Par Raymond Ferretti, Maître de conférences des Universités
Dernière mise à jour : juillet 2016

La Constitution française du 4 octobre 1958 fonde la Vème République. C'est un texte écrit comportant un Préambule et près de 100 articles. Elle précise l'organisation de l'Etat français et garantit des droits aux citoyens. Le Préambule donne une valeur juridique à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au Préambule de la Constitution de 1946, à la Charte de l'environnement de 2004. La Constitution française distingue le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et l'autorité judiciaire (principe de séparation des pouvoirs). Elle peut être révisée selon une procédure particulière (référendum ou réunion du Congrès). La dernière révision réussie date de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République. Depuis, le projet de révision de protection de la Nation a été abandonné.

La Constitution est la loi fondamentale dont le domaine est particulier de même que la procédure d’élaboration et de révision.

1. Le domaine de la Constitution

1.1 La Constitution, statut de l’État

1.1.1. L’accession au pouvoir

La Constitution énonce les principes de dévolution du pouvoir et les règles permettant leur mise en œuvre. Ainsi, la constitution rappellent le principe de la souveraineté nationale et soulignent les conséquences de ce choix : le régime représentatif. C’est ce que fait l’article 3 de la Constitution de 1958 en proclamant :

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum.

Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. »

On constate d’ailleurs que pour la première fois, la référence à la souveraineté nationale n’est pas unique et qu’implicitement il est fait allusion à la souveraineté populaire. Cette formule ambiguë débouche logiquement sur une reconnaissance de la démocratie représentative qui peut aussi parfois se transformer en démocratie semi-directe.

Les contours du pouvoir de suffrage reconnu au peuple peuvent alors être dessinés : suffrage universel dans nos constitutions modernes. Plus précisément ajoute le même article 3 :

« Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret. »

Mais, la plupart des modalités de ce pouvoir de suffrage établies en dehors du texte de la Constitution. C’est le cas des modes de scrutins des élections législatives qui sont fixés par des lois ordinaires.

1.1.2. L’organisation et le fonctionnement des pouvoirs

Le pouvoir est exercé par ce que l’on appelle communément les pouvoirs publics. C’est bien sûr le rôle de la Constitution que de mettre en place ces organes, de prévoir leur statut, leurs compétences et leurs pouvoirs ,de préciser leurs relations mutuelles qu’il s’agisse des organes exécutifs (Titre II : Le Président de la République (articles 5 à 19) ;Titre III : Le Gouvernement (articles 20 à 23) ) législatifs (Titre IV : Le Parlement (articles 24 à 33), judiciaires Titre VIII : De l'autorité judiciaire (articles 64 à 66-1), d’autres organes sont prévus comme le Conseil Constitutionnel (Titre VII : Le Conseil constitutionnel (articles 56 à 63), le Conseil économique et Social et Environnemental (Titre XI (articles 69 à 71), le Défenseur des droits (article 71-1).

1.2. La Constitution, statut des libertés

La Constitution a été conçue au départ comme un instrument de limitation du pouvoir. Pourtant avec le temps elle est surtout devenue un instrument d’organisation du pouvoir.

La garantie des droits des citoyens a, dans ces conditions, été quelque peu oubliée ou plus exactement reléguée dans le préambule de nos Constitutions. Il faudra attendre 1971 pour voir le Conseil constitutionnel reconnaître au Préambule la même valeur que la Constitution elle-même.

1.2.1 Les droits garantis

Les différentes constitutions françaises ont rarement énoncé les droits des citoyens. Le plus souvent ce sont les préambules des constitutions qui remplissaient ce rôle. C’est cette situation qui prévaut aujourd’hui encore. Le préambule de la Constitution de 1958 renvoie à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, au préambule de la Constitution de 1946 et depuis 2005 à la Charte de l’environnement. Chacun de ces textes renvoyant à une catégorie bien précise de droits.

  • Les droits individuels et politiques :

La DDHC de 1789

Les droits reconnus par la Déclaration sont avant tout des droits individuels puisque ce sont, les hommes et les citoyens qui sont les destinataires de cet acte. Le titre de la déclaration le rappelle en effet.

C’est donc bien l’individu considéré dans les deux dimensions, civile et politique, de la société qui se voit reconnaître des droits. Ces droits sont comme l’énoncent les articles 1 et 2, la liberté, l’égalité, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.

