Par Raymond Ferretti : Maître de conférences des Universités
Dernière mise à jour : Octobre 2016

Le Parlement dispose du pouvoir de faire la loi. La question qui se pose ici est de savoir comment techniquement parlant ce pouvoir est mis en œuvre. Trois phases vont se succéder.

1. L’EXAMEN DU TEXTE PAR LA COMMISSION

1.1. Le type de commission

1.1.1. En principe, une commission permanente

Le projet ou la proposition de loi est renvoyé à l’une ou l’autre des commissions permanentes. Le renvoi est effectué par le Président de l’Assemblée nationale en fonction de leurs compétences respectives, telles qu’elles sont définies par le Règlement de l’Assemblée. Une ou plusieurs autres commissions permanentes peuvent se saisir pour avis.

1.1.2. Plus exceptionnellement, une commission spéciale

Dans le cas contraire, une commission spéciale est créée sur demande du Gouvernement ou d’un président de commission permanente, d’un président de groupe ou au moins quinze députés. La commission spéciale perd sa compétence dès que le texte est repoussé ou adopté. Il n'est pas obligatoire qu'une commission spéciale soit créée en même temps dans les deux assemblées.

1.2. Le texte examiné

L’article 39 de la Constitution modifié par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, implique en premier lieu que, lors du dépôt, d’un projet de loi, le texte soit accompagné d'une analyse approfondie de ses effets attendus. Certes des études d’impact étaient déjà, parfois, présentées. Mais, trop souvent elles étaient superficielles et aléatoires. Le Gouvernement sera ainsi tenu de s'interroger sur les conséquences des dispositions qu'il propose et leur « valeur ajoutée » par rapport au droit existant.

1.2.1. Les projets de loi doivent être accompagnés d’études d’impact

La loi organique no 2009-403 du 15 avril 2009 précise les documents que le Gouvernement sera tenu de réunir. Ils définissent les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensent les options possibles en dehors de l’intervention de règles de droit nouvelles et exposent les motifs du recours à une nouvelle législation.

Dans un délai de 10 jours la Conférence des présidents peut si elle estime que les informations sont insuffisantes et qu’elles n’ont pas été complétées saisir le Conseil constitutionnel qui se prononce dans les huit jours sur le respect des dispositions de l’article 39 de la Constitution.

1.2.2. Les propositions de loi peuvent être accompagnées de différents avis

Dans le même ordre d’idée, la nouvelle rédaction de l’article 39 de la Constitution, permet au Parlement de bénéficier du concours du Conseil d’État, puisque le Président de chaque assemblée pourra le saisir et solliciter un avis sur une proposition de loi, comme le Gouvernement doit le faire s’agissant de ses projets de loi. De plus, le nouvel article 70 permet au Parlement de consulter le Conseil économique, social et environnemental.

1.3. Le travail de la commission

La commission désigne un rapporteur chargé de préparer la discussion du texte.

1.3.1. La préparation du rapport

Le rapporteur assisté par les fonctionnaires du bureau de la commission va rassembler le plus d’informations possibles en réunissant une documentation, en auditionnant des ministres, des hauts fonctionnaires, des représentants des milieux professionnels. Un rapport sera alors rédigé qui va servir de base à la discussion. S’il s’agit d’un projet de loi, le rapport conclut à l’adoption, au rejet ou à des amendements. Au contraire, s’il s’agit d’une proposition, un texte remanié peut être présenté comme conclusion de ce rapport.

1.3.2. La discussion

Elle est d’abord générale, puis, chacun des articles est examiné ainsi que tous les amendements déposés. Le président de la commission doit vérifier que ceux-ci ne sont pas irrecevables. La commission vote sur chacun des amendements, puis elle se prononce par un vote sur l’ensemble du texte. Les ministres assistent à la discussion.

2. L’EXAMEN DU TEXTE PAR L’ASSEMBLEE TOUTE ENTIERE

Après son inscription à l’ordre du jour le projet ou la proposition de loi est examinée en séance publique. La base de la discussion est désormais le texte de la commission. La discussion se déroule en deux temps.

2.1. La base de la discussion

Depuis le début de la Cinquième république, l’article 42 de la Constitution prévoyait que « la discussion des projets de loi porte, devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement ». Cette disposition traduisait le mieux la prépondérance du Gouvernement dans la procédure législative. La nouvelle rédaction de cet article précise que « La discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission ».

Ainsi, non seulement on rééquilibre les pouvoirs, mais aussi et surtout on améliore le travail législatif. En effet, les amendements techniques et rédactionnels ne viennent plus encombrer les séances publiques et obscurcir les débats, mais surtout, le Gouvernement, est désormais tenu de participer aux séances des commissions pour y défendre son texte.

