Par Raymond Ferretti : maître de conférence des Universités
Dernière mise à jour : septembre 2016

L’Etat est une notion complexe et variée qui intéresse chaque discipline ou presque. Georges Burdeau a recensé un florilège de définitions qui en témoigne. Selon lui, les géographes réduisent l’Etat à un territoire, les historiens y voient une certaine manière d’être de la Nation, les sociologues réduisent l’Etat à la différenciation gouvernants /gouvernés. Pour le philosophe Hegel, l’Etat ne serait rien moins que « la substance éthique consciente d’elle-même » et pour un économiste comme Frédéric Bastiat ce serait « La grande fiction aux dépends de laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépends de tout le monde ».

Même le poète Hölderlin a avancé une définition de l’Etat : « Le mur qui contourne le jardin où poussent les fleurs et les fruits de l’humanité ». On est bien loin de celle d’un juriste comme Raymond Carré de Malberg :

« C’est une communauté d’hommes fixés sur un territoire propre et possédant une organisation d’où résulte pour le groupe envisagé dans les rapports avec ses membres, une puissance suprême d’action, de commandement et de coercition ».

Cette définition a l’avantage de faire apparaître les deux réalités que recouvre l’Etat. L’Etat est une société politique particulière dans laquelle s’exerce un pouvoir particulier qui a pour nom la Souveraineté. Comme ce deuxième aspect sera vu dans une autre fiche, nous ne retiendrons ici que le premier.

Cette société politique comprend trois éléments que d’ailleurs la doctrine internationale considère comme nécessaires pour former un Etat : une population, un territoire, un gouvernement.

1. LA POPULATION

De toute évidence il ne peut y avoir d’Etat sans population. Par ce terme on entend un ensemble de personnes dont le nombre importe peu.

La population des Etats le plus et les moins peuplés
Les 10 Etats les plus peuplésLes 10 Etats les moins peuplés

1. Chine : 1.374.900.000 habitants

2. Inde : 1.285.542.000 habitants

3. États-Unis : 323.189.000 habitants

4. Indonésie : c 258.705.000 habitants

5. Brésil 205.638.000 habitants

6. Pakistan : 192.798.246 habitants

7. Nigéria 186.988.000 habitants

8. Bangladesh 160.399.154 habitants

9. Russie : 143.700.000 habitants

10 Japon 126.820.000 habitants

1. Vatican : 921 habitants

2. Niue : 1 611 habitants

3. Nauru : 9 488 habitants

4. Tuvalu : 10 78 2habitants

5.Îles Cook : 14 974 habitants

6. Palaos : 21 186 habitants

7. Saint-Marin : 32 480 habitants

8. Liechtenstein: 36 842 habitants

9. Monaco : 37 800 habitants

10. Saint-Christophe-et-Niévès : 51 538

Mais, cette population peut être conçue comme un tout il s’agira alors de ce que l’on appelle la Nation. Mais elle peut aussi être conçue comme un ensemble de groupes.

La population comme un tout : la nation

Il est important de définir la nation afin d’envisager les relations qui peuvent exister entre l’Etat et la nation.

1.1.1. Définition

La nation est un ensemble complexe de liens qui fondent le sentiment d’une appartenance commune. En fonction du type de ces liens on peut distinguer : une conception objective et une conception subjective de la nation.

Selon la conception objective, la nation est une communauté humaine qui s’identifie à partir d’éléments objectifs. Ainsi, pour Fichte, dans ses Discours à la nation allemande, l’importance de la langue est fondamentale pour comprendre la naissance et le développement de la nation.

D’autres comme Gobineau, Vacher de Lapouge ou encore H.S Chamberlain mettent en avant des conceptions racialistes voire racistes que reprendront d’une certaine manière les nazis.

Sans aller jusqu’à ces extrémités, les partisans de ces conceptions objectives mettent en avant le caractère naturel et non culturel de la nation. Ainsi pour Herder, « La politique crée les Etats, la nature crée la Nation » ou encore pour Fichte, la nation est « un tout naturel se suffisant à lui-même »

A l’inverse, selon la conception subjective de la nation, celle-ci résulte d'un sentiment d’appartenance, d'une histoire commune, de lieux communs. Cette conception a notamment été développée par Ernest Renan pour qui : « L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes ».

