Marché intérieur, concurrence et services publics - aspects transversaux

Modifié le 16 mai 2023

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Notions clés

L’européanisation des services publics se traduit par un partage de compétences entre l’Union européenne et ses Etats-membres (les autorités publiques nationales, régionales et locales) comportant à la fois de larges marges de manœuvre de celles-ci pour définir, organiser et financer les services publics et par la définition progressive de règles communes que chacun des acteurs – politiques, administratifs, économiques, sociaux – se doivent de respecter. Ces règles communes sont soit spécifiques à chaque secteur d'activités (énergie, transports, eau et assainissement, déchets, services sociaux, etc.), soit transverses (principes et objectifs fondamentaux, règles de concurrence, aides d’Etat, marchés publics, cohésion, etc.). Nous présentons ici les principales dispositions transverses qui affectent directement les collectivités territoriales.

1. La construction progressive du marché intérieur des services par la mise en œuvre de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services

La création d’un ‘marché commun’, plus tard ‘marché intérieur’, a été au cœur du traité de Rome de 1957 et du processus d’européanisation. Pour cela, le traité a visé la réalisation d’une union douanière et des quatre libertés de circulation : des marchandises, des travailleurs, des services et du capital. Ces dispositions forment, avec les règles de concurrence et le régime des aides d’Etat, les dispositions de base concernant le marché intérieur.

L’union douanière et l’élimination des barrières douanières aux échanges entre les Etats membres ont été réalisées avant la fin des années 1960. En même temps, jusqu’au milieu des années 1980, peu de textes législatifs ont aménagé le système du marché commun des services, qui s’est développé davantage par voie jurisprudentielle. A ce stade, l’accent a été mis surtout sur l’abolition des restrictions pour des raisons de nationalité et la reconnaissance des diplômes, certificats et autres qualifications. La coordination des conditions pour l’exercice de ces activités a été également engagée.

L’Acte unique européen de 1986 a donné de nouvelles initiatives pour la réalisation du marché unique, avec un agenda à l’horizon 1993 et une stratégie combinant la reconnaissance mutuelle et l’harmonisation législative. A la suite, entre autres, du passage de la règle de l’unanimité à celle de la majorité qualifiée dans la procédure législative, de l’élargissement des pouvoirs du Parlement européen et de l’introduction des dispositions permettant le rapprochement des dispositions nationales pour créer le marché unique, la liberté de circulation des services a connu, à partir de la fin des années 1980, des avancées législatives. En même temps, le poids économique des services est devenu beaucoup plus important, puisqu’ils représentent plus des deux tiers du PIB de l’UE.

En dépit de ces avancées, la réalisation des quatre libertés a continué d’avancer de manière inégale. Ainsi, alors qu’à la fin de l’année 1992, qui a marqué la réalisation formelle du marché unique, la plupart des 279 mesures législatives prévues par le Livre blanc de la Commission européenne de 1985 étaient adoptés, la libre circulation des services était plus limitée que la liberté de circulation des marchandises et des travailleurs.

Après l’adoption du premier Plan d’action pour le marché intérieur par le Conseil européen d’Amsterdam en 1997, les services ont reçu plus d’attention et le système de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles a été consolidé.

En 2006, l’adoption de la Directive services 2006/123/CE a consolidé la jurisprudence européenne et a prévu des dispositions visant l’abolition des barrières à la libre circulation et fourniture de certains services (environ la moitié), devenant l’un des actes législatifs les plus importants en matière de liberté d’établissement et libre circulation des services. Proposée par la Commission européenne en 2004, le processus de son adoption a été très controversé à cause notamment de la proposition législative initiale qui visait à promouvoir le principe du pays d’origine, qui existait dans la législation concernant la reconnaissance des qualifications professionnelles, ou dans certaines directives sectorielles concernant les services et surtout dans la législation concernant le commerce des marchandises, sous la forme du principe de la reconnaissance mutuelle depuis l’arrêt de la CJCE dans l’affaire Cassis du Dijon (120/78 du 20 février 1979). Si dans le domaine des marchandises l’application de ce principe a été en général peu controversée, pour ce qui concerne la prestation des services il a été considéré que l’application du principe de l’Etat d’origine pouvait créer des distorsions de concurrence ou permettre la baisse des standards existants dans un système national. Dans sa version finale, la Directive a adopté une l’approche visant à enlever les barrières à l’entrée sur le marché afin de permettre l’accès des opérateurs de services d’autres Etats membres. La Directive a été adoptée en 2006 avec un délai de transposition avant la fin de l’année 2009. Selon la Commission européenne [COM (2011) 20], le processus de transposition a conduit à la modification de plus d’un millier d’actes législatifs dans les Etats membres. Néanmoins, des secteurs importants des services sont exclus de la Directive services.