Cette nouvelle règle suppose que les commissions disposent de plus de temps pour examiner les textes. C’est pourquoi, ce même article prévoit que « La discussion en séance, en première lecture, d'un projet ou d'une proposition de loi ne peut intervenir, devant la première assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de six semaines après son dépôt. Elle ne peut intervenir, devant la seconde assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de quatre semaines à compter de sa transmission ».

2.2. La discussion générale

2.2.1. Son déroulement

Elle se déroule selon un schéma qui varie selon qu’il s’agit d’un projet ou d’une proposition de loi. Dans le premier cas, le Gouvernement présente son texte, puis le rapporteur de la commission intervient à son tour. Dans le second cas ; le rapporteur intervient le premier. Ensuite, les parlementaires peuvent prendre la parole en fonction du temps réparti par la Conférence des Présidents. Cette durée est répartie entre les groupes selon un système fondé sur la proportionnelle corrigée qui garantit un temps minimum aux groupes les moins importants. Les différents groupes politiques, à travers les orateurs qu’ils ont désignés, interviennent de manière alternée.

2.2.2. Les incidents de procédure

La discussion peut être interrompue par le dépôt de motions de procédure qui servent souvent une stratégie du retardement de l'opposition (flibuste).

2.2.2.1. La demande de vérification du quorum

Le quorum est le nombre minimum de parlementaires présents, nécessaire pour que l’assemblée puisse valablement prendre des décisions. Il est fixé à la majorité, de plus il est présumé être atteint. Toutefois, cette présomption peut tomber à la demande d’un président de groupe à la condition que la majorité des membres de ce groupe soient eux-mêmes présents dans l’hémicycle. Lorsqu’un vote ne peut avoir lieu, faute de quorum, la séance est suspendue et le scrutin est reporté d’au moins quinze minutes (depuis juin 2009). Le vote est alors valable quel que soit le nombre de députés présents.

2.2.2.2. La suspension de séance

Il suffit qu’un président de groupe la demande pour qu’elle soit accordée de droit.

2.2.2.3. Le rappel au règlement

Tout parlementaire peut demander la parole pour rappeler les règles du débat. Il dispose de 5 minutes pour ce faire. Sa demande est prioritaire et doit être satisfaite.

2.2.2.4. L’exception d’irrecevabilité

Elle a pour but d’écarter l’examen du texte pour des raisons d’inconstitutionnalité. Le plus souvent l'inconstitutionnalité est un prétexte pour critiquer le texte.

2.2.2.5. La question préalable

Elle a pour objet de décider s’il y a lieu de débattre ou non. C’est donc l’opportunité politique du texte qui est en question.

2.2.2.6. Le renvoi en commission.

Si le renvoi est décidé, la discussion s’interrompt, la commission examine à nouveau le texte et un nouveau rapport est rédigé.

2.3. La discussion article par article

Chaque article fait l’objet de la discussion, dans l’ordre de leur numérotation sauf si un parlementaire ou le Gouvernement réserve la discussion de cet article. Les amendements déposés sont examinés. Le président de séance donne la parole pour deux minutes à l’auteur de l’amendement, demande l’avis du président ou du rapporteur de la commission saisie au fond, du président ou du rapporteur de la commission saisie pour avis et du Gouvernement (dont le temps n’est pas limité). Enfin un orateur contre l’amendement prend la parole. L’amendement est alors mis aux voix.

Lorsque tous les articles ont été examinés, l’Assemblée doit se prononcer par un vote d’ensemble afin de clore ce qu’on appelle une « lecture ».

3. L’EXAMEN DU TEXTE PAR LES DEUX ASSEMBLÉES

Le texte adopté par la première chambre saisie est présenté à la seconde chambre. La procédure suivie devant celle-ci est la même que devant la première. Le but est d'arriver à l'adoption d'un « texte identique », comme le précise l'article 45 alinéa 1 c'est-à-dire, au mot et à la virgule près. En d’autres termes les deux assemblées doivent être d’accord entre elles, ce qui souligne le caractère égalitaire du bicamérisme sous la Cinquième. Comment dans ces conditions, arriver concrètement à un accord. Deux systèmes ont été mis en place.

La seconde assemblée délibère sur le texte qui a été adopté par la première et non sur le projet gouvernemental, d'où l'importance du choix de la première assemblée saisie de celle-ci. Dans le cas où la seconde assemblée adopte le texte sans le modifier, il est définitivement adopté et la navette s'interrompt. La loi sera alors promulguée.3.1. La navette

En cas de désaccord, sur le texte, celui-ci revient devant la première assemblée saisie et la discussion ne porte que sur les points de désaccord entre les deux assemblées. Tant que le texte n’est pas adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, la navette se poursuit.

Ce système est classique en France, puisqu’il était utilisé sous la IIIe et la IVe. Mais, ce système se traduit par une perte de temps, et d’énergie. C’est pourquoi, la Constitution en a instauré un autre plus spécifique à la Ve.

