Source: Revue économie de La Réunion N° 11 Hors série - juin 2012

Sommaire

> Protection des habitats et des espèces

Une biodiversité reconnue et protégée, qui reste menacée

La richesse et la valeur de la biodiversité terrestre réunionnaise est reconnue. Néanmoins cette biodiversité unique est menacée par les activités humaines : 22 % des espèces indigènes de faune et 30 % des espèces indigènes de flore seraient menacées de disparition. Des dispositions réglementaires protégent les espaces à forte valeur patrimoniale et les espèces menacées.

Audrey LESIMPLE - Deal

La Réunion appartient au " point chaud " de biodiversité des Mascareignes. La protection de la biodiversité est donc un enjeu particulièrement important sur notre île : 30 % des habitats d'origine sont encore présents, de nombreuses espèces y sont endémiques et leur disparition locale serait synonyme d'extinction mondiale. Ce patrimoine exceptionnel a ainsi été reconnu par l'Unesco, avec le classement en 2010 des Cirques, Pitons et Remparts au patrimoine mondial. Il explique aussi que 154 000 hectares, soit près de 60 % du territoire réunionnais, soient classés en zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique (Znieff).
Cette biodiversité unique est toutefois menacée par les activités humaines. L'exploitation agricole de nouveaux espaces restreint la place occupée par les milieux naturels et induit une artificialisation croissante. De même, l'urbanisation impacte l'environnement via les pollutions sonores, chimiques ou visuelles.
L'union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) dresse un constat mitigé sur l'état de conservation de la biodiversité réunionnaise en 2010. Ainsi, 22 % des espèces indigènes de faune seraient menacées de disparition, ainsi que 30 % des espèces indigènes de flore. Ce diagnostic est probablement en deçà de la réalité, car la menace d'extinction n'a parfois pu être évaluée par manque de données sur certaines espèces. De nombreuses autres espèces sont aussi identifiées comme pouvant être menacées si des actions spécifiques ne sont pas menées.
Des dispositions réglementaires ont donc été prises pour préserver ces espaces et espèces à forte valeur patrimoniale. Des réserves ont ainsi été créées et des arrêtés de protection de biotope ont été pris. Des terrains ont également été acquis par le conservatoire du littoral ou le Conseil général pour protéger ou gérer ces espaces patrimoniaux. En 2005, 26 % des surfaces en Znieff faisaient l'objet d'une protection. La création du parc national en 2007 a permis de porter ce pourcentage à près de 70 %. De même, des arrêtés de protection des espèces interdisent l'atteinte à la vie et à la reproduction ainsi que le commerce d'espèces spécifiquement identifiées : 16 % des végétaux et 47 % des animaux menacés d'extinction sont ainsi protégés aujourd'hui.
Des actions sont entreprises pour lutter contre les effets néfastes des espèces exotiques au milieu naturel. En effet, 7 % des espèces végétales introduites et 32 % des espèces animales sont identifiées comme envahissantes. Mi-2010, une stratégie de lutte contre les espèces invasives a été élaborée à La Réunion. Sa mise en oeuvre a mobilisé près d'un million d'euros.

Menaces sur la faune et la flore (% d'espèces)

Définitions

Zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique (Znieff)
L'inventaire des Znieff identifie, localise et décrit les sites d'intérêt patrimonial pour les espèces vivantes et les habitats. Il constitue l'outil principal de la connaissance scientifique du patrimoine naturel. Cet inventaire n'existe actuellement à La Réunion que pour le patrimoine terrestre. Les Znieff sont classées en niveau II ou I selon la valeur patrimoniale des habitats et des espèces qu'elles abritent. Elles peuvent être protégées règlementairement par le coeur du parc national, les arrêtés de protection de biotope, les acquisitions foncières du conservatoire du littoral, les espaces naturels sensibles du département.
Espèce indigène
Espèce arrivée sur l'île par des moyens naturels, avant l'homme. 892 espèces végétales et 45 espèces animales indigènes sont recensées sur La Réunion.
Espèce endémique
Espèce spécifique d'un territoire, issue de la différenciation d'une espèce indigène. 237 espèces végétales endémiques sont recensées.
Espèces menacées de disparition
Parmi les espèces indigènes ou cryptogènes (espèces dont l'indigénisme est incertain), il s'agit des espèces considérées comme étant vulnérables, en danger ou en danger critique d'extinction selon l'IUCN. Seules la faune et la flore vasculaire (fougères, orchidées, arbres, plantes à fleurs) sont considérées.
Espèce exotique
Espèce introduite par l'homme, volontairement ou non. 2 000 espèces végétales et 50 espèces animales sont qualifiées d'exotiques sur la Réunion.