Au contraire il estime qu’« Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. »

Cette conception est de plus volontariste puisque selon la formule bien connue de Renan, « la nation est un plébiscite de tous les jours ».

1.1.2. Relations

En Europe, la nation et l’Etat sont intimement liés. Ainsi se sont créés des Etats-nations. Soit comme en France, la nation s’est construite autour de l’Etat, soit comme en Allemagne, l’Etat s’est construit autour de la nation.

La construction des Etats-nations a été encouragée et favorisée par le principe des nationalités au XIXe qui notamment a permis l’unité italienne et donc la construction d’un Etat italien, mais aussi l’unité allemande sous la férule de Bismarck.

Plus tard au XXe siècle le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes prendra le relais. Mais le glissement de la nation au peuple illustre la situation des nouveaux Etats issus de la décolonisation où le concept de nation est plus difficile à appréhender.

Force est de reconnaître que nombre de ces Etats du tiers monde ne sont pas construits autour d’une nation mais sont constitués de rassemblements de population formés plus ou moins artificiellement.

Dans d’autres cas, l’Etat rassemble plusieurs nations comme c’est le cas au Royaume-Uni ou en Belgique ou dans l’ancienne Yougoslavie. Comme l’illustre ce dernier exemple, le risque dans ces situations est celui d’un éclatement de l’Etat.

Si la nation et l’Etat se confondent parfois, il existe aussi des nations qui ne se sont pas constituées en Etats. L’exemple type est celui est celui des Kurdes ou des Touaregs.

La population comme un ensemble de groupes

La nation, quand elle existe est un ensemble global. En son sein coexistent différents groupes plus ou moins homogènes, construits sur des solidarités de natures différentes. Ce qui conduit à l’existence au sein de la population d’un Etat de groupes différents.

1.2.1. La nature des liens sociaux au sein des groupes

Plusieurs auteurs ont été amenés à se pencher sur cette question.

Pour Ferdinand Tönnies, la communauté (Gemeinschaft) est construite par une volonté naturelle presque végétative alors que la société (Geselschaft) est construite sur des liens qui relèvent de la raison. Ce qui unit la communauté ce sont les liens de parenté, d’amitié alors que ce qui unit la société ce sont les liens fondées sur l’échange.

De même Emile Durkheim distingue deux sortes de liens sociaux : ceux d’une part qui nécessitent l’absorption des personnalités des membres du groupe au profit de celle du groupe et ceux qui au contraire se développent à partir de la personnalité des membres qui se complètent et s’enrichissent.

Enfin, Max Weber distingue deux sortes de relations sociales : la « communalisation » (Vergemeinschaftung) qui relève de l’affectif et la « sociation » (Vergesellschaftung) fondée sur la raison.

1.2.2. La classification des groupes

Georges Gurvitch a élaboré une classification monumentale des groupes d’individus qui existent ou peuvent exister au sein de la population des Etats.

Plusieurs critères sont mis en avant. On peut citer à titre d’exemple, le mode d’accès. Ainsi les phratries, les castes sont des groupes clos alors que les foules les réunions publiques sont des groupes ouverts.

Un autre critère est le degré d’extériorisation qui permet d’opposer les groupes inorganisés et les groupes structurés. On peut citer également le fondement de formation qui permet d’opposer les groupes de fait (les groupes ethniques, les classes sociales) au groupes volontaires (partis politiques, associations, syndicats).

Tous ces groupes tendent à rendre moins homogène la population, mais ils n’interdisent pas pour autant la formation d’une nation s’ils arrivent à s’intégrer au sein de celle-ci.

2. LE TERRITOIRE

Si la population est le premier élément constitutif de l’Etat, il est nécessaire que celle-ci vive sur un territoire. Pour Maurice Hauriou, l'Etat est « un phénomène essentiellement spatial » ; il n'y a pas d'Etat sans territoire.

