La politique de l'Union européenne en faveur de la croissance et de la compétitivité

Modifié par Julien Lenoir le 27 septembre 2018

Par Philippe Froute
Dernière mise à jour : septembre 2018

La politique de l’Union européenne en faveur de la croissance et de la compétitivité s’inscrit dans un programme plus large centré sur la croissance et l’emploi qui s’intitule « la stratégie Europe 2020 ». La stratégie Europe 2020 concerne la décennie en cours. Selon les termes de référence de l’Union européenne, l’accent est porté sur une croissance intelligente, durable et inclusive comme moyen de surmonter les faiblesses structurelles de l’économie européenne, d’en améliorer la compétitivité et la productivité et de jeter les bases d’une économie sociale de marché durable. La nécessité de corriger les faiblesses structurelles de l’économie européenne n’est pas récente. La stratégie Europe 2020 reprend largement les objectifs de la stratégie de Lisbonne élaborée en 2000 sur un horizon de dix ans dont la réalisation s’est trouvée obérée par la crise de 2007-2008 et ses conséquences (section 1). La réalisation des objectifs de la stratégie Europe 2020 s’est trouvée elle-même confrontée à la crise des dettes souveraines (section 2). Aussi, deux ans avant la fin de la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020 des réflexions sont déjà engagées pour esquisser les contours de la prochaine stratégie décennale européenne (section 3).

1. La stratégie de Lisbonne

La stratégie de Lisbonne reposait sur le constat de l’existence de faiblesses structurelles de l’économie européenne par rapport à ses concurrents sur les marchés mondiaux (section 1.1). La stratégie a été élaborée afin de pallier ces faiblesses sur un horizon de dix ans avec pour objectif de faire de l’Europe l’économie la plus compétitive et la plus dynamique du monde (section 1.2). Très tôt, dès la mi-parcours, ces objectifs ont été révisés, et l’éclatement de la crise économique et financière de 2007-2008 a prévenu définitivement la réalisation des objectifs de la stratégie (section 1.3).

1.1. Les faiblesses structurelles de l’économie européenne

La stratégie de Lisbonne répond à trois principales faiblesses structurelles européennes qui sont liées entre elles. D’une part, l’arrivée à la retraite des baby-boomers, qui transforme les besoins de l’économie européenne, notamment en matière de dépenses sociales, nécessite une hausse de la productivité pour pouvoir financer le modèle social européen (section 1.1.1). D’autre part, un déficit de productivité dont souffre l’Europe par rapport à ses principaux partenaires économiques (section 1.1.2). L’origine de ce déficit de productivité est diagnostiquée comme le résultat d’un sous-investissement structurel dans les NTIC à l’origine des innovations et des gains de productivité aux Etats-Unis comme l’enseignent les modèles de croissance endogène (voir Fiche 7) (section 1.1.3).

1.1.1. Les conséquences du vieillissement de la population

Dès les années 1990, la situation démographique européenne et ses conséquences sur l’activité économique, la croissance et la productivité future de l’Europe a préoccupé les décideurs. En effet, des taux de natalité bas associés à l’augmentation de l’espérance de vie déforment la pyramide des âges en diminuant la proportion de personnes en âge de travailler. On anticipait que lorsque la génération du baby-boom née après-guerre atteindrait l’âge de la retraite, les charges des personnes en âge de travailler augmenteraient drastiquement pour faire face aux dépenses sociales. D’où la nécessité d’accroître la productivité et le potentiel de croissance de la population active.

1.1.2. Un déficit de productivité

Or, le constat en termes de productivité était alarmant. Ainsi, si en Europe (UE-15) la croissance de l’emploi était passée de -0,3% en moyenne dans la première moitié des années 1990 à + 1,4% en moyenne après 1997 tandis qu’elle avait décélérée aux Etats-Unis (passant de +1,7% en moyenne dans la première moitié des années 1990 à + 1,0 % après 1997), dans le même temps, la croissance de la productivité avait augmenté aux Etats-Unis voire même plus que doublée (+1,1% en moyenne avant 1995 contre +2,5% après). Mais en Europe, sur la même période, la croissance de la productivité a ralenti passant de +1,9% à +1,4%. Les causes de cet écart ont été identifiées comme relevant de l’influence des NTIC sur l’activité économique.