Le Rapport Monti de 2010 et les deux « Actes » pour le marché unique de 2011 et 2012 ont ouvert une nouvelle phase dans le développement du marché unique des services [COM(2011) 206, COM(2012) 573]. Entre autres, l’objectif a été d’approfondir le processus d’ouverture des grands services en réseaux, tels que les télécommunications, les transports et l’énergie. Toutefois, alors que certains grands opérateurs se développent au niveau européen et international, les marchés des services en réseaux restent pour l’essentiel nationaux. Dans ces secteurs, les dispositions des traités UE et la législation européenne assurent notamment l’accès sur les marchés nationaux dans des conditions de concurrence et pour définir certains standards communs. Plus généralement, les échanges de services restent moins développés que les échanges de biens et la création d’un marché unique demeure plus lente et progresse de manière inégale, le processus de libéralisation étant aussi limité par la territorialité des services et leur ancrage dans la langue et la culture des bénéficiaires.

La nouvelle Commission européenne installée en 2014 s’est notamment engagée à mettre en œuvre un marché unique numérique pour améliorer la connectivité numérique dans l’UE et l’accès aux services numériques et pour développer des services, des réseaux et l’économie numériques.

2. Le processus d’européanisation dans le domaine des marchés publics

L’instrument des marchés publics s’est développé en Europe dans le cadre de chaque Etat nation, dans une optique nationale qui était utilisée aussi comme un instrument d’intervention publique, pour pallier des difficultés de politique économique, sociale, conjoncturelle, etc. Mais les règles nationales contenaient des différences et parfois impliquaient de la discrimination parce qu’elles étaient souvent restrictives, conçues pour favoriser les opérateurs nationaux. S’agissant d’un secteur important de l’économie, les institutions communautaires ont recherché, dès le début du processus de construction d’un marché commun, à intégrer et développer progressivement une action communautaire dans ce domaine.

Le cadre normatif s’est développé par une intervention législative communautaire pour garantir les libertés fondamentales définies par les traités et réaliser un marché commun européen par l’abolition des restrictions aux échanges et par le rapprochement des législations nationales, afin d’assurer et de développer l’accès des opérateurs européens aux marchés publics sur la base notamment d’une publicité communautaire appropriée, de critères objectifs pour l’octroi des contrats et la sélection des co-contractants.

Pour cela, c’est l’instrument juridique de la directive qui a été utilisé, qui laisse aux Etats membres la possibilité d’une transposition du droit communautaire adaptée à chaque cadre national.

Au fil du temps, la législation européenne a élargi son champ pour couvrir des marchés de travaux, puis de fournitures et de services, qu’ils soient passés par les autorités nationales ou européennes, ainsi que des secteurs divers et des seuils différents, un droit européen qui est conçu comme un socle commun et complémentaire de la diversité des systèmes légaux nationaux.

En même temps, la politique européenne d’ouverture des marchés publics nationaux a intégré les dispositions définies au niveau international, dans le cadre des accords conclus au niveau de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Aujourd’hui, l’importance du processus d’européanisation dans le domaine des marchés publics reste confirmée par le poids économique de plus en plus important de ce secteur, qui représentait en 2009 environ 19% du PIB de l’UE (420 milliards euros).

2.1. Du traité de Rome (1957) à l’Acte unique européen (1986) : première étape d’ouverture communautaire et internationale des marchés publics de travaux et de fournitures

La première période d’européanisation des marchés publics s’inscrit dans les programmes généraux adoptés pour le Conseil pour la suppression des restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services. L’objectif a été de permettre aux opérateurs européens de soumettre des offres en réponse à des appels de marchés publics dans l’espace communautaire. Les mesures de coordination des législations nationales ont visé à abolir les restrictions formelles ou pratiques existantes dans les Etats membres et à coordonner les procédures nationales, en limitant ainsi certains pouvoirs discrétionnaires dans l’octroi des marchés.

Les premières directives concernant les contrats de marchés publics de travaux devaient entrer en vigueur le 1er janvier 1964. Toutefois, le processus législatif les Etats membres ayant rencontré des difficultés, elles ont été adoptées seulement en 1971.

