La suppression de la TH et le projet de réforme de la fiscalité locale : le projet « Richard-Bur »

Modifié le 16 mai 2023

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Notions clés

Le domaine des finances locales est celui qui a donné lieu au plus grand nombre de rapports, d’analyses, de notes et d’articles. Depuis la Révolution et la mise en place des « quatre vieilles » jusqu’à nos jours, il ne s’est pas passé 5 ou 10 ans sans que l’Etat ne cherche à réformer les finances locales pour toujours plus de souveraineté.

Ces réformes ont été si nombreuses et si répétitives que l’action même de réformer a été considérée par la doctrine comme une composante à part entière des finances locales. Jusqu’en 2010, les nombreuses propositions de réformes ont toutes été précédées par une période dite de crise des finances locales. Les deux notions de crise et de réforme ont été très vite inséparables. Malgré ces nombreux bouleversements et à grand renfort de rapports, de notes et de publication en tous genres, les collectivités locales ont malgré tout réussi à faire face à leurs obligations de financement du service public et d’équilibre de leurs budgets.

Cette instabilité a été ressentie comme une source d’insécurité et donc d’inquiétudes pour les élus et source d’interrogations pour les spécialistes.

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Le domaine des finances locales est celui qui a donné lieu au plus grand nombre de rapports, d’analyses, de notes et d’articles. Depuis la Révolution et la mise en place des « quatre vieilles » jusqu’à nos jours, il ne s’est pas passé 5 ou 10 ans sans que l’Etat ne cherche à réformer les finances locales pour toujours plus de souveraineté.

Ces réformes ont été si nombreuses et si répétitives que l’action même de réformer a été considérée par la doctrine comme une composante à part entière des finances locales. Jusqu’en 2010, les nombreuses propositions de réformes ont toutes été précédées par une période dite de crise des finances locales. Les deux notions de crise et de réforme ont été très vite inséparables. Malgré ces nombreux bouleversements et à grand renfort de rapports, de notes et de publication en tous genres, les collectivités locales ont malgré tout réussi à faire face à leurs obligations de financement du service public et d’équilibre de leurs budgets.

Cette instabilité a été ressentie comme une source d’insécurité et donc d’inquiétudes pour les élus et source d’interrogations pour les spécialistes.

Pour le Professeur Robert Herzog, « l'histoire des finances locales est traversée par deux mythes : le mythe fatal de la crise, et le mythe salvateur de la réforme ». Il précise que « la réforme des finances locales est un de ces thèmes inusables qui s’accrochent en permanence à l’histoire des collectivités locales. Le malade supposé semble se porter moins mal qu’on le dit bien souvent, si l’on en juge à l’aune de la pérennité du système ou de son rendement ».

Philippe Laurent et Bénédicte Boyer, de leur côté, ne manquaient pas de s’interroger sur la raison de la multiplication de ces discours étatiques sur la « dérive préoccupante des dépenses locales » ou sur la nécessité de « stabiliser la fiscalité locale » qui contribuent à ternir un peu plus l’image des gestionnaires locaux, « boucs émissaires vite désignés ».

Quant à Jacques Blanc, ancien directeur de la division des finances locales du Sénat puis directeur adjoint des commissions, il comparait, non sans humour, les finances locales à un moteur à deux temps « dont le fonctionnement oscillait entre l’explosion de la fiscalité et l’implosion du montant des compensations fiscales versées par l’Etat aux collectivités ». Face à ces réformes chroniques des finances locales dont le nombre était sans cesse croissant, Jacques Blanc attendait un véritable « big-bang fiscal » qui ne vint jamais et finissait par s’interroger sur la fiabilité du diagnostic de l’exécutif sur la réalité de la crise des finances locales.

Quant au Professeur Raymond Muzellec, il s’interrogeait sur la question de savoir si la périodicité si fréquente de la crise des finances locales ne devait pas nous amener à y voir là un état normal des finances locales.

Depuis 1996 et plus encore 2014 pour les dotations de l’Etat et depuis 2010 pour la fiscalité locale et la suppression de la taxe professionnelle, le rythme des réformes s’est considérablement accéléré et les composantes de ces réformes sont désormais sans précédent.