1.1.3. Le virage raté des NTIC

En effet, des études sectorielles ont montré que la croissance de la productivité aux Etats-Unis était liée à l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication (Stephen Oliner et Daniel Sichek, 2000, Dale Jorgenson, 2003). Alors que l’Europe disposait des mêmes technologies, la vitesse de progression de la productivité a diminué après 1995.

Les analyses menées par Olivier Blanchard en 2004 expliquent cet écart par le fait que jusqu’au milieu des années quatre-vingt-dix la croissance de la productivité européenne était liée au rattrapage de celle des Etats-Unis. Cette évolution a été induite par la croissance rapide du capital par travailleur (substitution du travail par le capital en réponse à la hausse rapide des coûts salariaux). Cette convergence s’est arrêtée dans le milieu des années quatre-vingt-dix, quand les Etats-Unis ont commencé à récolter les bénéfices des NTIC.

Dale Jorgenson (2003) explique la détérioration de la productivité en Europe par trois facteurs :

  1. Après 1995, l’Europe a réduit l’accumulation de capital non-TIC suite à la modération salariale enregistrée en Europe (diminution des effets de substitution capital-travail).
  2. Comparativement aux Etats-Unis, l’Europe a accusé un retard en accumulation de capital-TIC.
  3. La productivité globale des facteurs a diminué dans les secteurs non producteurs de TIC en Europe alors qu’elle a augmenté aux Etats-Unis.

D’autres facteurs, mis en exergue par Guido Tabellini et Charles Wyplosz dans un rapport du CAE consacré aux réformes structurelles et la coordination en Europe publié en 2004, peuvent expliquer ce déficit d’intégration des NTIC. Par exemple, la recherche fondamentale et appliquée est moins fructueuse et productive en Europe qu’aux Etats-Unis (notamment en termes de nombres de brevets déposés ou de nombres de publications scientifiques). L’Europe consacre en moyenne moins de ressources à l’investissement en R&D et à l’éducation tertiaire. Les Etats-Unis dépensaient un tiers de plus en R&D et plus du double pour l’éducation universitaire.

Devant ce décrochage, les États européens ont élaboré, lors du Conseil européen de Lisbonne les 23 et 24 mars 2000, une stratégie, dite « stratégie de Lisbonne », visant à faire de l’UE en 2010 « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ».

1.2. La correction des faiblesses structurelles de l’économie européenne

Ainsi, la stratégie de Lisbonne visait à corriger les faiblesses structurelles de l’économie européenne. Cette correction passait par la réalisation d’objectifs ambitieux établis sur un horizon décennal (section 1.2.1). Le suivi des trajectoires s’effectuaient par le recours à des indicateurs quantitatifs mesurés sur un horizon annuel (section 1.2.2). Dès la mi-parcours, c’est-à-dire deux ans avant la crise de 2007-2008, la stratégie a dû être réajustée pour s’adapter aux évolutions conjoncturelles (section 1.2.3).

1.2.1. Les objectifs de la stratégie de Lisbonne

La stratégie de Lisbonne s’articulait initialement autour de trois objectifs principaux :

  1. préparer la transition vers une société et une économie fondées sur la connaissance, au moyen de politiques répondant mieux aux besoins de la société de l’information et de la recherche et développement, ainsi que par l’accélération des réformes structurelles pour renforcer la compétitivité et l’innovation et par l'achèvement du marché intérieur ;
  2. moderniser le modèle social européen en investissant dans les ressources humaines et en luttant contre l’exclusion sociale ;
  3. entretenir les conditions d’une évolution saine de l’économie et les perspectives de croissance favorables en dosant judicieusement les politiques macroéconomiques.

En 2001, lors du Conseil européen de Göteborg un quatrième objectif a été ajouté aux précédents, il s’agissait de :

« mettre les objectifs environnementaux en balance avec leur impact économique et social, ce qui implique, dans la mesure du possible, la mise au point de solutions qui soient favorables à la fois à l’économie, à l’emploi et à l’environnement »

1.2.2. La mesure de la mise en œuvre de la stratégie

Pour vérifier la bonne réalisation de ces objectifs, deux catégories d’indicateurs ont été mesurées : les objectifs finaux et les objectifs intermédiaires.