Une première proposition de directive a été soumise au Conseil par la Commission le 16 mars 1964. L’objectif a été notamment d’abolir, par la coordination des dispositions nationales pertinentes, des restrictions nationales, de forme et de fond, à la liberté d’établissement et à la liberté de fournir des travaux publics afin que des entreprises d’autres Etats membres ne soient pas intégralement ou partiellement exclues, même indirectement, d’un appel d’offres ou de l’exécution des travaux pour l’Etat, les autorités locales ou autres entités qui concluent des contrats de marchés publics de travaux.

Une deuxième proposition de directive a été soumise au Conseil fin juillet 1964. Elle a été la première concernant la coordination des procédures nationales de passation des marchés publics de travaux, avec l’objectif d’ouvrir l’accès aux marchés égaux ou supérieurs au seuil de 1 million d’unités de compte. Cette directive a été adoptée le 26 juillet 1971 (Directive 71/305/CEE, entrée en vigueur le 1er août 1972). Elle a prévu notamment : des règles communes dans le domaine technique pour l’élimination des clauses discriminatoires, des règles communes de publicité au niveau communautaire et des informations adéquates dans les avis de marchés établis par les pouvoirs adjudicateurs des Etats membres, des délais pour la réception des offres, des critères qualitatifs dans la sélection des contracteurs et des critères objectifs et économiques d’attribution du marché, avec l’exclusion de considérations relatives à l’origine des produits ou à la nationalité des producteurs. Elle a concerné les marchés publics de travaux conclus dans les Etats membres pour le compte de l’Etat, des collectivités territoriales et d’autres personnes morales de droit public (pouvoirs adjudicateurs énumérés en annexe I de la directive). Les marchés publics octroyés par les services de production, de distribution et de transport d’eau et d’énergie ont été exclus du champ de la directive, ainsi que les marchés des services de transport, ces derniers devant faire l’objet d’une directive spéciale. Les contrats de concession ont été également exclus de la directive. La directive a prévu deux catégories principales de procédures nationales pour la présentation des offres : les procédures ouvertes à tout entrepreneur intéressé et celles restreintes aux seules entreprises admises par les pouvoirs adjudicateurs à soumissionner. Des procédures spéciales d’attributions ont été également prévues.

Dans le domaine des fournitures, la Commission européenne avait adopté le 17 décembre 1969 la Directive 70/32/CEE concernant les fournitures de produits à l'État, à ses collectivités territoriales et aux autres personnes morales de droit public, qui a visé l’élimination des restrictions aux fournitures pour ces autorités au plus tard à la fin de la période de transition. Il s’est agi des restrictions d’un effet équivalent à celui des restrictions quantitatives à l’importation (voire l’exclusion de produits importés), de la « réservation » ou de la « préférence » pour des fournitures de produits nationaux (y compris toute « incitation » de la part des pouvoirs publics à acheter des produits nationaux), qui pouvaient avoir des effets restrictifs sur la libre circulation des marchandises.

Sur ces bases, en 1973, la Commission a engagé une action pour l’ouverture des marchés publics de fournitures, qui a poursuivi les mêmes objectifs que la première directive sur les marchés publics de travaux, consistant à supprimer, lors de la passation de marchés publics,  les dispositions et pratiques accordant des « préférences » ou des « réservations » à la production nationale, ou excluant des fournitures importées des autres Etats membres.

La même année, la Commission a adopté une proposition de directive pour coordonner les procédures pour l’octroi des marchés publics de fournitures qui a visé à limiter le pouvoir discrétionnaire des administrations publiques en prévoyant : une publicité des marchés au niveau communautaire, des critères communautaires objectifs pour la sélection des soumissionnaires et l’attribution des marchés. Toutefois, étant donné la nature de ces contrats, qui sont plus nombreux et qui impliquent d’habitude des montants plus faibles que pour les contrats de travaux publics, le système législatif a été rendu plus flexible. Après plusieurs années de négociations, la directive a été adoptée le 21 décembre 1976 (Directive 77/62/CEE, entrée en vigueur le 1er juillet 1978). Elle s’est appliquée aux marchés dont le seuil était égal ou supérieur à 200 000 unités de compte, y compris aux fournitures non-militaires pour des objectifs de défense. Toutefois, la directive ne s’appliquait par aux marchés pour les services de production, de distribution et de transport d’eau et d’énergie, les services qui opéraient dans le domaine des télécommunications et les organismes qui géraient les services de transport dans les Etats membres. C’est à partir des années 1990, que ces secteurs, dans lesquels étaient organisés des services publics en réseau, feront l’objet des directives spécifiques.

