Les enjeux européens et internationaux : l’Europe sociale et son impact sur les politiques sociales françaises

Modifié par Julien Lenoir le 27 septembre 2018

Les enjeux européens et internationaux :

B/ L’Europe sociale et son impact sur les politiques sociales françaises

Par Yves Palau

Dernière mise à jour : mai 2017

1. Principaux points à retenir

  • L’Europe sociale, une réalité difficile à cerner qui s’est construite progressivement depuis le traité de Rome
  • Une montée en puissance progressive de l’Europe sociale accélérée depuis le traité de Lisbonne de 2007 qui valorise la dimension sociale de l’Union
  • Des impacts différents selon les domaines avec la « sanctuarisation » des choix nationaux dans les domaines de la protection sociale sous le nom « services sociaux d’intérêt général » et des transformations majeures en matière de politique d’emploi, de droit du travail et de lutte contre les discriminations

Analysant les contours de l’Europe sociale, Christine Erhel et Bruno Palier écrivaient « D’un point de vue institutionnel, l’Europe sociale est constituée d’interventions à plusieurs niveaux, l’échelon européen étant historiquement faible relativement au niveau des modèles nationaux, qui apparaît marqué par une forte hétérogénéité au-delà d’un principe commun de protection des individus. Cet ensemble de politiques doit faire face à de nouveaux enjeux, résultant d’un ensemble de contraintes économiques, sociales et politiques, tout autant que de la modification du référentiel sur lequel s’appuient les politiques publiques : il en résulte d’une part des transformations des modèles nationaux de protection sociale, déclinant une tendance commune au retrait de l’État et à la focalisation sur un objectif d’emploi, d’autre part l’affirmation d’une coordination minimale à l’échelon européen, sur la base des méthodes ouvertes de coordination »1.

S’il n’existe donc pas de politique sociale spécifique à l’Union européenne, ce domaine relevant avant tout de la compétence des États, ceux-ci cherchent à harmoniser certains aspects de leurs législations sociales avec l’aide du législateur européen. Celui-ci peut fixer des règles minimales que les États doivent respecter. Par ailleurs, l’UE coordonne les politiques de l’emploi des États membres au sein d’une stratégie commune, la Stratégie européenne pour l’emploi.

2. Une progressive prise en compte du social dans la construction européenne

En 1957, le traité de Rome ne comportait que peu d’articles concernant spécifiquement la politique sociale. Il a cependant créé le Fonds social européen qui vise à lutter contre le chômage et à favoriser la formation et la reconversion professionnelles. Il comportait également des objectifs sociaux visant à promouvoir l’amélioration des conditions de vie et de travail dans la perspective de leur « égalisation » et à coordonner des politiques sociales qui est une mission confiée à la Commission. Il prévoyait une coopération entre Etats membres pour l’amélioration des conditions de travail, la sécurité au travail et la formation professionnelle ainsi que des mesures contraignantes en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, le principe de libre circulation des travailleurs et la coordination de la sécurité sociale des travailleurs migrants. Néanmoins, la grande diversité des modèles sociaux européens, la plus faible mobilité des citoyens dans les années 1950 ainsi que la situation économique favorable avait conduit à écarter toute idée d’intervention européenne dans le domaine social au sein du traité de Rome.

En 1986, l’Acte unique donne une nouvelle impulsion en prévoyant l’adoption de normes européennes à la majorité qualifiée visant à protéger les travailleurs, notamment dans le domaine de la sécurité au travail. Il prévoit également l’institution d’un dialogue entre les partenaires sociaux européens. L’approfondissement de l’intégration économique faisant craindre que certains pays profitent de législations sociales moins protectrices pour conquérir des marchés, la nécessité de contrebalancer le contrebalancer par l’affirmation des préoccupations sociales est avancée par les promoteurs de l’Acte unique

Les traités de Maastricht (1992) et d’Amsterdam (1997) renforcent la politique sociale européenne, la question de l’emploi devenant « d’intérêt communautaire » et nécessitant une stratégie de coordination. Sont également renforcées les dispositions relatives à la santé publique. Le traité de Maastricht introduit également les objectifs de lutte contre les discriminations et l’égalité de traitement femmes-hommes en matière d’emploi et travail. 