Les objectifs finaux sont au nombre de trois :

  1. Le premier objectif porte sur le taux de croissance réelle de l’économie fixé à 3% par an.
  2. Le deuxième objectif porte sur le taux d’emploi, fixé à 70% pour l’ensemble de la population active, 60% pour les femmes et 50% pour les travailleurs âgés de plus de 50 ans.
  3. Le troisième objectif concerne la politique environnementale avec une réduction de 8% du taux d’émission des gaz à effet de serre par rapport au taux enregistré en 1990.

Sur cette base, le Conseil européen a également identifié une dizaine d’objectifs chiffrés « intermédiaires », concernant l’éducation, la R&D, le chômage des jeunes. Par exemple, l’objectif d’amener 85% d’une classe d’âge à un niveau d’étude équivalent au baccalauréat s’inscrit dans le cadre de la stratégie de Lisbonne tout comme l’objectif de consacrer 3% du PIB aux dépenses de R&D dont 2/3 doivent être financées par le secteur privé.

1.2.3. Le recentrage de la stratégie de 2005

A mi-parcours, le bilan de la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne est mitigé. De nombreuses analyses recommandent un recentrage de la stratégie. En 2005, la Commission européenne écrit que « les performances de l'Europe se sont écartées de celles de ses concurrents ailleurs dans le monde. Leur productivité a augmenté plus rapidement et ils ont davantage investi dans la recherche et le développement. (…) Il nous faut forger une conception de la société pouvant intégrer aussi bien les populations vieillissantes que les jeunes générations. » Les conclusions sont que la stratégie de Lisbonne doit être renouvelée et axée sur la croissance et l'emploi, et pour cela il faut :

  • rendre l'Europe plus attrayante pour les investisseurs et les travailleurs ;
  • veiller à ce que la connaissance et l'innovation deviennent le moteur de la croissance européenne ;
  • permettre aux entreprises de créer davantage d'emplois de meilleure qualité.

Deux ans plus tard, la crise de 2007 éclate et achève les espoirs de rétablir la stratégie de Lisbonne.

1.3. L’échec de la stratégie de Lisbonne

Si une partie de cet échec peut être attribuée aux conséquences de la crise économique (section 1.3.1), les analyses mettent également en avant des causes institutionnelles (section 1.3.2).

1.3.1. Les causes conjoncturelles : la crise de 2007-2008

Ainsi, le PIB de la zone euro passe de 3,2% de croissance en 2006 à 0,4% en 2008 et -4,5% en 2009. Il s’agit de la destruction de richesse la plus importante en temps de paix qu’a connu l’Europe depuis la crise de 1929. Les choix budgétaires destinées à stabiliser puis sortir de la crise (voir Fiche 12) vont obérer les finances publiques et les mesures liées à la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne. Cette mise en suspens de la stratégie est facilitée par le cadre institutionnel qui est largement critiqué.

1.3.2. Les causes institutionnelles : les défaillances de la gouvernance européenne

La mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne s’effectue en effet dans le cadre d’une méthode ouverte de coordination (MOC). Ainsi, ce mode de coordination n’est pas contraignant, il est fondé sur une approche de type benchmarking où la position de chaque pays par rapport aux critères d’évaluation est analysée annuellement en fonction de la distance restante pour atteindre la valeur cible définie en 2010. L’absence de contraintes dans une situation économique exceptionnelle a conduit à un abandon de la stratégie de Lisbonne et à un besoin de redéfinition d’une nouvelle stratégie : la stratégie Europe 2020.

2. La stratégie Europe 2020

Ainsi, la stratégie Europe 2020 est destinée à dépasser les limites de la stratégie de Lisbonne. Elle s’articule autour de nouveaux objectifs (section 2.1), d’une gouvernance renouvelée (section 2.2) et d’un nouveau mode de coopération avec les Etats membres dont nous présenterons le cas français (section 2.3).

2.1. Un nouveau cadre stratégique

La stratégie Europe 2020 s’articule autour de trois priorités (section 2.1.1), cinq objectifs (section 2.1.2) et sept initiatives phares (section 2.1.3).

2.1.1. Trois priorités

La stratégie Europe 2020 est bâtie autour de trois priorités :

  1. Développer une croissance intelligente, par le biais d’une économie fondée sur la connaissance et l’innovation ;
  2. Développer une croissance durable, vers une économie plus efficace dans l’utilisation des ressources et agissant pour une réduction de gaz à effet de serre ;
  3. Développer une croissance inclusive, promouvant la création d’emploi favorisant la cohésion sociale et territoriale.