2.2. De l’Acte unique européen aux directives de 2004 : deuxième étape d’ouverture communautaire des marchés publics. L’évolution de la réglementation des marchés publics de travaux et de fournitures et la réglementation des marchés publics de services et des secteurs dits « exclus »

En 1985, le Livre blanc de la Commission européenne sur l’achèvement du marché intérieur [COM(85) 310] a défini l’ouverture des marchés publics comme un des objectifs prioritaires. En pratique, la mise en œuvre des directives adoptées dans les années 1970 (1971 pour les travaux, 1970 et 1977 pour les fournitures) n’a été que partielle, puisque les statistiques ont révélé que peu d’avis ont été publiés au Journal officiel des Communautés, représentant environ un quart de la valeur totale des marchés ouverts à la concurrence communautaire. D’un coté, la Commission a considéré qu’il fallait promouvoir davantage de transparence pour les soumissionnaires potentiels et qu’il fallait revoir le seuil d’application des directives. D’autre part, elle s’est engagée à faire des propositions avant 1987 pour étendre avant 1992, l’application des directives aux secteurs exclus - énergie, transport, eau, télécommunications - et ouvrir les marchés publics dans le domaine des services publics ou des services financés par des fonds publics. Par ailleurs, la Commission européenne a institué un système assurant le respect des directives pour certains financements européens. Le nombre de plaintes concernant le non respect des règles des marchés publics a augmenté aussi, ce qui a conduit à un développement jurisprudentiel plus important.

Par ailleurs, quelques études ont montré également l’empreinte nationale des politiques de marchés publics. Ainsi, il a été observé que le pourcentage de contrats attribués aux fournisseurs nationaux représentait en moyenne plus de 98% du total, que plus de deux tiers de participants aux appels d’offres étaient nationaux, que la procédure de négociation, conçue pour avoir un caractère exceptionnel, concernait, en moyenne, presqu’un tiers de la valeur des contrats. Toutefois, les raisons de la préférence nationale n’étaient pas analysées ; n’étaient donc pas pris en considération l’ensemble des fonctions dont l’instrument des marchés publics a été traditionnellement porteur dans les Etats membres (par exemple, pour soutenir l’emploi).

Dans une Communication au Conseil du 19 juin 1986 sur les marchés publics dans la Communauté [COM(86) 375] la Commission européenne a présenté un programme d’action pour réaliser les objectifs et les échéances indiquées dans le Livre blanc de 1985.

A partir de mars 1987, un programme de relance de l’ouverture des marchés publics a été mis en œuvre, conduisant à l’adoption d’une deuxième série de directives sur les marchés publics, qui ont visé à renforcer les informations (en particulier, celles concernant les résultats des procédures), à réduire le recours aux procédures restreintes ou négociées, à ouvrir à la concurrence des secteurs exclus, à éliminer les disparités normatives nationales, à augmenter les possibilités de recours contre les décisions des pouvoirs adjudicataires. Dans le cadre de la procédure de coopération introduite par l’Acte unique européen, la Commission a été amenée à prendre en considération dans ses propositions les amendements proposés par le Parlement européen à ses propositions de directives.

En 1988, l’adoption de la directive 88/295/CEE a visé à améliorer les procédures de passation des marchés publics de fournitures.

Les seuils d’application des directives ont également été modifiés. Ainsi, la directive 88/295/CEE du 22 mars 1988 s’appliquait aux marchés dépassant 200 000 écus (130 000 écus si les marchés relevaient de l’accord GATT) et la directive 89/440/CEE du 18 juillet 1989 s’appliquait aux marchés d’un montant au moins égal à 5 millions d’écus.

La Directive 89/665/CEE relative à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux a réglementé les possibilités de recours administratifs et/ou judiciaires pour permettre la suppression des spécifications discriminatoires dans les avis de marché, le sursis de certaines procédures en cas d’irrégularité, l’annulation des décisions violant la législation communautaire et l’indemnisation des parties lésées.

