Par Frédérique Thomas

Dernière mise à jour : juillet 2018

1. Propos liminaires

Le sport recouvre de nombreuses dimensions susceptibles d’engager l’action des pouvoirs publics. Il répond à de multiples enjeux par sa fonction éducative, socialisatrice et intégratrice, sa capacité à créer des dynamiques collectives et ses liens avec la politique de santé publique. Son mode d’organisation est caractérisé par la place importante de l’Etat, qui a noué des relations anciennes et fortes avec le mouvement sportif organisé même si d’autres acteurs se sont progressivement affirmés.

L’organisation de la politique du sport en France repose depuis plus de 50 ans sur deux principes fondamentaux : la délégation par l’État de l’animation et de la gestion du sport à des structures essentiellement associatives d’une part, et la solidarité au sein des fédérations entre le sport amateur et le sport professionnel, d’autre part.

Ce modèle comporte deux grands acteurs : les services de l’État et le mouvement sportif, lui-même articulé entre le système fédéral spécifique à chaque sport et sa représentation mutualisée, au travers du Comité national olympique et sportif français.

L’organisation et le développement du sport en France reposent sur un système particulier où les structures publiques et les groupements privés sont soumis à des dispositions législatives et réglementaires spécifiques.

2. Le sport, une politique publique

L’Etat a progressivement donné au sport les caractéristiques d’une mission de service public en se fondant sur la notion d’intérêt général inscrite dans le code du sport.

A l’origine le mouvement sportif ne dépendait que de la seule initiative privée : des unions d’associations préfigurant les fédérations ont été créées dès 1870.

Le sport est apparu comme un champ de politique publique à partir des années 1920 mais c’est en 1945 qu’une étape décisive est franchie : l’ordonnance du 28 août 1945 a assigné au mouvement sportif une mission de service public à travers « des pouvoirs délégués » de l’Etat, construction juridique qui régit toujours l’organisation du sport français.

Cette intervention de l’Etat a été confortée à la fin du 20ème siècle et au début des années 2000 par plusieurs lois qui en ont précisé les modalités1. L’ensemble des dispositions relatives au sport ont été codifiées en 2006, dans le Code du sport.

Au terme de ces évolutions, l’Etat dispose d’une compétence générale qui couvre tout le champ des APS, qu’elles relèvent de la pratique générale ou du sport de haut niveau.

En application de ce principe, les fédérations sportives sont dépositaires de l’ensemble des formes d’activés sportives : sport pour tous et sport de haut niveau, sport professionnel le cas échéant.

Ce principe d’unité a pour corollaire celui de solidarité dont l’exemple le plus clair est la taxe dite « Buffet »2 qui est prélevée sur les contrats de cession des droits de télédiffusion des manifestations sportives et dont le produit contribué au développement du sport pour tous.

> Le sport une activité d’intérêt général : articles L.100-1 et L.100-2 du Code du sport

Article L100-1
« Les activités physiques et sportives constituent un élément important de l'éducation, de la culture, de l'intégration et de la vie sociale.
Elles contribuent notamment à la lutte contre l'échec scolaire et à la réduction des inégalités sociales et culturelles, ainsi qu'à la santé.
La promotion et le développement des activités physiques et sportives pour tous, notamment pour les personnes handicapées, sont d'intérêt général » 

Article L100-2
« L'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, les associations, les fédérations sportives, les entreprises et leurs institutions sociales contribuent à la promotion et au développement des activités physiques et sportives.
L'Etat et les associations et fédérations sportives assurent le développement du sport de haut niveau, avec le concours des collectivités territoriales, de leurs groupements et des entreprises intéressées ». 

3. Le sport, une administration publique spécialisée

Malgré un nomadisme institutionnel permanent, le ministère s’organise autour d’une direction des sports qui est chargée d’élaborer et de mettre en œuvre la politique nationale des APS, tant en ce qui concerne le sport de haut niveau que le port pour tous.

La politique sportive nationale se structure autour de quatre domaines d’actions :

  • le développement du sport pour tous, en particulier en direction des publics les plus éloignés de la pratique sportive 
  • l’organisation du sport de haut niveau, afin de maintenir le rang de la France parmi les grandes nations sportives 
  • la prévention par le sport, la protection des sportifs et la lutte contre les dérives intolérables que constituent le dopage, la violence, le racisme, la tricherie et toutes les formes de discrimination 
  • la promotion des métiers du sport et le développement de l’emploi sportif.