2.1.2. Cinq objectifs

Ces priorités se déclinent en cinq objectifs :

  1. Garantir un taux d’emploi de 75% pour la population âgée de 20 à 64 ans.
  2. Consacrer 3% du PIB de l’UE à la Recherche et Développement.
  3. Réduire les émissions de gaz à effet de serre à 20%, voire de 30%, par rapport aux niveaux de 1990, porter la part des énergies renouvelables à 20% et améliorer l’efficacité énergétique de 20%.
  4. Abaisser le taux de décrochage scolaire à moins de 10% et veiller à ce qu’au moins 40% des 30-40 ans soient titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur.
  5. Réduire de 20 millions le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale.

2.1.3. Sept initiatives phares

La réalisation de ces différents objectifs s’effectue en partie grâce à la mise en œuvre de sept initiatives phares :

  1. Une Union de l’innovation : initiative qui vise à améliorer les conditions et l’accès au financement dans le secteur de la recherche et de l’innovation, afin de pouvoir transformer les idées novatrices en produits et services créateurs d’emplois et de croissance.
  2. Jeunesse en mouvement (voir Fiche 14) : initiative pour rendre les systèmes éducatifs plus performants et à faciliter l’entrée des jeunes sur le marché du travail. Elle met en œuvre des programmes d’étude, d’apprentissage et de formation financés par l’UE, ainsi que des plateformes destinées à aider les jeunes à trouver un emploi.
  3. Une stratégie numérique pour l’Europe : initiative qui vise à accélérer le déploiement de l’internet à haut débit et des technologies de l’information et des communications.
  4. Une Europe efficace dans l’utilisation des ressources : initiative visant à dissocier la croissance économique de l’utilisation des ressources. Elle englobe la transition vers une économie sobre en carbone, l’emploi accru des sources d’énergie renouvelables, le développement de technologies écologiques et la modernisation des transports, ainsi que l’efficacité énergétique.
  5. Une politique industrielle à l’ère de la mondialisation (voir Fiche 13) : initiative visant à améliorer l’environnement des entreprises, et notamment des petites et moyennes entreprises (PME), en leur facilitant l’accès au crédit et en réduisant les formalités administratives. Elle soutient également la mise en place d’une base industrielle forte et durable, capable d’innover et d’affronter la concurrence mondiale.
  6. Une stratégie pour des compétences nouvelles et des emplois (voir Fiche 14) : initiative visant à moderniser les marchés du travail, à permettre aux personnes de développer leurs compétences et à améliorer la flexibilité et la sécurité de l’environnement de travail. Elle vise également à faciliter la recherche d’un emploi dans l’UE et à mieux adapter l’offre à la demande.
  7. Une plateforme européenne contre la pauvreté et l’exclusion sociale : initiative visant à préserver la cohésion sociale et territoriale en aidant les personnes pauvres et socialement exclues à accéder au marché du travail et à participer activement à la société.

2.2. Une nouvelle gouvernance

Afin de pallier les critiques de la stratégie de Lisbonne, la gouvernance appliquée à la stratégie Europe 2020 modifie le cadre de Lisbonne (section 2.2.1). Elle a également été profondément modifiée suite aux conséquences de la crise financière de 2007-2008 (voir Fiche 12) et la mise en place du semestre européen (section 2.2.2).

2.2.1. Le renouvèlement du cadre de Lisbonne

La stratégie Europe 2020 renouvèle les relations entre la Commission européenne et les Etats membres. Le Conseil européen est également une partie prenante majeure qui permet l’alignement des politiques nationales avec les objectifs européens.

La différence principale avec la stratégie de Lisbonne est la mise en place d’un système renforcé de surveillance économique et budgétaire multilatéral : le semestre européen.

2.2.2. Le semestre européen

Le semestre européen peut être envisagé comme étant un outil de coordination des politiques économiques et de prévention des crises. Ce dernier volet concerne principalement le suivi et la correction des déséquilibres macroéconomiques. Le semestre européen permet la coordination des politiques budgétaires dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance (voir Fiche 12), il permet également d’assurer le suivi des réformes structurelles visant à promouvoir la croissance et l’emploi.

