Par Eric Guérin

Dernière mise à jour : juillet 2019

L’exécutif de la Vème est bicéphale. Cela signifie qu’il se compose de deux têtes, le Président de la république et le Gouvernement qui trouve une place de choix. Si les deux têtes de l’exécutif ont des prérogatives d’importances équivalentes la légitimité de l’élection au suffrage universel dont peut se prévaloir le président affecte considérablement la relation entre les deux têtes de l’exécutif. Le bicéphalisme de la Vème République est donc inégalitaire.

1 Le président de la République

La fonction présidentielle est apparue avec la IIème République en 1848. C’est au même moment qu’apparait en France le suffrage universel qui conduira Napoléon III à la fonction présidentielle. L’élection au suffrage universel est ensuite abandonné pour réapparait en 196. Depuis l'élection du président au suffrage universel en 1962, il s'agit de la fonction politique la plus prestigieuse et la plus respectée en France. Cette importance si considérable découle tant du statut attaché à la fonction que de l’importance des pouvoirs qui lui sont confiée.

1.1 Le statut du président

Le statut du président est unique en raison de son mode de désignation et de la protection dont il bénéficie.

1.1.1 L’élection au suffrage universel direct

Depuis 1962 le président de la République est élu au suffrage universel direct (la première élection a lieu en 1965). Cette élection est un puissant facteur de légitimité.

Cependant, en 1958, le président est élu par un collège électoral qui dépasse largement le Parlement. Environ 80 000 grands électeurs, maires et conseillers généraux, élisent le président. Ce sont donc essentiellement des ruraux qui choisissent le chef de l'État alors qu'une grande majorité des Français vivent en ville. C'est en partie pour corriger ce défaut de représentativité que de Gaulle propose en 1961 d'élire le président de la République au suffrage universel. Il choisit d'utiliser la procédure de référendum direct prévue par l'article 11 de la constitution de 1958 plutôt que de recourir à la procédure de révision normale, avec accord préalable du Parlement telle qu'elle est prévue par l'article 89. Mécontente, l'Assemblée nationale met le gouvernement en minorité. De Gaulle la dissout, procède à de nouvelles élections qui confortent son soutien populaire. Le référendum du 28 octobre 1962 approuve par 61,7% de oui le changement de mode d'élection du président. La loi est promulguée le 6 novembre 1962.

Depuis 1962, le président de la République est donc élu au suffrage universel direct (article 6 de la constitution). Le scrutin est uninominal et comporte deux tours. La durée du mandat était de sept ans (septennat), comme depuis le début de la IIIe République, réduit à cinq ans depuis la réforme constitutionnelle de 2000 instaurant le quinquennat. Cette loi a pris effet pour la première fois avec la réélection de Jacques Chirac en 2002. Cette révision avait pour objet d’éviter une nouvelle cohabitation en faisant coïncider la durée du mandat présidentiel avec la durée du mandat des députés. En outre, le mandat ne peut désormais n’être renouvelle qu’une fois consécutivement à la première élection.

1.1.2 L’irresponsabilité politique du président et la question de sa responsabilité pénale

Comme dans les autres constitutions républicaines, le président est irresponsable politiquement devant les assemblées (article 67 de la Constitution). De plus, il est difficilement concevable qu’il en soit autrement dès lors qu’il est élu au suffrage universel direct. Une éventuelle responsabilité politique entrainerait un conflit de légitimité avec celle des députés également élus au suffrage universel direct.

Le président est irresponsable pénalement et civilement pour les faits qu'il a commis durant son mandat (article 67). Il ne peut pas être jugé, mis en accusation ou cité à comparaître qu'après un délai de un mois suivant la fin de son mandat. Mais, depuis la réforme du statut pénal du président du 23 février 2007 il peut être destitué durant son mandat par un vote des deux tiers de la Haute Cour (article 68). Néanmoins, étant donné qu'il n'existe pas plus de définition juridique précise du manquement du président de la République à ses devoirs, manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat qu'il n'y en avait pour le crime de haute trahison qu'il remplace, certaines doctrines sont amenées à craindre que la Haute Cour (composée de parlementaires) pourrait l'utiliser comme moyen de mise en jeu de la responsabilité politique du président comme cela a pu être le cas au Etats unis avec Bill Clinton. Néanmoins, le risque de l'utilisation partisane de cette procédure est diminué du fait que la mise en accusation est effectuée par un vote des deux tiers des membres de chaque chambre du parlement.