A l’appui des réformes récentes et de celles à venir, ce n’est plus la crise des finances locales, réelle ou supposée, qui est avancée. La question n’est plus seulement de trouver des volumes de recettes adaptés aux besoins des différents niveaux de collectivités, ou d’éviter des pressions fiscales trop différentes d’un territoire à un autre ou encore de permettre une répartition équitable des dotations en fonction de charges réelles.

Il s’agit désormais d’adapter un système fiscal local à un environnement territorial totalement redéfini issu des Actes I et II de la décentralisation. Les ressources fiscales doivent être adaptées à une nouvelle cartographie bipartite composée des grandes régions et des intercommunalités et permettre le financement de politiques publiques territorialisées.

Les réformes en cours sont sans aucune mesure avec celles passées.

Depuis plusieurs années, sous couvert de redressement des finances publiques nationales, la loi de finances pour 2018 et la programmation de finances publiques 2018-2022 ont accéléré encore ce processus concernant la fiscalité directe. L’une des conséquences sera la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales à partir de 2020 et de ses conséquences sur l’équilibre global des recettes fiscales dans les budgets locaux.

La mission « Finances locales », mandatée par le Premier Ministre et co-présidée par MM. Alain Richard et Dominique Bur est à l’origine de nouvelles réformes des finances locales en lien avec celles qui ont consisté entre 2010 et 2017 à maîtriser l’évolution des recettes des collectivités en matière de dotations. Après les recettes locales, la mission appelée communément « Richard-Bur » vise désormais à maîtriser l’évolution des dépenses des collectivités.

La loi de programmation des finances publiques 2018-2022 instaure ainsi entre l’Etat et les collectivités une nouvelle contractualisation pluriannuelle en lien avec les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. Dans ce cadre, la mission propose un accord pluriannuel de stabilisation financière et de solidarité pour répondre à certaines difficultés rencontrées par les départements, notamment en raison de l’accroissement des charges inhérentes à l’allocation individuelle de solidarité (AIS). Suite à la suppression programmée de la TH en 2020, la mission a publié un rapport final présentant les éléments d’une réforme globale de la fiscalité locale mais aussi des relations financières entre le budget de l’Etat et celui des collectivités.

Les éléments de réforme proposés par la mission « Richard-Bur » tiennent compte du poids des ressources fiscales dans les budgets locaux et du manque à gagner des collectivités locales suite à la suppression de la TH sur les résidences principales (I). Deux scénarios de réformes ont été proposés avec des objectifs propres à chacun (II). La réforme proposée de la fiscalité aura enfin des conséquences multiples y compris sur les relations financières entre l’Etat et les collectivités (III).

1. Le poids des ressources fiscales dans les budgets locaux et les conséquences de la suppression de la TH

Le poids des ressources fiscales, notamment celles issues des impôts ménages dans l’ensemble des ressources des collectivité françaises, est prépondérant. Cette situation explique les conséquences multiples issues de la suppression d’un seul impôt : la taxe d’habitation.

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Le rapport de la mission « Richard-Bur » constate que la fiscalité locale est en France une source de financement déterminante des politiques publiques. En 2016, les recettes fiscales locales ont représenté 131,6 Md€ sur un total de 197 Md€ de recettes de fonctionnement, soit 67 % du total de leurs recettes totales de fonctionnement.

Sur ce total de 131,6 Md€ de produit fiscal, environ 44 Md€ proviennent d’impôts partagés entre l’État, telle la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE.

Quant aux autres ressources de fonctionnement, elles se composent essentiellement des dotations de l’Etat. La dotation globale de fonctionnement (DGF) permet un volume de recettes de 33,3 Md€, soit 16,90 %. Les autres concours représentent 7,9 Md€ du total des recettes de fonctionnement, soit 4,01 %.