Le Conseil européen de Lisbonne (mars 2000) a fixé comme objectif le plein emploi à l’horizon 2010 et la modernisation du modèle social européen.

Le traité de Lisbonne, en 2007, marque un tournant dans ce domaine. Il identifie les principes sociaux sur lesquels repose l’Union. Ces objectifs sont la promotion de l’emploi, l’amélioration des conditions de vie et de travail « permettant leur égalisation dans le progrès », le dialogue social, le développement du capital humain devant permettre un niveau d’emploi élevé, une protection sociale adéquate et la lutte contre les exclusions (article 151 du Traité). Le traité valorise la dimension sociale de l’Union. Son article 3 indique désormais que parmi les objectifs de l’Union, ceux de combattre « l’exclusion sociale et les discriminations », et de promouvoir « la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant » tiennent une place importante. Il fait également référence à « une économie sociale de marché hautement compétitive », qui tend « au plein emploi et au progrès social ».

Le traité introduit également une « clause sociale horizontale » prévoyant une prise en compte dans la définition et la mise en œuvre des politiques communes des « exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale, ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine » (article 9 du Traité). Dans le domaine de la santé, la compétence de l’UE est élargie aux « mesures fixant des normes élevées de qualité et de sécurité des médicaments et des dispositifs à usage médical » (art. 168 du Traité). Le traité introduit également l’objectif d’ « améliorer la complémentarité des services de santé des Etats membres dans les régions transfrontalières ».

Il confirme également les objectifs et dispositions déjà existants pour la politique de l’emploi. Le sommet social tripartite pour la croissance et l’emploi (qui réunit les présidences du Conseil des ministres et de la Commission ainsi que les représentants des employeurs et des travailleurs) est désormais inscrit dans le traité (art. 152 du Traité).

Enfin, le traité de Lisbonne donne à la Charte des droits fondamentaux rassemblant les droits politiques, économiques et sociaux, adoptée en décembre 2000 par le Conseil européen de Nice, la même valeur juridique que les traités, la rendant ainsi contraignante pour les États membres. La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour garantir son respect par les États membres.

En juillet 2008, la Commission a publié une proposition pour un agenda social renouvelé, intitulée «Opportunités, accès et solidarité dans l'Europe du XXIe siècle». Elle a introduit des mesures destinées à améliorer l'efficacité des instruments financiers en place tels que le Fonds social européen et le Fonds monétaire européen. En outre, le nouvel instrument de micro financement Progress a été créé en 2010 au niveau européen afin d'octroyer des microcrédits aux petites entreprises et aux sans-emploi désireux de créer ou de développer leur propre entreprise.

La stratégie Europe 2020 adoptée en juin 2010 succède à la stratégie de Lisbonne adoptée en mars 2000. Elle érige en domaine prioritaire « la croissance inclusive » qui désigne une économie à fort taux d'emploi favorisant la cohésion sociale et territoriale. Le nouveau programme stratégique de l'Union fixe pour la première fois l’objectif précis pour son pilier «social» de réduire de 20 millions le nombre de personnes menacées par la pauvreté d'ici 2020 et renouvelle parallèlement son engagement en faveur d'un objectif ambitieux dans le domaine de l'emploi (un taux d'emploi de 75 % dans la tranche d'âge de 20 à 64 ans). Parmi les sept initiatives phares sélectionnées pour contribuer à la réalisation des objectifs d'Europe 2020, trois concernent le domaine de l'emploi et des affaires sociales :

  • la stratégie pour les nouvelles compétences et les nouveaux emplois qui vise à remodeler les politiques de flexisécurité afin d'améliorer le fonctionnement du marché du travail, à aider les personnes à acquérir des qualifications porteuses d'avenir et à améliorer la qualité des emplois ainsi que les conditions de travail;
  • « Jeunesse en mouvement » qui contribue à améliorer l'éducation et la formation et aide les jeunes à étudier à l'étranger et à trouver un emploi ;
  • la Plate-forme européenne contre la pauvreté et l'exclusion sociale qui aide à diffuser les bonnes pratiques et à offrir des concours financiers pour soutenir l'inclusion sociale et lutter contre les discriminations. Depuis 2010, les objectifs globaux sociaux et en matière d'emploi de la stratégie Europe 2020 ont servi d'objectifs pour l'étalonnage de la stratégie européenne pour l'emploi (SEE). Ils ont été inclus dans le Semestre européen qui est un outil procédural pour améliorer la durée de la politique européenne de coordination sur les questions macroéconomiques, fiscales, sociales et en matière d'emploi sur la base de cycles annuels récurrents.