L’Etat dispose donc d’un territoire sur lequel il exerce ses compétences et qui permet de fixer l’espace de compétence des gouvernés comme des gouvernants. L’Etat bénéficie ainsi d'un monopole pour l’édiction des règles applicables sur son territoire,

Celui-ci a bien sûr une réalité physique, mais d’une certaine manière il est un enjeu, il est l’objet d’une représentation.

2.1. Le territoire comme réalité physique

2.1.1. La forme du territoire

2.1.1.1. La taille

Le territoire des Etats est le plus souvent d'un seul tenant et sa dimension est extrêmement variable, puisqu'à côté d’Etats ayant une superficie de plusieurs millions de kilomètres carrés, des Etats-continents comme on les appelle parfois (Etats-Unis, Canada, Russie, Chine, Australie), on trouve des « micro-Etats », exigus (Monaco, Liechtenstein, San Marin, îles Fidji, Nauru, Tuvalu, Singapour).

Les 10 plus grands EtatsLes dix plus petits Etats

1. Russie 17.098.242 km2

2. Canada 9.984.670 km2

3. Etats-Unis 9.826.675 km2

4. Chine 9.596.961 km2

5. Brésil 8.514.877 km2

6. Australie 7.741.220 km2

7. Inde 3.287.263 km2

8. Argentine 2.78.400 km2

9. Kazakhstan 2.74.900 km2

10. Algérie 2.381.741 km2

1. Vatican 0,44 km2

2. Monaco 2 km2

3. Nauru 21 km2

4. Tuvalu 26 km2

5. Saint-Marin 61 km2

6. Liechtenstein 160 km2

7. Maldives 300 km2

8. Malte 316 km2

9. Grenade 344 km2

10. Barbade 430 km2

Si juridiquement, la taille du territoire n’a aucune importance, il se peut qu’elle en ait une du point de vue de sa capacité à exister et à se développer. Norbert Elias a en effet mis en avant l’idée selon laquelle existerait une taille optimale pour chaque Etat. Selon l’auteur, l’Etat doit être un espace suffisamment grand pour mobiliser des ressources humaines et matérielles, mais suffisamment petit pour permettre l’exercice relativement facile d’une domination politique.

Bertrand Badie a repris cette théorie. Pour les deux auteurs, l’Angleterre du XIe au XVe siècle correspondrait à cet espace optimal qui constituait le centre du pouvoir royal et était une sorte de base où les souverains anglais allaient intégrer les provinces (galloises, écossaises, irlandaises) comme périphéries. De l’autre côté, l’Empire des Habsbourg (Autriche, Flandres, Pays Bas, Italie) n’avait pas la capacité administrative et était trop limité pour exercer une domination politique sur ce vaste territoire

2.1.1.2. La consistance

Certains Etats ont un territoire fragmenté, c’est le cas des Etats archipels comme la Grèce, l’Indonésie ou les Philippines, c’est aussi le cas d’Etats dont le territoire est coupé en deux (l’ancien Pakistan formé d’une partie occidentale et d’une partie orientale avant sa sécession pour devenir le Bangladesh). Mais cela ne s’applique qu’au territoire terrestre. En effet, ce que l’on appelle le territoire de l’Etat a une triple dimension : terrestre bien sûr, on vient de l’évoquer, mais aussi maritime et aérienne.

L’espace maritime des Etats a vu sa consistance et sa délimitation profondément modifié par la convention de Montego Bay adoptée le 10 décembre 1982 et entrée en vigueur le 16 novembre 1994.

Désormais, les Etats disposent de zones sur lesquelles ils exercent leur souveraineté: les eaux territoriales (jusqu’à 12 miles nautiques) et des zones où ils n’exercent que des « droits souverains » ou une « juridiction fonctionnelle » c’est-à-dire un droit exclusif d’exploitation des ressources de la zone. Ils ne sont pas à proprement parler incorporés au territoire étatique : tel est le cas du plateau continental (jusqu’à 200 miles nautiques et éventuellement jusqu’à 350 milles nautiques au maximum), de la zone économique exclusive (jusqu’à 200 miles nautiques).

