La politique régionale européenne. Enjeux, impacts et rôle des collectivités

Modifié par Julien Lenoir le 27 septembre 2018

Par BAUBY Pierre, président de RAP (Reconstruire l’action publique), membre du Conseil scientifique d’Europa et Mihaela M. Similie (Popa), chercheur
Dernière mise à jour : janvier 2017

La politique de cohésion de l’Union européenne évolue au fil de ses programmations financières pour s’adapter aux nouveaux enjeux des sociétés européennes tels que prises en compte dans les objectifs et le cadre politique général de l’UE.

Pour la période 2014-2020, son action s’inscrit dans les objectifs de la Stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive, qui poursuit, avec quelques évolutions, la ligne des objectifs fixés dès 2000 dans la Stratégie de Lisbonne et celle de Göteborg de 2001. L’accent est mis sur le numérique, l’innovation, la jeunesse, l’utilisation efficace des ressources, la politique industrielle dans la mondialisation, les nouvelles compétences et emplois et la lutte contre la pauvreté. Le Conseil européen du 17 juin 2010 a fixé les principaux résultats à atteindre en termes de :

  • Emploi : 75 % comme taux d'emploi des femmes et des hommes âgés de 20 à 64 ans ;
  • R&D : 3 % du PIB, niveau cumulé des investissements publics et privés de R&D ;
  • Énergie 20-20-20 : réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20% par rapport au niveau de 1990 ; 20% de part des énergies renouvelables dans la consommation finale ; augmentation de 20% de l’efficacité énergétique ;
  • Education : réduire le taux de décrochage scolaire à moins de 10% ; porter à 40% au moins la proportion de personnes âgées de 30 à 34 ans ayant obtenu un diplôme de l'enseignement supérieur ou atteint un niveau d'études équivalent ;
  • Inclusion et lutte contre la pauvreté : 20 millions de personnes au moins doivent cesser d'être confrontées au risque de pauvreté et d'exclusion.

La définition de la politique dans période actuelle de programmation a été d’abord marquée par des tensions budgétaires, avec non seulement une baisse du budget communautaire alloué à la politique de cohésion, mais aussi des efforts des Etat membres pour redresser les finances publiques, alors que la crise à augmenté les disparités entre les régions européennes. Les fonds structurels continuent à s’adresser à l’ensemble des régions de l’Union et le niveau de soutien et la participation nationale s’adaptent à leur niveau de développement.

Les plafonds des taux de cofinancement sont actuellement de :

  • 75 à 85% dans les régions moins développées (dont le PIB moyen est en dessous de 75% de la moyenne de l’UE-27) et les régions ultrapériphériques avec dotations supplémentaires aux régions ultrapériphériques et aux régions peu peuplées ;
  • 60% dans les régions en transition (dont le PIB moyen est situé entre 75% et 90% de la moyenne de l’UE-27) ;
  • 50% dans les régions plus développées (dont le PIB moyen dépasse 90% de la moyenne de l’UE-27).

L’articulation entre les objectifs poursuivis par la politique de cohésion et les objectifs généraux de l’Union définis par la Stratégie Europe 2020 est assurée par le principe de fléchage (earmarking), qui impose à ce qu’un certain pourcentage des fonds structurels soient orientés vers les objectifs de cette stratégie. Déjà dans la période précédente de programmation (2007-2013), 60% des fonds FEDER et FSE dans les régions classées en objectif Convergence et 75 % des fonds FEDER et FSE dans les régions en objectif Compétitivité devaient être fléchés pour la mise en œuvre des objectifs de la Stratégie de Lisbonne. La France relevait tant de l’objectif « Convergence » (avec les territoires d’Outre-mer) que de l’objectif « Compétitivité régionale et emploi » (France métropolitaine). La politique définie pour la période 2014-2020 cherche à orienter les ressources vers les principaux secteurs de croissance.

Le FEDER est concentré sur 4 priorités principales : innovation et recherche, stratégie numérique, soutien aux PME et économie à faibles émissions de CO2.

