Par Raymond Ferretti : maître de conférences des Universités
Dernière mise à jour : septembre 2016

Le 15 décembre 2011, l’ancien président de République, Jacques Chirac a été déclaré coupable de « détournement de fonds publics » et d’« abus de confiance », ainsi que de « prise illégale d’intérêt » par le tribunal correctionnel de Paris. Il a été condamné à deux ans de prison avec sursis dans une affaire d’emplois fictifs de la ville de Paris qui remontait aux années 1990. Il était alors maire de la capitale.

Après douze ans d’immunité pénale à l’Elysée suivis de plusieurs années d’instruction du dossier, le procès s’est tenu du 5 au 23 septembre. L’ancien président avait été autorisé à ne pas se présenter à son procès en raison de « troubles sévères de la mémoire » et « d’importantes erreurs de jugement et de raisonnement » établis par un certificat médical.

A l’occasion de cette affaire, la question du statut pénal du chef de l’Etat a été une nouvelle fois posée. De manière plus générale, c’est la question de la responsabilité des gouvernants qui est ainsi à l’ordre du jour. Ceux-ci encourent éventuellement deux types de responsabilité, l’une est politique, l’autre est pénale.

1. LA RESPONSABILITE POLITIQUE

Il faut distinguer celle du Président de la République et celle des ministres.

1.1. La responsabilité politique du Président de la République

1.1.1. L’irresponsabilité de principe

L’irresponsabilité politique du Président de la République est une constante dans tous les régimes parlementaires. Seuls les ministres le sont devant le Parlement. C’est pourquoi tous les actes du Président doivent être contresignés par un ministre qui endosse ainsi la responsabilité de ceux-ci.

Cette irresponsabilité a été clairement énoncée dans la loi constitutionnelle du 25 février 1875 (article 6 : « le Président de la République n'est responsable qu'en cas de haute trahison ») et dans la Constitution du 27 octobre 1946 (article 42: « Le Président de la République n'est responsable que dans le cas de haute trahison ». La Constitution de 1958 a repris ces dispositions (article 68 « Le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. » La loi constitutionnelle du 23 février 2007 a formulé cette irresponsabilité en d’autres termes que l’on trouve désormais à l’article 67 : « Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68. »

Avec, l’instauration de la VRépublique, la tradition du régime parlementaire a été maintenue dans le texte de la Constitution. Mais dans les faits, le régime s’est présidentialisé. L’irresponsabilité politique du Chef de l’État est alors apparue comme un non-sens dans la mesure où l’exercice du pouvoir doit en principe être contrebalancé par la responsabilité. Le général De Gaulle a voulu mettre en jeu sa responsabilité politique, mais ses successeurs ne l'ont pas suivi. C’est par le biais du référendum utilisé de manière plébiscitaire qu’il a en fait posé la question de confiance au peuple et quand sa réponse a été négative, il a démissionné. La dissolution a également permis au Général De Gaulle de mettre en jeu sa responsabilité politique en demandant aux électeurs de se prononcer au-delà des choix locaux (les candidats) sur un choix plus fondamental et national, celui du chef de l’Etat. Toutefois aucun de ses successeurs ne suivra le Général dans ce que d’aucuns considèrent comme une dérive.

Finalement, c’est à l’occasion de l’élection présidentielle, si le président se représente, que la responsabilité politique du Président peut être engagée.

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Source : Rapport Avril, 12 décembre 2002

1.1.2. Ses limites

Cette irresponsabilité connaît cependant des limites depuis la révision constitutionnelle de 2007. Le nouvel article 68 de la Constitution met en effet en place une procédure de destitution du Président devant la Haute Cour qui se substitue au jugement pour Haute trahison par la Haute Cour de Justice.