Bien que ces recettes fiscales soient prépondérantes en montant dans l’ensemble des ressources des collectivités, le niveau de fiscalité proprement locale ou de fiscalité nationale transférée aux collectivités territoriales en France rapporté au produit intérieur brut (PIB) s’élève à 5,8 %. Ce pourcentage est faible en comparaison des autres pays de l’OCDE. Il place la France à un niveau inférieur à la moyenne de l’OCDE (7,1 % du PIB) et de l’Union européenne (6,4 %). 

La mission constate par ailleurs que la fiscalité locale pèse plus fortement sur les ménages que sur les entreprises. En répartissant les ressources fiscales en trois catégories, la mission relève que, concernant la fiscalité directe locale à caractère économique (CFE et CVAE qui composent la CET), les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseau (IFER) et la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) permettent un produit de 26,5 Md€ en 2016, soit 20,1 % du produit total de la fiscalité locale. En 2016, les entreprises ont par ailleurs acquitté 41,2 % du montant total de la TFPB.

Concernant les « autres impositions locales », catégorie hétérogène qui regroupe plusieurs types de recettes fiscales, ce sont 50,3 Md€ qui ont été prélevés en 2016, soit 38,3 % du produit total de la fiscalité locale. Il s’agit de la taxe sur les conventions d’assurance des départements, des DMTO ou la taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE).

Compte tenu de ces montants et compte tenu de la nature des bénéficiaires de chacune de ces taxes, la mission a envisagé trois périmètres de réforme aux implications plus ou moins importantes en termes de volume de recettes fiscales touché.

  • Le périmètre minimal ne tient compte que de la suppression de la TH pour le bloc communal (21,9 Md€ en 2016) et son remplacement.
  • Le périmètre médian intègre toutes les impositions locales, directes, indirectes, ou transférées pesant principalement sur les ménages (75 Md€ environ).
  • Le périmètre maximal prend en compte l’ensemble des recettes fiscales qui financent directement les collectivités territoriales (131,6 Md€ en 2016).

En procédant à la suppression totale de la TH ainsi que le préconise la mission, ce sont 34% des recettes fiscales directes locales qui seront supprimées. En 2016, La taxe d’habitation a permis un volume de recettes de 21,9 Md€ (15,1 Md€ pour les communes et 6,6 Md€ pour les EPCI à fiscalité propre).

En 2016, au titre des résidences principales, le produit de TH est de 19,43 Md€ pour 25 millions de rôles nominatifs. Le montant de recettes au titre des résidences secondaires a été de 2,30 Md€. Concernant les logements vacants ce sont 70 M€ qui ont été prélevés pour la même année.

La totalité des flux financiers versés aux collectivités territoriales au titre de la TH, ou au titre des frais de gestion de la TH et des taxes annexes ou des compensations d’exonération, s’est élevée à 23,29 Md€ en 2016.

Les conséquences liées à la suppression de la TH en 2020 sont donc importantes. De la même façon que la seule suppression de la TP en 2010 a été à l’origine d’une totale redistribution de recettes entre les collectivités et la création de nouveaux paniers fiscaux, la suppression de la TH pose la délicate question de la ressource de remplacement dans la mesure où l’Etat a déjà procédé en 2010 à plusieurs transferts de fiscalité.

Cette suppression a par ailleurs un coût. En valeurs 2020, toutes administrations confondues, ce coût a été évalué en moyenne à 10,5 Md€.

La suppression de la TH est considérée par la mission « Richard-Bur » comme l’occasion de procéder à une refonte totale des finances locales et plus particulièrement de la fiscalité locale.

2. Les objectifs et les différents scénarios de réforme de la fiscalité locale

2.1. Les objectifs de la réforme

La suppression de la TH doit être l’occasion d’une réflexion globale sur l’avenir de la fiscalité locale tant décriée depuis plusieurs années.

L’accroissement du montant des dotations de compensation dans les budgets locaux au titre des dégrèvements et des abattements, l’actualisation des bases d’imposition au titre des impôts ménages notamment, la fragilisation de la liberté de vote des taux compte tenu de ces mêmes dégrèvements et abattements et des composantes des différents paniers fiscaux, ainsi que l’émergence d’une nouvelle cartographie territoriale impliquant une nouvelle localisation géographique des bénéficiaires des recettes fiscales encore existantes, imposent en effet que soit menée une réflexion de fond sur les composantes de la fiscalité locale dans un environnement territorial en mutation.

