Par Éric Guérin : docteur en droit public
Dernière mise à jour : Octobre 2016

L’administration a l’habitude d’imposer sa volonté par voie d’actes unilatéraux. L’acte unilatéral est le moyen commun d’action de l’administration. A l’inverse les relations entre personnes privées reposent sur le consensualisme. Le contrat est l’instrument juridique adapté aux relations entre personnes privées. Pourtant, l’action publique passe désormais par la voie d’actions négociées avec des partenaires libres. On parle aujourd’hui de contractualisation de l’action administrative en raison de la généralisation et de la pérennisation du recours aux relations contractuelles dans la mise en œuvre des politiques publiques.

L’opposition entre contrat et acte unilatéral ne doit pas être présentée de façon aussi radicale. Il est très fréquent que l’administration avant d’édicter une règlementation consulte la population ou les partenaires sociaux. Avant d’édicter une réglementation dans le secteur de la santé le gouvernement prend soin de recueillir l’accord des représentants de médecins, des laboratoires et autre organes intéressés à la décision. Le recueil de ce consentement peut prendre la forme d’un protocole qui n’a pas nécessairement la force obligatoire de la loi mais qui témoigne de la volonté d’assouplir les conditions d’édiction d’une nouvelle réglementation. Le processus de contractualisation doit permettre une meilleure réalisation de l’intérêt général et devenir le fondement d'un modèle d'Etat plus efficace économiquement et socialement, plus conforme à l'idée d'un Etat démocratique.

1. Les raisons de la contractualisation

La raison du développement de la contractualisation des politiques publiques est double. D’une part, il existe une raison négative, le dépassement d’une certaine vision de l’action de l’Etat. D’autre part, une raison positive, le recours à la contractualisation permettrait une action plus efficace de l’administration.

1.1 Une conception obsolète de l’action de l’Etat

1.1.1 La fin de l’Etat Léviathan

La contractualisation s'oppose à l'image d'un Etat paternaliste qui connaît mieux l'intérêt général et les besoins des citoyens que les citoyens eux-mêmes. L’Etat établissait unilatéralement les priorités et définissait seul les moyens de les réaliser. L'administration dans son ensemble est, pour sa part, uniquement chargée de la mise en œuvre des décisions du gouvernement. Cette modalité d’intervention de la puissance publique est renforcée en France par l’importance de la structure administrative d’un Etat fortement centralisé. Cette conception de l’Etat n’est pas dénuée de vertu. En effet pour réaliser de grand projet d’aménagement du territoire (conception d’un réseau de transport) l’existence d’un Etat fort, capable d’imposer sa volonté peut s’avérer précieux. Toutefois, la conception d’un Etat Léviathan présente également certains dangers. L’Etat a sa propre logique qui peut ne pas toujours être celle de l’intérêt général. Les implications de l’Etat Léviathan peuvent s’avérer dangereuse sur le plan économique. L’Etat déployant sa propre logique croit sans cesse et augmente les dépenses publiques qui deviennent des impôts.

Ce développement inconsidéré de l’Etat provoque des lourdeurs et un cout inconsidéré des services publics. De plus, un secteur public trop important entraîne des taxes trop lourdes qui grèvent la compétitivité des entreprises privées et augmente le déficit, l’inflation. Cette situation appelle une réorganisation de l’Etat.

A cette critique s’en ajoute une autre qui conteste l’intervention de l’Etat dans la sphère économique. Certaines activités devraient par nature relever de la sphère privée. En France, la notion de service public a pris une telle dimension qu’elle est susceptible de recouvrir toutes les activités humaines et de fonder l’intervention de la puissance publique dans tous les domaines. Ainsi, certains militent pour une limitation de l’intervention de la sphère de la puissance publique. La contractualisation des politiques publique peut être un moyen de limiter la logique de la croissance sans fin de l’Etat.