La période de coordination et de surveillance multilatérale se déroule chaque année entre janvier et juillet. C’est pourquoi elle est appelée « semestre européen ».

La première étape de ce processus débute en janvier par la publication de l’analyse annuelle de la croissance par la Commission européenne. Ce document est discuté dans le cadre des Conseils ECOFIN (responsable des aspects économiques et financiers) et EPSCO (responsable des aspects sociaux : formation, éducation, protection sociale) au mois de février. La deuxième étape a lieu en mars avec le Conseil européen de printemps. Ce Conseil est l’occasion de dresser un bilan des initiatives réalisées au niveau de l’UE et des Etats membres. La troisième étape a lieu en avril. Chaque pays présente un programme de stabilité (pour les membres de la zone euro) ou de convergence (pour les pays hors zone euro) et les programmes nationaux de réforme qui présentent les différentes initiatives destinées à remplir la déclinaison nationale de la stratégie Europe 2020. En mai, la Commission procède à l’examen de ces programmes et établit des recommandations spécifiques par pays. Ces recommandations sont discutées en juin par les Conseils ECOFIN et EPSCO, pour être éventuellement modifiées avant d’être approuvés par le Conseil européen. L’adoption définitive des recommandations a lieu à la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet.

2.3. Le programme national de réforme 2018 de la France

Le programme national de réforme 2018 de la France permet de situer l’état d’avancement de la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020 aux niveaux des principaux objectifs : ceux liés à l’emploi et à l’inclusion sociale (section 2.3.1), ceux liés à l’éducation, l’enseignement et la R&D (section 2.3.2) et enfin ceux liés à la transition énergétique (section 2.3.3).

2.3.1. Objectifs liés à l’emploi et à l’inclusion sociale

En 2017, le taux d’emploi de la population âgée de 20 à 64 ans a atteint 71,1% en France métropolitaine et 70,6% sur l’ensemble du territoire. La réalisation de l’objectif de 75% en 2020 nécessite la reprise de la croissance et la mise en place de nouvelles réformes sur le marché du travail. En effet, si la tendance est bonne (croissance annuelle de 0,6 pt), elle n’est pas suffisante pour combler les 4,4 pt manquant sur un horizon de trois ans.

La stratégie Europe 2020 fixe également un objectif de réduction du nombre de personnes pauvres ou exclues. L’objectif européen est une réduction de 20 millions du nombre de personnes risquant de tomber dans la pauvreté ou l’exclusion par rapport au chiffre de 2007. Pour la France, l’objectif est une réduction de 1,9 millions de personnes. Or, selon les données d’Eurostat, le nombre de personnes en risque de pauvreté ou d’exclusion sociale a augmenté de 416 000 entre 2015 et 2016.

Des efforts importants restent donc à mener. Les politiques locales en faveur de l’emploi sont au cœur des dispositifs d’insertion économique et sociale des populations en difficulté (voir Fiche 19).

2.3.2. Objectifs liés à l’éducation, l’enseignement et la R&D

Au niveau des objectifs liés à l’éducation, l’enseignement et la R&D, trois indicateurs sont mentionnés dans le PNR 2018.

Le premier est le taux de sortant précoce du système scolaire. Au niveau européen, l’objectif est un taux de sortants inférieurs à 10% tandis que l’objectif français est de 9,5%. En 2016, selon Eurostat, le taux de jeunes de 18 à 24 ans ne possédant aucun diplôme de l’enseignement secondaire ou uniquement le brevet des collèges et ne poursuivant ni études, ni formation est de 8,8%. L’objectif est donc atteint pour cet indicateur.

Le deuxième est la proportion des personnes âgées de 30 à 34 ans diplômées de l’enseignement supérieur. L’objectif européen pour cet indicateur a été fixé à au moins 40%. Pour la France, cet objectif est de 50% des personnes âgées de 17 à 33 ans. En 2015, ce taux était de 49,2%. La France est donc en bonne voie pour atteindre cet objectif en 2020.

Le troisième indicateur est la part du PIB consacrée à la R&D. Au niveau européen, l’objectif pour cet indicateur est de 3%. En 2016, il s’élevait à 2,25% pour la France. L’effort de recherche pour les entreprises est passé de 1,27% en 2007 à 1,43% en 2016. Il reste ainsi une marge de progression importante, mais l’effort de 0,75 pt reste important d’ici 2020.