La directive 90/531/CEE du 17 septembre 1990 relative aux procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications a inclus dans le droit communautaire les secteurs exclus du champ d’application des directives de 1971 et 1976. Cette directive couvrait les entreprises publiques et les entreprises auxquelles les États membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs. Pour tenir compte de spécificités de ces secteurs, en particulier de leur organisation monopolistique (monopole naturel ou oligopole), elle a retenu le principe du libre choix des procédures par l’entité adjudicatrice (ouverte, restreinte ou négociée). Par ailleurs, la directive a prévu deux cas de préférences justifiées : la préférence régionale pour les régions les moins favorisées ou affectées par un déclin industriel et, dans certaines conditions, la préférence communautaire pour une offre émanant d’un Etat membre sur une offre émanant d’un pays tiers.

La même année, en juillet, la Commission a adopté une proposition de directive portant coordination des dispositions relatives à l’application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés dans ces secteurs, qui visait à étendre à ces secteurs les moyens de recours et les procédures de contrôle faisant l’objet de la directive 89/665/CEE. Afin d’y inclure les marchés de services « exclus », la Commission a adopté en septembre 1991 une proposition de modification de la directive 90/531/CEE relative aux procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, modification adoptée en 1993 (Directive 93/38/CEE portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications). Le 25 février 1992 le Conseil a adopté la directive 92/13/CEE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications.

Le stade final du processus de réalisation de l’ouverture communautaire des procédures des marchés publics a été réalisé pendant l’année 1992 avec l’adoption, le 18 juin 1992, de la directive concernant la coordination des procédures de passation des marchés publics de services (Directive 92/50/CEE), qui portait sur les marchés les plus importants, considérés susceptibles d’intéresser les entreprises d’autres Etats membres.

En 1993, le Conseil a adopté la Directive 93/4/CEE modifiant la Directive 71/305/CEE portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, ainsi que les Directives 93/36/CEE et 93/37/CEE portant, respectivement, coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures et de travaux.

2.3. Vers l’adoption des directives de 2004

Le 27 novembre 1996, la Commission européenne a adopté un livre vert sur les marchés publics dans l’UE [COM(1996) 583] pour explorer les pistes pour l’avenir en vue d’améliorer la transposition de la législation européenne et d’accroître l’impact économique de l’ouverture des marchés publics. Suite au processus de consultation, la Commission a adopté le 11 mars 1998 une Communication sur les marchés publics dans laquelle elle a fixé les mesures prioritaires pour améliorer les règles et simplifier le système des marchés [COM(1998) 143]. Puis, dans une Communication du 4 juillet 2001 [COM(2001) 274], la Commission a traité la question de l’intégration des considérations environnementales dans les procédures de passation de marchés publics et dans une Communication du 15 octobre 2001 celles d’ordre social [COM(2001) 566].

Le 16 février 1998, le Parlement européen et le Conseil ont formellement adopté la Directive 98/4/CE modifiant la directive 93/38/CEE portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications. La directive 2001/78/CE va imposer à partir du 1er mai 2002, l’utilisation de formulaires standard pour les avis de marchés publiés au JOCE.

En août 2000 la Commission européenne a proposé un paquet législatif pour simplifier et moderniser les directives en matière de marchés publics, remplacer cinq des dernières directives par deux nouvelles directive : d’une part, la proposition relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux de fournitures et de services [COM(2000) 275], d’autre part, celle relative à la passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie et des transports [COM(2000) 276]. Elles ont été adoptées le 31 mars 2004 (directive 2004/17/CE, qui concerne également les services postaux, et directive 2004/18/CE), pour une transposition nationale avant le 1er février 2006. L’objectif a été de rendre plus transparent le processus d’attribution des marchés, de lutter contre la corruption et la criminalité organisée, de clarifier les critères déterminant la sélection des soumissionnaires et l’attribution des marchés et de faciliter la passation électronique de marchés. En ce qui concerne les secteurs qui ont fait l’objet de la directive 2004/17/CE, l’article 30 a prévu la possibilité d’exemption du champ d’application de la directive, par décision de la Commission, des activités « libéralisées », c’est-à-dire celle « directement exposées a la concurrence sur des marches dont l’accès n’est pas limité ». Par ailleurs, la passation des marchés qui ont pour objet des services figurant à l’annexe II B de la directive 2004/18/CE (dont certains services d’intérêt général, par exemple les services d’éducation et de formation professionnelle, les services sociaux et sanitaires, les services récréatifs, culturels et sportifs) est soumise seulement à l’article 23 (spécifications techniques) et à l’article 35, paragraphe 4 (avis sur les résultats de passation), ainsi qu’aux principes fondamentaux du droit européen. Le 28 octobre 2004, les seuils d’application des deux directives ont été révisés et adaptés par le Règlement (CE) n° 1874/2004 de la Commission.