1.1.2 La contestation de l’Etat hiérarchique

La contractualisation de l’action publique permet de rapprocher la décision des besoins et de limiter le caractère fortement hiérarchique de l’action de l’administration. Il s’agit la d’une question de sociologie des organisations. Un choix élaboré au sommet de la hiérarchie peut plus difficilement être modifiée en fonction des intérêts et des besoins des intermédiaires chargés de l'exécution de la décision. Par ailleurs, l’excès de réglementation force aussi les fonctionnaires à chercher des solutions qui leur sont propres. Plus encore, elles deviennent inappliquées voire inapplicables, ce qui laisse finalement une grande liberté au fonctionnaire pour interpréter les règles comme il le peut, sinon comme il l'entend. Très souvent l'application stricte d'une décision claire est illusoire et la négociation informelle reste la règle. Un phénomène connu en science administrative montre comment une autorité administrative doit parfois renoncer à ses prorogatives légales pour adopter une position plus souple. Le préfet dans sa tache de contrôle des collectivités territoriales doit tenir compte de la position des élus locaux car dans un grand nombre de situations il ne peut se passer de leur collaboration. Leurs imposer une solution tel que le prévoit la loi peut dans certains cas s’avérer négatif alors que la négociation peut permettre de préserver les intérêts respectifs de l’Etat et des collectivités territoriales.

Les supérieurs hiérarchiques ne sont pas forcément les plus à mêmes de prendre les bonnes décisions. Plus on se rapproche du terrain, plus on est à même de savoir quelles décisions prendre, et plus on est capable de mettre en œuvre ces décisions efficacement. La loi a tenté de prendre en considération cette circonstance. Notamment la loi ATR du 6 février 1992 redéfinie les missions entre les services déconcentrés de l’Etat, chargé de la gestion de l’action publique, et les services centraux, chargés de la direction, de l’évaluation et du contrôle. Mais ces dispositifs ne suffisent pas à assouplir la rigidité de l’action publique.

La pratique de la décision unilatérale a non seulement pour défaut d'accroître les risques d'erreur quand elle est mal informée auparavant, mais aussi de décourager la volonté des acteurs les plus à même de trouver les bonnes solutions. Ces acteurs, fonctionnaires ou citoyens se trouvent ainsi déresponsabilisés, ce qui diminue encore la capacité de l'Etat à trouver et mettre en place les bonnes solutions.

1.2 Un soucis d’efficacité de l’action publique

Passer un contrat signifie rendre des comptes. Les parties ayant des droits et des obligations réciproques. L'administration doit être responsable vis-à-vis de son sous-traitant et réciproquement. Le fonctionnaire, quant à lui, doit rendre des comptes de ses décisions à l'administration centrale qui le laisse plus libre et donc plus responsable. Le contrat étant un compromis, il permet non seulement de négocier le comment faire, mais aussi le que faire, c'est à dire qu'à chaque niveau où le contrat est pris il correspond à un objectif propre, chaque partie contractante a donc un pouvoir de décision, les objectifs ne viennent pas uniquement des niveaux hiérarchiques supérieurs. Cette responsabilité de chacune des parties doit pouvoir rendre plus effective la réalisation des objectifs du contrat.

L’efficacité attendue de la contractualisation est également d’ordre managérial. Les entreprises privées ont une compétence et un savoir faire que la puissance publique ne possède pas nécessairement. La contractualisation permet de faire appel à des compétences externes à l’administration ou pour lesquelles l’administration devrait fournir un effort qu’elle réaliserait plus difficilement que ne le permet l’initiative privée. Le contrat d’affermage (voir service public) est parfaitement adapté pour réaliser cet objectif.

2. Les mécanismes et les domaines de la contractualisation

La contractualisation des politiques publiques est une notion multiforme qui recouvre aujourd’hui autant des accords, non formalisés, qui n’ont le plus souvent qu’une portée morale ou politique mais non normative (tels que les accords entre deux services non personnalisés de l’Etat) ; que la technique de la coprésidence d’une commission (par le Préfet et le Président du Conseil général d’un comité départemental de l’insertion ou par le Préfet et le Président du Conseil régional de la conférence régionale d’aménagement et de développement du territoire) ; celle de la codécision du Préfet et du Président du Conseil générale (en matière d’action sanitaire et sociale par exemple) ; celle du partenariat institutionnel entre établissements publics de coopération intercommunale, syndicats mixtes, groupements d’intérêt public, sociétés d’économie mixte ou lorsqu’il s’agit d’associer des partenaires privés ; et enfin, celle du contrat qui ne laisse pas d’être ambiguë parce qu’il n’est pas toujours aisé de distinguer s’il s’agit d’un véritable acte juridique liant les parties ou d’une simple déclaration d’intention (les contrats de plan Etat-région de la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification n’emportent par eux-mêmes aucune conséquence directe quant à la réalisation effective des actions qui y sont mentionnées car les dotations en capital et subventions qu’ils prévoient ne peuvent être allouées que dans la limites des dotations figurant en lois de finances. (CE, 25/10/1996, Association Estuaire Ecologie). C’est dans cet ensemble de mécanismes, de régimes juridiques et d’acteurs institutionnels qu’il faut rechercher les véritables contrats et ceux qui n’en sont pas, c'est-à-dire les limites de l’action publique contractuelle. Ainsi, s’il existe des domaines interdits à la contractualisation il existe également des domaines privilégiés.