Il n’y a rien de choquant à protéger le statut du président de la République à la fois en raison de la nature de sa fonction et de l’importance de ses missions. Néanmoins on peut s’interroger sur l’opportunité de cette double irresponsabilité pénale et politique. De fait le président n’est responsable que devant la nation. C’est en tout cas ainsi que les pères fondateurs l’entendaient. Par exemple, le général de Gaulle a estimé que le recours au référendum engageait sa responsabilité devant le peuple. Ceci explique pourquoi il a démissionné après l'échec du référendum de 1969, alors qu'il disposait d'une large majorité à l'Assemblée Nationale. En revanche, ses successeurs n'ont pas semblé avoir la même conception des institutions. Ainsi, François Mitterrand a refusé de démissionner après les élections parlementaires favorables à la droite en 1986 (ce qui provoqua la première cohabitation) ; de plus, lors de réélections, la sanction d'une politique menée par le président n'est pas un facteur unique, ni même le plus important (le chiffre record de 82,21% des voix en 2002 en faveur de Jacques Chirac s'explique d'abord et avant tout en raison de la personnalité du candidat concurrent, Jean-Marie Le Pen).

1.2 Les attributions du président

L'article 5 de la Constitution fait du président le garant des institutions et de la Constitution, de l'indépendance nationale et de l'intégrité du territoire. Pour les constituants, le président n'a pas vocation à intervenir dans la gestion quotidienne des affaires. Le chef de l'exécutif est, dans les textes, le Premier ministre qui « détermine et conduit la politique de la nation » (article 20). Le chef de l'État est un arbitre entre les différents pouvoirs (article 5) et qui, bien qu'ayant un faible pouvoir autonome, a pour principal pouvoir celui de demander à une autre autorité d'agir.

Cela ne l'empêche pas de donner les grandes orientations du pays, de demander au gouvernement de les suivre et de les traduire dans des textes si nécessaire». Il assure d'une manière souple la séparation des pouvoirs. Il incarne la France au niveau international et est un recours en cas de situation grave. Dès 1959, De Gaulle fait de la diplomatie et de la défense, le domaine réservé du président de la République.

Cette vision cependant, n'a jamais été mise en pratique, car le premier président, le général de Gaulle, s'est servi de son poids historique pour s'accaparer l'ensemble des prérogatives de son Premier ministre, Pompidou. À partir de 1962 et jusqu'en 1986 (date de la première cohabitation), la pratique « normale » des institutions s'est établie. La lecture de la Constitution, qui établit un régime parlementaire, se fait cependant dans un sens favorable au président. De fait, le président de la République est le véritable chef de l'exécutif car il utilise pleinement et même au-delà, les pouvoirs que lui octroie la Constitution.

Si l’on se limite au texte constitutionnel le président de la république dispose de trois catégories de pouvoirs :

1.2.1 Des pouvoirs propres

L'article 8 de la constitution de 1958 donne au président le droit de nommer le Premier ministre.

Le président possède le droit de dissolution de l'Assemblée nationale selon l'article 12. C'est une prérogative personnelle sans contreseing, mais il doit respecter certaines conditions comme consulter au préalable le Premier ministre et les présidents des deux chambres. Il n'est en rien tenu de suivre leur avis. La dissolution est une arme efficace contre les parlementaires tentés de s'opposer au gouvernement. Les nouvelles élections doivent avoir lieu entre 20 et 40 jours après la signature du décret. Depuis 1958, on compte 5 dissolutions, la dernière en 1997 est la seule qui n'a pas donné au président la majorité escomptée. Le droit de dissolution a cependant quelques limites : le président ne peut procéder à une nouvelle dissolution pendant un an. Celle-ci est impossible quand l'article 16 est mis en œuvre.

L'article 16 permet au président dans des périodes de crise de concentrer presque tous les pouvoirs. Il s’agit en fait d’une véritable « dictature constitutionnelle ». Il fixe les conditions dans lesquels il peut être mis en application. Les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire, l'exécution des engagements internationaux doivent être menacés d'une manière grave et immédiate. Il faut que les circonstances aient pour conséquence d'interrompre le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels. Il existe aussi des conditions de formes peu contraignantes. Le président doit consulter le Premier ministre, les présidents des assemblées et le conseil constitutionnel. Il doit informer la Nation de sa décision.

Dès lors, le président peut prendre toutes les mesures exigées par les circonstances. La constitution ne fixe aucune limite mais l'article 16 précise que ces mesures doivent être inspirées par la volonté d'assurer le retour à la normale dans les moindres délais. Se pose le problème de contrôle du président en période extraordinaire. En effet, si le parlement continue à se réunir, il n'a aucun pouvoir de contrôle car le président est irresponsable devant lui. Le président ne peut cependant ni dissoudre l'Assemblée nationale, ni organiser un référendum pendant toute la durée de la mise en application de l'article 16.