Le fléchage du FEDER est différent, selon les régions : les régions en retard de développement doivent dédier 50% des fonds à deux ou plus de ces priorités, les régions en transition ont une obligation de fléchage d’au moins 60% du montant FEDER et les régions les plus développées sont tenues à un taux d’au moins 80% du FEDER vers ces priorités.

Environ 100 milliards euros FEDER sont affectés à ces priorités, dont au moins 23 milliards au passage à une économie à faibles émissions de CO2 (efficacité énergétique et énergies renouvelables), avec respectivement : les régions en retard de développement doivent dédier au moins 12% des fonds à cette priorité, les régions en transition ont une obligation de fléchage d’au moins 15% et les régions plus développées sont tenues à un taux d’au moins 20%.

Environ 66 milliards euros du Fonds de cohésion sont consacrés aux RTE-T prioritaires et aux principaux projets d’infrastructure environnementale.

Le FSE se concentre sur les priorités de l’UE dans le domaine de l’emploi avec un minimum de 20% des crédits à l’objectif « promouvoir l'inclusion sociale et lutter contre la pauvreté et toute forme de discrimination » et un minimum du FSE dédié à chaque programme opérationnel à un maximum de 5 priorités, comme suit : les régions en retard de développement au minimum 60% du FSE, les régions en transition au moins 70% et les régions plus développées au moins 80%.

Une nouvelle initiative pour l’emploi des jeunes liée au FSE (au moins 6 milliards EUR) est consacrée à la mise en œuvre de la « garantie pour la jeunesse ».

Pour améliorer l’efficacité de la mise en œuvre de la politique de cohésion, un cadre de performance est défini pour chaque programme opérationnel qui fixe des étapes et objectifs clairs, transparents et mesurables en matière de responsabilité et de résultats par des indicateurs communs et spécifiques aux différents programmes afin d’appuyer le suivi et l’évaluation des résultats.

Ainsi, chaque programme opérationnel définit une stratégie d’action, les objectifs thématiques qui, sur la base d’une évaluation de l’ensemble des besoins, déterminent les priorités à satisfaire. Pour chaque axe prioritaire d’action, des priorités d’investissement sont définies avec des objectifs spécifiques et des indicateurs pour chaque objectif : indicateurs de résultat, qui traduisent le changement attendu, et indicateurs de réalisation des objectifs.

La programmation actuelle cherche à mieux lier les paiements aux résultats. Entre autres, les programmes les plus performants pourront bénéficier d’un soutient accru. Ainsi, une « réserve de performance » de 5% des dotations nationales par Etat membre, par fonds et par catégorie de régions, permettra vers la fin de la période de programmation de soutenir les programmes les plus performants.

Un système de conditionnalités – ex ante et macroéconomiques - a également été défini, pour améliorer le cadre d’action des fonds afin de garantir des investissements plus efficaces. Les conditionnalités ex-ante visent à s’assurer que les Etats membres assurent les conditions nécessaires à l’intervention des fonds structurels. Ils concernent, par exemple, la définition des stratégies « de spécialisation intelligente » pour identifier potentialités et atouts, des réformes favorables aux entreprises, la définition de stratégies de transport, des mesures visant à améliorer les systèmes de marchés publics, le respect des législations environnementales et la définition des stratégies de lutte contre le chômage des jeunes et le décrochage scolaire ou destinées à promouvoir l'égalité des sexes et la non-discrimination.

Pour que la politique de cohésion soit mieux liée à la gouvernance économique de l’Union, les programmes opérationnels devront être compatibles avec les programmes nationaux de réforme (PNR) et devraient s'attaquer aux réformes pertinentes recensées à travers les recommandations par pays formulées dans le cadre du Semestre européen. En vertu de la « clause de conditionnalité macroéconomique », la Commission peut demander aux États membres de modifier les programmes pour soutenir les principales réformes structurelles et elle peut suspendre les crédits si des violations graves et répétées surviennent à l'encontre des recommandations économiques.