En complément, la Commission a lancé, en mars 2016, une consultation publique sur une première ébauche du socle européen des droits sociaux, qui s'inscrit dans le cadre du programme de travail de la Commission pour 2016. Il pourrait prendre la forme d'un document de référence pour la mise à jour de la législation de l'Union et l'examen des performances de la zone euro. D'autres États membres pourraient se joindre à l'initiative qui se compose de trois volets: l'égalité des chances et l'accès au marché du travail, des conditions de travail équitables et l'accès à une protection sociale adéquate et viable.

Aujourd’hui, les réalisations de l’UE en matière d’Europe sociale concernent quatre grands domaines :

  • La libre circulation des travailleurs et la coordination des régimes de sécurité sociale : tout ressortissant de l’UE a le droit de travailler, sans discrimination, dans un autre pays membre et d’y être socialement assuré.
  • L’égalité des femmes et des hommes : de nombreuses directives ont été prises depuis 1975 pour garantir l’égalité de traitement au travail, de rémunération et de sécurité sociale. Un Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, créé en 2006, est opérationnel depuis décembre 2009.
  • Le droit du travail : protection des droits individuels, collectifs, et garantie de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail.
  • La lutte contre les discriminations.

L’Europe sociale est néanmoins limitée par la volonté des États de rester maître de leur politique en matière de droit du travail et de fiscalité. Dans le traité de Lisbonne, une déclaration interprétative de l’article 156 sur la coopération des États membres dans les domaines de la politique sociale (emploi, droit au travail et conditions de travail, formation professionnelle, sécurité sociale, droit syndical…) précise que ces domaines « relèvent essentiellement de la compétence des États membres. Les mesures d’encouragement et de coordination revêtent un caractère complémentaire. Elles servent à renforcer la coopération (…) et non pas à harmoniser des systèmes nationaux ».

3. Son impact sur les politiques sociales françaises

Dans un rapport publié en 2006, soit avant la signature du traité de Lisbonne et le lancement de la stratégie 2020, l’IGAS2 rappelait que les compétences étant partagées dans le champ social entre l’Union européenne et les Etats membres, l’impact du niveau communautaire sur le niveau national pouvait être très différent selon les domaines mais elle affirmait déjà que cet impact « s’est considérablement accru au fur et à mesure des progrès de la construction communautaire »3. Cet accroissement est dû, selon elle, d’une part à une interprétation très large des textes par la Commission et d’autre part à la jurisprudence de la CJCE puis de la CJE qui joue un rôle fondamental pour étendre le champ d’intervention du communautaire. Elle a orienté sa jurisprudence dans trois directions : d’abord, tirer toutes les potentialités des traités et du droit communautaire dérivé, ensuite, lutter contre tous les obstacles à la réalisation de la libre circulation des biens, des capitaux et des personnes, enfin, élaborer un système de garantie des droits fondamentaux des citoyens au niveau de l’Union.

On peut distinguer l’impact de certaines politiques européennes en matière économique ou concurrentielle sur les politiques sociales et celui des politiques sociales européennes proprement dites.

L’impact des politiques européennes économiques sur les politiques sociales françaises peut être mesuré différemment selon les domaines :