L'article 16 n'a été mis en application qu'une seule fois, en 1961 après le putsch des généraux à Alger. La situation a été vite rétablie mais l'article 16 avait été maintenu pendant 5 mois.

1.2.2 Des pouvoirs partagés

L'article 8 de la Constitution prévoit que sur proposition du Premier ministre, le président nomme les membres du gouvernement. Très souvent le président impose une grande partie de ses choix au Premier ministre sauf en période de cohabitation. C’est également le président qui assure la présidence du Conseil des ministres.

L'article 13 donne au président des attributions réglementaires. Il signe les ordonnances et les décrets après délibération au conseil des ministres. Il partage ce pouvoir réglementaire avec le Premier ministre. Il lui arrive cependant de signer des décrets qui n'ont pas fait l'objet d'une discussion au conseil des ministres. L'article 13 précise aussi que le président nomme aux emplois civils et militaires. En fait il exerce cette prérogative pour les emplois les plus importants : les conseillers d'État, les ambassadeurs, les envoyés extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour des Comptes, les préfets, les officiers généraux, les recteurs d'académie, les directeurs d'administrations centrales.

L'article 14 lui donne de grandes prérogatives en matière de diplomatie. Il symbolise l'État français auprès des autres pays. Il accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires, met en application les nouveaux traités.

L'article 15 fait du président le chef des armées. Il préside les comités supérieurs de la défense. Depuis 1996, il engage la force nucléaire.

Le président de la République dispose du pouvoir de promulguer les lois. Il peut saisir le Conseil constitutionnel en cas d’inconstitutionnalité d’une loi.

Il nomme trois membres du Conseil constitutionnel dont le président de l’institution.

Les attributions du président en relation avec l'autorité judiciaire sont elles aussi très importantes. Il est le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Il a le droit de grâce, mais il a l'obligation de prendre auparavant l'avis du conseil supérieur de la magistrature. De plus, le décret de grâce doit être contresigné par le Premier ministre et le ministre de la Justice.

Il peut également prendre l’initiative de soumettre une question à référendum en application de l’article 11 de la Constitution.

1.2.3 Les domaines réservés

Les domaines réservés du chef de l’Etat sont issus de la pratique constitutionnelle qui consiste à reconnaitre une compétence particulière à ce dernier dans deux domaines : les relations internationales et la défense. Bien que dites réservées, ces compétences entrent en concurrence avec celles du gouvernement.

2 Le gouvernement

L’action du gouvernement et sa responsabilité sont collectives. Cependant, la Constitution de 1958 a consacré le chef du gouvernement et lui confie des missions particulières.

2.1 Le premier ministre

Les dispositions applicables aux ministres le sont aussi dans une large mesure au premier ministre. Toutefois, ce dernier occupe une place à part.

2.1.1 Statut

Le premier ministre est nommé par le chef de l’Etat qui en principe ne peut le révoqué. Le premier ministre peut cependant être renversé avec son gouvernement par l’assemblée nationale.

2.1.2 Attributions

Le premier ministre est le chef du gouvernement. Cela signifie qu’il dirige l’action du gouvernement. En outre, il dispose du pouvoir règlementaire autonome qui découle de l’article 37 de la Constitution.

2.1.2.1 Il assure la direction du Gouvernement

Le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement (article 21 de la Constitution). A ce titre, il personnifie et représente le Gouvernement et parle en son nom (lors de la présentation de son programme ou de l’engagement de responsabilité en particulier).

Il exerce également une autorité politique sur les membres du Gouvernement qui se traduit, notamment, par un pouvoir de coordination de l’action gouvernementale et d’arbitrage en cas de divergences. Il préside les comités interministériels.

2.1.2.2 Le pouvoir réglementaire autonome

Le Premier ministre détient le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires (article 21 de la Constitution). C’est donc à lui qu’il appartient de prendre les règlements nécessaires à l’application des lois; ceux-ci sont, le cas échéant, contresignés par le ou les ministres chargés de leur exécution. Il dispose également du pouvoir règlementaire de l’article 37 de la Constitution.

Ce pouvoir réglementaire et ce pouvoir de nomination sont toutefois partagés avec le Président de la République pour les décrets et les désignations aux emplois supérieurs pris en Conseil des ministres. Il peut être délégué aux ministres mais ceux-ci n’en disposent pas en propre : ils n’ont qu’un pouvoir d’administration sur leur département ministériel.

