Règles de légistique à respecter pour la rédaction des textes normatifs

Modifié le 16 mai 2023

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Notions clés

Serges Lasvignes, le secrétaire Général du Gouvernement, a défini la  légistique se définit comme «  l’art de faire un droit « de qualité ». De même qu’il incombe à l’autorité investie du pouvoir de décision d’évaluer du mieux possible l’impact d’une nouvelle réglementation, il appartient au rédacteur, au juriste d’anticiper les difficultés que suscitera sa lecture, son interprétation, sa mise en œuvre.
Elle peut ainsi se résumer à un ensemble de règles que le rédacteur de textes – lois , ordonnances, décrets, arrêtés – doit respecter afin d’assurer une application et une compréhension uniforme du droit et d’éviter la complexité inutile, source de contentieux.
Élaboré par le Conseil d’État et le Secrétariat général du Gouvernement(SGG), un « Guide pour l’élaboration des textes législatifs et réglementaires » est  publié par la Documentation française est disponible et tenu à jour sur le site public www.legifrance.fr.
Cette fiche, non exhaustive, a pour objet de présenter les règles essentielles à respecter lors de la rédaction de textes normatifs.

Sommaire

1.  Exposés des motifs, notices explicatives et rapport de présentation

1.1  Les projets de loi contiennent un exposé des motifs

Obligation résultant de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, cet exposé des motifs indique les raisons pour lesquelles ce projet est soumis au Parlement.
Il comporte une partie générale qui présente le contexte (historique, économique, social, juridique), dans lequel s'insère le projet de loi et une partie  qui expose, article par article, les dispositions proposées.
L'exposé des motifs n'est pas soumis à la discussion des assemblées et n'est pas publié au Journal officiel.

1.2  Les décrets sont précédés  d’une notice explicative ou d’un rapport de présentation    selon les cas

La notice explicative s'est substituée au rapport de présentation sauf quand celui-ci est prévu par un texte. Document explicatif, elle a pour objet de donner une information objective sur la nature et la portée des mesures susceptibles d'intéresser directement les destinataires des textes.
Aux termes de la circulaire du Premier ministre du 7 juillet 2011 relative à la qualité du droit, elle accompagne la publication de l'ensemble de ces décrets.
Elle comporte 4 rubriques :

  • la rubrique « Publics concernés » qui désigne les principaux destinataires de la réforme ;
  • la rubrique « Objet » qui définit  l'objet du texte (et peut comporter des mots-clés) ;
  • la rubrique « Entrée en vigueur » qui indique si les règles nouvelles affectent des situations en cours (avec le cas échéant, les mécanismes d'entrée en vigueur différée et le calendrier des mesures transitoires);
  • la rubrique « Notice »  qui présente, de manière plus détaillée, l'objet et la portée du texte.
  • la rubrique « Références » précise que le texte modifié peut être consulté sur Légifrance.

La notice explicative est toujours située sous le numéro NOR et avant les visas  du texte (le NOR est un système normalisé de numérotation des textes officiels auquel sont assujettis tous les actes publiés au Journal officiel et tous les textes de portée générale publiés dans les bulletins officiels des ministères depuis 1987).
Le rapport de présentation est obligatoire -et se substitue à la notice explicative-  pour les ordonnances, les décrets et les arrêtés prévues par la LOLF, « sauf en ce qui concerne les sujets à caractère secret, touchant à la défense nationale, à la sécurité intérieure ou extérieure de l'État ou aux affaires étrangères » et les mesures individuelles prises par décret.
L’objet du rapport de présentation est d’éclairer le signataire – Président de la République ou Premier ministre selon le cas – et les ministres contresignataires, sur les raisons pour lesquelles le texte est proposé et sur son contenu.
Le rapport n'est ni signé  ni daté.

2.  Le choix de l’intitulé du texte

Dans l’intitulé d’une loi ou d’un texte réglementaire, doivent être évitées les mots et expressions qui reflètent un point de vue subjectif sur le texte comme « modernisation », « amélioration », « promotion ».
Chaque texte comporte une numérotation qui est attribuée par le SGG avant la publication : le premier nombre est celui de l'année de parution, le second un numéro d'ordre de sortie des textes  puis est indiquée la date  (celle de la promulgation s'il s'agit d'une loi, celle de la signature s'il s'agit d'une ordonnance, d'un décret ou d'un arrêté).
A noter : les arrêtés et les mesures individuelles ne font pas l’objet d’une numérotation et comportent seulement la date de leur signature.

Deux remarques :
* lorsqu’un projet de loi a pour objet de régler des questions diverses, l'intitulé « portant diverses dispositions relatives à… » est difficile à éviter.  Il est recommandé de dégager un thème dominant ou sur lequel l'attention mérite d'être appelée,  l'intitulé doit faire apparaître ce thème ;
  • depuis la loi de finances pour 2005, la présentation des lois de finances retenue est la suivante : « loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 ».