  • Les droits économiques et sociaux :

Le préambule de 1946

Le préambule de la Constitution de 1946 réaffirme les droits de 1789 mais il tient compte des apports de la IIIe République en ce domaine en faisant allusion aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » (PFRLR) sans énoncer explicitement ceux-ci. Mais surtout ce préambule «proclame, (…) comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ». Parmi ceux-ci sont énoncés, le droit de se syndiquer, de faire grève, le droit au travail, etc… Ces droits contrairement à ceux de la Déclaration de 1789 ne s’exercent que collectivement et dans le cadre des rapports économiques et/ou sociaux.

  • Les droits à l'environnement : la Charte de l'environnement

La révision constitutionnelle du 1er mars 2005 complète le premier alinéa du préambule de la Constitution qui est désormais rédigé de la manière suivante: « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la charte de l’environnement de 2003 ».

La Charte énonce des droits et des devoirs, le droit d’abord, de chacun à « un environnement équilibré et favorable à sa santé ». La notion d’« environnement équilibré » recouvrant le maintien de la biodiversité et de l’équilibre des espaces et des milieux naturels, le bon fonctionnement des écosystèmes et un faible niveau de pollution. La charte rappelle le devoir de chacun de prendre part à la préservation de l’environnement, de s’associer à la prévention des atteintes susceptibles de lui être portées et de contribuer à la réparation des dommages qui peuvent lui être occasionnés. Elle affirme également le devoir des autorités publiques de veiller à l’application du principe de précaution en cas d’incertitudes scientifiques et de risques de dommages graves et irréversibles.

1.2.2 La garantie des droits : la valeur constitutionnelle du préambule

Il faudra attendre la décision «Liberté d’association » du Conseil Constitutionnel du 16 juillet 1971, pour voir enfin reconnue la valeur constitutionnelle du Préambule.

1.2.2.1. La décision «Liberté d’association »

Une loi soumettant la création des associations politiques à l’agrément des juges a été déférée au Conseil Constitutionnel par le Président du Sénat. Elle sera déclarée non-conforme à la Constitution et plus précisément au Préambule.

Pour la première fois, le Conseil Constitutionnel se référera aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et leur reconnaîtra la même valeur que la Constitution.

Au-delà de la reconnaissance d’une valeur constitutionnelle au préambule, c'est l’utilisation des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République qui suscitera les plus vives critiques et ce pour plusieurs raisons.

D’abord parce que la notion n’était pas très claire, ensuite et surtout parce que cette catégorie de principes ne fait pas l’objet d’une énumération comme les « principes particulièrement nécessaires à notre temps ». Par conséquent, le juge lorsqu’il «découvre » l’un de ces principes est soupçonné de le créer. C'est donc le spectre du «Gouvernement des Juges » qui est ainsi mis en avant.

1.2.2.2. La jurisprudence ultérieure

La jurisprudence ultérieure du Conseil ne fera que renforcer cette position. Tous les autres éléments du préambule seront reconnus par le Conseil constitutionnel : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1973 (Décision n° 73-51 DC, du 27 décembre 1973, Taxation d’office) ; les principes particulièrement nécessaires à notre temps. A ces principes le Conseil Constitutionnel ajoutera :

  • des «principes à valeur constitutionnelle » principe de la protection de la santé et de la sécurité des personnes (CC 80-177, DC 20 juill. 1980)
  • des «principes généraux du droit de valeur constitutionnelle » : la continuité des services publics (CC, 79-105 DC 25 juill. 1979), la séparation des pouvoirs (CC, 79-104 DC 23 mai 1979)
  • des «objectifs à valeur constitutionnelle » : la sauvegarde de l’ordre public (CC, 82-142 DC 27 juill.1982). Ces principes et objectifs non écrits permettent en fait au Conseil de concilier plusieurs principes.

Un « bloc de la constitutionnalité » est ainsi reconnu.

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2. Procédure d’élaboration et de révision de la Constitution

2.1. L’élaboration

2.1.1. Théorie générale

C’est le pouvoir constituant qui élabore la Constitution. Le propre du pouvoir constituant est de mettre en place les pouvoirs constitués. Le premier est donc à l’origine des seconds. Ceux-ci ne peuvent agir que dans le cadre mis en place par le pouvoir constituant alors que celui-ci est totalement libre d’agir comme il l’entend. On le voit, c’est non seulement le titulaire, mais aussi l’exercice du pouvoir constituant qui se distingue de ceux des pouvoirs constitués.

2.1.1.1. L’auteur

C’est le Souverain lui-même ou ses représentants c’est donc le caractère exceptionnel et solennel de l’auteur qui distingue l’auteur du pouvoir constituant de l’auteur des pouvoirs constitués.

