Par Bastien Urbain
Dernière mise à jour : octobre 2016

L’État est un moteur important des politiques sociales (I). Il mobilise une multitude d’acteurs et d’organes dans le but de garantir la cohésion et la solidarité nationale (II).

1. L’État, moteur important des politiques sociales

1.1. Une prérogative défendue par les chefs d’État

Depuis le début des années 1980 et les premières lois de décentralisation, les collectivités locales voient leurs compétences renforcées en matière sociale. Les Présidents de la République qui se sont succédé depuis cette époque affirment périodiquement que l’État n’abandonne pas pour autant ses prérogatives de garant de la solidarité nationale :

  • En 1986, François Mitterrand déclarait ainsi être « le garant de la cohésion de la solidarité et de la cohésion nationale ».
  • Le candidat Jacques Chirac avait quant à lui bâti sa campagne présidentielle de 1995 sur la volonté de réduire la « fracture sociale ». C’est d’ailleurs sous son mandat qu’a été adoptée la loi du 18 janvier 2005 « de programmation pour la cohésion sociale ».
  • Plus récemment, François Hollande a affirmé sa volonté d’améliorer la solidarité nationale. Pour parvenir à ce résultat, il a instauré une nouvelle méthode - les « grandes conférences sociales » - afin d’améliorer la discussion et la concertation sur des sujets sociaux d’actualité.

1.2. Les matières sociales réservées à l’État

Le partage des compétences sociales entre l’État et les collectivités locales n’est pas toujours très clair. L’article L. 121-7 du Code de l’action sociale et des familles dresse la liste des neuf domaines qui relèvent de la solidarité nationale et pour lesquels l’État est compétent.

Ainsi, sont à la charge de l’État :

  • Les dépenses d’hébergement engagées en faveur des personnes sans abri et des personnes âgées en perte d’autonomie ;
  • Les frais d’aide médicale d’État, c’est-à-dire les frais de santé engagés en faveur des personnes en situation irrégulière et de grande précarité (ne bénéficiant donc pas de la CMU) ;
  • La part du RSA financée par le fonds national des solidarités actives, c’est-à-dire « la différence entre le total des sommes versées par les organismes chargés du versement du revenu de solidarité active et la somme des contributions de chacun des départements. » (Art. L. 262-23 CASF) ;
  • Les aides relatives au maintien à domicile des personnes âgées ;
  • L’allocation différentielle aux adultes handicapés ;
  • Les frais d’hébergement, d’entretien et de formation professionnelle des personnes handicapées dans les établissements de rééducation professionnelle ;
  • Les frais de fonctionnement des centres d’aide par le travail ;
  • Les mesures d’aide sociale en matière de logement, d’hébergement et de réinsertion ;
  • L’allocation aux familles dont les soutiens indispensables accomplissent le service national.

L’État prend également en charge des prestations de solidarité qui ne sont pas régies par le Code de l’action sociale et des familles comme l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) ou l’Allocation de Solidarité Spécifique (ASS).

Au fil du temps, de nouvelles compétences sociales sont régulièrement reconnues à l’État.

Ainsi, la loi du 30 juin 2004 fait obligation à l’État et au Président du Conseil général d’arrêter un plan d’alerte et d’urgence au profit des personnes âgées et des personnes handicapées en cas de risques exceptionnels.

Autre exemple, la loi du 5 mars 2007 confie à l’État le soin de garantir le droit à un logement décent et indépendant à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir.

2. Panorama des organes de l’État chargés de garantir la solidarité nationale

Les organes de l’État chargés de garantir la solidarité nationale, c’est-à-dire de concevoir, de mettre en œuvre et de contrôler les politiques d’aide et d’action sociales sont extrêmement nombreux et variés. Ils peuvent être regroupés en fonction de leur niveau d’implantation : central, régional, départemental.

2.1. Les services centraux de l’État

2.1.1. Les ministères sociaux

Les politiques sociales de l’État se structurent traditionnellement en quatre pôles : un pôle « travail-emploi-formation professionnelle », un pôle « Sécurité sociale », un pôle « santé » et un pôle « aide et action sociales ».