2.3.3. Objectifs liés à la transition énergétique

Au niveau des objectifs liés à la transition énergétique, trois indicateurs sont mentionnés dans le PNR 2018.

Le premier est la réduction des gaz à effet de serre. L’objectif européen est une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990 en 2020. L’objectif pour la France est une réduction des émissions de 14% par rapport à 2007 en 2020. Le PNR mentionne une réduction de l’empreinte carbone par Français de 7,3% par rapport à 2010. Si la tendance est favorable, la réalisation de l’objectif en 2020 est difficilement mesurable.

Le deuxième indicateur est l’augmentation de la part des énergies renouvelables. L’objectif européen est d’atteindre 20% d’énergie renouvelable dans la consommation finale d’énergie en 2020. Pour la France, l’objectif est de porter à 23% la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie en 2020. En 2016, la part des énergies renouvelables a atteint 16% en retrait par rapport aux 18% prévus.

Le troisième indicateur est l’augmentation de l’efficacité énergétique. L’objectif européen pour cet indicateur est une consommation de 1086 Mtep d’énergie finale (et 1483 Mtep d’énergie primaire) en 2020. L’objectif de la France est une consommation de 131,4 Mtep d’énergie finale et de 219,9 Mtep d’énergie primaire (hors aérien international et usages non énergétiques) en 2020. En 2016, la France se situait à 150,3 Mtep en énergie finale (142,9 Mtep hors aérien international) et 242,5 Mtep en énergie primaire (235,1 Mtep hors aérien international). Des efforts importants restent également à accomplir dans ce domaine.

Ainsi, certains retards ne semblent pas pouvoir être comblés à un horizon de trois ans. Un grand nombre d’experts s’interrogent sur les causes de cette situation notamment dans le cadre de la définition du futur programme décennal européen en faveur de la croissance et de la productivité. Notamment, ces questions ont été débattues dans le cadre d’une conférence organisée par France Stratégie intitulée Réformes structurelles 2.0 le 12 janvier 2018. La troisième section de la présente fiche s’appuie largement sur les débats de cette conférence.

3. Europe 2020 + 10

La crise des dettes souveraines a rappelé les dangers liés aux déséquilibres macroéconomiques en union monétaire. En réponse à la crise, l’agenda budgétaire a supplanté celui des réformes structurelles et peut expliquer en partie certains retards sur la réalisation des objectifs de la stratégie Europe 2020 (section 3.1). Toutefois, les retards sont également liés à des problèmes de conception des réformes ainsi qu’à des facteurs d’ordre politiques et institutionnels qui appellent à une redéfinition du rôle de la Commission européenne dans l’accompagnement des réformes structurelles menées par les Etats membres (section 3.2).

3.1. L’impact de la crise des dettes souveraines

Si la crise de 2007-2008 a joué un rôle dans l’échec de la stratégie de Lisbonne, la stratégie Europe 2020 a dû également faire face à une crise d’ampleur avec la crise des dettes souveraines de 2010 (section 3.1.1). Les réformes structurelles ont continué à être menées dans une optique de long terme qui a négligé les coûts d’ajustement de court terme des réformes (section 3.1.2).

3.1.1. La poursuite des réformes structurelles dans un contexte d’ajustement budgétaire d’ampleur en phase basse de cycle

La crise des dettes souveraines au sein de la zone euro s’est mesurée dans l’élargissement très marquée des écarts de taux des emprunts publics des différents pays membres de l’Union européenne. Le mouvement s’était déjà amorcé en 2008 mais il s’est accéléré avec le déclenchement de la crise grecque en 2010. La principale difficulté vient du fait que la hausse des taux alourdit le service de la dette des pays les plus endettés et crée un cercle vicieux : les investisseurs font monter les taux parce qu’ils craignent un défaut souverain ce qui accroît la probabilité que ce défaut arrive. La sortie de cette situation appelle des corrections rapides afin de pouvoir rompre ce cercle vicieux. Il peut s’agir de mesures d’économie destinées à rassurer les marchés financiers sur la capacité des Etats à contrôler leurs dépenses. Le moyen le plus simple d’effectuer des économies sans modification majeure des politiques menées consistent à reporter des mesures. Il est plus simple politiquement de reporter des mesures ayant des effets à long terme plutôt que de stopper ou reporter des politiques de court terme, ce qui explique en partie les retards accumulés sur l’agenda de la stratégie Europe 2020.

