Par Ibrahim El Marzouki
Dernière mise à jour : décembre 2018

La logistique urbaine est complexe à appréhender. Elle concerne l’acheminement des marchandises dans le cœur des agglomérations, leur traitement sur ces territoires, leur livraison au destinataire final ainsi que la gestion des flux retours (produits renvoyés, à recycler et déchets).

Elle représente l'ensemble des activités inhérentes au transport de marchandises en ville et les flux générés par les établissements commerciaux, industriels ou tertiaires du secteur marchand ; les déplacements des particuliers pour leur approvisionnement ; les flux annexes englobant une réalité diversifiée (transports de déchets, transports publics...).

Si le transport de marchandises apparait comme nécessaire, il est souvent mal considéré par les élus et les habitants car il génère des nuisances multiples : environnementales (rejet de Co²), congestion des villes, sonores, sécurité…

Le transport de marchandises est donc à la croisée des logiques de développement urbain, de développement économique mais ne doit pas mettre à mal la qualité de vie des habitants et la préservation de l’environnement.

La modification des comportements de consommation se modifient notamment à travers le e-commerce qui engendre de nouvelles préoccupations pour les acteurs du secteur. La croissance mondiale du e-commerce est de 15-20% par an ; la croissance française, de l’ordre de 8% par an, est moins importante.

1. Les enjeux économiques, sociaux et environnementaux

Quelques chiffres :

  • 20% des kilomètres parcourus en ville sont dus au transport de marchandises dont 55% aux achats motorisés des ménages.
  • 8 véhicules de petit gabarit sont nécessaires pour transporter le chargement d’un seul poids lourd.
  • 35% du CO2 émis en ville est dû au transport de marchandises.
  • 50% du gazole consommé en ville par les transports urbains motorisés l’est pour le transport de marchandises.
  • 70% des livraisons durent moins de dix minutes.

Tout d’abord, pour le secteur marchand (secteur privé), depuis le passage à une production de masse et à une société de consommation, les stocks sont considérés comme des biens immobilisés peu valorisant, les marchandises doivent être livrées le plus rapidement possible pour des consommateurs de plus en plus exigeants en termes de délai.

Pour les villes, il est indéniable que le transport est certes le chaînon le moins intéressant et valorisant. D’ailleurs, nombre d’entre elles interdisent toute ou partie de leur territoire à la circulation des poids lourds. Ces restrictions visent avant tout le maintien, voire l’amélioration de la qualité du cadre de vie, et sont principalement liées aux horaires de livraison, à la taille ou au poids des véhicules.

Dans le même temps, il faut bien approvisionner les commerces du centre-ville, les zones d’activités, et favoriser plus généralement le développement économique pourvoyeur d’emploi local direct et de versement d’une fiscalité locale indispensable pour l’équilibre budgétaire de la collectivité concernée.

En 1970, une tonne parcourait en moyenne 42 km tandis qu’en 2004, elle en parcourt plus de trois fois plus, soit 138 km. Cet allongement des distances conjugué, d’une part, à l’augmentation de la production et des acheminements, et d’autre part, au matériel utilisé (poids lourds diesel majoritairement) pèsent lourdement dans les émissions de gaz à effet de serre.

Par ailleurs, le secteur du transport est un grand consommateur d’énergie et représente à lui seul près de 40% de la consommation d’énergie totale.

Les effets des flux de marchandises en milieu urbain sont importants, puisque le transport y engendre 20 % du trafic, 30 % de l'occupation de la voirie et jusqu'à 50 % des émissions de gaz à effet de serre et de polluants locaux. Le "dernier kilomètre" représente à lui seul 20 % du coût logistique total.

Enfin, la question des opérations de chargement et de livraison dans les centres villes et du partage de la voirie avec les autres usagers est particulièrement prégnante à différents égards : stationnement en double file, sécurité des différents usagers de la voirie... Si des solutions et des initiatives sont mises en place par les villes, le problème reste d’actualité.

Une étude menée en 2018 par l’Observatoire régional de l’immobilier d’entreprises préconise notamment :

  • d’homogénéiser les réglementations de transport de marchandises et de stationnement à l’échelle métropolitaine pour davantage de lisibilité et d’efficacité économique,
  • d’intégrer de manière systématique des espaces de logistique urbaine dans les opérations d’aménagement d’envergure,
  • de systématiser l’association des professionnels dans le cadre de l’élaboration de chartes à l’appui des politiques publiques,
  • enfin, de mettre en place un observatoire de la logistique urbaine analysant des dynamiques et des pratiques à l’échelle mondiale.

2. Cadre réglementaire

L'intérêt des politiques publiques pour la logistique urbaine va croissant depuis plusieurs années, parallèlement au renforcement des préoccupations environnementales.