À ces quatre thématiques s’ajoute une dimension transversale qui concerne le rayonnement international du sport français et la participation à la régulation des activités sportives au niveau international et européen.
En outre, la dimension éducative et sociale de la pratique sportive, le sport comme facteur de santé et de bien-être, l’unité entre les diverses formes d’activités sportives, la solidarité entre sport professionnel et sport amateur figurent parmi les valeurs que s’attache à promouvoir le modèle sportif français.
Pour mettre en œuvre les politiques publiques du sport, le ministère chargé des sports dispose d’une administration centrale et de services déconcentrés, ainsi que d’un réseau d’établissements publics. Les directions régionales de la jeunesse des sports et de la cohésion sociale assurent un rôle de relais de l’administration centrale dans :

  • le pilotage de la pratique sportive et du sport de haut niveau
  • la formation et la certification des APS
  • le développement des sports de nature
  • de la médecine du sport
  • de la prévention et de la lutte contre le dopage
  • du recensement et de la programmation des équipements sportifs
  • de la prévention des incivilités et de la lutte contre la violence

Les directions départementales de la cohésion sociale ont notamment pour mission la promotion des APS et les activités de nature régalienne qui relèvent de la responsabilité des préfets du département comme le contrôle des établissements des éducateurs et de la sécurité des pratiques sportives. Le ministère s’appuie en également sur 22 établissements publics nationaux qui sont les opérateurs de l’Etat :

  • Le CNDS (qui a succédé en 2006 au FNDS) dont l’action est centrée sur la politique de développement du sport pour tous au niveau territorial. Le Centre national pour le développement du sport (CNDS), dont le budget est alimenté par des ressources qui lui sont affectées par la loi de finances, a pour missions principales :
    • de soutenir le développement de la pratique sportive par le plus grand nombre
    • de contribuer à la politique d’aménagement du territoire dans le domaine sportif.
    • d’apporter un financement aux actions du CNOSF, ainsi qu’à l’organisation des délégations françaises aux grands événements sportifs.

La gouvernance du CNDS fait une large place à la concertation entre les acteurs institutionnels du sport : Etat, mouvement sportif et représentants des collectivités territoriales. Dans chaque région et département, l’établissement est représenté par un délégué (le Préfet), assisté par les services déconcentrés de la Jeunesse et des Sports.

  • L’INSEP est chargé de la préparation des sportifs de haut niveau, d’actions de formations initiales et continues des acteurs du sport et du développement des activités physiques et sportives, particulièrement dans le domaine du sport de haut niveau. Son nouveau statut (2009) d’établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel lui permet de délivrer des diplômes de niveau universitaire. Ses missions, ont été élargies, notamment en lui confiant l’animation du réseau du sport de haut niveau. Cela se traduit par des séminaires thématiques en vue de diffuser un savoir-faire reconnu dans les domaines où il se situe à l’avant-garde : performance, recherche, formation des sportifs et des entraineurs, suivi médical.
  • Les 16 centres de ressources d’expertises et de performance (CREPS3) : ils participent, en liaison avec les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, à la politique nationale de développement des activités physiques et sportives et à la formation dans les domaines des activités physiques ou sportives et de l'animation. Ils contribuent à la protection de la santé des sportifs et à la préservation de l'éthique sportive. Ils ont pour missions principales :
    • d'assurer, en liaison avec les fédérations sportives, la formation et la préparation de sportifs de haut niveau et de mettre en œuvre le double projet consistant à concilier la recherche de la performance sportive et la réussite scolaire, universitaire et professionnelle du sportif ;
    • d'organiser des formations professionnelles initiales ou continues dans les domaines des activités physiques ou sportives et de l'animation. A ce titre, ils peuvent passer des conventions de coopération avec les services déconcentrés de l'Etat, compétents en matière de sports et de vie associative, en vue de développer des actions de formation qui mobilisent notamment des moyens propres à ces services sous l'appellation de structures associées de formation.

Ils peuvent également contribuer, en conformité avec les orientations données par le ministre chargé des sports :

  • A l'animation territoriale dans leur champ de compétence, en lien avec les associations et les collectivités territoriales
  • A la formation et au perfectionnement des cadres des fédérations sportives agréées
  • A la formation initiale et continue des agents publics, des bénévoles et salariés des associations
  • A l'organisation de formations conduisant aux titres et diplômes non professionnels dans les secteurs des activités physiques ou sportives et de l'animation.

Dans le cadre de conventions passées avec le ministre chargé des sports, les CREPS assurent le fonctionnement de pôles ressources nationaux portant sur des thématiques particulières dans les domaines des activités physiques et sportives.