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Quant à l’espace aérien, il est déterminé horizontalement par le territoire sur lequel l’Etat est souverain, ce qui veut dire, le territoire terrestre et la mer territoriale. Verticalement la délimitation est plus complexe. Dans un premier temps, on a pensé que la frontière était physique, l’atmosphère s’arrête physiquement à une altitude que l’on connaît. Mais très vite cette solution est devenue caduque puisque bon nombre de satellites utilisaient des orbites basses, c’est à dire situées dans l’atmosphère. Finalement, c’est une frontière fonctionnelle qui existe. Un engin spatial, fusée ou satellite se trouve toujours par définition dans l’espace internationalisé.

2.1.2. Le rôle du territoire

Dans quelle mesure, le territoire, à travers ses caractéristiques jouerait-il un rôle. Telle est la question que se sont posé certains auteurs qui ont élaborés des théories en ce domaine.

Mais au-delà de ces théories, le rôle du territoire est plus concret, il permet de distinguer l’Etat d’autres formes de pouvoir.

2.1.2.1. Les théories

De manière plus générale c’est toute la question de l’impact de la géographie sur la vie des Etats et des peuples qui est posée.

Pour Friedrich Ratzel, il existe un déterminisme fort entre le sol et la vie des Etats puisque selon lui « le sol règle la destinée des peuples avec une extrême brutalité ». Une conception similaire est partagée par Samuel Huntington : « L’homme n’est qu’une argile entre les mains de la nature ».

Mais pour Paul Vidal de la Blache, la relation est moins déterministe : « la géographie fournit un canevas, l’homme y brode son destin ». Arnold Toynbee va plus loin encore. À la méthode déterministe, il substitue une méthode plus proche de la nature humaine. Il met en avant une logique de l'aléatoire et de l'imprévisible. Face à tout défi de son environnement, l'homme se voit contraint de réagir, autrement dit d'apporter une réponse. Pour l’auteur la réponse est totalement aléatoire, elle n'est pas, prédéterminée.

2.1.2.2. La distinction de l’Etat et d’autres formes

Si le territoire peut avoir une influence sur l’Etat et son évolution, il n’en a pas moins un rôle plus précis plus concret : son existence permet de bien distinguer l’Etat d’autre forme de sociétés politiques.

En effet, on dit de l’Etat qu’il est un pouvoir territorialisé or il existe des sociétés politiques qui n’ont pas d’assise territoriale. Il en va ainsi des nomades quelle que soit leur diversité.

Selon Pierre Clastres, certaines sociétés nomades primitives manifestent une volonté délibérée de limiter leur taille, de ne pas accepter une productivité économique dont elles n’ont pas besoin et de bloquer l’émergence d’un pouvoir politique coercitif.

D’autres comme René Grousset montrent qu’il existe aussi des hordes de cavaliers nomades très hiérarchisées qui, par nécessité, inventeront la guerre totale et créeront des empires militarisés.

Il en va ainsi des Mongols qui s’installèrent en Chine et formèrent l’un des plus grands empires. Les turcs créèrent en Anatolie l’empire ottoman qui s’élargira autour de la Méditerranée, les Magyars, conquirent le bassin des Carpates ce qui donna naissance à la Hongrie.

Mais il existe aussi des pouvoirs non territorialisés d’une autre sorte. Ainsi, les organisations internationales exercent un pouvoir sur des espaces plus ou moins importants sans pour autant disposer d’un territoire propre, qu’il s’agisse d’organisations inter-gouvernementales comme l’ONU et ses institutions spécialisées ou qu’il s’agisse d’organisations non-gouvernementales (ONG).

2.2. Le territoire comme représentation

Au-delà de sa réalité physique, le territoire est aussi une représentation. Il peut être pensé et perçu de différentes manières.

2.2.1. Le territoire fermé

La représentation d’un territoire fermé sur lui-même débouche sur l’idée de patrie et sur celle de frontières.