La responsabilité de ces quatre grands ensembles peut être confiée à un grand ministère des Affaires sociales ou, comme ce fût plus souvent le cas sous la Vème République, relever de plusieurs ministères, plus modestes, et pouvant eux-mêmes être sous-divisés en secrétariats d’État. Actuellement, l’action publique du gouvernement est articulée autour de quatre ministères sociaux :

  • Le ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, confié à la ministre Myriam El Khomri ;
  • Le ministère des Affaires sociales et de la Santé, confié à la ministre Marisol Touraine ;
  • Le ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, confié à la ministre Laurence Rossignol ;
  • Le ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, confié au ministre Patrick Kanner.

Chacun de ces ministères est en charge d’une partie de la politique d’aide et d’action sociales.

Bien qu’ils ne soient pas spécialisés sur ces questions, d’autres ministères peuvent avoir à traiter ponctuellement de ces thématiques. C’est le cas par exemple du ministère du Logement et de l’Habitat durable qui pourra notamment se prononcer sur les mesures d’hébergement des plus démunis.

2.1.2. Les administrations centrales

Les ministères sociaux sont des structures particulièrement instables qui apparaissent et disparaissent au gré des alternances politiques. Fort heureusement, les politiques sociales sont surtout le fait d’administrations centrales dont la stabilité n’est pas souvent remise en cause.

Le décret du 1er juillet 1992 « portant charte de la déconcentration » explique que les administrations centrales sont chargées de la conception, de l’animation, de l’orientation, de l’évaluation et du contrôle des politiques publiques. Pour cela, elles participent à l’élaboration des projets de loi et de décret et mettent en œuvre les décisions du Gouvernement. Ces administrations sont nombreuses et ont des compétences très variées. Dans le domaine social, les plus importantes sont :

  • Le Secrétariat Général des Ministères chargés des Affaires Sociales (SGMAS). Le SGMAS assure la logistique et coordonne l’action des quatre ministères sociaux. Il regroupe 4 directions et 3 délégations :
    • La Direction des Ressources Humaines (DRH) ;
    • La Direction des Finances, des Achats et des Services (DFAS) ;
    • La Direction des Systèmes d’Information (DSI) ;
    • La Direction des Affaires Juridiques (DAJ) ;
    • La Délégation aux Affaires Européennes et Internationales (DAEI) ;
    • La Délégation à l’Information et à la Communication (DICOM) ;
    • La Délégation à la Stratégie des Systèmes d’Information de Santé (DSSIS).
  • La Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS)

La DGCS a été créée par un décret du 25 janvier 2010 en fusionnant diverses administrations qui intervenaient jusque-là dans des domaines très proches : la Direction Générale de l’Action Sociale (DGAS), la Délégation Interministérielle à la Famille (DIF), la Délégation Interministérielle à l’Innovation, à l’Expérimentation Sociale et à l’Économie Sociale (DIIESES), le Service des Droits des Femmes et de l’Égalité (SDFE) et la Délégation Interministérielle aux Personnes Handicapées (DIPH).

La direction générale de la cohésion sociale est chargée de la conception, du pilotage et de l’évaluation des politiques publiques de solidarité, de développement social et de promotion de l’égalité favorisant la cohésion sociale.

Son domaine de compétence est très large. La DGCS intervient en effet dans quatre domaines : en matière d’autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées ; en matière d’égalité entre les hommes et les femmes et de promotion des droits des femmes ; en matière de politique familiale et de protection des personnes ; et en matière de prévention et de lutte contre la pauvreté et l’exclusion.

Ses missions sont également très variées. Le ministère des Affaires sociales et de la Santé a établi une liste des dix objectifs prioritaires fixés à la DGCS. Parmi eux, figure notamment la refondation de la politique d’hébergement et d’accès au logement ; le développement d’une politique d’inclusion sociale et de lutte contre la pauvreté ; la promotion de la politique de prévention et de prise en charge de la dépendance ; ou encore le soutien au développement de l’économie sociale et solidaire.