Les 3 écoles nationales des sports : l’école nationale de voile, l’école nationale des sports de montagne, et l’institut français du cheval et de l’équitation 

  • ENVSN : l’Ecole Nationale de Voile et des Sports Nautiques.

Elle assure la formation des professionnels et des autres acteurs de la plaisance et du nautisme dans les domaines de l’animation, du développement sportif et de la gestion des structures nautiques, notamment dans les disciplines voile légère et hauturière, kite-surf, surf…de contribuer à la politique sportive de la FFVoile.

L’ENVSN est, ainsi, centre d’excellence national multi-ressources de la FFV, pour la voile olympique, paralympique, inshore et Match Racing. Elle soutient les politiques sportives des fédérations nautiques, développe la recherche appliquée dans les domaines de la performance sportive et l’ingénierie de formation, enfin contribue, d’une manière générale, au développement de la voile et du nautisme.

  • ENSM : établissement créé en 2010 par la fusion de l’Ecole Nationale de Ski et d’Alpinisme (ENSA) située à Chamonix et le Centre National de Ski Nordique et de Moyenne Montagne (CNSNMM) localisé à Prémanon (Jura).

C’est l'établissement référent pour la formation professionnelle des moniteurs de ski (alpin à Chamonix, nordique à Prémanon), des guides de haute montagne et accompagnateurs en moyenne montagne, des moniteurs de vol libre. Cette compétence centrale est complétée des différentes formations professionnelles relatives aux sports de montagne : VTT, course d'orientation, pisteurs secouristes, etc... Dans le domaine du sport de haut niveau, le CNSNMM de Prémanon, mobilise des équipements sportifs spécifiques et des partenariats avec les institutions scolaires et universitaires pour accompagner les sportifs des disciplines du ski nordique, notamment dans leur projet sportif et professionnel. Il accueille ainsi le Pôle France nordique de la Fédération Française de Ski.

En tant qu'établissement national, l'ENSM constitue l'appui technique et opérationnel du ministère des sports pour le domaine des sports de montagne. L'établissement est aussi tête de réseau, animateur, référent pour les autres services ou établissements et contribue au rayonnement international de la France.

  • IFCE : établissement créé en 2010 par la fusion de l’Ecole Nationale d’Equitation (ENE) et des haras nationaux, il est aujourd’hui placé sous la double tutelle du ministère chargé de l’agriculture et du ministère des sports. Il est l'opérateur unique de la filière équine. Ses principaux objectifs sont
    • d’organiser de nouvelles modalités d'appui à la filière équine, plus pertinentes, plus efficaces,
    • d’accompagner le sport de haut niveau, de renforcer la recherche, le développement, le transfert des connaissances,
    • de vulgariser et diffuser les résultats en vue d'une appropriation par tous les acteurs socio-économiques,
    • de développer une formation professionnelle adaptée aux besoins exprimés, de garantir la traçabilité et l'identité des équidés.
  • Le musée du sport (établissement public administratif)

En 1963, Maurice Herzog, secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports, nomme Georges Henri Rivière, directeur du musée national des Arts et Traditions Populaires et Jean Durry, ancien coureur cycliste et passionné de sport, à la tête d'un projet de création du musée du sport. L’institution se fixe pour but de collecter et d’acquérir objets et œuvres d’art retraçant l’histoire du sport. Dès l’origine, la collection est dévolue à l’évolution des diverses disciplines sportives au travers d’objets,d’archives et de souvenirs émanant de grands champions(majoritairement français) mais aussi des fédérations et des entreprises liées au sport.

4. Le sport, la place croissante des autres acteurs

A côté d’un Etat très présent et du mouvement sport organisé, d’autres intervenants publics et privés se sont affirmés au cours des 30 dernières années.

4.1 Les collectivités territoriales, des acteurs essentiels

L’engagement des collectivités territoriales pour le sport et plus particulièrement pour le sport pour tous est ancien ; leur action s’est principalement traduite par le financement d’infrastructures communales et le subventionnement des clubs. Les lois de décentralisation du début des années 1980, leur ont donné plus de latitude pour développer des politiques locales dans le cadre de leur clause de compétence générale.

4.2 L’Union européenne

Les instances européennes ont longtemps limité leurs interventions en matière de sport à l’application du droit commun de la libre circulation des travailleurs même si la jurisprudence de la cour de Justice a eu une influence très forte, en particulier dans le sport professionnel4. Par la suite, l’Union européenne s’est progressivement dotée d’une doctrine propre au sport ainsi que de compétences nouvelles à la faveur du traité de Lisbonne.