3.2. La commission mixte paritaire (CMP)

Elle est composée de 7 députés et de 7 sénateurs désignés par les commissions compétentes sur le fond. Ce sont donc les parlementaires qui connaissent le moins le texte en discussion. Comme toutes les commissions, sa composition reflète la composition politique des assemblées. Ce qui signifie que l’opposition y est représentée.

3.2.1. Les conditions de la réunion de la CMP

3.2.21.. Les conditions quant au processus législatif

Deux lectures au moins doivent avoir eu lieu sans qu’aucun accord ne survienne. Toutefois, lorsque la « procédure accélérée » est décidée, une seule lecture suffit.

C’est le Gouvernement qui décide de la « procédure accélérée », mais les Conférences des présidents peuvent conjointement s’y opposer.

3.2.3.2. Les conditions quant à l’auteur de la convocation

Le Premier ministre ou, pour une proposition de loi, les Présidents des deux assemblées agissant conjointement, ont, seuls, la faculté de provoquer la réunion de la commission mixte paritaire.

3.2.2. Le rôle de la CMP

Après avoir examiné et discuté les dispositions sur lesquelles porte le désaccord et uniquement ces dispositions, la CMP tente de proposer un texte de compromis. Les décisions se prennent le plus souvent par consensus, sinon un vote a lieu. Il se fait globalement et non pas article par article. Si ce texte est adopté, le Gouvernement peut le soumettre à l’approbation des deux assemblées. La discussion des articles se limite à la discussion et au vote des amendements. Seuls les amendements du Gouvernement ou ceux acceptés par lui peuvent être déposés. L’Assemblée procède ensuite au vote sur l’ensemble du texte, compte tenu de la rédaction retenue par la CMP, éventuellement modifiée par les amendements.

Le Gouvernement peut également, renoncer à faire statuer les assemblées sur ce texte. Dans ce cas, la navette reprend au stade où elle avait été interrompue et doit se poursuivre jusqu’à l’adoption du texte en termes identiques par les deux assemblées.

Si après l’intervention de la CMP le désaccord subsiste entre les deux assemblées, soit parce que la CMP n’est pas parvenue à rédiger un texte de compromis, -soit parce que le texte de la CMP n’a pas été entériné par les deux assemblées, le Gouvernement peut donner le dernier mot à l'Assemblée nationale.

Si cette décision est prise, une dernière lecture doit alors avoir lieu dans chaque assemblée: en quelque sorte, il s’agit d’une « lecture de la dernière chance ». Bien qu’ayant le « dernier mot », l’Assemblée Nationale ne peut pas pour autant adopter n’importe quel texte. Deux possibilités s’offrent à elle, soit elle se prononce sur le texte adopté en CMP, soit elle se prononce sur le dernier texte qu’elle a adopté en retenant éventuellement un ou plusieurs amendements du Sénat.

AnnéeNombre de CMPPourcentage de réussites par rapport au total des CMPPourcentage de derniers mots par rapport au total des lois adoptées
19591100 %0,00 %
1960540 %4,35 %
1961580 %1,16 %
1962250 %2,00 %
19631155 %7,35 %
19641145 %6,32 %
19651242 %11,67 %
19661457 %5,17 %
19671267 %6,45 %
19681155 %10,20 %
19698100 %0,00 %
19701889 %2,74 %
19712181 %4,35 %
19721656 %6,86 %
19731060 %7,27 %
197413100 %0,00 %
197527100 %0,00 %
19762496 %1,20 %
197730100 %0,00 %
19783097 %1,69 %
19791486 %4,26 %
19801681 %6,12 %
19811638 %30,30 %
19824326 %45,07 %
19833933 %29,89 %
19844238 %35,62 %
19856025 %55,56 %
19862095 %2,27 %
198727100 %0,00 %
19881020 %34,78 %
19893441 %31,75 %
19903749 %27,54 %
19913148 %27,59 %
19924665 %22,54 %
199321100 %0,00 %
19942997 %1,41 %
19959100%0,00 %
1995-199619100 %0,00 %
1996-19971794 %2,94 %
1997-19982129 %32,61 %
1998-19991835 %22,92 %
1999-20002330 %29,63 %
2000-20012524 %42,85 %
2001-20022357 %30,00 %
2002-200314100 %0,00 %
2003-200419100 %0,00 %
2004-200516100 %0,00 %
2005-200618100 %0,00 %
2006-200719100 %0,00 %
2007-200818100 %0,00 %
2008-200920100 %0,00 %
2009-20102396 %1,7 %
2010-20112796 %0,0 %
2011-20122348 %32,5 %
2012-20133060 %17,0 %
2013-20143093%39,43%
2014-20153897%50,68%
TOTAL1216  
Tags :
    
© 2023 CNFPT