, publiés contre autrui portent atteinte à son honneur et à sa considération.

L’honneur fait généralement référence au sentiment que l’on a de sa dignité morale, de sa propre conscience, de son éthique personnelle sur les plans personnel et professionnel, privé ou public ; la considération repose sur l’idée que les autres se font de soi, c’est la réputation sociale, professionnelle ou familiale.

Les propos sont ainsi considérés comme portant atteinte à l’honneur et à la considération en cas :

  • d’imputations de commission d’une ou plusieurs infractions pénales (imputations de corruption, de prise illégale d’intérêt…) ;
  • d’imputations qui, sans nécessairement constituer des infractions, relèvent des manquements à la loi morale et à la probité et sont de nature à attirer le mépris des autres sur celui qui s’en est rendu coupable.

1.1.2 Un fait précis (diffamation) ou non précis (injure)

Le propos portant sur un fait précis et déterminé consomment une diffamation ; à défaut, ils caractérisent une injure.

Le degré de précision des faits imputés, conférant aux faits leur nature diffamatoire ou injurieuse, est déterminé par référence au contexte préludant ou entourant la publication.

Par ailleurs, si les faits imputés sont susceptibles de faire l’objet d’un débat contradictoire ou d’une preuve, ils seront alors considérés comme suffisamment précis pour consommer une diffamation à l’exclusion d’une injure.

En cas de message contenant indivisiblement des propos injurieux et des propos diffamatoires, la qualification d’injure sera absorbée par celle de la diffamation.

1.1.3 L’identification suffisante de la victime et de sa qualité

Les délits d’injure ou de diffamation supposent une identification suffisante de la victime et de la qualité avec laquelle elle est atteinte – dénomination non nécessaire, si elle est reconnaissable par des éléments intrinsèques ou extrinsèques au support de diffusion.

Lorsque la victime est visée par l’une des qualités énumérées aux articles 30 et 31 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, elle devra établir – pour s’en prévaloir – le lien entre les accusations qui la visent et sa qualité.

Ainsi, un Maire diffamé à raison de ses fonctions devra démontrer – pour se prévaloir des dispositions des articles 30 et 31 alinéa 1er – la relation directe et étroite entre son mandat public et les allégations diffamatoires qu’il subit.

1.2 L’élément de publicité (article 23 de la loi du 29 juillet 1881)

L’élément matériel du délit de diffamation ou d’injure consiste également dans un acte de publication par l’un des moyens énumérés à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, à savoir :

« (…) des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, (…) des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, (…) des placards ou des affiches exposés au regard du public, (…) tout moyen de communication au public par voie électronique. »

L’infraction délictuelle n’est d’ailleurs définitivement consommée que par ce fait.

Le caractère public est donc une condition sine qua non de la qualification délictuelle ; sans élément de publicité, les injures et diffamations seront réprimées sous les qualifications contraventionnelles (1ère classe) prévues aux articles R.621-1 et R.621-2 et suivants du Code pénal.

La Presse constitue l’un des modes de publication les plus usuels ; aucune exclusion n’est admise quant à ses différentes formes : il peut donc s’agir de journaux quotidiens, de publications périodiques ou encore d’organismes professionnels liés à la diffusion de l'information.

La publication par la voie de la Presse se définit néanmoins comme « tout service utilisant un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public en général et paraissant à intervalles réguliers ».

Les autres modes de publication les plus usuels sont Internet et la communication audiovisuelle (radio, télévision), lesquels sont incontestablement englobés dans la notion de « moyen de communication au public par voie électronique » au sens de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881.

2 Répression des infractions et moyens de défense laissés au prévenu

Il importe de souligner que le juge ne réprimera ou ne sanctionnera la diffamation ou l’injure, publique comme non publique (2.1) que si le prévenu n’aura pu à bon droit se prévaloir des moyens de défense qui lui sont habituellement laissés en la matière (2.2).

2.1 La répression

(i ) La diffamation et l’injure publique commises envers un particulier (articles 32 alinéa 1er et 33 alinéa 2) sont punies d’une amende de 12.000 euros.

La diffamation commise contre une personne recevant l’une des qualités prévues aux articles 30 et 31 alinéa 1er (tels que les élus, les fonctionnaires, les Collectivités territoriales…) est punie d’une amende délictuelle de 45.000 euros ; l’injure commise contre ces mêmes personnes est punie d’une amende de 12.000 euros.