Le 29 décembre 2004 la Commission a présenté un plan d’action [COM(2004) 841] pour la mise en œuvre du cadre juridique des marchés publics électroniques.

Dans la décision n° 2008/963/CE, la Commission a actualisé les listes indicatives de pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices couverts par les directives « Marchés publics ».

Le 1er août 2006, la Commission a adopté une Communication interprétative (2006/C 179/02) concernant le droit communautaire applicable aux passations de marchés non soumises ou partiellement soumises aux directives « Marchés publics ».

Suite à la proposition de la Commission [COM(2006) 195], le législateur européen a adopté en décembre 2007 une directive révisant les règles communautaires relatives aux procédures de recours en matière de passation de marches publics (Directive 2007/66/CE). Cette directive visait à améliorer les garanties d’un recours national efficace, ainsi que les procédures dont disposent les entreprises en matière d’attribution d’un marché public.

Par ailleurs, le 25 juin 2008, dans le contexte de l’adoption du « Small Business Act » pour l’Europe, la Commission a publié un « Code de bonnes pratiques facilitant l’accès des PME aux marchés publics » [SEC(2008) 2193]. Le code présente des orientations sur la manière d’appliquer le cadre juridique communautaire pour renforcer la participation des PME aux procédures d’attribution des marchés et met en évidence les réglementations et pratiques nationales qui facilitent l’accès des PME à ces marchés. La Commission a également adopté, le 2 juillet 2008, une Communication sur les marchés publics écologiques [COM(2008) 400].

2.4. Le traité de Lisbonne et l’adoption de nouvelles directives marchés publics et concession

A la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la Commission européenne engagé un programme de révision des directives sur les marchés publics [COM(2011) 15 Livre vert sur la modernisation de la politique de l’Union européenne en matière de marchés publics du 27 janvier 2011]. Ce programme a également avancé l’idée d’une directive sur les concessions. Sur la base de la consultation, la Commission a proposé à la fin de l’année 2011 de nouvelles directives [COM(2011) 895 et 896], y compris une première directive européenne sur les concessions [COM(2011) 897, ci-après]. Après l’accord politique du juin 2013 entre le Parlement européen et le Conseil, les nouvelles directives ont été adoptées en mars 2014 : la Directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics et la Directive 2014/25/UE relative à la passation de marches par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, ainsi que la Directive 2014/23/UE sur l’attribution de contrats de concession (JO L 94 du 28.3.2014).

L’adoption de ces nouvelles règles a poursuivi trois grands objectifs : simplification, souplesse et sécurité juridique pour mieux répondre aux objectifs d’autres politiques publiques. Pour ce qui concerne la simplification, il s’agit en particulier de l’élargissement des possibilités de négociation dans certaines circonstances spécifiques, d’une réduction de la documentation exigée des candidats et de l’utilisation obligatoire des procédures électroniques. En outre, les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire connaître leurs intentions de passation de marchés par la publication d’un avis de pré-information. Pour certains services dans les domaines de la santé, des services sociaux et services connexes, des services dans le domaine de l’éducation et de la formation, des bibliothèques, des services d’archives, des musées et d’autres servies culturels, des services sportifs et des services aux ménages privés, la directive 2014/14/UE prévoit un régime simplifié de passation des marchés publics. Les nouvelles règles prévoient également des conditions pour favoriser l’accès des PME aux marchés publics, en particulier la division des contrats en lots, la déclaration sur l’honneur et les exigences concernant la capacité financière dont le montant ne devrait pas être supérieur au double de la valeur estimée du marché. Il est aussi prévu que l’accessibilité des personnes handicapées soit prise en compte dans la plupart des procédures de passation de marchés. Une nouveauté essentielle des directives est la possibilité de ne pas utiliser le prix comme le seul critère d’octroi des marchés publics des services et l’introduction du critère du « coût du cycle de vie » (y compris des coûts liés aux externalités environnementales) pour déterminer « l’offre économiquement la plus avantageuse ». Ainsi, les directives permettent d’évaluer le rapport qualité/prix sur la base d’autres facteurs que le seul prix ou la rémunération (par exemple, pour tenir compte des aspects sociaux, tel que la facilitation de l’intégration des personnes défavorisés ou vulnérables parti le personnel assigné à l’exécution du marché).