La mise en œuvre de la politique de cohésion cherche également une meilleure coordination et une réduction des chevauchements entre les fonds par la définition d’un cadre stratégique commun pour une meilleure coordination entre les « Fonds structurels et d’investissement européens » (FSIE : FEDER, FC et FSE, FEADER et FEP) et pour établir de meilleurs liens avec d’autres instruments financiers de l’UE (tels que Horizon 2020, le mécanisme pour l’interconnexion en Europe ou le programme en faveur de l’emploi et de l’innovation sociale).

Pour rationaliser les démarches administratives, une réduction de la bureaucratie et une simplification de l’utilisation des fonds ont été envisagées par l’adoption de règles communes pour tous les fonds européens d’investissements, l’harmonisation des règles d'éligibilité et de durabilité, la simplification des règles comptables, une utilisation accrue de la technologie numérique (« cohésion en ligne/électronique », « guichet unique » pour les bénéficiaires) et une approche proportionnelle du contrôle.

La politique de cohésion cherche également à encourager l’utilisation accrue des instruments financiers, notamment pour fournir aux PME un soutien renforcé et un meilleur accès au crédit par des prêts, garanties et fonds propres ou capital-risque soutenus par l’UE en application de règles communes et par un élargissement de la portée de leur utilisation et au moyen de mesures incitatives (par exemple, des taux de cofinancement plus élevés). L’accent mis sur les prêts plutôt que sur les subventions vise à améliorer la qualité des projets et à décourager la dépendance à l'égard des subventions ; il s’inscrit dans l’approche politique plus large visant à promouvoir l'utilisation d'instruments de financement innovants.

Le contrat de partenariat avec la France vise trois grands enjeux : la compétitivité de l’économie et l’emploi ; la transition énergétique et écologique et la gestion durable des ressources ; l’égalité des territoires et des chances. Les fonds sont essentiellement orientés en faveur de la compétitivité des PME et de l’innovation, l’emploi des jeunes et l’accompagnement personnalisé sur le marché du travail, l’inclusion sociale pour lutter contre la pauvreté, la transition vers une économie bas carbone et la protection et la préservation de l’environnement et du patrimoine. Dans cette période de programmation, le FEDER intervient de manière limitée en matière d'infrastructures de transports, essentiellement pour des transports urbains. Les grandes infrastructures sont financées seulement dans les régions ultrapériphériques (outre-mer) et dans les régions en transition pour désenclaver ces territoires par des liaisons routières, fluviales, aériennes, maritimes et des connexions inter îles.

Un rôle accru des régions dans la gestion des fonds européens d’investissement

Pour la première fois en France, la période de programmation 2014-2020 est marquée par l’octroi d’une partie de la gestion des crédits des FSIE aux Régions (loi du 27 janvier 2014), notamment en ce qui concerne le FEDER et, dans une moindre mesure, le FSE, le FEADER et le FEP.

Les régions deviennent ainsi des autorités de gestion du programme régional FEDER-FSE. Pour ce qui concerne le FSE, les régions gèrent 35% du FSE pour des actions de formation, les 65% restants étant gérés par le Préfet de région pour des actions liées à l’emploi et à la l’insertion, enveloppe qu’il pourra déléguer aux départements ou à d’autres organismes.

Les Régions sont également autorités de gestion du programme de développement régional FEADER, mais resteront étroitement contrôlées par l'Etat (comité national et local Etat-région)

En matière de pêche et d'affaires maritimes les dossiers d'ampleur nationale resteront du ressort de l'Etat mais les régions peuvent demander une délégation pour les actions correspondant au développement porté par les acteurs locaux ou pour l'accompagnement économique des filières et des entreprises.

Les actions urbaines et rôle des villes dans la politique de cohésion de l’UE

Le développent urbain ne constitue pas une compétence communautaire mais les actions urbaines (ville/zone urbaine au sens large) peuvent être financées par la politique de cohésion de l’UE.

