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Notions clés

La notion de service public fait l'objet de plusieurs conceptions. Elle obéit également à plusieurs principes fondamentaux.

  • Expression consacrée dans l’arrêt Blanco  (T.C., 08/02/1873).
  • Le service public ne fait pas l’objet de définition légale, mais a pendant longtemps été considéré comme la "pierre angulaire" du droit administratif (G. JEZE).

Sommaire

1. Notions générales sur le service public

1.1. Les différentes conceptions du service public

1.1.1. La conception française

  • Expression consacrée dans l’arrêt Blanco  (T.C., 08/02/1873).
  • Le service public ne fait pas l’objet de définition légale, mais a pendant longtemps été considéré comme la "pierre angulaire" du droit administratif (G. JEZE). La notion répond cependant à 2 critères cumulatifs :

1.Le critère organique : la présence d’une personne publique

Il faut que l’activité soit assurée, soit directement par une personne publique, soit indirectement.

  • La gestion d’un service public par une personne privée a très tôt été admise dès lors qu’un lien contractuel unissait la personne privée avec la personne publique. Cas historique des concessions  (C.E., 06/02/1903, Terrier ; C.E., 04/03/1910, Thérond).
  • C’est avec l’arrêt Caisse Primaire Aide et Protection (C.E., Ass., 13/05/1938) que le critère organique a été remis en cause. Un organisme ayant le "caractère d’un établissement privé" peut, en dehors de tout lien contractuel, être chargé de la gestion d’un service public dès lors qu’une loi ou un règlement organise le statut de l’organisme et fixe à ce dernier une mission de service public. Il s’agit de la délégation unilatérale de service public. En 1963, le Conseil d’État a élaboré le système du "faisceau d’indices" dans l’arrêt Narcy (C.E., Sect., 28/06/1963) afin de savoir si l’activité exercée par une personne privée était un service public. Il exige la réunion de 3 éléments : l’exercice d’une activité d’intérêt général, le contrôle de l’administration et la détention de prérogatives de puissance publique. En 2007, dans l’arrêt A.P.R.E.I. (C.E., Sect., 22/02/2007) le Conseil d’État distingue désormais 2 cas de figure :
    • si la personne privée assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et dispose de prérogatives de puissances publique, elle est chargée d’une mission de service public, indépendamment des cas où la loi a elle-même entendu reconnaître ou exclure l’existence d’un service public,
    • si la personne privée n’a pas de prérogatives de puissance publique, et dans le silence de la loi, elle assure une mission de service public si, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui conférer une telle mission.

2.Le critère matériel : une activité d’intérêt général

  • L’intérêt général constitue le fondement et la finalité de l’action administrative. S’il existe des activités qui sont, par nature, de service public (services publics régaliens), "la plasticité est consubstantielle à l’idée d’intérêt général". Les services publics concernent aussi bien des prestations de service que l’édiction de normes.
  • Dans quelle mesure les personnes publiques peuvent intervenir dans le champ d’activité des personnes privées, à savoir dans le secteur économique ?
  • En 1901, le Conseil d’État estimait que les personnes publiques ne pouvaient intervenir dans ce domaine qu’en cas de "circonstances exceptionnelles" (arrêt Casanova).
  • Dans l’arrêt de Section Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers du 30/05/1930, il admet plus largement cette possibilité (notion de "circonstances particulières de temps et de lieu", comme l’absence ou l’insuffisance de l’initiative privée), mais rappelle que "les entreprises ayant un caractère commercial restent, en règle générale, réservées à l’initiative privée", d’où la protection du principe de la liberté du commerce et de l’industrie.
  • Dans un arrêt d’Assemblée, Ordre des avocats au barreau de Paris du 31/05/2006, le Conseil d’État estime que les collectivités publiques peuvent intervenir dans le secteur économique si elles sont compétentes (clause générale de compétence ou compétences d’attribution), si elles justifient d’un intérêt public (comme une carence de l’initiative privée) et qu’elles ne faussent pas le libre jeu de la concurrence (en fixant des prix trop bas par exemple).
  • L’intérêt public peut justifier à lui seul la création d’un service public dans certains cas. La jurisprudence reconnaît ainsi la possibilité d’exploiter une activité commerciale ou industrielle si elle constitue l’accessoire ou le prolongement nécessaire d’un service public ou encore lorsque le service vise à satisfaire les besoins de son service. En revanche, cette activité ne doit pas avoir pour unique but l’aspect financier (il faut un intérêt public).