  • L’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS)

L’IGAS est un corps de contrôle des ministères sociaux créé en 1967. Elle a quatre missions principales :


    • Contrôler les administrations et les organismes sociaux ;
    • Évaluer la mise en œuvre des politiques sociales ;
    • Apporter conseils et expertise au Gouvernement en matière sociale ;
    • Afin de mener à bien ses missions de contrôle, d’évaluation et de conseil, l’IGAS est tenue de rendre périodiquement des rapports dans 6 domaines spécifiques : cohésion sociale ; travail et formation professionnelle ; protection sociale ; santé ; générosité publique ; organisation de l’État.
  • La Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES). La DREES a été mise en place par le décret du 30 novembre 1998. Elle est actuellement placée sous la tutelle du ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, du ministère des Affaires sociales et de la Santé, et du ministère des Finances et des Comptes publics. Sa mission principale consiste à doter ses ministères de tutelle, les services déconcentrés de l’État ainsi que les établissements, organismes et agences qui leur sont rattachés, d’une meilleure capacité d’observation, d’expertise et d’évaluation sur leur action et leur environnement. À ce titre :
    • Elle est chargée de la conception de l’appareil statistique et assure la collecte, l’exploitation et la diffusion des statistiques sociales ;
    • Elle oriente, avec les autres instances spécialisées, la politique de recherche en matière sociale ;
    • Elle effectue des travaux de synthèse, en particulier des comptes de la santé et de la protection sociale et dresse des bilans de la situation de la population en matière sanitaire et sociale.

En dehors des quatre administrations spécialisées que sont le SGMAS, l’IGAS, la DGCS et la DREES, d’autres structures centrales peuvent être amenées à intervenir et à se prononcer ponctuellement sur des questions relevant du domaine de la solidarité nationale. Ainsi, bien que l’aide et l’action sociales ne fassent pas partie de leurs attributions principales, la Direction Générale du Travail (DGT), la Direction Générale de la Santé (DGS) ou encore la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) sont parfois mises à contribution sur ces thématiques.

2.1.3. Les Conseils, Comités et Observatoires nationaux

De nombreuses instances nationales – Conseils, Comités et Observatoires – ont été créées et placées sous l’autorité ou la tutelle des ministères en charge de l’aide et de l’action sociales. Ces instances ont pour principale fonction l’étude et le conseil de toutes les autorités en charge de la politique sociale. Les plus importantes sont :

  • Le Conseil supérieur du travail social ;
  • Le Conseil national consultatif des personnes handicapées ;
  • Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;
  • Le Comité national des retraités et des personnes âgées ;
  • L’Observatoire national de l’action sociale ;
  • L’Observatoire national de l’enfance en danger ;
  • L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale ;
  • L’Observatoire national de la politique de la ville.

2.2. Les services déconcentrés de l’État

2.2.1. L’instabilité des services déconcentrés de l’État

La mise en œuvre de l’action sociale est assurée par des structures déconcentrées de l’État, implantées au niveau régional et départemental. La nature de ces structures, de leurs attributions et de leurs modalités de fonctionnement a beaucoup évolué au cours de ces dernières décennies :

  • En 1964, la mise en œuvre des actions sociales de l’État a été confiée au niveau régional à des Services Régionaux d’Action Sanitaire et Sociale (SRASS).
  • La même année, deux décrets sont venus regrouper les services locaux existants afin de former des Directions Départementales de l’Action Sanitaire et Sociale (DDASS).
  • Le décret du 22 avril 1977 a supprimé les SRASS et a transféré leurs compétences à des Directions Régionales de l’Action Sanitaire et Sociale (DRASS).
  • Dans les années 1980, sous l’effet du renforcement du mouvement de décentralisation et des mutations des politiques d’action sociale (avec en particulier l’apparition et le développement du concept d’« insertion sociale »), il a fallu redéfinir les missions des services déconcentrés de l’État et aménager une nouvelle répartition des compétences entre le territoire régional et le territoire départemental. C’est dans ce cadre qu’ont été mises en place de façon expérimentale trois Directions Régionales et Interdépartementales de la Santé et de la Solidarité (DRISS) entre 1991 et 1993. L’objectif était de regrouper dans une entité unique des services dispersés entre la région et les départements.
  • Devant l’échec de ce dispositif, les structures régionales et départementales ont été conservées. Un décret du 6 décembre 1994 est toutefois venu redéfinir les compétences respectives des DRASS et des DDASS et coordonner leurs actions.
  • Deux ans plus tard, les « ordonnances Juppé » ont permis la création d’Agences Régionales de l’Hospitalisation (ARH) chargées de mettre en œuvre la réforme hospitalière dans ses volets financiers, de planification et d’amélioration de la qualité des soins. La mise en place de cette structure a privé les autres services déconcentrés de l’État d’une part importante de leur activité.