Les solutions de la démocratie représentative : les assemblées constituantes

Les assemblées autoproclamées : l’Assemblée Nationale Constituante de 1789 qui va élaborer la Constitution du 3 septembre 1791

Les assemblées convoquées par un Gouvernement provisoire : L’assemblée constituante élue le 23 avril 1848 qui rédigera la Constitution du 4 novembre 1848 (II e République). L’Assemblée Constituante élue le 3 février 1871 qui adoptera les lois constitutionnelles de 1875 (IIIe République).

Les solutions de la démocratie semi-directe : le référendum

Les projets d’assemblées soumis à l’approbation du peuple : la Constitution du 24 juin 1793 élaborée par la Convention sera ratifié par le peuple, comme la Constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795) qui devait mettre en place le Directoire. Plus près de nous ce fut le cas de la Constitution du 27 octobre 1946 qui devait fonder la IVe République.

Les projets d’exécutifs soumis à l’approbation du peuple : c’est le cas de la Constitution du 4 octobre 1958 rédigée par le Gouvernement du Général de Gaulle est soumise à l’approbation du peuple le 28 septembre 1958.

2.1.1.2. L’exercice du pouvoir constituant

L’absence de cadre procédural en principe

Qu’il s’agisse de l’élaboration par une Assemblée constituante seule ou en liaison avec le peuple la procédure n’est organisée par aucun texte. L’assemblée est alors totalement libre non seulement de son temps, mais aussi de ses méthodes de travail, et surtout du contenu du futur texte constitutionnel.

Ces assemblées ou ces organes sont donc tout-puissants. C’est pour éviter les conséquences d’une telle situation que l’on a vu apparaître des textes pré-constitutionnels visant à encadrer le pouvoir constituant, ce qui tend à en rabaisser le statut et à le rapprocher du pouvoir constitué.

ACTESAUTEURPROCEDURE
ConstitutionPouvoir constituantNon organisée
Autres actesPouvoir constituéOrganisée par les textes en vigueur
L’existence exceptionnelle de textes pré constitutionnels

C’est ainsi que la procédure d’élaboration de la Constitution de la IVe République était inscrite dans la loi constitutionnelle du 2 novembre 1945 surnommée à juste titre « petite constitution » puisqu’elle limitait les pouvoirs de l’Assemblée constituante et mettait en place un Gouvernement provisoire.

De même, mais dans un contexte différent, la procédure d’élaboration de la Constitution de la Va été organisé par la loi constitutionnelle du 3 juin 1958. Cette loi prévoyait l’intervention du Gouvernement comme rédacteur du projet, la consultation de certains organismes et enfin la ratification populaire. Mais la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 allait plus loin encore puisqu’elle fixait des conditions de fond que devait respecter la future Constitution.

2.1.2. L’élaboration de la Constitution de 1958

Chronologie des débuts de la Ve
DatesÉtapes
13 mai 1958Evénements d’Alger ; investiture à Paris du Gouvernement Pflimlin
1er juin 1958Investiture du Gouvernement dirigé par , Charles De Gaulle
3 juin 1958

Loi constitutionnelle fixant les conditions de forme et de fond de l’élaboration de la Constitution

et de fond

Juin - Juillet 1958Préparation de l'avant-projet de Constitution.
30 juillet-14 août 1958Discussion de l'avant-projet au Comité consultatif constitutionnel
27,28 août 1958Discours de M. Debré au Conseil d'État. Examen de l'avant-projet par le Conseil d'État
.
4 septembre 1958Adoption du projet de Constitution en conseil des ministres.
4 octobre 1958Promulgation de la Constitution.
23 et 30 novembre 1958Elections législatives
21 décembre 1958Elections présidentielles
8 janvier 1959Entrée en fonction du président de la République, Charles De Gaulle et nomination de Michel Debré comme Premier ministre.

La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 fixait non seulement les conditions de forme ou de procédure, mais aussi les conditions de fond, c’est à dire les principes sur lesquels s’appuiera la nouvelle Constitution.

2.1.2.1. Les conditions de forme

Dans un premier temps, le Gouvernement élabore un projet de révision qui dans un deuxième temps est soumis à l’approbation du peuple après avis de certains organismes.