1.1.2. La conception européenne

  • À l’origine, l’idée de service public a été ignorée par les instances communautaires et les traités. L’intérêt est né avec la situation monopolistique des services publics (et le régime d’aides publics) car contradiction avec le principe de libre concurrence.
  • Les services publics "traditionnels" ne sont pas concernés car ils n’entrent pas dans le domaine marchand (justice, police, défense). Ainsi, la notion de "service d’intérêt économique général" (S.I.E.G.), qui concerne les opérateurs économiques relevant du secteur marchand a entraîné la disparition progressive des monopoles français (télécommunications, électricité, gaz).
  • Le traité d’Amsterdam de 1997 reconnaît désormais "la place qu’occupent les S.I.E.G. parmi les valeurs communes de l’Union". En outre, la jurisprudence communautaire admet des limitations à la concurrence afin que les S.I.E.G. puissent accomplir leurs missions (C.J.C.E., 19/05/1993 Corbeau + C.J.C.E., 27/04/1994, Commune d’Almelo).

Important : La notion de "service public" a bel et bien été reprise, et adaptée, par les instances communautaires, mais l’action de ces dernières a présenté un menace réelle quant aux modalités d’organisation du service public "à la française" (monopole). Aujourd’hui, c’est la notion anglo-saxonne de "service universel" (S.U.) qui prévaut. Cette notion a connu une traduction dans la législation française (loi du 26/07/1996 : S.U. des télécommunications ; loi des 25/06/1999 et 20/05/2005 : S.U. de la Poste).

1.2. Classification des différents services publics : la classification S.P.A. et S.P.I.C

1.2.1. L’établissement de la distinction

  • C’est avec l’arrêt S commerciale de l’Ouest africain, plus connu sous l’appellation Bac d’Éloka (T.C., 22/01/1921) que le Tribunal des conflits a consacré cette distinction. C’est la première fois que le juge reconnaît qu’un service entier est soumis au droit privé.
  • L’important arrêt d’assemblée Union syndicale des industries aéronautiques (C.E., Ass., 16/11/1956) pose que le service public bénéficie d’une présomption d’administrativité. Cette présomption peut être renversée par le "faisceau d’indices" : l’objet du service ; l’origine de ses ressources ; les modalités de son organisation et de son fonctionnement. Si le service se rapproche sur tous ces points à une entreprise privée, il sera qualifié de S.P.I.C. Dans le cas contraire, c’est-à-dire si l’un d’entre eux vient à manquer, le service sera un S.P.A.

1.2.2. Les conséquences de la distinction : l’application d’un régime juridique distinct

  • Le régime juridique du S.P.A. : il est essentiellement soumis au droit public, et donc à la compétence des juridictions administratives. Il existe des exceptions.
  • Le régime juridique du S.P.I.C. : il est essentiellement soumis au droit privé, et donc à la compétence des juridictions judiciaires. Il existe des exceptions.

2. Les principes fondamentaux du service public : Les "Lois de Rolland"

Le Professeur Rolland a théorisé, dans les années 1920-1930, des principes applicables à tous les services publics. Il ne les a pas découverts mais systématisés à l’ensemble des services publics.

2.1. Le principe d’égalité

Il découle du principe d’égalité devant la loi (Art. 1er et 6 D.D.H.C.). Il s’agit d’un P.G.D. (C.E., Sect., 09/03/1951, S des concerts du conservatoire) et d’un principe à valeur constitutionnelle (C.C., déc. n°79-107 DC du 12/07/1979, "Ponts à péage").

Les implications du principe d’égalité à l’égard des agents

  • C.E., Ass., 28/05/1954, Barel : principe d’égal accès aux emplois publics, quelques soient les opinions politiques des candidats.
  • C.C, déc. n°76-67 DC du 15/07/1976 : égalité dans le déroulement de la carrière des agents d’un même corps.

Les implications du principe d’égalité à l’égard des usagers

  • C.E., Sect., 09/03/1951, S des concerts du conservatoire : le principe d’égalité régit le fonctionnement des services publics.

Quelques précisions sur les implications du principe d’égalité:

1.Le principe d’égalité et le principe de neutralité

Les agents du service public sont soumis à une obligation de neutralité. Elle constitue une limite à la liberté d’opinion (consacrée par l’article 6 de la loi du 13/07/1983). La jurisprudence atteste de la difficulté à concilier la liberté de conscience (Art. 10 de la D.D.H.C.) avec le caractère laïc de la République. Le principe de neutralité est considéré comme le corollaire du principe d’égalité par le C.C (déc. n°86-217 DC du 18/09/1986, Liberté de communication).

Les usagers sont également soumis au principe de neutralité, de façon plus ou moins stricte.

Remarque : C’est dans le domaine de l’enseignement que la question a particulièrement alimenté les débats avant que la loi du 15/03/2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ne vienne interdire dans ces lieux "le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse".