3.  Les ministres rapporteurs

Des membres du Gouvernement font « rapport »  à l'autorité à laquelle est soumise la signature du texte. Cette autorité est le Président de la République pour les ordonnances et les décrets qui sont présentés à sa signature,  le Premier ministre,  pour les autres décrets.
La qualité de ministres rapporteurs appartient aux ministres principalement chargés d'élaborer la politique que le texte met en œuvre. En principe, seuls les ministres et les secrétaires d'État autonomes (c’est à dire qui ne relèvent pas d'un ministre) ont la qualité de ministres rapporteurs.
Les ministres délégués, ministres auprès d’un ministre ou secrétaires d'État non autonomes ne sont pas mentionnés parmi les membres du Gouvernement chargés de faire rapport alors même que l’ordonnance ou le décret intervient dans le champ des compétences qui leur est délégué.
Tous les ministres intéressés par le contenu du texte ou appelés à le contresigner ne sont pas rapporteurs. Un seul ministre suffit,  celui qui a effectivement piloté la préparation du texte (dans tous les cas, il n’est pas admis de mentionner plus de trois ministres rapporteurs).

4.  Les visas d'une ordonnance, d'un décret ou d'un arrêté

Les projets de loi ne comportent pas de visas.
Les projets d'ordonnance, de décret et d'arrêté comportent des visas afin notamment de mettre en évidence les textes dont le projet fait application, qu'il doit transposer ou modifier. Les visas permettent également de mentionner, le cas échéant, l’intervention du Conseil d'État (CE) ou d’autres organismes dont la consultation préalable était requise.
L’oubli d'un visa ou une erreur dans les visas est sans influence sur la légalité de l'acte. Ils ne constituent pas une formalité substantielle susceptible de provoquer une annulation contentieuse.
Quels textes viser ?

  • il convient de viser le texte que le projet abroge partiellement mais jamais le texte que le projet abroge entièrement.
  • lorsqu'un texte est pris pour l'application d'un règlement ou la transposition d'une directive de l’Union européenne, il convient de viser ce règlement ou cette directive. Il en va de même pour les traités ou accords internationaux dont il s'agit de faire directement application ou qui fixent des normes supérieures incorporées en droit interne et qui concernent directement l'objet du texte.
  • enfin, dans un décret, on ne vise pas un arrêté ministériel ou interministériel, sauf en matière de délégation de signature.

Quelques règles de rédaction des visas de textes :

  • chaque texte visé, sauf s'il s'agit d'un code, est désigné par son numéro (un texte antérieur à 1940 ne comporte toutefois pas de numéro), sa date et son intitulé complet et exact, tel qu'il figure au Journal officiel.
  • Si le texte visé a été modifié, il convient de le préciser par l’ajout de l’adjectif « modifié » entre la mention de la date et l'objet (par exemple, « Vu le décret n°…… du ….. modifié relatif à … »).
  • Lorsqu'il apparaît utile de mettre en exergue certains articles ou certaines divisions d'un texte visé, l'usage est de les mentionner ainsi : « Vu le code civil, notamment son article 1er ».

Les consultations effectuées doivent être mentionnées dans les visas :

  • Les avis des organismes dont la consultation est obligatoire sont toujours visés, avec leur date, immédiatement après l'ensemble des textes visés et avant la mention de la consultation du Conseil d'État.

En cas de consultation du Conseil d’Etat (CE), il convient de distinguer la mention « le CE entendu », la mention  «  Après l’avis du CE » et la mention « Sur l’avis conforme du CE » :
« Le Conseil d'État entendu  signifie que la saisine du CE était obligatoire mais que son avis pouvait ou non être suivi ;
« Après avis du Conseil d'État » signifie que le Conseil d'État a été consulté sans que la consultation revête un caractère obligatoire ;
« Sur l'avis conforme du Conseil d'État » est indiqué si un décret ne peut être pris que sur l'avis conforme du Conseil d'État, le texte devant obligatoirement tenir compte de cet avis.

  • Si l'avis a été légalement émis par une formation restreinte ou spécialisée de l'organisme consulté, il est d'usage de faire apparaître, entre parenthèses, le nom de la formation (par exemple, « vu l'avis du conseil supérieur de la fonction publique de l’État (commission des statuts) »).

La formule  « Vu la saisine du … en date du… » doit être utilisée  lorsque l'organisme n'a pas émis d'avis dans le délai qui lui était imparti par les dispositions législatives ou réglementaires alors qu’il a été régulièrement saisi.
L’ordre des visas doit être respecté :

  • les textes sont visés en premier.

L'ordre de présentation des textes visés procède d'un classement hiérarchique (l'ordre à respecter est celui de la hiérarchie des normes : Constitution, conventions internationales, règlements et directives de l'Union européenne, codes, lois, ordonnances et décrets)
Les textes d'une même catégorie étant classés selon l'ordre chronologique. Les décrets constituent une catégorie unique. Ils sont donc rangés par ordre chronologique quel que soit leur « niveau » (décrets en conseil des ministres, décrets en Conseil d'État, décrets simples).
Les codes sont normalement placés avant les lois et  sont visés selon l'ordre alphabétique. Est désormais abandonné l'usage qui consistait à viser en premier les codes tenus pour les plus éminents en raison de l'histoire ou de leur matière : le code civil et le code pénal.