Plusieurs grands objectifs à atteindre ont été fixés dans le cadre de cette réforme.

1er objectif : Des ressources adaptées à chaque nature juridique de collectivités et aux missions dévolues.

Il s’agit désormais de définir des ressources fiscales dont la nature et les montant de recettes qui en sont issues soient adaptées à chaque catégorie de collectivités territoriales. Cet objectif confirme la dynamique de spécialisation de l’impôt qui avait été donnée dans le cadre de la loi de finances pour 2010 à l’occasion de la suppression de la TP. La spécialisation de l’impôt fait écho au principe de spécialité que la loi du 7 août 2015 dite loi « NOTRe » a commencé d’étendre aux départements et aux régions en supprimant le bénéfice de la clause administrative générale de compétences.

La nature des recettes fiscales dont bénéficiera une collectivité devra être en relation avec les missions confiées. Cette réforme doit permettre l’émergence de ressources fiscales adaptées à chaque catégorie de collectivité en tenant compte des compétences exercées, de la dynamique de la dépense locale, des besoins de la population et du degré de proximité du service public rendu.

Indirectement, la dynamique de spécialisation de l’impôt doit être reliée à la volonté exprimée par le Président de la République en juin 2017 de voir inscrire dans la Constitution le droit à la différenciation. Le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, a en effet été présenté en conseil des ministres le 9 mai 2018. Son article 15 vise expressément le droit à la différenciation et l’encouragement à l’expérimentation normative pour les collectivités territoriales.

L’objectif visé par la réforme de la fiscalité devra tenir compte de la possibilité pour des collectivités de même niveau d’exercer des compétences différentes.

2ème objectif : Favoriser l’égalisation des richesses entre collectivités

L’inégale répartition des richesses sur le territoire des collectivités engendre des inégalités de plus en plus criantes de volumes de recettes fiscales perçues entre collectivités. L’objectif ainsi défini vise notamment à donner toute sa dynamique au principe de péréquation introduit dans la Constitution le 28 mars 2003.

3ème objectif : permettre une meilleure lisibilité de la fiscalité locale

Chacune des réformes engagées depuis plusieurs décennies a accentué encore la complexité des mécanismes des finances locales. En supprimant la taxe professionnelle et en remplaçant ce seul impôt par de nombreuses nouvelles ressources dans le cadre d’un panier fiscal à trois compartiments complété par la création d’un nouveau fonds d’égalisation des richesses appelé le FNGIR et la création d’une nouvelle dotation appelée DCRTP, le législateur de 2010 n’a pas failli à la règle. L’objectif poursuivi serait de simplifier et rendre plus lisible le paysage fiscal local, en envisageant la réforme d’autres impositions aux effets critiquables car accentuant les disparités de richesses entre collectivités. Cette simplification passerait également par la réduction du nombre d’impositions qualifiées par la mission de « multi-affectataires », donc contraires au principe de spécialisation. Cette simplification passerait également par la fusion ou la suppression de taxes à faible rendement.  

4ème objectif : Affirmer le principe d’autonomie financière inscrit dans la Constitution depuis le 28 mars 2003

Le principe d’autonomie financière, instauré par la loi de révision constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, repose sur deux piliers :

  • les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales doivent représenter, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ;
  • les collectivités territoriales peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures et la loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.

L’objectif est de mettre à disposition des collectivités des natures juridiques de recettes qui respectent ce cadre.

2.2. Les deux scénarios de réformes et les outils de compensation à mettre en œuvre

Deux scénarios de remplacement de la TH ont été identifiés par la mission :

Scénario n°1 : « la réallocation des ressources existantes entre les départements et le bloc communal, et l’affectation d’une fraction d’impôt national aux départements ».

Scénario n°2 : « le transfert d’une fraction d’impôt national au bloc communal sans réallocation des recettes fiscales des départements. Ce scénario préserve un pouvoir fiscal propre aux départements ».