2.Le principe d’égalité et les "discriminations positives"

Les discriminations positives visent à donner plus à ceux qui ont moins. C’est ainsi que l’on peut notamment les observer en matière de fixation de tarifs en ce qui concerne l’accès au service public.

  • Arrêt de principe : C.E., 10/03/1974, Denoyez et Chorques : "la fixation de tarifs différents, pour un même service rendu, à diverses catégories d’usagers d’un service ou d’un ouvrage public implique, à moins qu’elle ne soit la conséquence nécessaire d’une loi, soit qu’il existe entre les usagers des différences de situations appréciables, soit qu’une nécessité d’intérêt général en rapport avec les conditions d’exploitation du service ou de l’ouvrage commande cette mesure".

La possibilité d’instituer des discriminations tarifaires est une simple faculté (C.E., Ass., 28/03/1997, S Baxter). Le juge opère un contrôle strict de ces différenciations tarifaires au regard des possibilités offertes par la jurisprudence Denoyez et Chorques.

2.2. Le principe de continuité

Il a valeur constitutionnelle depuis 1979 (C.C., déc. n°79-105 DC du 25/07/1979, Droit de grève à la radio et à la télévision) et le Conseil d’État en a fait un principe fondamental (C.E., 13/06/1980, Dame Bonjean). Ce principe s’est pendant longtemps opposé à l’exercice du droit de grève des agents (C.E., 07/08/1909, Winkell).

La reconnaissance du droit de grève pour les agents du service public (arrêt Dehaene)

Reconnaissance du droit de grève par le Préambule de la Constitution de la IVème République, d’où conciliation nécessaire avec le principe de continuité du service public.

La loi peut intervenir pour en éviter un "usage abusif et contraire aux nécessités de l’ordre public" (C.E., Ass., 07/07/1950, Dehaene). Le législateur n’a pas posé de règles générales mais a voté des lois particulières pour réglementer le droit de grève, reconnu également par la loi du 13/07/1983 (Art. 10).

La réglementation du droit de grève

  • Délai de préavis + préavis émanant d’une organisation syndicale représentative + revendications professionnelles.
  • Des limitations ont été apportées par la loi, voire des interdictions (C.R.S., personnels de police,  personnels des services extérieurs de l’administration pénitentiaire, magistrats judiciaires, militaires, etc.).
    En l’absence d’intervention du législateur, il appartient au gouvernement, aux ministres (en qualité de chef de service – jurisprudence Jamart de 1936) et à tout chef de service de réglementer le droit de grève (exemple : maire).
    • Le maire ou le préfet peuvent procéder à des réquisitions (en qualité d’autorité de police).
    • Avant la réquisition, le chef de service peut limiter le droit de grève en instaurant un service minimum.
    • En cas de non-respect, les agents désignés sont susceptibles de sanctions disciplinaires et l’autorité gestionnaire doit en référer aux autorités de police afin qu’une réquisition de police soit ordonnée. Le juge vérifie s’il n’y a pas d’autres moyens que la réquisition pour assurer la continuité du service public.
    • La réquisition n’est possible que si elle est proportionnée aux nécessités de l’ordre public, d’où sa rareté.
    • L’instauration d’un service minimum par la loi est également possible. Voir la loi du 21/08/2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs et celle du 20/08/2008 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire.

2.3. Le principe de mutabilité

Le principe de mutabilité, ou d’adaptation constante, du service public repose sur l’idée selon laquelle l’intérêt général est évolutif. Le principe a été posé dans l’arrêt Compagnie nouvelle du Gaz de Deville-lès-Rouen (C.E., 10/01/1902).

  • Il en résulte que ni les agents, ni les usagers, n’ont de droits acquis au maintien, respectivement de leur statut ou des règles d’organisation du service public.
  • Les agents comme les usagers ont cependant respectivement droit à l’application de leur statut tant qu’il n’est pas modifié et au fonctionnement normal du service.
  • Il est toujours possible de supprimer un service public : cas du service public des cultes (L. 09/12/1905 de séparation des Églises et de l’État).
  • Les mesures ne peuvent pas avoir d’effet rétroactif (C.E., 1948, S du journal "l’Aurore").
  • Il existe également des services publics que le Conseil constitutionnel interdit à l’État de supprimer car leur nécessité "découle de principes ou de règles à valeur constitutionnelle" (C.C., déc. n°86-207 DC du 26/06/1986, Privatisations) : ensemble des S.P.A. correspondant à des fonctions de souveraineté.

3. Les modes de gestion du service public

La gestion par une personne publique

  • La régie.
  • L’établissement public.

3.2. La gestion par une personne privée

  • La délégation contractuelle de service public : concession, affermage, régie intéressée.
  • La délégation unilatérale de service public.

3.3. Les entreprises publiques locales (EPL)

Auteur(s) :

VEROT Laurence

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