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La rédaction du projet par le Gouvernement

C’est un comité interministériel regroupant sous l’autorité du Général De Gaulle, le Garde des sceaux, Michel Debré, les quatre ministres d’État ainsi que René Cassin, vice-président du Conseil d’État et Georges Pompidou, Chef de cabinet du Général qui fera l’essentiel du travail en tenant compte des orientations du Général De Gaulle qui prône un système construit autour du président, mais aussi de celles de Michel Debré favorable lui à un régime parlementaire rénové et enfin de celles des ministres d’État favorables à la rationalisation du régime parlementaire.

La consultation d’organismes

Deux organismes sont prévus dans la loi du 3 juin 1958.

  • Le Comité Consultatif Constitutionnel

Il est composé de 39 membres dont 26 parlementaires élus par les commissions des deux assemblées et 13 personnalités nommées par le Gouvernement. Il est présidé par Paul Reynaud.

Il est intervenu du 29 juillet au 14 août 1958. Il a notamment contribué à préciser les contours de la Communauté française.

  • Le Conseil d’État

C’est l’Assemblée générale du Conseil d’État qui se prononcera le 27 août 1958. Elle fera quelques propositions concernant la délimitation du domaine de la loi et du règlement.

L’approbation du texte par le peuple : le référendum du 28 septembre 1958

Le texte du projet sera définitivement adopté par le Gouvernement le 3 septembre, afin d’être officiellement présenté, le jour suivant, par le Général De Gaulle au peuple français lors d’un grand rassemblement sur la place de la République à Paris. La campagne référendaire était lancée. Les grands partis, des indépendants à la SFIO en passant par le MRP feront campagne pour le oui. Le Parti Communiste, l’extrême droite et certains éléments de la gauche modérée : les mendésistes, l’UGS, et le PSA formé par des dissidents de la SFIO feront campagne eux pour le non.

A l’issue du scrutin, le OUI l’emportera en Métropole et en Outre-mer.

Total% inscrits% exprimésMétropole% exprimés
Electeurs28 185 47827 582 113
Abstentions6 490 91523,036 280 297
Votants21 694 56376,9721 301 816
Nuls569 5092,02559 758
Exprimés21 125 05474,9520 742 058
Oui13 150 51646,6562,2512 809 36361,75
Non7 974 53828,2937,757 932 69538,25

2.1.2.2. Les conditions de fond

Le cadre dans lequel la nouvelle Constitution doit s’inscrire est énoncé par la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 à travers cinq grands principes.

La démocratie

La loi précise en effet : « C’est du suffrage universel ou des instances élues par lui que dérivent le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ».

La démocratie libérale

Elle indique également que « le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés » mettant ainsi en exergue le principe de la séparation des pouvoirs autour duquel s’articule le caractère libéral de la démocratie.

Le régime parlementaire

Le texte rappelle de plus que « le Gouvernement doit être responsable devant le Parlement » ce qui renvoie à la définition, un peu sommaire certes, mais bien réelle du régime parlementaire.

L’État de Droit

La loi constitutionnelle affirme aussi que : « L’autorité judiciaire doit demeurer indépendante pour être à même d’assurer le respect des libertés essentielles telles qu’elles sont définies par le Préambule de la Constitution de 1946 et par la Déclaration des droits de l’homme à laquelle il se réfère » ce qui n’est rien d’autre que la définition de l’État de droit.

La Communauté française

Pour finir la loi constitutionnelle précise que la future Constitution doit également organiser les « rapports de la République avec les peuples qui lui sont associés », ce qui sera fait à travers la Communauté française.

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2.2. La révision de la Constitution

Réviser la Constitution c’est mettre en œuvre le pouvoir constituant dérivé. Ce qui revient à dire que la Constitution est réécrite selon une procédure que la Constitution elle-même a prévue.

La Constitution actuelle a connu 24 révisions depuis 1958. Lors des deux premières, des procédures exceptionnelles ont été mises en œuvre, ce n’est que par la suite que l’on recourra à la procédure normale, c’est à dire celle prévue par l’article 89.

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2.2.1. La procédure normale : l’article 89

Elle se déroule selon un schéma complexe auquel l’on recourra à plusieurs reprises.

2.2.1.1. Le déroulement de la procédure

L’article 89 prévoit trois étapes :

L’initiative

Le président de la République peut prendre l’initiative de la révision sur proposition du Premier ministre. Elle se traduit par un projet de loi constitutionnelle qui est adopté en Conseil des ministres.

L’initiative appartient également aux parlementaires individuellement. Dans ce cas elle prendra la forme d’une proposition de loi constitutionnelle.