Quel que soit le scénario retenu, la mission insiste, comme a pu le faire le législateur de 2010 en supprimant la TP, sur la stricte neutralité financière de la réforme. Aucune collectivité ne se verra accorder des recettes supérieures ou inférieures au montant enregistré avant la réforme. La compensation des pertes de recettes se fera intégralement par le biais d’un mécanisme de garantie individuelle des ressources.

Les collectivités riches resteront riches et les collectivités pauvres resteront pauvres. De la même façon que lors de la suppression de la part salaire dans la base de taxe professionnelle ou de la suppression de cette taxe en 2010, le législateur ne souhaite pas s’appuyer sur ces réformes d’envergure pour procéder à une véritable péréquation.

La mission propose de s’appuyer sur trois outils ou natures de recettes pour compenser les pertes inhérentes à la suppression de la TH. Ces trois outils ne seront pas exclusifs l’un de l’autre.

1er outil : la réallocation d’impositions locales existantes entre catégories de collectivités territoriales ;

Cet outil consiste à ne créer aucun impôt local nouveau mais à modifier la spécialisation actuelle des recettes telle qu’elle résulte de la loi de finances pour 2010. Le bloc communal se verra affecter des recettes réservées jusqu’à maintenant à d’autre collectivités. Le souci de la mission « Richard-Bur » est le maintien d’un lien entre la collectivité, le service public local communal ou intercommunal et le contribuable-usager.

Compte tenu de la nature des recettes fiscales prévues dans le panier fiscal départemental et régional, la mission préconise que la réallocation prenne pour base la TFPB des départements. La recette issue des DMTO n’offre pas suffisamment de liberté de vote des taux. Quant à la CVAE, dans la mesure où la part départementale a été diminuée au profit des régions, les crédits restants doivent être réservés aux départements.

La mission met en avant 4 modalités de réallocation de la TFPB au sein du bloc communal :

  • 1ère modalité : transfert de la part départementale de la TFPB aux communes et aux EPCI au prorata de leurs anciennes recettes de TH ;
  • 2ème modalité : transfert des parts de TFPB départementale et intercommunale (1,3 Md€ de recettes fiscales pour cette dernière en 2016) aux seules communes ;
  • 3ème modalité : transfert de la part départementale de la TFPB aux seules communes et imputation des excédents des communes « surcompensées » sur les attributions de compensation (AC) entre communes et EPCI.
  • 4ème modalité : transfert de la part départementale de la TFPB acquittée par les ménages aux communes et de la part départementale de la TFPB acquittée par les entreprises aux EPCI.

La mission reste réservée sur les deux dernières modalités.

2ème outil : le partage de taxes bénéficiant à l’Etat, directes ou indirectes ;

Contrairement à de nombreux Etats de l’Union, la France reste le seul pays à conserver jalousement les ressources liées aux impositions d’Etat telles que la TVA, les droits d’enregistrements, l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés. C’est dans le cadre de la loi de finances pour 2017 que le gouvernement a innové en prévoyant l’éligibilité des régions à la TVA en échange de la suppression de la DGF régionale.

Très profondément marquée par une culture d’unité et de souveraineté, la France n’a pu se résoudre, jusqu’à une période récente, à partager ou à abandonner tout ou partie de sa propre fiscalité.

Compte tenu du montant de recettes à compenser suite à la suppression de la TH (21,8 Md€ - montant 2016), la mission envisage de poursuivre l’intéressement des collectivités locales aux impôts d’Etat. La mission a isolé quatre ressources auxquelles les collectivités pourraient prétendre selon des modalités qui restent cependant à définir au sein de l’exécutif puis au sein du parlement :

  • la TVA, dont le produit a été de 152,8 Md€ inscrits en loi de finances pour 2018, soit 52,9 % des recettes fiscales de l’Etat ;
  • l’impôt sur le revenu (IR) : 72,7 Md€ (25,2 %) ;
  • la TICPE (ex TIPP) : 13,3 Md€ (4,6 %) ;
  • la contribution sociale généralisée (CSG), qui n’est pas un impôt d’État, mais un impôt de financement de la protection sociale : 115,4 Md€ inscrits en loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Parmi ces 4 recettes potentielles, la mission ne cache pas sa préférence pour un intéressement du bloc communal à la TVA en complément possible des recettes issues de la TICPE.