2.1. La réglementation nationale

  • 1982 : loi d’orientation sur les transports intérieurs (LOTI), dont l’article 28 instaure les plans de déplacements urbains (PDU).
  • Selon l’article 28-1 de la LOTI : « Le plan de déplacements urbains définit les principes de l’organisation des transports de personnes et de marchandises, de la circulation et du stationnement, dans le périmètre de transports urbains ».
  • 1996 : la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE) intègre les transports de marchandises dans les plans de déplacements urbains (PDU), rendus obligatoires pour les villes de plus de 100 000 habitants.
  • Décret du 18 novembre 1998 : définition de l’arrêt pour livraison, inscription et formation des transporteurs avec véhicules utilitaires légers
  • 2000 : loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) : renforcement de la prise en compte des marchandises dans les documents d’urbanisme.
  • 2009 : la loi de programmation du Grenelle de l’environnement I (article 10) prône, dans le domaine des transports, la réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020, afin de les ramener au niveau de 1990.
  • 2014 : la loi MAPTAM (Loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles) entame une réforme des institutions territoriales créant un échelon métropolitain doté de compétences en matière de gestion de la mobilité

2.2. La réglementation locale

Le maire exerce la police de la circulation et du stationnement (articles L.2213-1 à L.2213-6 du Code général des collectivités territoriales (CGCT)).

Il exerce son pouvoir de police sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au préfet de département sur les routes à grande circulation (art. L.2213-1 du CGCT).

Le maire est ainsi compétent pour prendre des mesures de restriction au principe de la liberté de circulation.

Les restrictions de circulation de poids lourds concernent donc généralement le tonnage du véhicule et sa taille, les horaires et des itinéraires.

Le maire peut aussi imposer des vitesses inférieures aux vitesses maximales utilisées et des sens de circulation.

Les documents d’urbanisme (SCOT et PLU) sont aussi des leviers sur lesquels les communes et leurs EPCI peuvent s’appuyer pour mener à bien une politique volontariste en termes de localisation des activités, règles de stationnement spécifiques…

A titre d’exemple, dans son plan local d'urbanisme (PLU), la ville de Paris identifie des zones d'intérêt logistique telles que l'installation ferroviaire de Bercy et les ports fluviaux, évoque la réutilisation de la petite ceinture ferroviaire.

3. Exemples de mise en œuvre

Les espaces logistiques urbains (ELU) sont des interfaces entre envois et réceptions, entre voirie et lieu d’exploitation, entre la ville et sa périphérie. Fixes ou mobiles, sur site ouvert ou à l’intérieur de bâtiments, ils ont vocation à recomposer les flux urbains.

On distingue 5 groupes d’ELU.

Les zones logistiques urbaines (ZLU) : elles se caractérisent par le rassemblement des prestataires en un lieu donné et par leur proximité du centre urbain.

Les centres de distribution urbaine (CDU) : ils se caractérisent par la centralisation des opérations avec délégation de la desserte à un seul opérateur. Le centre de distribution urbaine (équipement logistique public ou privé) vise à optimiser les transports de marchandises pour décongestionner les zones urbaines denses. Ces points permettent de réceptionner, de trier et de réexpédier les marchandises à destination ou en provenance de la ville (exemple à La Rochelle). La collectivité locale joue un rôle déterminant dans le succès des CDU.

Les points d’accueil des véhicules (PAV) : un espace est dédié aux véhicules qui permet de desservir une zone de 100 m de rayon avec la création d’une petite plate-forme urbaine de transbordement, sur laquelle un personnel procure une assistance pour effectuer la livraison sur le dernier kilomètre à l’aide de petit matériel (chariots, diables…).

Les points d’accueil logistique (PAM) : le parcours terminal (ou origine) depuis la base (PAL) est pris en charge par le client. L’exemple le plus connu est celui de la société KIALA qui propose un service de livraisons et de retour de colis en relais, comme alternative à la livraison de colis à domicile.

Les boîtes logistiques urbaines (BLU) : elles se caractérisent par le dépôt des envois dans une “boîte”, en dehors de la présence du client.

A titre d’exemple, la métropole stéphanoise s’est imposée comme un des laboratoires de la livraison urbaine en France grâce à SimplyCité, sa plate-forme de distribution mutualisée de marchandises livrées en centre-ville à l’aide d’une flotte de véhicules électriques. La métropole devrait aller plus loin en développant le « tram fret ». Une rame de tramway recyclée en transport de marchandises pour acheminer des livraisons.

Autre exemple, la Ville de Toulouse s'est dotée d'une charte des livraisons. Cette dernière vise notamment la promotion des véhicules à faibles émissions, l'optimisation des flux logistiques et la limitation du trafic routier.

Conclusion

On assiste aujourd’hui à la quasi-disparition de la fonction transport-logistique en zone urbaine. Du fait de l’augmentation du coût du foncier en ville, du faible coût du transport, la logistique s’est éloignée des centres-villes, augmentant les kilomètres et la pollution, diminuant la productivité des opérateurs de transport comme de la ville elle-même. 

Dans le même temps émergent de nouveaux enjeux auxquels il faudra faire face comme l’augmentation des livraisons à domicile même pour des biens de consommation courants du fait :

  • du développement exponentiel de l’ecommerce,
  • du vieillissement de la population,
  • de la diminution du taux de motorisation en centreville,
  • du gain de temps pour une tranche de la population la plus aisée.
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