Par Gilbert Lemardeley
Dernière mise à jour : mars 2017

Dans le silence des textes, il appartient à l’autorité publique compétente, l'État ou une collectivité territoriale, d’apprécier si un besoin collectif justifie l’institution ou le maintien d’un service public. Les règles de création et de suppression sont différentes selon que l'on est en présence de services publics nationaux ou locaux. Dans certains cas la personne publique n’a pas le choix puisque la création de tel service public est obligatoire.

Par ailleurs, une personne publique peut confier la gestion d’un service public national ou local à une entreprise privée. Dans ce cas, le droit communautaire de la concurrence modifie profondément le cadre juridique opposable aux entreprises en charge de la gestion des services publics locaux (S.I.E.G. et S.S.I.G.) tant en ce qui concerne les objectifs qu'elles peuvent poursuivre, leur mode de gestion que les conditions de leur financement.

1. Le principe

Il existe un monopole des personnes publiques en matière de création des services publics. Cependant, en n’attribuant pas explicitement au législateur cette compétence dans son article 34, la constitution fait du pouvoir réglementaire le détenteur de droit commun de cette compétence.

Pourtant, ce même article réserve la création des services publics au législateur dans plusieurs hypothèses (lorsque la loi détermine les principes fondamentaux de certains services publics et les principes fondamentaux pour la création des catégories d’établissements publics; Lorsque le service public est susceptible de porter atteinte aux libertés publiques ; lorsqu’une loi est nécessaire pour rendre obligatoire un service public pour les collectivités territoriales).

Ainsi, le législateur et l'autorité réglementaire, en leur qualité de maître de l’intérêt général, dispose en principe d'une compétence discrétionnaire pour créer ou supprimer un service public (Décision du Conseil Constitutionnel, n° 86-207 DC, 25-26 juin 1986 : Rec. Cons. const. 1986, p. 61).

Cette compétence discrétionnaire rencontre toutefois des limites dans la mesure où des services publics sont exigés par la constitution. 

2. Création et suppression par une collectivité publique : le droit au service public ?

Dans le silence des textes, il appartient à l’autorité publique compétente, l'État ou une collectivité territoriale, d’apprécier si un besoin collectif justifie l’institution ou le maintien d’un service public.

Les administrés ont toutefois un droit à la création ou au maintien d’un tel service lorsque la constitution ou la loi impose l’existence d’un service public. Ils ont par ailleurs droit au fonctionnement normal et régulier du service public existant.

Un établissement public ne peut en principe détenir cette compétence. Celui-ci n'est en effet qu'un mode de gestion du service public, soumis, de surcroît, au principe de spécialité.

Toutefois, d'une part, des établissements publics de coopération intercommunale (syndicats de communes, communautés de communes, urbaines et d'agglomération) peuvent être amenés, par exception, à créer des services publics; d'autre part, le principe de spécialité ne fait pas obstacle à ce qu'un établissement public, notamment industriel et commercial, engage une diversification de ses activités pour peu que celles-ci « soient techniquement et commercialement le complément normal de sa mission statutaire principale » et « soient à la fois d'intérêt général et directement utiles à l'établissement public »(CE, avis n° 356089, 7 juillet. 1994).

Les règles de création et de suppression sont différentes selon que l'on est en présence de services publics nationaux ou locaux.

3. Les services publics locaux

Les communes, par la loi du 05/04/1884, et les départements, par la loi du 10/04/1871, ont reçu la compétence à la fois pour créer, organiser et supprimer tous les services publics nécessaires à leurs missions. Ce principe a été confirmé par les lois de décentralisation.

Lorsque la création d’un service public n’est pas obligatoire, il revient à l’autorité compétente d’apprécier l’opportunité d’une telle création. Lorsque la loi impose cette création, les collectivités locales doivent prendre les mesures nécessaires à la mise en place du service.

Ainsi, il appartient à la seule Assemblée délibérante de décider de créer ou de supprimer un service public, d’en fixer les règles générales d’organisation et de prendre toutes les mesures portant sur la définition des missions du service. L’exécutif local a la qualité de chef de service. Il peut prendre des mesures d’organisation internes du service tout comme le gouvernement et les ministres qui sont compétents pour régler l’organisation interne de leurs services. Il a également la responsabilité de gestion des agents.