  • puis, viennent les consultations des organismes dont la consultation est obligatoire ;

 à la fin, s'il y a lieu, sont mentionnées l'intervention du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État. La mention : « Le Conseil d'État entendu, » ou « Le Conseil d'État (section ….) entendu, » est placée à la fin de tous les visas mais avant, le cas échéant, la mention : « Le conseil des ministres entendu, ».

  • La mention : « Le conseil des ministres entendu, » est placée à la fin de tous les visas.

5.  Les différents types de plan du texte

Il n'y a pas de plan type mais il existe des plans consacrés pour certaines catégories de textes
Ainsi par exemple, un décret relatif à un corps de fonctionnaires comportera le plus souvent les cinq mêmes rubriques :

  • dispositions générales, qui définissent les missions du corps et les emplois auxquels ses membres ont vocation à être nommés ;
  • recrutement ;
  • avancement ou déroulement de carrière ;
  • dispositions transitoires et finales ;

De même, pour un texte relatif à la création d'un établissement public, le plan traitera  des dispositions générales (dénomination, nature, missions…), de l'organisation et du fonctionnement, du régime financier et des dispositions transitoires et finales.
Il est d'usage de faire figurer, le cas échéant, les dispositions pénales en fin de texte, avant les dispositions transitoires et finales. Il en va de même en ce qui concerne les dispositions relatives à l'outre-mer.

6.  Les divisions et les subdivisions d’un texte

Il existe des divisions en titres, chapitres, sections, articles (seuls les codes peuvent, en amont des titres, être divisés en parties et en livres).Dans un texte long ou traitant de sujets multiples, il est possible de regrouper les articles en titres, chapitres et, le cas échéant, sections. Si nécessaire, mais c'est rarement le cas, les sections peuvent être subdivisées en sous-sections.
A noter que dans un même texte, un chapitre peut comporter des sections et un autre, non.  De même, une section peut comporter des sous-sections et une autre, non.
L'unité de base d'un texte normatif est toujours l'article (lorsque le Parlement débat d'un projet de loi et procède au vote, il le fait article par article).
Il est souhaitable de n'énoncer qu'une règle par article. Il est préférable recourir à plusieurs articles qu'à des articles trop longs ou devant, par suite, comporter de nombreuses subdivisions.

Les articles sont numérotés dans l'ordre.

Pour insérer un ou plusieurs articles qui se suivent à une place déterminée dans un texte que l'on modifie, on affecte à cet article ou à ces articles le numéro de celui qui le ou les précèdera dans le texte modifié, suivi d'un tiret et d'un numéro additionnel (par exemple, entre les articles 23 et 24, on insérera des articles 23-1, 23-2, 23-3 ;   entre les articles 42-2 et 42-3, on insérera les articles 42-2-1, 42-2-2, etc…)

7.  Les règles de style et de présentation

  • Il convient de n'employer que des termes appartenant à la langue française.

Le recours à tout terme étranger ou à toute expression étrangère est prohibé, dès lors qu'il existe une expression ou un terme équivalent dans la langue française sauf  exceptions (« a priori », « a posteriori » et « référendum » peuvent être utilisé).
En principe,  les verbes doivent être conjugués au présent et non au futur, le présent ayant valeur impérative. En outre, il n’est pas nécessaire, sous prétexte de renforcer le caractère impératif d'une obligation, de recourir au mot
« doit », le simple présent du verbe principal suffit.

  • le mode de rédaction est impersonnel. On n'écrit pas : « il est institué une commission nationale de... chargée de... », mais « la commission nationale... est chargée de... ».
  • L'utilisation des sigles est normalement proscrite.

 Le recours à un sigle peut toutefois être admis si celui-ci est d'usage courant et a été développé dans le texte la première fois qu'il a été employé. Le  recours au sigle doit être notamment évité pour des autorités ou organismes ; il est préférable de répéter « le Conseil supérieur de l'audiovisuel » ou « la Commission nationale de l'informatique et des libertés » plutôt que de recourir aux sigles CSA ou CNIL.

  • en matière de féminisation des mots, des orientations ont été fixées par le Premier ministre concernant des noms de métier, fonction, grade ou titre, dans la circulaire du 6 mars 1998.
  • enfin, le Guide de légistique du Conseil d’État et du SGG énumère toute une série de règles à éviter : éviter d'utiliser un terme pour l'autre  (distinguer « sous l'autorité » ou « sous la surveillance  de » , «conformité » et « compatibilité », « tutelle » et « rattachement » ou encore  « suspendre » un délai ou « l'interrompre ») ainsi que des recommandations sur l’usage de locutions qui peuvent être source d’ambiguïté (« notamment », « au sens de » « le cas échéant »,  « sans préjudice »…).

Auteur(s) :

FINCK Nathalie

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