Désormais, la responsabilité du Chef de l'Etat peut être mise en cause en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat ». Que faut-il entendre par là ? Aucun texte n’apporte une quelconque précision, mais on peut penser qu’une violation flagrante de la Constitution comme le refus de promulguer une loi ou encore le recours à l’article 16 lorsque les conditions ne sont pas réunies pourraient être considérées comme un tel manquement. Toutefois, c’est in fine, la Haute cour qui, saisie, se prononcerait.

Celle-ci comprend tous les députés et les sénateurs, elle est présidée par le Président de l’Assemblée nationale. Contrairement à l’ancienne Haute Cour de Justice elle ne comprend que des politiques et aucun magistrat.

Elle ne peut être saisie que par l'Assemblée nationale ou par le Sénat à travers l'adoption à la majorité des deux tiers d'une proposition de réunion qui doit être transmise dans les 13 jours à l'autre assemblée. Celle-ci dispose d'un délai de 15 jours pour se prononcer. Une assemblée qui n'adopterait pas la proposition transmise par l'autre mettrait fin à la procédure.

La Haute Cour ainsi saisie, doit statuer dans un délai d'un mois à bulletin secret à la majorité des deux tiers sur la destitution. La décision est d'effet immédiat. Un projet de loi organique précisant les conditions de mise ne œuvre de cette procédure a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 22 décembre 2010 il a commencé à être examiné le 16 novembre 2011.

1.2. La responsabilité politique des ministres

1.2.1. Une responsabilité prévue par les textes

C’est l’article 20 de la Constitution qui énonce le principe de la responsabilité politique du Gouvernement et donc des ministres, ce qui n’a rien d’étonnant dans la mesure où la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 précisait que le régime mis en place devait être parlementaire.

Mais l’article 20 ne fait qu’énoncer le principe de cette responsabilité. Pour ce qui est des procédures de mise en œuvre il renvoie aux articles 49 et 50.

Trois procédures sont prévues et peuvent être engagées devant l’Assemblée nationale exclusivement.

1.2.1.1. L’engagement de responsabilité du Gouvernement sur son programme ou sur une déclaration de politique générale

Il s’agit de ce que l’on appelait traditionnellement la question de confiance. C’est le Premier ministre qui engage la responsabilité du Gouvernement après délibération du Conseil des ministres. Lorsque la responsabilité est engagée un débat a lieu et l’Assemblée se prononce par un vote. C’est à la majorité relative que la confiance est accordée. Si elle est refusée, le Premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du Gouvernement conformément à l’article 50 de la Constitution.

1.2.1.2. La motion de censure

Elle résulte d’une initiative d’au moins 58 députés ceux-ci ne pourront renouveler leur geste que trois fois au cours d'une même session ordinaire. Lors d’une session extraordinaire ils ne pourront déposer qu’une seule motion. Bien entendu d’autres députés pourront agir, mais dans les mêmes conditions.

Le débat sur la motion de censure ne peut avoir lieu qu’après l’écoulement d’un délai de quarante huit heures, ce qui permet d’éviter les décisions « à chaud » qui pourraient déboucher sur un renversement intempestif. Le vote de la motion de censure n’est acquit qu’à la majorité absolue décomptée à partir des membres composant l’Assemblée nationale. Cela signifie qu’il faut réunir 289 voix pour renverser le Gouvernement. De plus, seules les voix favorables à la motion sont décomptées, ce qui permet d’assimiler les abstentionnistes à des soutiens du Gouvernement. En d’autres termes avec un tel système on ne peut pas savoir combien de députés soutiennent effectivement le Gouvernement. Ce faisant on le rend moins fragile politiquement.

1.2.1.3. L’engagement de responsabilité du Gouvernement sur un texte

Le troisième alinéa de l’article 49 met en place une procédure originale qui permet au Gouvernement de considérer comme adopté un projet de loi sur lequel il aura engagé sa responsabilité. Vingt quatre heures après la décision du Premier ministre de recourir à cette procédure le texte sera considéré comme adopté sans qu’un vote n’ait eu lieu sur le texte. Toutefois il existe un moyen et un seul permettant d’éviter cette issue : le dépôt et le vote d’une motion de censure. Le dilemme pour les députés est donc le suivant : le texte ou le Gouvernement.