En outre, la diffamation et l’injure non publiques sont punies d’une contravention de 1ère classe d’un montant de 38 euros.

Le juge pénal peut également prononcer des dommages et intérêts au bénéfice de la victime atteinte dans son honneur et sa considération.

(ii) Le délai de prescription des infractions délictuelles et contraventionnelles de diffamation et d’injure est de 3 mois, courant à compter de la publication (en cas de délit) ou de la diffusion (en cas de contravention) des propos, sous réserve des dispositions des articles 65-2 et 65-3 de la loi du 29 juillet 1881.

Seuls des actes spécifiques, telles que la citation, la plainte avec constitution de partie civile, ou des réquisitions du Procureur de la République, permettront d’interrompre ce délai.

(iii) Ajoutons que la mise en œuvre des poursuites est strictement encadrée par la loi du 29 juillet 1881 ; il existe ainsi un formalisme requis soit à peine de nullité (formalisme de l’acte de poursuite, délai de comparution dérogatoire au droit commun…), soit à peine de relaxe (erreur de qualification dans l’acte de poursuite, identification insuffisante de la victime comme étant la personne visée par les imputations litigieuses…).

2.2 Les moyens de défense

Les moyens d’exonération de responsabilité pénale et civile diffèrent selon la nature diffamatoire ou injurieuse des propos.

2.2.1 Le moyen de défense propre à la diffamation

La loi de 1881 a prévu une cause exonératoire de responsabilité pénale et civile : elle considère que les propos diffamatoires perdent tout caractère répréhensible lorsque la preuve est rapportée que leur auteur a dit vrai ; c’est l’exception de vérité.

Lorsque la vérité des imputations ou des allégations aura été démontrée (par le biais de la procédure dite de l’offre de preuve – article 55 de la loi du 29 juillet 1881), celles-ci ne constitueront plus un délit pénal, ni même une faute civile, peu important alors que les reproches, griefs, accusations, adressés à la personne visée lui aient causé un préjudice.

2.2.2 Le moyen de défense propre à l’injure

S’agissant des injures, à l’exclusion de celles commises contre les personnes recevant l’une des qualités prévues par les articles 30 et 31 alinéa 1er, la loi a également prévu une cause d’exonération de responsabilité pénale et civile ; c’est l’excuse de provocation.

Mais encore faut-il, pour s’en prévaloir, démontrer :

  • son rapport direct avec les propos injurieux tenus en réplique à la victime ;
  • son caractère injuste.

2.3 Les moyens de défense communs à l’injure et à la diffamation

Ces moyens procèdent de la bonne foi au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 et du droit à la liberté d’expression garanti par les stipulations de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

(i ) L’auteur de propos peut d’abord s’exonérer de sa responsabilité pénale (relaxe) et civile en apportant la preuve de sa bonne foi, définie par référence aux critères suivants :

  • l’absence d’animosité personnelle,
  • la poursuite d’un but légitime,
  • la prudence et la mesure dans l’expression,
  • le devoir d’enquête préalable.

Reste que l’absence d’un ou plusieurs de ces critères n’empêchera pas nécessairement le juge pénal de prononcer une relaxe, en relevant notamment que les propos sont inscrits dans un contexte de polémique politique, de satire ou d’humour.

S’agissant de l’injure, la bonne foi présente en la matière une portée bien moindre : les critères tirés de la prudence dans les propos utilisés et de la légitimité du but poursuivi sont inopérants ; en revanche, le critère tiré de l’absence d’animosité personnelle demeurerait dans certains cas opposable à la partie civile.

(ii) L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme constitue également un moyen de défense habituellement soulevé devant les juridictions, lorsque les propos s’inscrivent dans le cadre d’un « débat d’intérêt général » ou lorsqu’ils visent un personnage politique et/ou médiatisé.

(iii) Toutefois, si le juge pénal accorde au prévenu dans un contexte de polémique politique et/ou de débat d’intérêt général une plus grande tolérance de ton, c’est à la condition que les propos ne soient pas considérés comme outranciers, d’une particulière virulence, ou ne soient pas manifestement dénaturés ou privés de toute « base factuelle suffisante ».

Auteur(s) :

Cabinet Seban et associés

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