3.1. La compétence générale de libre création

Les organes délibérants des collectivités territoriales disposent normalement d'une compétence générale pour créer ou supprimer un service public. Ceci est la conséquence de leur compétence de droit commun pour régler les affaires relevant de leur ressort géographique (CGCT, art. L. 2121-29, L. 3211-1 et L. 4221-1, respectivement pour les communes, départements et régions).

3.2. Les limites à cette liberté

L'attribution expresse par un texte d'une compétence à une collectivité exclut son exercice par les autres collectivités. Ainsi, par exemple, les services publics de souveraineté ne peuvent être pris en charge que par l'État. De même, certaines formes d'action sociale comme la gestion du RSA ne peuvent relever que du département.

Pour les services publics locaux à caractère commercial ou industriel se pose la question du respect de la liberté du commerce et de l’industrie. Le Conseil d’Etat considère qu’une collectivité territoriale peut créer un service public dès lors que l’intérêt général le justifie, la carence de l’initiative privée n’étant plus qu’un critère parmi d’autres nécessaire pour apprécier l’intérêt général(CE, 31 mai 2006, « Ordre des Avocats au barreau de Paris », n° 275531).

Il existe des domaines interdits aux collectivités territoriales : activités illicites, activités réservées à l’État, activités purement lucratives.

4. Les services d’intérêt économique général (SIEG) et les services sociaux d’intérêt général (SSIG)

Les "services d'intérêt général", ou SIG, correspondent à une conception européenne des services publics. Parmi eux, l'Union européenne (UE), en tant que marché unique, s'intéresse particulièrement aux "services d'intérêt économique général", ou SIEG, qui correspondent à ceux des services publics qui recourent à des prestations économiques (distribution de l'électricité, du gaz, du courrier…).

Aujourd'hui, la conception européenne repose sur trois éléments principaux :

  • L'UE reconnait que l'accomplissement d'une mission de service public peut prévaloir sur les règles de la concurrence (à condition que les avantages fournis par l'Etat à l'entreprise qui exerce le SIEG compensent strictement les coûts engendrés par la mission de service public.) ;
  • Le droit européen oblige chaque Etat à mobiliser suffisamment de moyens pour que les missions des SIEG soient accomplies ;
  • L'UE ne se prononce pas sur les choix des services publics, qui sont laissés à l'Etat, ou encore sur la manière de les organiser.

4.1. Les « services d'intérêt général » (SIG)

Il s’agit de prestations de services délivrées aux administrés par les pouvoirs publics, soit directement, soit par délégation à des tiers. Les SIG peuvent être définis comme les services, tant économiques que non économiques, que les autorités publiques classent comme étant d'intérêt général et soumettent à des obligations spécifiques de service public.

4.1.1. Les « services d'intérêt économique général » (SIEG), sous-catégorie des SIG qui relèvent du secteur marchand à la différence de ceux non économique

Au niveau national, ce sont traditionnellement les grandes activités exercées en réseau comme le service postal, la fourniture d'électricité et de gaz ou le secteur des transports ferroviaires. Sur le plan local, il peut également s'agir de la gestion des services des eaux, des transports municipaux, des déchets ou encore l'installation de remontées mécaniques.

4.1.2. Les « services non économiques d’intérêt général » (SNEIG) qui sont également une sous-catégorie des SIG.

Ces services, qui comprennent par exemple les prérogatives étatiques traditionnelles, telles que la police, la justice et les régimes légaux de sécurité sociale, ne sont soumis ni à une législation communautaire spécifique, ni aux règles du traité relatives au marché intérieur et à la concurrence.

Néanmoins, comme l'indique la Commission européenne, le caractère économique d'une activité est pour le moins délicat à déterminer avec certitude. Chaque situation doit faire l'objet d'une analyse spécifique en fonction des éléments donnés par la Cour de justice de l'Union.