2.1 Les domaines interdits à la contractualisation

Il n’existe pas de liste légale ou constitutionnelle des matières interdites au contrat, on peut cependant dégager des domaines qui échappent par nature au contrat, et qui résultent des pouvoirs régaliens des personnes publiques : la police administrative, la monnaie, le commerce extérieur, les changes, l’Administration fiscale, la Justice. Ainsi, selon une jurisprudence assez fournie, les conventions relatives à l’exercice d’un pouvoir de décision unilatérale sont nulles ou sans effet. C’est le cas de la police administrative qui tenterait d’assurer l’ordre public par le recours au contrat (CE, 17/6/1932, Castelnaudary) ou des domaines traditionnels de puissance publique tels que la fiscalité (cass., 1895 et CE, 1967, Ministère de l’économie et des finances contre société Samat). Il est interdit à l’administration de transférer à un tiers le pouvoir de décision (CE, 30 septembre 1983, Fédération départementale des associations agréées de pêche de l’Ain), de prendre un engagement sur une décision à venir, telle que la nomination d’un fonctionnaire (CE, 23 janvier 1981, Siméon) ou la délivrance d’un permis de construire (CE, 24 février 1956, Leduc), de substituer le contrat à l’acte unilatéral lorsqu’un texte le prévoit (CE, Sect., 20 janvier 1978, Syndicat National de l’enseignement technique agricole public).

Plusieurs explications sont présentées par la doctrine pour justifier ces solutions. Ainsi certains auteurs soulèvent le caractère d’ordre public des compétences, et relèvent par ailleurs la contradiction existant entre le procédé contractuel et la fin légale de certaines interventions. Ainsi on considère que la puissance publique ne peut intervenir par voie contractuelle dans le domaine de la police administrative, car ce procédé est incompatible avec la fin assignée aux interventions de police : le maintien de l’ordre public. Cependant le champ d’application de la prohibition de l’intervention par voie contractuelle en matière de police administrative est plus limité qu’il n’y paraît. Ce qui est interdit aux autorités détentrices du pouvoir de police, c’est de tenter d’assurer l’ordre public par la voie du contrat. En revanche, des opérations matérielles comme les secours en montagne ou l’enlèvement des véhicules en stationnement illicite peuvent être confiées à des délégataires. Le contrat est encore concevable entre les autorités qui disposent de force de police. L’article 2212-6 du code général des collectivités territoriales prévoit ainsi la conclusion d’une convention de coordination entre le maire de la commune et le préfet lorsqu’un service comporte plus de quatre emplois d’agents de police. La Convention définie les missions de la police municipale et la coopération avec les forces de l’Etat.

Pour d’autres auteurs cependant, l’explication serait beaucoup plus simple et découlerait de l’incompétence des autorités signataires de ces conventions illégales pour les signer, du fait que la réglementation en vigueur prévoit seulement une décision unilatérale, alors que la compétence pour contracter suppose une habilitation. Ainsi, dans les domaines où le principe est l’intervention par voie de décision unilatérale réglementaire ou individuelle, tels que le droit fiscal, la fonction publique et les salariés des entreprises publiques, la police, ou la répartition des compétences de l’Etat et des collectivités locales, la loi a pu faire une place au contrat par voie d’exception

2.2 Les domaines privilégiés de la contractualisation

La contractualisation des politiques publiques est un phénomène diffus qui touche une multitude de domaines. Il est difficile d’établir un panorama complet de la contractualisation. Nous évoquerons ici les domaines qui semblent les plus représentatifs de ce mode d’action de l’administration.