L’adoption
  • C’est le Parlement qui adopte le projet ou la proposition de loi constitutionnelle. Cela signifie que le texte doit être adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées à la majorité simple, comme pour n’importe quelle loi ordinaire.
  • Comme on le dit couramment, l’Assemblée nationale et le Sénat doivent être d’accord. Toutefois à la différence de ce qui se passe en matière législative ordinaire le Gouvernement ne peut donner le dernier mot à l’Assemblée nationale. Si donc le Sénat rejette le texte, la révision ne pourra aboutir. Ainsi le Sénat dispose-t-il d’un véritable droit de veto qu’il a d’ailleurs déjà utilisé pour écarter deux projets en 1984 et en 1990.
L’adoption définitive

C’est le peuple lui-même ou c’est le Parlement qui adopte définitivement la loi constitutionnelle.

  • La formule de la démocratie semi-directe

En principe, c’est le peuple qui adopte définitivement le texte. A cette fin un référendum est organisé. Mais cette voie référendaire peut être écartée.

  • La formule de la démocratie représentative

C’est le Parlement sous la forme du Congrès qui se prononce définitivement à la majorité des 3/5e. Le Congrès est la troisième assemblée parlementaire. Elle rassemble tous les députés et de tous les sénateurs.

Cette formule ne peut être mise en œuvre qu’à deux conditions. D’abord et surtout, il faut que l’initiative de la révision émane du président de la République et non pas de parlementaires. Ensuite il faut que le président de la République décide d’emprunter cette voie.

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2.2.1.2. Le recours à la procédure

Il n’est pas toujours possible de recourir à la révision. L’article 89 précise en effet « La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision ». D’autre part, dans certaines circonstances la révision sera également impossible. C’est le cas, « lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire » (art. 89), pendant la période d’application de l’article 16 (CC, 2 sept 1992 Maastricht II) et enfin, pendant l’intérim présidentiel (art 7).

Les révisions ayant abouti

LES 22 REVISIONS DE LA CONSTITUTION DANS LE CADRE DE L’ARTICLE 89

Charles DE GAULLE 1 révision

  • Loi constitutionnelle n° 63-1327 du 30 décembre 1963 (J.O. du 31 décembre 1963) : dates d'ouverture et de clôture de la seconde session ordinaire du Parlement.

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 20 décembre 1963

Valéry GISCARD D’ESTAING 2 révisions

  • Loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974 (J.O. du 30 octobre 1974) : possibilité pour 60 députés ou 60 sénateurs de déférer une loi au Conseil constitutionnel.

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 21 octobre 1974

  • Loi constitutionnelle n° 76-527 du 18 juin 1976 (J.O. du 19 juin 1976) : intérim de la Présidence de la République.

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 14 juin 1976

François MITTERRAND 3 révisions

  • Loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 (J.O. du 26 juin 1992) : dispositions permettant de ratifier le traité de Maastricht (Union économique et monétaire, vote des ressortissants européens aux élections municipales, politique commune des visas) ; dispositions relatives à la langue française, aux lois organiques relatives aux TOM et aux résolutions parlementaires sur les actes communautaires.

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 23 juin 1992

  • Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993 (J.O. du 28 juillet 1993) : responsabilité pénale des ministres (Cour de justice de la République).

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 19 juillet 1993

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 19 novembre 1993

Jacques CHIRAC 14 révisions

  • Loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995 (J.O. du 5 août 1995) : session parlementaire unique - du premier jour ouvrable d'octobre au dernier jour ouvrable de juin -, séance réservée à un ordre du jour fixé par chaque assemblée, aménagement du régime des immunités parlementaires et élargissement du champ d'application du référendum.

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 31 juillet 1995

  • Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 (J.O. du 23 février 1996) : loi de financement de la sécurité sociale.

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 19 février 1996

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 6 juillet 1998

  • Loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier 1999 (J.O. du 26 janvier 1999) : dispositions permettant de ratifier le traité d'Amsterdam.

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 18 janvier 1999

  • Loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 (J.O. du 9 juillet 1999) : mesures propres à favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes.

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 28 juin 1999

  • Loi constitutionnelle n° 2000-964 du 2 octobre 2000 (J.O. du 3 octobre 2000) : réduction à cinq ans de la durée du mandat du Président de la République.

Art 89 Initiative présidentielle Référendum du 24 septembre 2000

  • Loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 (J.O. du 26 mars 2003) : mandat d'arrêt européen.

Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 (J.O. du 29 mars 2003) : organisation décentralisée de la République.