1.2.2. Une responsabilité quasiment inexistante dans la pratique

En plus de cinquante ans, un seul Gouvernement a été renversé, celui de Georges Pompidou à la suite de l’adoption d’une motion de censure le 4 octobre 1962.

Dans ces conditions, on peut dire que l’effort de rationalisation du régime parlementaire, c'est-à-dire l’inscription dans la Constitution de procédures de mise en jeu de la responsabilité relativement difficiles à mettre en œuvre, a atteint son but : mettre fin à l’instabilité ministérielle.

Toutefois, on peut se demander, si cette stabilité n’est pas imputable au phénomène majoritaire c'est-à-dire l’existence à l’Assemblée nationale d’une majorité stable et cohérente. Dans ces conditions, le Gouvernement dispose d’un soutien quasiment automatique.

Si donc le parlementarisme majoritaire semble être l’explication principale, il semble que le parlementarisme rationalisée prend le relais du premier quand celui-ci est défaillant.

Mais, ce n’est pas parce que la responsabilité ministérielle ne se traduit pas par le renversement du Gouvernement que celle-ci a disparue.

2. LA RESPONSABILITE PENALE

Elle se présente de manière différente selon qu’il s’agit du Président de la République ou des ministres.

2.1. La responsabilité pénale du Président de la République

Cette question a été régulièrement débattue pendant les deux mandats de Jacques Chirac.

2.1.1. Une irresponsabilité de principe

L’ancien article 68 de la Constitution n’évoquait pas explicitement la responsabilité pénale du Président de la République. De plus, il distinguait les actes accomplis dans l’exercice des fonctions des autres, ce qui pouvait laisser place à une éventuelle responsabilité pénale dans ce dernier cas. Face à cette incertitude, le Conseil Constitutionnel, puis la Cour de Cassation ont tranché. Dans sa Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999, le juge constitutionnel a, certes, exclu la responsabilité pénale du Président de la République pour des actes commis dans l’exercice de ses fonctions établissant ainsi une véritable immunité. Mais, s’agissant des actes commis en dehors de ses fonctions ou antérieurs à ses fonctions, le Conseil Constitutionnel reconnaît au Président de la République un privilège de juridiction puisque seule, selon lui, la Haute Cour de Justice pourrait le juger dans un tel cas.

Quelques mois plus tard, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur cette question en prenant le soin de montrer qu’elle n’était pas liée par la décision du Conseil Constitutionnel, car celle-ci n’avait qu’une autorité relative. Dans son arrêt n° 481 du  10 octobre 2001 la Cour de Cassation, en assemblée plénière, reconnaît que le Président de la République bénéficie d’une immunité totale, mais temporaire. Totale, parce qu’il ne peut « être entendu comme témoin assisté, ni être mis en examen, cité ou renvoyé pour une infraction quelconque devant une juridiction pénale de droit commun ; il n'est pas davantage soumis à l'obligation de comparaître en tant que témoin prévue par l'article 101 du Code de procédure pénale(témoin-assisté), dès lors que cette obligation est assortie (...)d'une mesure de contrainte par la force publique et qu'elle est pénalement sanctionnée ». Mais cette immunité cesse avec le mandat présidentiel. Un mois après la fin de celui-ci, les poursuites contre l’ancien Président redeviennent possibles, dans les conditions du droit commun.

Devant le trouble engendré par ces décisions, et pour trancher définitivement cette question du statut pénal du Président de la République, le candidat Chirac, lors des élections présidentielles de 2002 a promis de réviser la Constitution. Elu, il réunira le 4 juillet 2002 une commission présidée par le Professeur Avril, chargée de proposer une solution. Le rapport de cette commission, remis le 12 décembre 2002 au Président de la République a servi de base à la révision de la Constitution qui n’interviendra qu’à la fin du septennat. (Loi constitutionnelle du 23 février 2007).