2.2.1 La contractualisation dans le cadre de la planification économique

La contractualisation a particulièrement prospéré en France dans le cadre de la planification économique. Cette phase se traduit par l’apparition, dans le cadre de la planification économique, des quasi-contrats du Quatrième Plan (entre 1962 et 1965), des conventions de plan du Cinquième Plan (de 1966 à 1970) et de la pérennisation des contrats de plan opérée par la loi du 29 juillet 1982 sur la planification. Ceux-ci doivent dès lors contribuer « à la réalisation d’objectifs compatibles avec ceux du plan de la nation » et peuvent être négociés et conclus tant avec les collectivités locales qu’avec les entreprises publiques. Par ailleurs, cette période est marquée par les contrats entre l’Etat et les entreprises publiques tels que les contrats de programme consécutifs à la publication du Rapport Nora de 1967 qui pose la question de la clarification des rapports entre entreprises publiques et tutelle étatique ainsi que celle de la nécessaire modernisation du service public. Ils visent à rationaliser et stabiliser les relations de l'Etat avec les entreprises publiques (autonomie encadrée en prévoyant pour trois ou quatre ans la stratégie industrielle et commerciale de l'entreprise et en en déterminant les bases financières, visibilité croissante sur les tarifs des services en monopole, rationalisation des modalités de rémunération de l’Etat), les contrats d’entreprises conclus avec les Charbonnages de France et Air France en 1978, la SNCF et la Compagnie Générale maritime en 1979. Cette période est ainsi marquée par l’émergence progressive de la contractualisation comme technique plus souple et mieux adaptée aux enjeux économiques auxquels l’Etat entrepreneur est confronté. Ce recours à la planification sera ensuite prolongé avec les contrats de plan Etat-Région (voir ensuite).

2.2.2 La contractualisation dans le cadre de l’action des collectivités territoriales

De nouveaux développements de la contractualisation se font jour avec les lois de décentralisation du 2 mars 1982 et du 7 janvier 1983 qui conduisent à développer trois formes contractuelles : les premières ayant pour objet une prestation telle que les concours techniques de l’Etat aux collectivités; les contrats qui ont pour objet de permettre un exercice optimum des compétences notamment en matière d’attribution de compétences à des autorités intercommunales et les contrats de coopération et de programmation entre Etat et collectivités territoriales ou entre ces dernières.

Cette dernière catégorie connaît en premier lieu les contrats de plan Etat-région (CPER), créés par la loi du 29 juillet 1982 pour accompagner la décentralisation et la déconcentration de l'action publique et qui deviennent ainsi l’élément fondateur de la planification, de la régionalisation et de la montée en puissance des pratiques contractuelles : le Préfet de région, représentant de l'Etat, et le Président du conseil régional s'accordent sur un programme pour 7 ans (5 ans précédemment) d'actions en matière d'aménagement et de développement du territoire régional, chaque partenaire s'engage sur la nature et le financement des différentes opérations programmées.

La loi du 13 juillet 1991 institue les contrats de ville qui sont des partenariats entre l’Etat et les collectivités locales en matière de programmes locaux d’habitat engageant chacun des partenaires (y compris des organismes HLM, sociétés de transport...) à mettre en œuvre des actions concertées pour améliorer la vie quotidienne des habitants dans les quartiers connaissant des difficultés (chômage, violence, logement...) et prévenir les risques d'exclusion sociale et urbaine. Un contrat de ville dure 7 ans, toute la durée d'un plan. De plus, les habitants doivent être informés et consultés, ce qui tend à penser que la pratique contractuelle favorise la démocratie locale participative.

Durant les années 1982-1992, une nouvelle forme de contractualisation qui se développe au cœur de laquelle se trouvent les relations entre l’Etat, les collectivités territoriales et les services déconcentrés. Pour autant, il convient de s’interroger sur la nature juridique exacte de ces contrats. En ce qui concerne le statut juridique des contrats de coopération, le Conseil d’Etat a non seulement tendance à accepter cette qualification donnée par les parties mais aussi à la reconnaître à des relations que les parties n’avaient sans doute pas envisagées précédemment comme contractuelles (CE, 20/3/1996, Commune de St Céré, partage d’une taxe professionnelle entre deux communes résultant de l’addition de deux délibérations votées par les collectivités).

2.2.3 La contractualisation dans le cadre des activités de service public

Le recours à la contractualisation joue un rôle très important en matière de gestion des services publics. Il existe plusieurs formes de contrats qui confient l’exécution d’un service public dans l’intérêt général à un tiers afin de décharger une collectivité publique (concession, régie intéressée, affermage, gérance…). La délégation contractuelle de service public, suppose la conclusion d’un contrat entre l’autorité délégante et le délégataire. Un tel contrat confie l’exécution même d’une mission de service public à la personne privée qui contracte avec la personne publique. Il existe plusieurs types de contrat permettant de confier la gestion d’un service public à une personne privée en mettant à sa charge les risques et périls liés à l’activité (voir les modes de gestion du service public).