Par ailleurs, après la consultation de 2010 sur le Livre vert sur le développement des marchés publics électroniques [COM(2010) 571].

2.5. Les contrats de concession et les autres partenariats publics-privés (PPP)

Pendant plusieurs décennies, les concessions et autres partenariats public-privé n’ont pas fait l’objet spécifique de la réglementation européenne, quoique certains aient été régis par quelques dispositions ou directives éparses (par exemple, les concessions de travaux publics). Par ailleurs, certains Etats membres n’avaient pas de législation sur les concessions (par exemple, Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni), alors que la jurisprudence européenne a connu un certain développement en la matière, notamment à partir des années 2000.

Dans ce contexte, en 1999, la Commission a adopté une Communication interprétative [1999/C 94/04] visant à définir le cadre juridique applicable aux concessions en droit communautaire des marchés publics[1], dans laquelle les concessions apparaissaient comme une forme particulière de marché public. Toutefois, les concessions de services définies dans ce cadre légal (par exemple dans l’article 1, alinéa 4[2] de la directive 2004/18/CE) n’ont pas été soumises à ces dispositions sur les marchés publics mais uniquement aux principes généraux du traité (transparence, non-discrimination et égalité de traitement).

En avril 2004, pour lancer un débat afin de déterminer l’opportunité d’une intervention communautaire en la matière, la Commission européenne a publié un Livre vert sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions [COM(2004) 327], visant à assurer un meilleur accès des opérateurs économiques des Etats membres aux différentes formes de PPP dans des conditions de clarté juridique et de concurrence effective. Le Comité économique et social européen (CESE) a donné son avis le 27 octobre 2004. Dans sa résolution publiée en décembre 2006, le Parlement européen s’est prononcé en faveur d’une initiative législative. Le Parlement a également considéré nécessaire que la Commission clarifie l’insécurité juridique à propos des coopérations entre autorités publiques et l’application du droit européen à la création d’entreprises public-privé dans le cadre de l’attribution de marchés ou de concessions. Le Comité des régions s’est prononcé sur le Livre vert dans un avis de 12 octobre 2006. Il a estimé inutile de proposer une nouvelle législation sur les principes d’attribution des concessions de travaux et de services. Pour lui les concessions de services ne devaient pas être soumises à la directive sur les marchés publics car elles exigent une procédure plus souple.

Le 5 février 2008, la Commission a adopté une communication interprétative concernant l’application du droit communautaire des marchés publics et des concessions aux partenariats public-privé institutionnalisés (PPPI) (C(2007) 6661 - 2008/C 91/02) qui sont des entités à capital mixte habituellement créées pour la prestation de services publics, notamment au niveau local. La communication explique les règles communautaires qui s’appliquent lors de la sélection des partenaires privés des PPPI. En fonction du type de mission attribuée au PPPI (marché public ou concession), les directives de marchés publics ou les principes généraux du traité CE s’appliquent à la sélection du partenaire privé. La Commission considère qu'une double procédure (la première pour la sélection du partenaire privé du PPPI, et la seconde pour l'attribution du marché public ou de la concession à l'entité à capital mixte) est difficilement praticable. Elle présente une démarche pour établir un PPPI en conformité avec les principes du droit communautaire tout en évitant les problèmes liés à une double procédure : la sélection du partenaire privé s’accompagne de la création du PPPI et l’attribution du marché public ou de la concession à l’entité à capital mixte. La communication met en lumière que les PPPI doivent en principe conserver leur champ d’activité initial. Cependant, il est reconnu que le PPPI étant habituellement créé pour la prestation de service sur une période assez longue, celui-ci doit être en mesure de s’adapter à certains changements intervenus dans l’environnement économique, juridique ou technique. La communication explique dans quelles circonstances ces développements peuvent être pris en considération.

En 2010[3], la Commission européenne a annoncé qu’elle comptait mettre en œuvre une démarche législative, car « des règles claires et proportionnées permettront d’améliorer l’accès au marché pour les entreprises européennes, en garantissant la transparence, l’égalité de traitement et des règles du jeu identiques pour les opérateurs économiques. Elles encourageront les partenariats public-privé et développeront le potentiel d’un meilleur rapport qualité-prix pour les usagers des services et pour les collectivités contractantes ».

