Par Nicolas Thill
Dernière mise à jour : janvier 2020

L’objectif de ce thème est de tenter de définir plus précisément ce qu’est la fonction ressources humaines dans une collectivité territoriale.

On parle de fonction plus que de service parce qu’il s’agira par la suite de permettre une analyse des compétences à développer pour que cette fonction soit assurée au sein de toute collectivité par l’ensemble des acteurs chargés du management des ressources humaines.

En effet la fonction RH peut être définie comme la mission de la collectivité dans son ensemble à s’occuper des forces vives qui lui permettent de répondre aux missions de service public qu’elle souhaite assurer. La fonction RH est donc ici entendue comme devant être portée par l’ensemble de la collectivité et non par un seul service RH.

Ainsi, cette fonction a pour objectif de permettre à la collectivité de disposer en permanence des ressources en personnel dont elle a besoin pour exercer les missions de service public et les projets assurés sur son territoire.

La fonction RH, comme toutes les fonctions supports, a vécu de profondes évolutions dans son rôle, son positionnement et son fonctionnement au sein des structures de travail.

1 Historique de la fonction RH

La fonction Ressources Humaines (RH) a connu d’importantes mutations depuis l’apparition des premiers services du personnel, passant d’un rôle purement administratif à un rôle qualifié aujourd’hui de stratégique.

Son champ d’intervention s’est élargi et son organisation s’est complexifiée à mesure que la fonction s’est professionnalisée.

Les services du personnel apparaissent dans les entreprises à la fin du XIXe siècle avec l’avènement de la Révolution industrielle et du salariat. Cette période correspond à l’apparition des premières grandes structures qui imposent une division du travail et un contrôle afin d’accroître la productivité et les performances de l’entreprise (Organisation scientifique du travail). À la fin du XIXe siècle, les salaires sont bas, le travail peu réglementé, et le turn-over est très élevé.

C’est dans ce contexte que la fonction Personnel va émerger, devenant progressivement, surtout à partir de la Première Guerre mondiale, une fonction à part entière de l’entreprise, avec la définition de domaines d’intervention spécifiques. Les principales préoccupations sont alors l’organisation et le contrôle du travail, l’application du droit social, la gestion des conflits et des relations avec les salariés, mais aussi la sélection et la fidélisation des meilleurs employés, notamment à travers les pratiques de rémunération (salaire au rendement, promotions en fonction de l’ancienneté).

À partir des années 30 et surtout après la Seconde Guerre mondiale, la fonction se développe avec l’introduction de nouvelles préoccupations relatives aux conditions de vie dans l’entreprise et à l’association des salariés aux objectifs et performances de l’entreprise. Cette période correspond au développement de la législation sociale et à la reconnaissance des actions des partenaires sociaux (lois sociales de 1936, institution du comité d’entreprise puis des délégués du personnel en 1945-46, reconnaissance du droit syndical, etc.).

Elle est aussi marquée par l’influence des travaux de l’École des relations humaines (Mayo, Maslow, Herzberg...) montrant l’impact des facteurs psychosociologiques sur la productivité et les performances au travail.

Ces réflexions conduiront à une meilleure prise en compte des besoins des salariés dans l’organisation du travail (élargissement puis enrichissement des tâches, décentralisation des responsabilités, management participatif...).

Dans les années 1990, la fonction RH devient une fonction stratégique pour les organisations.

La tertiairisation de l’économie, les changements sociaux (en particulier l’élévation des qualifications et la féminisation de l’emploi), l’évolution du cadre réglementaire, et surtout la crise des années 70-80 vont donner à la GRH la portée stratégique qu’on lui connaît aujourd’hui. À partir de la fin des années 1980, cette fonction prend la terminologie de Ressources humaines, reflétant la prise de conscience de l’importance d’une gestion du personnel de qualité face aux défis technologiques et à l’instabilité de l’environnement économique devenu plus concurrentiel. Elle est considérée comme un facteur de compétitivité, avec une reconnaissance des professionnels de la GRH et un directeur des ressources humaines (DRH) associé au comité de direction. Le DRH a pour principales missions et responsabilités de définir les politiques des ressources humaines, avec pour priorités :

  • l’efficacité de l’organisation du travail ;
  • la valorisation du capital humain, l’anticipation et le développement des compétences en fonction de l’évolution des métiers et des besoins de l’entreprise ;
  • le dialogue social, la prévention et la régulation des conflits.