3.1.2. La montée des inégalités et des coûts d’ajustement des réformes

Dans le même ordre d’idée, un problème supplémentaire vient de ce que les coûts à court terme de la mise en œuvre des réformes structurelles peuvent être supportés par une minorité qui va fortement résister pour défendre sa rente de situation alors que les gains de long terme sont dilués entre un grand nombre de bénéficiaires. En d’autres termes, la mise en œuvre des réformes structurelles peut buter sur l’existence de rentes. L’absence de mesures compensatoires ou d’explication des gains attendus à long terme peut prévenir la réussite des réformes. Or, la crise des dettes souveraines n’a pas affecté l’Union européenne de façon homogène. Ce sont les économies dites du Sud (Grèce, Portugal, Espagne…) qui ont été les plus impactées par la défiance des marchés. Certains pays comme la France ou l’Allemagne ont au contraire bénéficié d’effets report de la part des investisseurs. Ainsi, la crise des dettes souveraines a vu augmenter les inégalités entre les pays européens et au sein de ces pays. Cette situation renforce la probabilité d’apparition des rentes de situation qui peuvent retarder voire même prévenir la réalisation des réformes. L’analyse des programmes d’ajustement des pays fortement touchés par la crise de la dette illustre les dysfonctionnements révélés par la crise.

3.2. Les débats relatifs aux programmes d’ajustement

En effet, tout comme la crise de 2007-2008 ne peut pas expliquer à elle seule l’échec de la stratégie de Lisbonne, la crise des dettes souveraines ne peut pas être invoquée comme la seule cause des retards accumulés dans le cadre de la stratégie Europe 2020. D’une part, la conception même des réformes pose la question de l’existence d’erreurs qui peuvent nuire à la réalisation des objectifs fixés (section 3.2.1). D’autre part, la crise des dettes souveraines a révélé des failles au niveau de la prise en compte des facteurs politiques lors de la mise en œuvre des réformes (section 3.2.2).

3.2.1. Des erreurs de conception des réformes

Lors de la conférence organisée par France stratégie, il a été relevé que les effets des réformes peuvent être différents selon le moment de leur adoption, selon qu’elles sont adoptées isolément ou qu’elles font partie d’un paquet, ou encore selon qu’elles interagissent avec d’autres réformes qui peuvent se renforcer mutuellement ou se neutraliser. Les critiques des différents plans d’ajustement proposés aux économies européennes, et principalement le plan grec, ont porté sur le fait que les décideurs n’ont pas suffisamment pris en compte les l’amélioration effets de l’ajustement budgétaire demandé à l’économie grecque ainsi qu’un certain manque de ciblage, les réformes pouvant viser plusieurs objectifs à la fois comme l’accroissement de la productivité et de l’inclusivité sur le marché du travail par exemple. La prise en compte des coûts à court terme et des gains à long terme des réformes pose également la question de la détermination du séquençage optimal des réformes qui est délicat à opérer car il doit concilier le calendrier économique avec le calendrier politique.

3.2.2. L’économie politique des réformes

Ainsi, la crise des dettes souveraines a montré l’importance et l’insuffisante prise en compte d’un facteur clé des réformes : l’appropriation politique et l’adhésion nationale. Des participants à la conférence ont relevé que la fenêtre de tir pour réformer était souvent très courte et qu’en pratique, la stratégie optimale se résumait le plus souvent à faire le maximum tant que le contexte politique le permettait. Ceci revient à remettre en cause la notion même d’optimalité. D’autre part, la crise des dettes souveraines a révélé de nombreuses contestations de la légitimité de la Commission européenne et d’autres Etats membres à jouer le rôle de prescripteurs extérieurs. Dans le cadre de la future stratégie européenne pour la croissance et la compétitivité la Commission européenne a d’ores-et-déjà proposé d’amplifier l’assistance technique en soutien des réformes structurelles. L’idée est celle d’un renforcement de la coopération entre l’institution européenne et les Etats membres dans le cadre de l’élaboration de leurs programmes nationaux de réformes.

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