Les premiers projets pilote urbains (1989-1994) et l’initiative communautaire URBAN ont notamment mis l’accent sur les disparités internes, les quartiers défavorisés et l’inclusion sociale dans une approche participative. Dans la période de programmation 2007-2013, l’initiative communautaire pour les villes URBAN a été incorporée dans le FEDER. Il ne s’est pas agi de définir des programmes opérationnels spécifiques pour le développement urbain, mais de stabiliser l’importance du problème urbain dans la politique de cohésion. Toutes les villes d’Europe y étaient éligibles, mais comme bénéficiaires finaux et non pas comme partenaire principal de la définition et la mise en œuvre des programmes FEDER, qui restaient de la responsabilité des Etats et/ou régions. Toutefois, il y a eu quelques exceptions dans l’UE, soit par sous-délégation de parties des programmes opérationnels aux villes, soit par des paquets de financement dédiés aux villes. En France, les administrations des villes sont représentées dans les comités régionaux de suivi des programmes opérationnels du FEDER.

Dans la période de programmation 2014-2020 la dimension urbaine de la politique de cohésion est renforcée. Ainsi, un minimum de ressources au titre du FEDER sont affectées à des actions intégrées en faveur du développement urbain durable, à l'aide d’investissements territoriaux intégrés ou à l'aide d'un programme opérationnel spécifique ou à l'aide d'un axe prioritaire spécifique (en plus des autres dépenses dans les zones urbaines). En France, l’intervention des fonds européens est liée à la politique de la ville avec, en moyenne, 10% de l’enveloppe FEDER-FSE affectés en faveur des quartiers prioritaires de la ville. L’étendue de toute délégation de missions aux autorités urbaines est décidée par l'autorité de gestion en concertation avec l'autorité urbaine concernée. Les règlements prévoient que les villes qui mettront en oeuvre des stratégies urbaines intégrées soient responsables, à minima, de la sélection des opérations qui feront l’objet de financements européens dans le cadre de l’article 7 du règlement FEDER.

Un Agenda urbain européen a été lancé en 2015 par la Commission européenne. Il vise à mieux prendre en compte les enjeux urbains dans les politiques communautaires et à mieux coordonner les politiques pour une meilleure mise en cohérence des approches de l’urbain, une plus grande visibilité sur l’impact des actions de l’UE vers les villes et une meilleure connaissance sur l’urbain (Urban Data Platform). L'agenda urbain est coordonné par la Commission européenne et l’État membre qui préside le Conseil de l'Union européenne. Il s'appuie sur le Pacte d'Amsterdam, qui a été adopté le 30 mai 2016 lors de la réunion informelle des ministres en charge de l'urbain. Ce pacte définit douze thèmes prioritaires : mobilité urbaine, qualité de l'air, inclusion des migrants, logement, pauvreté urbaine, transition énergétique, transition numérique, adaptation au changement climatique, utilisation durable des sols et nature en ville, économie circulaire, emplois et compétences dans l'économie locale, commande publique novatrice et responsable. Des partenariats sont créés entre la Commission européenne, des États-membres, des villes, des organisations et des associations. Ils sont coordonnés par une ville ou un État-membre pour une durée de trois ans. Plusieurs partenariats pilotes ont déjà été lancés pour travailler, dont un partenariat sur la pauvreté urbaine, qui est coordonné par la France et la Belgique et qui rassemble trois autres États membres (Allemagne, Espagne et Grèce), sept villes de divers Etats membres (Birmingham, Daugavpils, Keratsini, Courtrai, Lille, Lodz et Timisoara), deux régions (Île-de-France et Bruxelles-Capitale), deux Directions Générales de la Commission européenne (DG Regio et DG Emploi) et trois organisations (EUKN, URBACT, EAPN).

En outre, le travail en réseau entre les villes européennes et les échanges sur la politique urbaine sont renforcés par l’établissement d’un réseau de développement urbain au niveau de l'Union.

Le règlement FEDER a créé également un nouveau dispositif de soutien d’« actions innovatrices dans le domaine du développement urbain » dont le budget est géré directement par la Commission européenne pour financer des études ou projets pilotes proposant de nouvelles solutions aux défis liés au développement urbain durable intégré, en lien avec la recherche et l’université. Seules les villes de plus de 50 000 habitants y sont éligibles.

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