Il faudra toutefois attendre l’adoption de la loi dite « HPST » (Hôpital, Patients, Santé et Territoire) du 21 juillet 2009 et la Réorganisation de l’Administration Territoriale de l’État (RéATE) de 2010 pour que l’organisation des services déconcentrés de l’État soit profondément modifiée.

2.2.2. Les structures régionales actuelles

Depuis 2010, les DRASS et les ARH ont disparu. L’action sociale de l’État est dorénavant mise en œuvre au niveau régional par deux entités : les Agences Régionales de Santé (ARS) et les Directions Régionales de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale (DRJSCS).

Les DRJSCS sont le résultat de la fusion de la direction régionale de la jeunesse et des sports, de la direction régionale de l’agence nationale pour la cohésion sociale et pour l’égalité des chances, et des services des DRASS qui n’ont pas été transférés aux ARS.

Elles assurent le pilotage et la coordination des politiques sociales, sportives, de jeunesse, de vie associative et d’éducation populaire. Les politiques sociales portent notamment sur la prévention et la lutte contre les exclusions, la protection des personnes vulnérables et leur accès à l’hébergement, l’intégration sociale des personnes handicapées, les actions sociales de la politique de la ville, la prévention et la lutte contre les discriminations, la promotion de l’égalité des chances, la certification dans les domaines des professions sociales et des professions de santé non médicales.

Les ARS ont pour mission d’assurer, à l’échelon régional, le pilotage du système de santé. « Elles sont responsables de la sécurité sanitaire, des actions de prévention menées dans la région, de l’organisation de l’offre de soins en fonction des besoins de la population, y compris dans les structures d’accueil des personnes âgées ou handicapées. » (www.ars.sante.fr)

La loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions a un impact direct sur les services déconcentrés de l’État en charge de la mise en œuvre des actions sociales puisqu’en fusionnant les régions, les ARS et les DRJSCS ont elles-mêmes été amenées à fusionner. Il existe actuellement 17 ARS (13 en France métropolitaine + 4 outre-mer) et 18 DRJSCS.

2.2.3. Les structures départementales actuelles

La RéATE a également impacté les services départementaux de l’État. Les DDASS ont été supprimées. L’action sociale de l’État peut désormais être mise en œuvre par trois structures, en fonction la taille du département.

Dans les départements de moins de 400 000 habitants, les attributions sociales des DDASS ont été transférées à des Directions Départementales de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations (DDCSPP).

Dans les départements de plus de 400 000 habitants, les DDCSPP sont divisées en deux structures distinctes : les Directions Départementales de la Cohésion Sociale (DDCS) et les Directions Départementales de la Protection de la Population (DDPP).

En définitive, les organes de l’État chargés de concevoir, de mettre en œuvre et de contrôler les politiques d’aide et d’action sociales sont extrêmement variés.

Un mouvement a été initié ces dernières années – Révision Générale des Politiques Publiques (2007), Réorganisation de l’Administration Territoriale de l’État (2010), loi « HPST » (2009), Modernisation de l’Action Publique (2012) - afin de réformer l’organisation actuelle. Ce mouvement vise à rationaliser les dispositifs centraux (fusion de certaines directions, modification des tutelles…) et à renforcer les compétences régionales de l’État, au détriment de ses structures départementales.

Références bibliographiques

  • AUBIN (E.), Droit de l’aide et de l’action sociales, Gualino-Lextenso éditions, 4ème édition, 2014, 521 p.
  • BORGETTO (M.) et LAFORE (R.), Droit de l’aide et de l’action sociales, LGDJ-Lextenso éditions, 9ème édition, 2015, 778 p.
  • LOCHEN (V.), Comprendre les politiques sociales, Dunod, 5ème édition, 2016, 458 p.
  • Ministères des Affaires sociales et de la Santé, « La Direction Générale de la Cohésion Sociale » [en ligne], disponible sur < www.social-sante.gouv.fr > (consulté le 26 avril 2016).
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