2 Les différentes composantes de la fonction RH

2.1 L’administration du personnel

  1. la gestion des effectifs et des postes (tableau des emplois, affectation des personnels par poste, déclaration des vacances d’emplois, délibération des assemblées)
  2. la gestion des actes administratifs individuels liés au suivi de la carrière (arrêtés, contrats, etc.) et des actes et procédures collectifs de déroulement de carrière (positions, avancements,…)
  3. la gestion des paies, des indemnités, des charges sociales et des rémunérations accessoires et le remboursement des frais de missions
  4. la gestion des absences (arrêts de travail, etc.) et des inaptitudes au travail temporaires ou définitives
  5. la gestion des temps de travail individuels et collectifs
  6. la gestion de la notation administrative liée au déroulement de la carrière, et la gestion du dossier individuel de l’agent
  7. la gestion des départs ou de cessation d’activité (retraite, démission, licenciement, …)
  8. la gestion des relations avec les organismes sociaux et fiscaux : URSSAF, CAF, caisses de retraite, UNEDIC, Assedic, Trésor public, assurances statutaires …

2.2 La gestion des emplois et des compétences

  1. la gestion des recrutements des personnels permanents ou non permanents
  2. la gestion des mobilités internes (entre services dans la même collectivité) ou externes, et des reclassements de personnels
  3. la gestion de l’aménagement des temps de travail et de l’organisation des situations de travail (ARTT, temps partiels,…)
  4. la gestion du système d’évaluation des personnels (évaluation des résultats, évaluation des compétences, évolution professionnelle et personnelle) et des mesures de réduction des écarts
  5. la gestion des formations obligatoires des personnels (intégration,  prise de poste,  sécurité, habilitations, professionnalisation,),  des formations continues ou d’avancement de carrière ;
  6. la gestion des reconversions et reclassements

2.3 La gestion et l’amélioration des conditions de travail et des conditions de vie au travail

  1. l’aménagement des postes de travail (ergonomie, sécurité) en fonction de l’application de dispositions légales et réglementaires ou en fonction des aptitudes physiques,
  2. la prévention des risques professionnels, et la mise en œuvre des dispositifs adéquats
  3. la sécurité collective et individuelle au travail et la responsabilité sociale,
  4. le suivi médical, social et professionnel des personnels en difficultés professionnelles ou personnelles, temporaires ou permanentes,

2.4 La gestion des relations sociales

  1. le suivi des relations paritaires (instances paritaires consultatives: CTP, CAP, CHSCT,) et des relations syndicales (organisations syndicales représentatives,), et des organismes disciplinaires (gestion des procédures disciplinaires et contentieuses)
  2. le suivi des relations sociales et du dialogue social plus général (explicitation des orientations politiques, stratégiques de la collectivité), et recueil des réactions et attentes des partenaires sociaux,
  3. le suivi du dialogue interne dans les services (entre les encadrants et les personnels), des réunions de service (explicitation de la mise en œuvre opérationnelle des décisions), recueil des attentes et des réactions des personnels
  4. la mise en œuvre de systèmes d’écoute et de dialogue avec le personnel (baromètre social, audit social, enquêtes,…)

2.5 La gestion et le pilotage des rémunérations, et la maîtrise des coûts salariaux

  1. La prévision et le calcul de la masse salariale, la recherche d’optimisation de fonctionnement (rationalisation, externalisation, sous-traitance), les simulations et prospective en fonction des décisions contraintes ou volontaires de la collectivité,
  2. la production des statistiques, bilans sociaux, et rapports d’activités,
  3. la gestion budgétaire de la masse salariale (budget de fonctionnement), gestion des coûts d’opérations ou de services publics, gestion mensuelle des consommations, tableaux de bord des principaux indicateurs de personnel,
  4. la mise en œuvre de système de diffusion et de partage des informations RH et de mise à disposition de tableaux de suivi auprès des encadrants.

2.6 La gestion de la communication interne

  1. l’information des personnels et des services sur des mesures d’ordre général, ou d’ordre statutaire (organisation, carrière, etc),
  2. l’information sur les grandes orientations de la collectivité en matière de ressources humaines, en lien avec les politiques publiques et l’organisation du service public à rendre,
  3. l’information sur la vie des services et les grands événements et projets de la collectivité,
  4. la mise en œuvre de moyens d’informations accessibles à tout le personnel (affichage, bulletin du personnel, notes de services, messagerie électronique, Intranet ressources humaines, etc),
  5. la mise en œuvre d’événements porteurs des valeurs communes et de la culture de la collectivité, et lieu d’échanges et de débats.