L’essentiel de la politique actuellement mené par l’Union repose sur des actions définies dans une communication de la commission européenne de 2011 intitulée : « Développer la dimension européenne dans le sport ». Les propositions de la commission s’articulent autour de trois domaines principaux que sont le rôle sociétal du sport, la dimension économique du sport et la gouvernance.

4.3 La montée en puissance de la  professionnalisation du sport

Le sport professionnel est ancien (football dès 1930) mais la professionnalisation des clubs évoluant au plus haut niveau national a été engagée au cours des années 1990 par le hand Ball, le volley Ball, le basket Ball.

Le statut professionnel ne concerne toutefois qu’un nombre restreints de sportifs en France, environ 4500. Selon la convention collective du sport, un sportif est considéré comme professionnel à partir du moment où il a une activité principale sportive rémunérée. Cette notion agrège deux situations : les équipes constituées de salariés participant à des compétitions (grands sports collectifs de ballon, cyclisme) et le sportifs individuels vivant des revenus de la pratique sportive, sans forcément appartenir à un secteur professionnel organisé par la fédération (golf, tennis).

Si la population sportive concernée est peu nombreuse, la médiatisation des compétitions professionnelles en a fortement accru les enjeux financiers : l’évolution du montant des droits de retransmission des évènements sportifs illustre cette montée en puissance. Le nombre annuel d’heures d’émissions sportives est passé de 232 heures en 1968 à plus de 100000 heures en 20105. L’évolution des enjeux économiques liés à la pratique sportive professionnelle a amené à la création de ligues professionnelles qui constituent, soit un organe interne de la fédération de rattachement, soit une association distincte et subdélégataire de cette fédération. Les autres fédérations ont fait le choix de conserver un secteur professionnel en leur sein sous des formes diverses (exemple de commissions internes spécifiques pour la boxe et pour le golf).

Au niveau des clubs, les associations sportives qui recouvrent des recettes payantes d’un montant supérieur à 1,2 millions d’euros ou qui emploient des sportifs dot le montant total des rémunérations annuelles excède 800000 euros, ont l’obligation de constituer une société commerciale pour la gestion de leur activités.

Les financements privés tirés des retransmissions des évènements sportifs mais également « sponsoring » sont accaparés par une petite minorité de disciplines fortement médiatisées et avant tout par le football. Cette situation entraine de fortes disparités entre les disciplines sportives

Autrement dit les modifications de l’environnement du sport doivent être prises en compte par l’Etat, tant en termes de gouvernance que pour l’adaptation de son rôle de régulateur.

5. Juillet 2018, vers une nouvelle gouvernance du sport ?

Le modèle décrit ci-dessus risque de changer quant à la répartition des missions confiées à chacun des acteurs ; mais pour comprendre ce qui va se concrétiser à la rentrée 2018, il était incontournable de connaître le fonctionnement du sport français tel que fonctionnant depuis quelques décennies.

Le Président de la République et le Premier Ministre ont confié à la Ministre des Sports une mission pour repenser l’organisation et la gouvernance du sport français, en renforçant l’autonomie du mouvement sportif et en clarifiant le rôle de l’Etat et des collectivités territoriales. Une large démarche de concertation a été engagée fin 2017, et de nombreux séminaires de travail ont été organisés entre novembre 2017 et juillet 2018 permettant aux élus, cadres des services publics, partenaires sociaux, chercheurs, acteurs de l’entreprise, de réfléchir ensemble aux évolutions nécessaires en matière de gouvernance du sport.

A la suite du comité de pilotage de clôture de « la démarche gouvernance du sport » du jeudi 19 juillet, les acteurs du sport demandent au gouvernement « de lui donner les moyens de la réussite en renonçant au plafonnement des produits affectés au sport français ».

La phase de concertation relative à la nouvelle gouvernance du sport, lancée en novembre dernier par la Ministre des Sports, s’est terminée jeudi 19 juillet 2018, avec un dernier comité de pilotage réunissant autour de la Ministre, les représentants des collectivités territoriales, du mouvement sportif et du monde économique.

Le rapport final expose une soixantaine de propositions dont certaines serviront de base au futur projet de loi « sport et société » prévu pour 2019.

  1. ^ Voir fiche « les lois sur le sport »
  2. ^ Loi du 6 juillet 2000
  3. ^ Article D211-69 du code du sport
  4. ^ Arrêt Bosman
  5. ^ Wladimir Andreff, Mondialisation économique du sport, 2012
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