Ainsi, dans le cadre du programme de révision des directives sur les marchés publics, la Commission a proposé un projet de directive sur l'attribution des contrats de concession, au départ calqué sur la directive marchés publics et que le Parlement européen a amendé en soulignant les spécificités des concessions de services. Adoptée en 2014, la directive 2014/23/UE sur l'attribution des contrats de concession prévoit :

des règles de transparence des critères d'attribution des contrats, qui doivent être fixés dès l’avis de publicité et ne plus être modifiés par la suite ;

  • des règles de publicité de la procédure dont l’organisation doit être communiquée par l’autorité en amont et à tous les participants, ainsi qu’un délai de clôture indicatif ;
  • des règles visant à garantir la traçabilité de chaque étape de la procédure ;
  • des règles permettant l’information de chaque candidat évincé au cours de la procédure de la décision de l’autorité délégante et l’obligation pour l’autorité de motiver sa décision ;
  • l’attribution des contrats selon des critères hiérarchisés et permettant de constater un « avantage économique global » ;
  • un élargissement des conditions permettant de recourir à la procédure de dialogue compétitif.

La directive s’applique aux concessions de travaux et services, y compris dans les secteurs des services en réseaux[4], qui en matière de marchés publics font l’objet d’une directive spéciale. La publication des avis de concession dans le JOUE est obligatoire pour les contrats d’une valeur égale ou supérieure à 5 186 000 euros.

Les directives « recours » (89/665/CEE et 92/13/CE) s’appliquent à toutes les concessions couvertes par la directive concession.

La directive européenne a été transposée dans le droit français par l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et le décret du 1er février 2016 ont modifié le régime juridique des contrats de concession.

L’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et le décret du 1er février 2016 :

  • imposent une obligation de publicité préalable « pour susciter la plus large concurrence » ; le contrat de concession peut être conclu sans publicité ni mise en concurrence préalables s’il ne peut être confié qu’à un seul opérateur, ou au cas où aucune candidature ou offre n’a été reçue, ou si les candidatures étaient irrecevables ou les offres inappropriées. Dans un arrêt du 4 avril 2016 (CE n° 396191), le Conseil d’Etat a admis la possibilité de recourir à une convention provisoire pour la gestion d’un service public, conclue sans publicité préalable « en cas d’urgence résultant de l’impossibilité soudaine dans laquelle se trouve la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même ». Le Conseil d’Etat précise que la convention ne pourra excéder la durée nécessaire pour la mise en œuvre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence pour la poursuite de la délégation ou l’organisation de sa reprise en régie. Elle ne doit pas non plus dépasser les seuils européens, auquel cas elle entrerait dans le champ d’application de la directive concessions qui ne prévoit pas de dispositions spécifiques à une convention provisoire ;
  • disposent que le contrat est attribué à celui « qui a présenté la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du contrat »  ; les critères peuvent être aussi d’ordre environnemental, social, liés à l’innovation etc. et doivent être non discriminatoires ; pour les contrats de concession qui relèvent du 1° de l’article 9 du décret du 1er février 2016 (contrats dont la valeur estimée hors taxe est égale ou supérieure au seuil européen publié au Journal officiel de la République française), l’autorité concédante fixe les critères d’attribution par ordre décroissant d’importance, la modification de cet ordre devant être exceptionnelle ; les offres sont classées par ordre décroissant sur la base des critères indiqués, l’offre la mieux classées étant retenue ;
  • limitent la durée des concessions, en fonction de la nature et du montant des prestations et investissements à réaliser ; pour les concessions d’une durée supérieure à cinq ans, la durée du contrat ne doit pas dépasser la durée d’amortissement des investissements ; pour les concessions dans les domaines de l’eau potable, de l’assainissement, des ordures ménagères, la durée maximale du contrat est de 20 ans ;
  • obligent le délégataire à fournir un rapport annuel avant le 1er juin, qui comprend les comptes des opérations, une analyse de la qualité et des conditions d’exécution du service public ;
  • obligent l’autorité concédante à mettre à disposition, au plus tard le 1er octobre 2018, un accès libre, direct et complet aux données essentielles du contrat de concession, selon le cas avant ou pendant le déroulement du contrat et de sa modification ;
  • admettent la sous-traitance à des petites et moyennes entreprises ou à des tiers pour de parts de contrat qui ne peuvent être inférieurs à 10% de sa valeur globale estimée ;
  • admettent la modification du contrat sans mise en concurrence si elle n’est pas substantielle et si elle n’est pas supérieure à 50% du montant du contrat initial.

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Auteur(s) :

BAUBY Pierre

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