3 Les différents acteurs de la fonction RH

La fonction RH est composée de multiples acteurs :

Acteurs

Rôle

Les élus (Maire ou Président, élu chargé du Personnel, et les membres du CTP, membres des CAP, CHSCT, membres des conseils de discipline)Définition des grands principes structurants, arbitrages liés à la fonction d’employeur, mode de gestion.
La Direction Générale.Orientations générales, stratégie, intermédiaire entre projets politique et administratifs.
La Direction des Ressources HumainesAnticipation, construction de stratégie, propositions, conseil, cohérence, expertise internalisée ou non, vecteur de management.
Les correspondants ou référents RHlà où il en existe.
La hiérarchie directeMise en œuvre quotidienne de la fonction RH, management, acteur de la décentralisation de la fonction.
Les organisations syndicalesDéfense  collective  et  individuelle  des personnels, concertation/ réflexion.
Les acteurs de la préventionGestion des parcours professionnels liée à la santé au travail.
L’agent Partie prenante de son parcours professionnel, contributeur ou acteur du projet d’équipe, participants aux projets de services.
Les usagersActeur de la demande sociale ayant un impact sur la politique RH (influence et contre-pouvoir), représentativité social.
Les institutions de la FPTAccompagnement de la formation et de l’emploi et des compétences du personnel.

4 Les tendances lourdes de la G.R.H.

4.1 Une fonction stratégique

Au niveau de la G.R.H., la gestion stratégique implique des liens étroits entre les stratégies de l’entreprise et les pratiques de G.R.H. Ceci nécessite que les professionnels de la G.R.H. (notamment le responsable de la formation) soient fortement impliqués dans la définition des stratégies de l’entreprise (indicateur : appartenance du D.R.H. au comité de direction ou pilotage des problématiques stratégiques de la fonction, les relations entre D.G. et D.R.H.).

4.2 Partage de la fonction RH

La fonction ressources humaines passe d’un rôle strictement fonctionnel, caractérisé par l’application de procédures, à une fonction davantage tournée vers la fourniture de services, voire de conseils, afin d’aider les responsables hiérarchiques à mettre en œuvre des politiques de ressources humaines.

Une Direction des ressources humaines est et sera toujours indispensable dans une logique de partage de la fonction, par exemple pour élaborer un schéma directeur, en organisant la mobilité et en développant les compétences de façon transversale. La Direction des ressources humaines constitue aussi un rempart contre l’arbitraire et doit garantir l’équité. Enfin, elle joue un rôle important dans l’animation du dialogue social.

Le partage croissant de la fonction au profit des opérationnels peut, dès lors, consister, pour une Direction des ressources humaines, à soumettre aux responsables opérationnels les décisions importantes en matière de gestion des ressources humaines afin de recueillir leur avis et leurs suggestions, par exemple en matière d’évaluation. Cette coopération peut également porter, en matière de recrutement, sur la formalisation du besoin, voire sur la décision de recruter. Le même principe s’applique fort logiquement à la formation, qui doit être au plus près des besoins du terrain.

La DRH peut aussi fournir utilement aux responsables opérationnels des informations nécessaires au pilotage de l’activité, par exemple sous forme de tableaux de bord concernant les effectifs, les emplois ou les coûts. Il s’agit ensuite de

fournir des outils et des supports utiles à l’action. Enfin, elle peut assurer des prestations de conseil, particulièrement dans des situations délicates telles que des conflits pour lesquels un règlement doit être trouvé.

4.2.1 Les différentes modalités de la fonction RH partagée

Ce partage peut prendre différentes formes complémentaires :

  • un partenariat RH : un accord tacite ou formalisé par des contrats ou chartes délimite les parts de responsabilités entre la direction des ressources humaines et les encadrants, chaque partenaire prend des décisions pouvant avoir une incidence sur les ressources humaines,
  • une déconcentration des tâches : sans qu’il y ait partage des responsabilités, des outils de gestion sont mis à disposition des services et directions (par exemple, pour la gestion des congés ou du temps de travail),
  • une décentralisation de la gestion des ressources humaines : des référents ou des missions sont en place dans les services décentralisés à forts effectifs comme les services techniques, les services de l’enfance, ou autres, pour favoriser la proximité de la fonction RH.