  • la construction du marché unique a un fort impact en matière sociale : la coordination des systèmes de sécurité sociale, par exemple, a pour principale motivation de permettre la libre circulation des travailleurs. Mais les libertés de circulation des travailleurs, des capitaux, des marchandises et des services peuvent avoir, par elles-mêmes, des conséquences importantes dans le champ social. Par exemple, les travailleurs et leurs familles se voient garantir une égalité totale de traitement dans l’accès à l’emploi, les conditions de travail ou les avantages fiscaux ou sociaux, par rapport aux ressortissants nationaux mais pas les demandeurs d’emplois dont les droits sont plus réduits ni les citoyens qui ne sont ni demandeurs d’emplois ni travailleurs dont la présence est considérée comme ne devant pas constituer une charge pour le système social du pays d’accueil.
  • Les régimes de base de sécurité sociale ne sont pas soumis au droit de la concurrence européen. En effet, le caractère obligatoire de l’adhésion et le monopole dont disposent les régimes de base de sécurité sociale sont justifiés par l’objectif social poursuivi par les caisses et par le respect d’un principe de solidarité (financement proportionnel au revenu et indépendant de l’état de santé, absence de sélection des risques, couverture des plus pauvres sans cotisation). La soutenabilité financière de ce système implique la mise en place d’un monopole et d’une obligation de cotisation. En revanche, le droit de la concurrence s’applique aux organismes d’assurance complémentaire facultative. Les conséquences des normes communautaires nouvelles sur le secteur de protection sociale complémentaire en France sont substantielles et ont conduit à des adaptations parfois importantes aux nouvelles conditions d’activités. Le nombre de mutuelles a ainsi été fortement réduit de plus de 4 000 au début des années 90 à environ 630 en 2014, ainsi que le nombre d’institutions de prévoyance, suite à d’importantes restructurations dans ces secteurs.
  • La nécessité a été reconnue d’accorder un traitement particulier aux services sociaux d’intérêt général et de santé qui constituent une des trois sous catégories des services d’intérêt général. Sans en faire une catégorie juridique à part, la Commission reconnaît, la spécificité des services sociaux d’intérêt général (SSIG), « piliers de la société et de l’économie européenne ». La Commission ne donne pas de définition précise de ces services, mais met en évidence les principes d’organisation communs, fondés sur la solidarité (non sélection des risques, absence d’équivalence à titre individuel entre cotisations et prestations), le caractère personnalisé de la prestation et l’absence de but lucratif. Il s'agit par exemple des systèmes de sécurité sociale, des services de l’emploi ou des logements sociaux. En 2011, l’UE a adopté un cadre de qualité pour les services d’intérêt général dans l’Union européenne. Ce cadre précise la manière dont les règles de l’UE s’appliquent aux services de base, pour garantir la prise en compte de besoins spécifiques, garantir l’accès de tous les citoyens aux services essentiels et promouvoir la qualité dans le domaine des services sociaux. À la suite de l'adoption de ce cadre, les règles européennes en matière de marchés publics ont également été modernisées, et une nouvelle législation a été mise en place, clarifiant l’application des règles en matière d’aides d’État aux services d’intérêt économique général.

L’impact des politiques sociales européennes sur les politiques nationales est naturellement plus direct.

Dans les différents champs d’intervention communautaire, les moyens d’action de l’Union prennent trois formes : un levier législatif par le biais des règlements et directives, un levier financier, notamment par la mobilisation du Fonds social européen ou des programmes d’actions, enfin un levier incitatif recourant à divers instruments, comme le dialogue social européen ou la définition de stratégies communes de convergence et de coordination. Ces différents leviers ont un impact direct ou indirect sur les politiques sociales nationales. Ils obligent parfois à adapter les règles juridiques. Ils ont un rôle d’aiguillon et ont permis les échanges d’idées et de bonnes pratiques dans une perspective de convergence. L’influence de l’Union européenne est manifeste, même s’il s’avère complexe d’établir une typologie précise des politiques sociales nationales selon leur degré de communautarisation, ou d’interactions, entre le niveau national et communautaire.