D’autres conventions sont relatives à l’organisation d’un service public sans entrer dans le cadre traditionnel des délégations de service public. Par exemple Un décret du 27 mars 1991 prévoit la création de services communs de documentation par convention entre des établissements publics à caractère scientifique, culturel, et professionnel et une ordonnance du 24 avril 1996 institue l’agence régionale de l’hospitalisation qui prend la forme de groupements d’intérêt public, dont les statuts sont des contrats relatifs à l’organisation d’un service public (CE, 14 janvier 1998, Syndicat national du personnel des affaires sanitaires et sociales, et CE, 14 janvier 1998, syndicat départemental Intercommunal 35 CFDT). Enfin, la contractualisation de l’action administrative est la réponse trouvée par les pouvoirs publics pour organiser le service public suite aux lois de décentralisation. Une convention de transfert de service a été conclue en application de l’article 26 de la loi du 2 mars 1982 et le Conseil d’État a considéré qu’elle avait pour « objet l’organisation d’un service public » (CE, 31 mai 1989, Département de la Moselle).

2.2.4 La généralisation du recours aux techniques contractuelles

La contractualisation s’introduit désormais dans tous les domaines de l’action publique. Certains domaines illustrent de façon flagrante ce mouvement. En matière de services publics de santé (ordonnance du 24 avril 1996, Agences régionales hospitalières) ou encore d’aménagement du territoire (loi du 25 juin 1999 l‘orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, GIP de développement local). Par ailleurs, La loi démocratie de proximité du 27 février 2002 prévoit quant à elle des conventions pour organiser des expérimentations.

D’autre part, sous l’influence du management des entreprises privées se développe le contrat d’objectifs en matière d’organisation administrative. C’est ainsi qu’apparaissent en 1996 les contrats de service entre administration centrale et services déconcentrés ainsi que les contrats d’objectifs en matière de relations entre l’administration d’Etat et les entités publiques et privées. Ce sont les contrats entre l’Etat et GDF de 1991 à 1993, les contrats entre l’Etat et les fédérations prévus par la loi du 13 juillet 1992 sur le sport, les contrats d’objectifs entre l’Etat et les organismes de Sécurité sociale qui renouvellent la tutelle sociale ou encore les contrats entre l’Etat et les agences régionales hospitalières qui découlent de l’ordonnance du 24 avril 1996.

….

3. Les limites et les perspectives de la contractualisation

Le recours au procédé contractuel, là où il ne s’oppose directement à aucune règle juridique, doit encore être écarté chaque fois que son efficacité ou sa légitimité est contestables. En effet, « on ne peut pas gouverner par contrat », puisque le propre de ce dernier est de résulter de la négociation entre les parties contractantes. Il les oblige donc réciproquement dans les limites de leurs volontés et est adapté parfaitement à leurs situations particulières. Ainsi les limites à la contractualisation ne sont pas exclusivement juridiques dans certaines situation le contrat s’avère inadapté.

3.1 Les limites quantitatives et qualitatives au développement de la contractualisation de l’action administrative

Le développement du recours au contrat également limité par un souci de cohérence de l’action administrative. La multiplication des contrats est en effet accusée de créer la confusion, notamment en matière de partenariats contractuels locaux. Certains critiquent le manque de cohérence, voire le « désordre indescriptible » qui en résulte. Par conséquent, ces procédures ne peuvent indéfiniment se développer, car leur foisonnement peut nuire à la cohérence des politiques. Ainsi, il y a une sélection entre les différents types de contrats et certains d’entre eux ne seront développés que de manière exceptionnelle. Le contrat n’offre par exemple aucun avantage par rapport à l’action unilatérale dans les relations entre l’Etat et ses services déconcentrés. Il apparaît difficile en effet à un ministre, agissant au nom de l’Etat, de conclure un contrat avec un préfet. Seuls les contrats visant à mieux appréhender et cerner les besoins des services déconcentrés pourront donc être conclus.

3.2 Les limites d’ordre juridique

Il existe un certain nombre de limites juridiques au développement de la contractualisation. La première tient comme nous l’avons montré plus haut, à l’interdiction de contractualiser dans certains domaines. La seconde tient à la nature des relations entre l’administration et son cocontractant. La relation entre l’autorité publique et son cocontractant est parfois le reflet d’un contrat d’adhésion qui traduit un retour à la centralisation, déguisée. La négociation et le consensualisme sont les aspects les plus fondamentaux du contrat. Pourtant le contrat passé avec l’administration reste teinté d’un fort « unilatéralisme ». En premier lieu, un grand nombre de contrats ne sont en fait que des contrats d’adhésion.