4.2.2 Le rôle des principaux acteurs de la fonction RH partagée

La Direction des Ressources HumainesLe manager
Définit et pilote la politique RH de la collectivité.Construit avec la DRH les processus RH ; assure une fonction RH de proximité
Accompagne et conseille les encadrants pour la mise en œuvre au sein de chaque service des règles en matière de GRH.Participe aux projets RH sous l’impulsion de la DRH.
Garantit l’équité de traitement et l’harmonisation des règles pour l’ensemble de la collectivité.Met en œuvre les règles en matière de GRH.
Arbitre en dernier lieu après l’intervention préalable des encadrants sur les différents processus RH selon les règles préalablement définies.Constitue le premier niveau de gestion en matière de GRH pour les agents.
S’assure de la compréhension des problématiques RH par les encadrants pour y répondre au mieux.Communique et partage des informations à la DRH sur ce premier niveau de gestion dans le cadre d’échanges réguliers.
Prend en compte les conditions nécessaires au développement des compétences managériales de chaque encadrant.Garantit la mise en application des décisions prises pour chaque situation individuelle d’agent, en concertation avec la DRH si nécessaire.
Élabore en concertation avec les services les différents projets et évolutions en matière RH.Participe à l’arbitrage et à la priorisation des actions du service ou de la direction sur l’ensemble des thématiques RH en fonction du positionnement hiérarchique.
Communique et diffuse les éléments nécessaires à la gestion opérationnelle des ressources humaines dans les directions et services.

 

4.3 Informatisation

Le développement de l’informatique a fait évoluer les pratiques de G.R.H. Les systèmes d’information (S.I.) permettent un stockage de données sur le personnel facilitant la diffusion des informations aux personnes habilitées et concernées par les problématiques de G.R.H., en temps et au moment opportun (managers de proximité et agent lui-même qui peut saisir des informations et piloter sa carrière). Ceci libère les responsables R.H. des activités administratives (souvent décentralisées).

L’informatisation contribue à :

  • augmenter la productivité ;
  • l’amélioration du service ;
  • développer la qualité des décisions R.H. ;
  • partager la fonction entre D.R.H. et hiérarchie ;
  • anticiper.

Les systèmes d’information des ressources humaines (SIRH) sont utilisés dans :

  • la gestion de la paie,
  • la gestion administrative du personnel,
  • la G.R.H. dans des domaines tels que le recrutement, la formation, le paiement des formations, le bilan formation, la rémunération, la gestion des carrières, des effectifs et des postes, la gestion de la présence et de l’absentéisme, le bilan social individuel, le bilan social de l’entreprise, la gestion prévisionnelle des carrières, etc.

L’informatisation participe significativement à l’évolution de la G.R.H. Elle contribue au partage de la fonction, à la personnalisation et à l’individualisation des pratiques de G.R.H.

L’intranet facilite la communication et la transmission des informations. A titre d’exemple nous pouvons citer l’état des présences au travail, l’absentéisme, la gestion des congés et des sessions de formation…

4.4 La responsabilité sociale et environnementale (R.S.E)

La responsabilité sociale et environnementale ou responsabilité sociale des entreprises (R.S.E.) est un concept dans lequel les organisations du travail intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes qui peuvent être les élus, le personnel, les instances représentatives du personnel, les partenaires, les usagers…

La responsabilité sociale résulte de l’évolution des pratiques de travail et, conséquemment, d'une meilleure prise en compte des impacts environnementaux et sociaux des activités des entreprises.

La R.S.E. peut être à l’origine, pour l'entreprise, des concepts de développement durable, qui intègrent les trois piliers environnementaux, sociaux, et économiques. L'exercice  de  la  R.S.E. demande  une  bonne  perception  de  l'environnement  de l'entreprise, ainsi que le respect de l'équilibre des intérêts des parties prenantes.

Désormais, les collectivités, tout comme les services de l'État, devront tenir compte de la performance ou capacité à produire des services de qualité dans le respect des fonds publics, de la solidarité qui prend en compte non seulement la gestion du handicap mais aussi l'environnement ou la pénibilité au travail, et enfin de l'employabilité qui doit permettre de rendre chaque agent le plus utile pour sa collectivité. Tout ceci avec moins de moyens.

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