2.1.2.3 Il participe à la procédure législative

Il est le seul, au sein du pouvoir exécutif, qui dispose de l’initiative des lois et dispose de choisir l’assemblée devant laquelle sera déposé le projet de loi (à l’exception des rares cas où une priorité d’examen est prévue par l’ article 39 de la Constitution), il maîtrise une partie de l’ordre du jour du Parlement, il choisit les amendements déposés au nom du Gouvernement, il peut décider d’opter pour certaines procédures (procédure accélérée, convocation d’une commission mixte paritaire, vote bloqué, etc.).

2.1.2.4 Les autres attributions

Outre les attributions déjà mentionnées, le principal pouvoir du Premier ministre réside dans le contreseing qu’il apporte aux actes du Président de la République.

Il peut également :

  • saisir le Conseil constitutionnel des lois votées avant leur promulgation (article 61 de la Constitution) et des engagements internationaux (article 54) ;
  • demander au Sénat l’approbation d’une déclaration de politique générale (article 49, alinéa 4) ;
  • décider, après consultation du Président de l’assemblée concernée, de faire siéger une assemblée plus de 120 jours au cours d’une même session ordinaire (article 28, alinéa 3) ;
  • demander au Président de la République de convoquer le Parlement en session extraordinaire (article 29, alinéa premier) ;
  • demander au Président de la République de prendre l’initiative d’une révision de la Constitution (article 89) ;
  • donner un avis au chef de l’État sur une dissolution éventuelle de l’Assemblée nationale ou sur un recours aux pouvoirs exceptionnels de l’article 16.

2.2 Le gouvernement

Le gouvernement français est l’un des organes majeurs de l’exécutif français. Il détermine et conduit la politique de la nation, selon l’article 20, alinéa 1, de la Constitution de 1958. Il est composé du premier ministre et de l’ensemble des ministres. Leur titre est aujourd'hui principalement protocolaire et sert à démontrer l’importance du ministre ou du portefeuille qu’il gère, voire les deux. Ils peuvent organiser des réunions interministérielles, normalement apanage du seul Premier ministre ; par tradition, il leur est également permis de prendre la parole lors du conseil des ministres pour donner leur avis sur un domaine non rattaché à leur ministère.

2.3 Statut

Les ministres sont nommés par le président de la République sur proposition du premier ministre.

Les ministres sont politiquement responsables comme l’est l’ensemble du gouvernement de façon collégiale (voir fiche sur le Parlement pour la description des mécanismes de mise en œuvre de la responsabilité). Selon la nouvelle rédaction de l'article 68-1 de la Constitution, les ministres seraient jugés par les juridictions pénales de droit commun, y compris pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions. Pour éviter les mises en causes abusives, la procédure sera aménagée. Les poursuites devront être autorisées par une commission des requêtes composée de trois magistrats du siège à la Cour de cassation, deux membres du Conseil d'État et deux magistrats de la Cour des comptes. Le jugement de ces affaires sera confié aux juridictions de Paris compétentes, composées d'au moins trois juges.

2.4 Attributions

Il revient au gouvernement de « déterminer et conduire la politique de la Nation », selon les termes de l’article 20 de la Constitution de 1958. La définition des politiques et des objectifs gouvernementaux se traduit en pratique par la rédaction de projets de lois et de décrets. Chaque décision politique doit en effet s'inscrire tôt ou tard dans un texte juridique. Tous les projets de lois ainsi que certains types de décrets doivent être adoptés en Conseil des ministres. C'est en effet lors du Conseil des ministres que le gouvernement définit de manière collective l'orientation de sa politique et prend les mesures essentielles destinées à la mettre en œuvre. L'action gouvernementale apparaît ici dans une de ses dimensions essentielles : la collégialité.

Les Ministres : ils dirigent les départements ministériels ; ils ont un pouvoir d’organisation et de fonctionnement sur leur administration.

Les ministres disposent du pouvoir réglementaire dérivé. C’est à dire qu’ils sont habilités à prendre les mesures d’exécution de la loi.

Les Ministres délégués : placés sous l'autorité des Ministres et, plus rarement, du Premier ministre, ils reçoivent délégation de certaines compétences.

Les ministres délégués participent toujours au Conseil des ministres, quel qu’en soit l’ordre du jour. Au contraire, les secrétaires d'État n’y participent que lorsque l'ordre du jour les concerne.

Tags :
    
© 2023 CNFPT