On peut s’interroger sur le bien-fondé du recours au procédé contractuel chaque fois que les parties ne sont pas réellement libres de déterminer le contenu du contrat. Dans la pratique en effet, la coopération est souvent imposée et les collectivités se trouvent dans l’obligation de contracter, tandis que le contenu de la convention est prédéterminé par les textes ou par l’Etat. Il s’agit la de simple contrat d’adhésion. Les parties sont libres de contracter ou pas mais ne peuvent discuter de leurs obligations respectives. Par exemple, la région est en théorie libre de conclure ou non un contrat de plan avec l’Etat, mais en pratique toutes le font car elles ne peuvent se passer du soutien de l’Etat, notamment par l’apport de moyens financiers qui en découlent. Dès lors, les contrats de plan aboutissent nécessairement à orienter les régions vers la réalisation d’objectifs compatibles avec le plan de la nation. Ce type de limite à la liberté contractuelle du cocontractant de l’Etat ou des personnes publiques, dont les exemples pourraient être multipliés (cahiers des charges, contrats type) est lié aux prérogatives de puissance publique dont ils disposent pour réaliser l’intérêt général

Le régime du contrat administratif reste largement dérogatoire au droit commun. Le cocontractant de l’autorité publique doit se soumettre au pouvoir de modifications unilatérales (CE, Compagnie française des tramways, 1910). La défaillance du cocontractant de l’administration n’est admise qu’à certaines exceptions. Ainsi, en cas de bouleversement définitif de l'économie du contrat extérieur à la volonté des parties, il s'agit d'un cas de force majeure et à défaut d'accord amiable, la résiliation du contrat peut être demandée aux juges par les parties. (CE, 9 décembre 1932 Compagnie de tramways de Cherbourg). L'inexécution de contrats administratifs du fait d'une situation de force majeure exclut la responsabilité du cocontractant de l'administration (CE 29 janvier 1909 Compagnie des messageries maritimes et autres). De plus, la théorie de l’imprévision dégagée par le Conseil d’Etat dans l’arrêt Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux (30 mars 1916), permet d’assurer la pérennité des contrats administratifs en cas de bouleversement temporaire de leur économie, du fait d’événements que les parties ne pouvaient prévoir. Au contraire, l’Etat viole fréquemment des accords qu’il conclut, ce qui peut donner l’impression que le contrat ne lie pas l’Etat, mais seulement son cocontractant.

Cette relation profondément inégalitaire conduit à envisager le contrat administratif sous un jour nouveau. Il s’agirait d’un acte mixte, à la fois contractuel et unilatéral. Les contrats sont donc susceptibles de contenir des clauses règlementaires. Ces clauses doivent donc pouvoir faire l’objet de recours dans les mêmes conditions qu’un acte administratif.

Le caractère particulier du contrat s’oppose encore à la nécessaire universalité de la règle de droit et à l’égalité entre les administrés. Fruit de la négociation entre deux parties, il permet certainement de déterminer les obligations les plus appropriées aux parties et à la situation particulière considérées. Cependant rien ne garantit que dans une situation strictement identique, la négociation ne conduira pas à une autre solution, porteuse d’avantages et d’inconvénients différents pour les parties. Il peut en fait y avoir autant de solutions pour des situations identiques qu’il y a de personnes juridiques appartenant à une même catégorie.

Conclusion

Le contrat s’est donc solidement ancré dans toutes les sphères de l’action publique, il recouvre à la fois des relations entre les diverses collectivités publiques et des personnes privées, entreprises ou associations. Il y a de multiples causes à se développement et notamment, la remise en cause de la prééminence de l’Etat central agissant par la voie du commandement et de la contrainte qui accompagne un puissant mouvement de décentralisation, la complexité des structures administratives (communes, organismes de coopération intercommunale, départements, régions, Etat, Union européenne), la difficulté croissante à mener des politiques publiques de façon isolée et non pas sectorielle. Plus encore, l’usager, placé de façon de plus en plus fréquente dans une situation contractuelle avec l’administration ou son délégataire, se transforme en client du service public. Il est incité à revendiquer la contrepartie de sa redevance sans se soucier de l’intérêt général, plaçant les personnes publiques dans l’obligation de fournir un certain rendement, éventuellement au détriment de la qualité du service.

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