2.2.1.1. La Patrie

Littéralement, la patrie c’est la terre du père, la terre des ancêtres. C’est le concept qui permet de réunir la population (les ancêtres) et le territoire (la terre). Cette représentation est importante, car dans la formation d’un Etat, c’est elle qui a permis de passer d’un Etat construit autour d’un monarque tout puissant, donc d’une personne à un Etat qui se constitue sur un territoire, mais pas n’importe quel territoire, celui des ancêtres celui des pères. Ainsi, se met en place un concept qui débouche sur celui de nation. Encore une fois, le lien entre la terre et les hommes sert d’assise à l’Etat.

C’est la raison pour laquelle, à l’époque révolutionnaire, on insistera sur cette idée de Patrie. La Marseillaise dans premier couplet y envoie : « Allons enfants de la Patrie » mais aussi dans le sixième : « Amour sacré de la Patrie ».

Cette importance de la terre, du territoire se prolonge dans le système qui permet d’acquérir la nationalité, c’est à dire l’appartenance à la Nation à savoir le droit du sol.

Mais le concept de Patrie renvoie à une représentation d’un territoire fermé sur lui-même comme le rappelle Danton quand il fustige les émigrés : « On n’emporte pas la Patrie à la semelle de ses souliers ». La Patrie est en effet fermée, délimitée par des frontières.

2.2.1.2. Les frontières

C’est au XVIIe siècle avec les traités de Westphalie (1648) que l'Europe devient un ensemble d'Etats, disposant de frontières précises et reconnues, et sur lesquels le monarque exerce sa pleine et entière souveraineté.

Mais, c'est au Traité de Campoformio en 1797, que pour la première fois les limites entre Etats sont définies le plus précisément possible, grâce aux progrès de la cartographie.

Avant, on se référait souvent aux éléments naturels tels que les fleuves ou les chaînes de montagne pour fixer les frontières. D’autant plus que ces frontières naturelles constituent un véritable obstacle à la pénétration des adversaires.

Mais ces frontières peuvent, également, être considérées comme étant naturelles lorsqu'elles séparent des peuples différents d'un point de vue culturel, d'origine ethnique différente, parlant des langues différentes, ayant des religions différentes.

Le terme de frontière est donc utilisé ici pour exprimer une séparation entre des groupes culturels (frontière linguistique, religieuse) et renvoie à un contact flou, imprécis, mouvant.

Deux définitions de la frontière semblent donc coexister : l’une a une dimension culturelle et sociale et est exprimée par l’anglais frontier et l’autre a une dimension plus politique (frontière d’Etat) et est traduite par border ou boundary.

La frontière reste un lieu d’affrontements car elle a pour objet de séparer de manière exclusive des Etats. Elle se trouve ainsi au cœur d’un paradoxe. En délimitant des territoires de façon rigide, les frontières deviennent belligènes et alimentent de nombreux conflits

C’est pour les éviter que principe de l'intangibilité des frontières (uti possidetis juris) a été établi. Ce principe fut défini, en 1819, par les Républiques nouvellement émancipées d’Amérique du sud, lors du congrès d’Angostura. On le retrouve ensuite lors de la décolonisation en Afrique.

C’est dans ce cadre, que la Cour internationale de justice, dans l'arrêt Burkina Faso/République du Mali (22 décembre 1986) le définit ainsi: « Le principe de l'intangibilité des frontières vise avant tout à assurer le respect des limites territoriales d'un État au moment de son indépendance »

2.2.2. Le territoire ouvert

Le territoire est pensé comme ouvert quand ses dimensions paraissent trop étroites. Une telle représentation débouche sur des conceptions expansionnistes qui font du territoire des autres une proie. C’est ainsi que se sont constitués des empires.

2.2.2.1. Le territoire comme proie

Après la guerre de Trente ans, la carte de l’Europe a été redessinée. Différentes conquêtes ont ainsi été validées par les Traités de Westphalie (1648).

En Amérique centrale et du Sud, l’Espagne se taille un empire, en Amérique du Nord ce sont les anglais.

A l’époque contemporaine on peut citer le Sahara Occidental dont une partie est annexée par le Maroc. De même, le Haut Karabakh annexé par l’Arménie au détriment de l’Azerbaïdjan.

Aujourd’hui encore, des conquêtes de territoires sont réalisées au détriment d’autres Etats : le Kosovo en 1999 en détriment de la Serbie et plus récemment la Crimée arrachée par les russes à l’Ukraine.