4.2. Les « services sociaux d’intérêt général » (SSIG).

Il n’y a pas de définition communautaire, mais il ne s’agit pas d’une nouvelle catégorie de SIG. Pour autant le droit applicable à ces services est identique à celui des SIG c’est-à-dire déterminer la nature économique ou non de l’activité. Ils peuvent donc appartenir au SIEG ou SNEIG. La Commission européenne en distingue deux grandes sphères :

  • premier lieu, les régimes légaux et complémentaires de protection sociale couvrant les risques de maladie, vieillesse, chômage, retraite, handicap et accident du travail ;
  • en second lieu, les services essentiels prestés directement à la personne.

5. Les services publics rendus obligatoires par la loi

5.1. Pour la commune

  • de désinfection, d'hygiène et de santé (CGCT, art. L 2321-2, 12° et C. Santé Publique, art. L. 1422-1) ;
  • des pompes funèbres (CGCT, art. L. 2223-19) ;
  • de la gestion et l'entretien des cimetières (CGCT, art. L. 2213-8 et s. L. 2223-1 et L. 2223-3) ;
  • d'élimination des déchets des ménages et autres déchets (CGCT, art. L. 2224-13), de la lutte contre l'incendie si celui-ci n'est pas organisé au niveau intercommunal ou départemental (CGCT, art. L. 2321-2, 7°) ;
  • de la gestion et de l'entretien des voies communales (CGCT, art. L. 2321-2, 20°) ;
  • des archives communales (C. patr. art. L. 212-14) ;
  • de l'instruction et de la délivrance des permis de construire dans les communes où un plan local d'urbanisme a été approuvé (C. urb. art. L. 421-2-1).

Les communes doivent en outre organiser le service public national de l'état civil. 

5.2. Pour le Département

  • de voirie départementale (CGCT, art. L. 3321-1, 16°) ;
  • de programmes d'aide à l'équipement rural (CGCT, art. L. 3232-1) ;
  • de construction et fonctionnement des collèges (C. éduc. art. L. 213-1 et s. – CGCT, art. L. 3321-1, 7°) ;
  • de transports non urbains de personnes, d'entretien de ports de commerce et de pêche non pris en charge par l'État (CGCT, art. L. 3321-1, 15°) ;
  • d'actions sociales, de santé et d'insertion (C. action soc. et fam. art. L. 121-1. – CGCT, art. L. 3321-1, 10°) ;
  • de bibliothèques (C. patr. art. L. 320-2) ;
  • d'archives départementales (C. patr. art. L. 212-8) ;
  • et de lutte contre l'incendie (CGCT, art. L. 1424-1 et s.).

5.3. Pour la région

  • au développement économique et social (CGCT, art. L. 1511-1 et L. 4211-1) ;
  • à la planification (CGCT, art. L. 4221-3) ;
  • à la formation professionnelle et l'apprentissage (C. éduc. art. L. 214-12) ;
  • à la création et au fonctionnement des lycées et des établissements d'éducation spécialisée (C. éduc. art. L. 214-1 et s.) ;
  • à l'inventaire général du patrimoine culturel (L. n° 2004-809, 13 août 2004, art. 95).
  • De transports scolaires (article L.3111-7 du Code des transports modifié par l’article 8 de la loi 2015-991)

6. La suppression des services publics

Depuis la Constitution de 1958, sauf le cas réservé par la loi, la compétence de suppression des services publics appartient au gouvernement ou à la collectivité compétente.

Par ailleurs, selon la jurisprudence sur la privatisation, il existerait des services publics qualifiés de constitutionnels, c’est-à-dire qui ne pourraient pas être supprimés, même par la loi (activités des télécommunications, l’électricité et le gaz.).

Nous pouvons relever trois causes de suppression d’un service public :

  • Disparition d’un besoin d’intérêt général.
  • Suppression du service public sans la disparition du besoin d’intérêt général. Ex. : pour des raisons politiques (loi 9/12/1905 relative à la séparation entre l’État et l’Église), pour des raisons financières.
  • Suppression pour des raisons techniques.

La suppression d’un service public peut avoir de multiples conséquences notamment sur la nature du domaine propriété de la personne publique dans la mesure où le domaine public se définit notamment par son affectation à un service public pourvu qu’en ce cas les biens fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de service public (C. propriété des personnes publiques, art. L. 2111-1).

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