  • Un droit du travail français influencé par le droit communautaire : celui-ci a notamment introduit des concepts nouveaux et influencé l’évolution de notre code du travail et de nos références en matière de négociation collective. Cette influence se manifeste par exemple, dans la promotion du dialogue social et de la négociation collective. Dans le domaine de l’aménagement du temps de travail, la directive communautaire a modifié notre approche reposant simplement sur des durées maximales de travail, en introduisant un droit à des périodes minimales de repos, journalier, hebdomadaire, mais aussi à l’intérieur de la journée de travail. La directive sur le détachement de travailleurs a permis de sécuriser l’application des normes minimales aux travailleurs détachés sur le territoire national par des entreprises étrangères. En matière de transfert de salariés entre entreprises, c’est le droit et la jurisprudence communautaire qui fixent les règles applicables. Cette influence du droit communautaire est particulièrement marquée sur notre réglementation en santé et sécurité au travail (mise en place d’une démarche préalable d’évaluation des risques professionnels, transformation des services de médecine du travail dans une approche plus globale de la santé, réglementation portant sur le travail sur écran).
  • Une réorientation des politiques de l’emploi : La Stratégie européenne pour l’emploi a conduit en France à mettre l’accent sur l’activation des politiques de l’emploi par la réorientation des politiques d’indemnisation du chômage ou de préretraite vers des mesures de retour sur le marché du travail et d’accès à la formation. La reconnaissance mutuelle des qualifications conduit pour sa part à une ouverture des marchés du travail.  La stratégie européenne pour l’emploi a également influencé l’évolution de nos conceptions sur l’emploi et le chômage. Elle a progressivement fait du taux d’emploi, plutôt que du taux de chômage, l’indicateur central des objectifs des politiques de l’emploi. Elle a également fait toute sa place à la notion d’emploi de qualité et mis l’accent sur l’emploi des seniors et l’augmentation des taux d’activité.
  • Une transformation de la lutte contre les discriminations. En ce qui concerne l’égalité de traitement et la lutte contre les discriminations, la compétence communautaire, affirmée dès le traité de Rome pour l’égalité hommes/femmes et qui a donné lieu à plusieurs directives et à une abondante jurisprudence de la CJCE puis de la CJE, s’est progressivement élargie à la lutte contre toutes les discriminations. Les directives communautaires et la jurisprudence de la CJCE et de la CJE ont sensiblement modifié notre approche traditionnelle. Elles ont non seulement transféré la charge de la preuve vers la personne ou l’institution incriminée, au bénéfice du plaignant, mais aussi conduit à mettre en œuvre une nouvelle démarche. Celle-ci passe par une prise en compte plus grande des droits des minorités, un recours plus systématique à l’action pénale et un rôle central donné aux autorités administratives indépendantes avec un pouvoir propre de décision. La création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations en 2005 puis son intégration au sein du Défenseur des droits en 2011 qui en a repris les missions, s’inscrivent dans cette nouvelle approche. La plupart des mesures législatives intervenues en France depuis 2001 pour lutter contre les discriminations résultent en effet de la transposition de directives européennes sur la discrimination sexuelle, raciale ou dans l’emploi. Ces directives reprennent dans une large mesure la construction jurisprudentielle de la Cour de justice, elle-même inspirée d’une approche anglo-saxonne de la discrimination. À la notion d’égalité, fondée sur l’accès formel aux droits, s’ajoute une vision empirique de la lutte contre les discriminations constatées. Celle-ci s’appuie sur le développement de constructions juridiques nouvelles qui ont été introduites dans le droit français à travers le droit européen. Parmi les éléments les plus significatifs, on peut citer la notion de discrimination indirecte définie comme « tout critère ou toute pratique apparemment neutre susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un sexe/d’une origine/d’une religion/ d’un handicap/d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés », le juge puis le législateur européens ont, par une construction juridique innovante, élargi la protection contre les discriminations. Cette approche s’attache au résultat discriminatoire, objectivement défavorable à la personne qui en est victime et non aux intentions de ceux qui sont à l’origine de la discrimination.
  • Dans le domaine de la protection sociale, l’intervention de l’Union européenne conduit à lever les obstacles à la libre circulation des personnes. L’intervention communautaire a d’abord permis de lever les entraves à la libre circulation des personnes, lorsque celles-ci étaient liées à la protection sociale. Les Français qui se déplacent sur le territoire européen disposent ainsi de la possibilité de se faire soigner à l’étranger. Ces soins dispensés à l’étranger constituent des dettes et des créances entre systèmes d’assurance maladie. Elle conduit aussi à mettre en perspective certains enjeux du système de protection sociale, qu’il s’agisse de la maîtrise des équilibres financiers et des contraintes budgétaires liées à l’union économique et monétaire, ou des évolutions démographiques auxquels les systèmes de retraites vont avoir à faire face.

1 Christine Erhel, Bruno Palier, « L'Europe sociale : entre modèles nationaux et coordination européenne », Revue d'économie politique 2005/6 (Vol. 115), p. 677-703.

2 IGAS, rapport annuel 2006, La dimension européenne des politiques sociales.

3 Idem p. 46.

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