Sans aller jusqu’à des annexions, des revendications « musclées » sont opérées par la Chine sur un certain nombre d’îles. Pékin revendique en effet une souveraineté sur la totalité de la mer de Chine, y compris les zones proches des côtes des pays de la région : Japon, Vietnam, Philippines, Malaisie et Brunei notamment.

Au-delà de ces conquêtes et revendications, une théorie a servi à justifier de tels comportements, celle de « l’espace vital ». Créé par Friedrich Ratzel (1844-1904), le concept a été récupéré et déformée par les nazis pour justifier la politique expansionniste de l'Allemagne, en particulier sur le front de l'Est.

Pour Ratzel, si l’espace n’est pas suffisamment grand, alors il n’est pas possible au peuple qui lui est attaché de s’épanouir. L'expansion est donc un dispositif normal et nécessaire qui lui permet de vivre. D’une certaine manière, c’est ainsi que se sont constitués de nombreux empires.

2.2.2.2. L’empire

En fait, le terme d'empire est assez flou, car il ne renvoie pas à une organisation politique précise. Et pourtant les empires se sont multipliés dans l’histoire. On peut cependant souligner dans presque tous les cas l’existence de trois grandes caractéristiques

  • L'empire est monarchique, le pouvoir suprême y est assumé par un seul titulaire, désigné par voie d'hérédité
  • L’empire est vaste sans que l'on ne puisse donner de mesure précise. La grandeur du territoire est ici subjective.
  • L'empire est toujours composé de plusieurs peuples, son étendue territoriale impliquant d'office la diversité culturelle.

Selon Karl Werner, « un royaume, c'est un pays; un empire, c'est un monde »

Tout au long de l'Histoire les empires ont succédés aux empires :

De l’Egypte à la Chine en passant par l’empire d’Alexandre et en n’oubliant pas bien sûr Rome et les Ottomans. En Amériques, les Olmèques, les Incas, les Aztèques et les Mayas. En Europe, l'Empire carolingien (800-843) fondé par Charlemagne, puis le Saint Empire romain germanique (962-1806) supprimé par Napoléon au bénéfice du sien (1806-1814) puis l'empire Austro-Hongrois.

Les empires coloniaux du Portugal et de l'Espagne à partir de la redécouverte de l’Amérique par Christophe Colomb, puis de la France et de l'Angleterre, et même de la Belgique avec l'immense Congo, et partiellement en Europe, l'Empire russe.

Ces empires ont disparus au XXsiècle, d’autres différents sont apparus. L'empire soviétique et l'empire américain ne constituent pas en effet des entités juridiquement souveraines mais leurs différents éléments sont contrôlés de manière plus ou moins forte selon les cas idéologiquement, politiquement et économiquement.

3. LE GOUVERNEMENT ou l’APPAREIL D’ETAT

En droit international pour qu’il y ait un Etat, on exige un gouvernement qui exerce effectivement un pouvoir sur la population vivant sur un territoire. Ce gouvernement peut se présenter sous quelque forme que ce soit du moment qu’il est effectif, on préfèrera donc parler d’organisation politique ou d’appareil d’Etat.

Sur un plan strictement juridique, c’est ce que l’on appelle l’Etat au sens strict qui est une personne morale de droit public aux côtés d’autres, les collectivités territoriales, les établissement publiques. La personnalité morale souligne le caractère institutionnel de l’Etat, puisque la personne morale est distincte de ceux qui, personnes physiques, l’’animent et la font agir. La personnalité juridique, permet, elle, l’imputation d’actes juridiques à l’Etat et lui permet d’agir dans le cadre d’un système juridique.

Sur un plan plus large, cette organisation politique se caractérise par l’exercice de trois fonctions :

- la fonction de symbolisation, c’est à dire l'affirmation et la défense de l'identité collective du groupe

- la fonction de domination qui se traduit par la protection et la sauvegarde de l'ordre social en vigueur

- la fonction de régulation qui permet l'harmonisation des comportements et la résolution des conflits sociaux



L’appareil d’Etat est composé de deux pôles. Le premier est formé par les autorités politiques alors que le second est composé par des acteurs administratifs.