> Taux de recouvrement des coraux

 

Des ressources naturelles marines qui s'appauvrissent

Le recouvrement corallien diminue à La Réunion depuis 10 ans. Cette baisse, de plus de moitié pour certaines stations, traduit une perte d'espèces emblématiques de la biodiversité réunionnaise et indique une dégradation de l'environnement naturel.

Audrey LESIMPLE - Deal

Parce que la vitalité des coraux est intrinsèquement liée à la qualité de leur environnement, l'état de santé des coraux est un bon indicateur des perturbations affectant le milieu marin. Pour vivre et se développer, le corail a besoin que soient réunies des conditions de température, de luminosité, de concentration en nutriments, de sédimentation et de biodiversité. Autant de caractéristiques du milieu qui sont directement ou indirectement modifiées par l'homme.
L'étude des populations coralliennes situées sur les platiers, à proximité des côtes, révèle d'importantes variations, représentatives des atteintes au milieu. Ainsi par exemple, sur la station de la Ravine Blanche, le recouvrement corallien est passé de 58 % à 24 % entre 2000 et 2009. Cette diminution n'est cependant pas régulière : les irrégularités illustrent à la fois les bonnes capacités de récupération du corail et sa forte sensibilité.
L'observation des populations coralliennes des pentes externes se situe à quelques centaines de mètres du trait de côte (entre 100 m et 500 m environ). Une tendance globale à la dégradation de leur état, avec diminution de la couverture corallienne, est aussi constatée. Entre 2000 et 2009, dans les zones de protection de la Réserve Naturelle Marine, la réduction de la couverture corallienne sur la pente externe est de 50 % sur une station de Saint- Gilles, de 35 % à Saint-Leu et atteint 67 % à l'Étang-Salé. La station de la Ravine Blanche fait exception, car du fait de sa localisation dans un secteur à forte houle, les pollutions y sont moins concentrées.
Diminution du recouvrement corallien, modification de la composition spécifique des espèces initialement présentes et perte de biodiversité sont associées. Ainsi, une baisse de la proportion des acropores est généralement observée, au profit de formes plus massives et submassives ("patates") ou de coraux "mous" plus opportunistes. La modification du peuplement corallien s'accompagne également de proliférations d'algues liées à l'enrichissement du milieu en sels nutitifs (nitrates, phosphates...). Celles-ci entraînent à leur tour des modifications de l'écosystème récifal : développement des espèces herbivores (poissons tels que les perroquets ou les chirurgiens, oursins...), omnivores (poissons tels que les labres) ou détritivores (concombres de mer, vers par exemple).
La prévention des impacts des activités humaines sur les coraux relève de plusieurs niveaux. Au plan international, la lutte contre le changement climatique peut limiter le blanchissement des coraux. Au niveau local, les politiques d'aménagement du littoral et des bassins versants doivent limiter les rejets polluants dans le milieu marin, notamment en maîtrisant l'assainissement des eaux usées et pluviales. Enfin, le respect des règles spécifiques de certaines pratiques par chaque usager est indispensable : non cassure des coraux, pêches non sélectives, bonne gestion des stocks de poisson.

Évolution du recouvrement benthique sur plusieurs stations de mesures représentatives

en %
200020062009
Saint-GillesRecouvrement coralienTotal402921
Trois chameauxdont acropores515539
pente externeAlgues et enalguésTotal516570
Saint-GillesRecouvrement coralienTotal192841
Trois chameauxdont acropores706932
platierAlgues et enalguésTotal173536
Saint-PierreRecouvrement coralienTotal344347
Ravine Blanchedont acropores91626
pente externeAlgues et enalguésTotal545246
Saint-PierreRecouvrement coralienTotal585024
Ravine Blanchedont acropores709290
platierAlgues et enalguésTotal194773
Saint-LeuRecouvrement coralienTotal464330
La varanguedont acropores36316
pente externeAlgues et enalguésTotal485067
Saint-LeuRecouvrement coralienTotal485736
La varanguedont acropores908836
platierAlgues et enalguésTotal253055

Source : réserve naturelle marine de La Réunion.

Définitions

Recouvrement corallien
Il donne une indication de la vitalité des récifs coralliens, notamment de type acropores (colonies de coraux durs, généralement branchues, formant des buissons ou des plateaux) et des autres zones marines peu profondes.
Platier rocheux ou plate-forme d'abrasion marine
C'est une surface plane et légèrement inclinée vers la mer, taillée par les vagues dans une roche présentant un minimum de résistance et se terminant sur un escarpement de falaise littorale.
Acropore
Genre d'anthozoaires zooxanthellés coloniaux ou coraux hermatypiques. La forme varie selon le milieu du buissonnant et branchu au tabulaire en plaque horizontale.

> Espaces artificialisés

Une expansion continue

Le taux d'artificialisation de La Réunion avoisine 11,4 %, soit deux fois plus qu'en France métropolitaine. Ce taux est à rapprocher de la densité de population, qui dépasse 332 hab./km2 à La Réunion pour 114 hab./km2 en métropole. Entre 2000 et 2006, les espaces artificialisés ont progressé de 3,9 % aux dépens pour l'essentiel des milieux naturels.