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 17 mars 2003

  • Loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 (J.O. du 2 mars 2005) : dispositions permettant de ratifier le traité établissant une Constitution pour l'Europe et rédaction visant à tenir compte de son entrée en vigueur.

Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 (J.O. du 2 mars 2005) : Charte de l'environnement.

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 17 mars 2003

  • Loi constitutionnelle n° 2007-237 du 23 février 2007 (J.O. du 24 février 2007) : corps électoral de la Nouvelle-Calédonie.

Loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007 (J.O du 24 février 2007) : responsabilité du Président de la République (Haute Cour).

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 19 février 2007

Nicolas SARKOZY 2 révisions

  • Loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution (J.O. du 5 février 2008) : dispositions permettant de ratifier le traité de Lisbonne et rédaction visant à tenir compte de son entrée en vigueur.

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 4 février 2008

  • Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République (J. O. du 24 juillet 2008) : réforme d'ensemble des institutions.

Art 89 Initiative présidentielle Congrès du 21 juillet 2008

Les révisions n’ayant pas abouti

Deux cas doivent être distingués :

  • Les révisions rejetées

Dans ce cas l’une ou l’autre des assemblées n’adopte pas le texte et il n’est plus possible de poursuivre la procédure. Deux cas peuvent être cités :

Le projet de loi constitutionnelle du 12 juillet 1984 (élargissement du domaine du référendum)

Le projet de loi constitutionnelle du 29 mars 1990 (exception d’inconstitutionnalité)

  • Les révisions suspendues

Ici la situation et différente puisque, soit les assemblées se prononcent favorablement, mais le président ne soumet pas le texte au référendum ou au Congrès. C’est ce qui s’est passé pour :

Le projet de loi constitutionnelle du 10 septembre 1973 (quinquennat)

Le projet de loi constitutionnelle du 10 juin 1974 (statut des suppléants)

Le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques du 16 mars 2011. Ce texte avait été adopté par les deux assemblées en termes identiques, mais le décompte des voix ne laissait pas espérer l’obtention d’une majorité des 3/5 au Congrès.

Soit le projet de loi constitutionnelle n’est pas examiné par une assemblée, ce fut le cas pour

Les projets de lois constitutionnelles du 10 mars 1993

Enfin, il est arrivé que le Congrès qui devait se prononcer définitivement après avoir été convoqué par le président de la République ait été reporté (janvier 2000). Cela s’est produit pour :

Le projet de loi constitutionnelle du 15 avril 1998 (réforme du CSM)

2.2.2. Les procédures exceptionnelles

Paradoxalement les premières révisions intervenues sous la Ve ont emprunté des voies permettant de contourner l’article 89.

2.2.2.1. L'ancien article 85

Cet article de la Constitution a été supprimé lors de la révision constitutionnelle du 4 août 1995. Il prévoyait une procédure de révision exceptionnelle tant par son domaine que par son utilisation.

  • Une procédure exceptionnelle par son domaine

Cette procédure ne permet de réviser que l’ancien Titre XII de la Constitution relatif à la Communauté française.

  • Une procédure exceptionnelle par son utilisation

L’article 85 a été mis en œuvre une seule fois à travers la loi constitutionnelle du 4 juin 1960 qui révisait l’article 85 lui-même.

2.2.2.2. Le référendum de l’article 11

L’article 11 a été utilisé plusieurs fois pour réviser la Constitution ce qui a engendré des contestations importantes.

  • Les différents recours à l’article 11

Par deux fois le général De Gaulle utilisera cette procédure.

Dans le premier cas, il s’agira d’un succès, le peuple ratifiera le projet lors du référendum du 28 octobre 1962 qui débouchera sur loi constitutionnelle du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au SUD

Dans le dernier cas, ce sera un échec qui se traduira, non seulement par le rejet du texte, mais aussi et surtout par la démission du général De Gaulle. (Référendum du 27 avril 1969 (régionalisation et rénovation du Sénat))

  • La contestation de ces recours

Pour la majorité de la doctrine et de la classe politique de l’époque, ce référendum ne pouvait être utilisé pour réviser la Constitution. Ce référendum est en effet un référendum législatif. Le référendum constituant étant lui prévu par l’article 89.

Désormais, la révision s’est banalisée pas seulement, en termes quantitatifs, mais aussi dans son esprit. La révision n’est plus en effet cette procédure présidentielle qui permettait au chef de l’État d’en retirer les bénéfices politiques. Elle est devenue une procédure purement technique qui permet simplement d’opérer quelques modifications du texte constitutionnel. En cela elle s’est normalisée.

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