3.1. Les autorités politiques

Historiquement, un long processus a conduit à opposer au pouvoir royal, un autre pouvoir celui d’un Parlement. Cette évolution est très nette en Grande-Bretagne, elle sera reproduite avec retard dans d’autres pays et notamment en France.

Ainsi, s’est mise en place la dualité exécutif/Parlement. Ces deux types d’institutions se présentent, le plus souvent, en raison du modèle britannique de manière fractionnée. D’un côté l’exécutif est entre les mains d’un chef de l’Etat, qu’il soit Roi ou Président de la République, et d’un gouvernement lui-même dirigé par un Premier ministre, un président du Conseil ou un président du gouvernement quel que soit son nom. Cependant, ce dualisme de l’exécutif n’existe pas aux Etats-Unis d’Amériques qui pratiquent un régime présidentiel.

Le second pôle, le Parlement est lui aussi, souvent, mais pas nécessairement formée de deux éléments, de deux chambres. Ce bicamérisme quand il existe est hérité du modèle anglais qui comporte dès l’origine une chambre haute, aristocratique composée de membres non-élus et une chambre basse dont les députés seront par la suite élus au suffrage universel direct. Toutefois ce bicamérisme n’existe pas nécessairement et d’ailleurs il disparaît parfois comme c’est les cas dans les pays scandinaves.

Pour agir au mieux, les autorités politiques sont secondées dans leur tâche par des acteurs administratifs.

3.2. Les acteurs administratifs

Pour assurer l’exécution de leurs décisions, mais aussi pour les préparer, les monarques, donc, les autorités politiques se sont entourés de conseillers et de grands commis. Ainsi en France les grands officiers de la Couronne préfigurent une administration centrale, que ce soit le connétable de France, responsable des écuries royales, puis de la conduite des armées, le chancelier de France, responsable du scellage et de l'expédition des actes royaux, puis chef de la justice, l’amiral de France, responsable des affaires maritimes, les maréchaux de France, chefs de l’armée après la suppression de l’office de connétable et bien d’autres.

Au sein de la Curia Regis, des instances spécialisées vont apparaître et sont à l’origine du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes. Des baillis et des sénéchaux seront envoyés dans les Provinces où petit à petit ils vont s’autonomiser et s’institutionnaliser et préfigurent les futurs préfets.

Avec le temps, la complexification croissante des sociétés et le développement des technologies, une administration de plus en plus importante s’est mise en place, elle s’est renforcée avec comme corollaire une professionnalisation de ses agents.

Mais elle s’est également diversifiée. Ainsi, elle comprend des acteurs individuels, les hauts fonctionnaires qui dirigent les grands services et qui sont à la tête des directions générales des ministères. Ils côtoient les politiques et participent directement ou indirectement aux décisions politiques. Parmi les acteurs individuels il faut également citer les experts qui sont consultés ou sont chargés de rédiger des rapports.

L’administration comprend aussi des acteurs collectifs, les différents services des ministères qu’ils soient centraux ou déconcentrés composés d’une multitude de fonctionnaires et organisés sur un mode hiérarchisé.

Nombre de ces fonctionnaires font partie de corps et même de grands corps comme le Conseil d’Etat, la Cour des compte ou l’Inspection des finances, issus de l’Ecole nationale d’administration. Leurs membres agissent souvent en dehors de leurs instances et sont nommés à la tête de tel ou tel service. Le corps préfectoral joue également un rôle important au sein de l’Administration de même certains grands corps techniques : le corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées ou encore, le corps des ingénieurs des Mines.

Enfin, entre l’administration et les autorités politiques se sont développés les cabinets ministériels composés de membres des grands corps et dans une moindre mesures d’autres hauts fonctionnaires. Ces cabinets illustrent la jonction et le passage entre l’administration et les politiques. Une administration qui reste néanmoins distincte et subordonnée aux autorités politiques, mais qui néanmoins se situe au cœur du processus politique et qui l’influence souvent.


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