Audrey LESIMPLE - Deal

La Réunion est une île au territoire restreint de 250 000 ha. Sa population actuelle, de 830 000 habitants, devrait augmenter de près d'un tiers d'ici 2040, dépassant le million d'habitants. L'espace aménageable est restreint par le relief accidenté, la présence du volcan, de zones soumises à des aléas naturels majeurs ou présentant une biodiversité exceptionnelle. La densité de la population s'élève à 332 hab./km2 pour 114 hab./km2 en France métropolitaine en 2010. La densité est donc forte, en particulier sur le littoral et les mi-pentes qui concentrent 82 % de la population. Les conflits d'usage sur ce foncier rare et convoité sont importants. La Réunion doit, plus que toute autre région, s'engager dans une gestion et un aménagement durables de son territoire. Ceci implique de contenir l'artificialisation des sols et l'extension de la tache urbaine.
En 2006, les surfaces agricoles représentaient 27,5 % du territoire, les espaces artificialisés 11,4 % (5,1 % en France métropolitaine), le reste étant occupé par les milieux naturels (forêts, cours d'eau.). Entre 2000 et 2006, les espaces artificialisés ont progressé de 3,9 % à La Réunion, un peu plus vite qu'en France métropolitaine. La progression de l'artificialisation s'est faite sur les terres cultivées et sur des milieux naturels. L'agriculture regagne en revanche des surfaces, aux dépens de la végétation sclérophylle, de la forêt et des pâturages naturels. Au final la surface agricole totale, et en particulier celle dédiée à la canne à sucre, est restée identique entre 2000 et 2006. Des mises en « chantiers » de surfaces importantes ont été constatées, liées à la construction de la route des Tamarins pour une grande part.
Le taux d'artificialisation peut être mis en regard de l'évolution de la tache urbaine de La Réunion, indice de consommation du sol bâti. La surface de la tache urbaine a ainsi augmenté entre 1997 et 2008 de 2,2 % en moyenne par an, soit plus que l'augmentation de la population sur la même période (près de 1,6 %). Elle occupe 10 % du territoire en 2008. Cette croissance de la tache urbaine s'explique par la faible densification des villes réunionnaises et les phénomènes de mitage et d'étalement urbain.
La progression des surfaces artificialisées nuit au maintien du «bon état» des ressources naturelles. Elle entraîne notamment l'imperméabilisation des sols. Le recul des espaces naturels et ruraux s'accompagne également d'une fragmentation et d'un cloisonnement des milieux naturels, défavorables à différentes espèces. Le nouveau schéma d'aménagement régional (SAR), en vigueur au 22 novembre 2011, fixe des objectifs de densification urbaine d'une part et de maintien des espaces naturels et agricoles d'autre part.

Occupation du sol en 2006

La méthodologie CORINE Land Cover (CLC)

CLC est une base de données géographique issue de l'interprétation visuelle d'images satellitaires, avec des données complémentaires d'appui. Jusqu'alors disponible seulement en France métropolitaine, cette base de données a été étendue aux départements d'outre-mer début 2011. Elle permet ainsi de décrire l'état de l'occupation des sols en 2000 et 2006, ainsi que les changements intervenus dans l'intervalle. CLC affecte toute portion du territoire à un type d'occupation biophysique des sols, comme par exemple du tissu urbain, des prairies, des marais. Dans les DOM, les polygones d'occupation homogène des sols sont délimités à partir d'un seuil de surface de 10 ha (contre 25 ha en France métropolitaine) pour mieux appréhender les phénomènes d'artificialisation. Les comparaisons entre ces territoires doivent donc être très prudentes. En revanche, le seuil de surface pour la délimitation des changements est le même en Europe et en outre-mer (5 ha). Il est donc possible de comparer par exemple la progression de l'artificialisation rapportée à la surface totale en France métropolitaine (+ 0,15 %) et outre-mer (+ 0,42 % à La Réunion, + 0,24 % en Guadeloupe, + 0,09 % en Martinique, et + 0,08 % dans la partie étudiée de la Guyane).

Définitions

Espaces artificalisés
Ils recouvrent les zones urbanisées (tissu urbain continu ou discontinu), les zones industrielles et commerciales, les réseaux de transport, les mines, carrières, décharges et chantiers, ainsi que les espaces verts artificialisés (espaces verts urbains, équipements sportifs et de loisirs), par opposition aux espaces agricoles, aux forêts ou milieux naturels, zones humides ou surfaces en eau.
Tache urbaine
Elle correspond aux ensembles de plus de cinq bâtiments, ayant chacun une emprise au sol supérieur à 30 m2 entourés d'une zone tampon de 20 mètres.

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