Si la nature de l’impôt et les montants qui en seront issus doivent être définis, la mission préconise 4 mécanismes d’intéressement ou de partage d’impôts nationaux.

Il peut s’agir :

  • d’un impôt local dont l’assiette sera localisée et sur laquelle s’appliquera un taux additionnel localisé ;
  • d’un impôt dont l’assiette est localisée mais dont le taux est défini par la loi :
  • d’un impôt dont l’assiette est nationale mais dont le taux est localisé ;
  • d’une recette provenant d’une fraction du produit d’un impôt national.

3ème outil : le recours à des dotations d’Etat dans le strict respect du principe d’autonomie financière.

Cet outil fait partie objectivement de ceux listés par la mission « Richard-Bur » mais cette dernière n’encourage pas sa mise en œuvre. Utilisé seul, cet outil risque de ne pas être compatible avec le ratio « plancher » d’autonomie financière du bloc communal qui est de 60,8 %.

3. Les conséquences induites par la réforme de la fiscalité locale en réponse à la suppression de la TH en 2020

Comme pour la taxe professionnelle en 2010, la simplicité du discours avec lequel a été annoncée la suppression de la TH ainsi que le caractère communément admis des raisons pour lesquelles cette suppression était urgente et nécessaire tranchent avec la complexité du dispositif de compensation des pertes de recettes y afférentes et les multiples conséquences qui en résultent pour un très grand nombre de collectivités et de contribuables.

Le caractère ponctuel de la décision de suppression de la TH ne doit pas faire oublier les délais qui permettront aux acteurs touchés directement ou indirectement par cette réforme de retrouver une vitesse fiscale de croisière.

La suppression de la taxe d’habitation fait entrer à terme les collectivités dans un second volet de réformes de grande ampleur de la fiscalité locale.

Cette suppression ouvre la voie à de très nombreux chantiers. Sans qu’il soit nécessaire de développer les éléments présentés par la mission « Richard-Bur », il est utile cependant d’en lister quelques-uns :

  • Dans la mesure où la suppression de la TH entraîne le transfert de la TFPB au bloc communal, il sera impératif de redéfinir les modalités de vote des taux au regard des règles de plafonnement et de liaison des taux ;
  • En faisant de la TFPB une nouvelle recette de compensation de 1er ordre, il sera impératif et urgent de procéder à une actualisation ou à une refondation des composantes de la base d’imposition au titre de cet impôt.
  • Le partage de fiscalité nationale entre l’État et les collectivités territoriales impose une réflexion sur la pratique d’un transfert de fiscalité au bénéfice des collectivités ou d’un simple intéressement au produit prélevé dont l‘Etat restera encore bénéficiaire pour une partie. Jusqu’où les besoins de l’Etat en matière de recettes pourront-ils faire place à un partage de fiscalité ?
  • Par ailleurs, à partir du moment où l’Etat n’est plus intéressé directement aux recettes d’un impôt, quel intérêt a-t-il à veiller à la bonne évolution du régime d’imposition au titre de ce même impôt ? A titre d’exemple, l’abandon aux collectivités des recettes issues des 4 vieilles a eu pour effet l’abandon de l’actualisation des bases d’imposition au titre des impôts ménages et au titre de la patente.
  • La taxe d’habitation se voit par ailleurs greffer d’autres taxes dont les produits sont inscrits sur les rôles d’imposition au titre de cette taxe. Il en est ainsi de la taxe spéciale d‘équipement, de la taxe sur les logements vacants ou de la taxe GEMAPI notamment. La suppression de la taxe d’habitation aura-t-elle pour effet de solliciter davantage les contribuables au titre des autres impôts ?
  • Quel est l’avenir par ailleurs de la contribution au titre de l’audiovisuel et notamment de ses dégrèvements en lien avec la taxe d’habitation ?

 

Auteur(s) :

RAYMOND Patrice

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