C’est désormais l’article 67 de la Constitution qui fixe le statut pénal du président. Celui-ci est quasiment identique à ce que la Cour de cassation avait prévu.

Ainsi le domaine de l’irresponsabilité est-il décrit avec précision :

« Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite ».

Mais cette irresponsabilité est temporaire, elle ne dure que le temps du mandat puisqu’elle est liée à l’exercice du mandat. Aussi, les poursuites contre le Président de la République peuvent-elles être reprises dans le délai d'un mois suivant la cessation des fonctions. Encore faut-il que les délais de prescription ou de forclusion soient suspendus, ce qui est le cas.

2.1.2. Une responsabilité exceptionnelle devant la Cour pénale internationale

La Convention de Rome du 18 juillet 1998 a créé la Cour pénale internationale (CPI). Elle est compétente pour juger les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité, ainsi que les crimes de guerre. La qualité de chef d’Etat, de chef de gouvernement de membre d'un gouvernement n'exonère pas de la responsabilité pénale (art. 27 du statut de la CPI). De même, les chefs militaires et les responsables hiérarchiques (art. 28 du statut de la CPI) peuvent être poursuivis. La France a ratifié la Convention de Rome, ce qui a provoqué la révision constitutionnelle du 23 février 2007.

2.2. La responsabilité pénale des ministres

L’article 68-1 de la Constitution pose le principe d’une responsabilité des ministres pour des crimes ou des délits. Lorsque ceux-ci sont commis dans l’exercice des fonctions, ils bénéficient d’un privilège de juridiction, mais lorsqu’ils le crime ou le délit est commis en dehors des fonctions ce sont les juridictions ordinaires qui sont compétentes.

2.2.1. Une responsabilité de droit commun

Lorsque le ministre agit en tant qu’homme, il est normal qu’il soit jugé comme n’importe quel justiciable. Plus précisément, la Constitution distingue les crimes ou les délits accomplis dans l'exercice de leurs fonctions et ceux qui ne le sont pas.

Ainsi, la Cour de cassation estime que c’est l’absence de tout lien entre les faits poursuivis et la fonction ministérielle qui entraine la compétence des juridictions ordinaires. Elle parle également de délits commis à l’occasion des fonctions ministérielles par opposition aux délits commis dans l’exercice des fonctions.

2.2.2. Un privilège de juridiction exceptionnel

Les faits accomplis dans l’exercice des fonctions relèvent d’une juridiction spéciale qui utilise une procédure particulière.

2.2.2.1. Une juridiction spéciale : la Cour de justice de la République

Elle remplace la Haute cour de justice qui jusque là était compétente pour juger le Président de la République mais aussi les ministres. Cependant elle ne pouvait pas être saisie par les victimes. C’est pourquoi, à la suite de « l’affaire du sang contaminé » et du scandale provoqué par la décision de la commission des requêtes de ne par poursuivre les ministres impliqués, la Cour de justice de République fut créé et une procédure plus favorables aux victimes fut mise en place.

La Commission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique, présidée par Lionel Jospin, préconisait dans son rapport remis au Président de la République, le 9 novembre 2012 la suppression de cette juridiction exceptionnelle. Ainsi, les ministres seraient traités comme n’importe quels citoyens. Le besoin d’égalité devant la justice si souvent mis en avant ces derniers temps serait pleinement satisfait par ce nouveau système. Mais cette proposition est restée lettre morte.

2.2.2.2. Une procédure particulière

La Cour peut être saisie par l’intermédiaire d’une commission des requêtes composée de 3 magistrats de la Cour de Cassation, de 2 conseillers d’Etat, de 2 conseillers maîtres à la Cour des comptes.

Deux possibilités existent :

Soit une personne qui se prétend lésée saisit la commission des requêtes. Le dossier est,  soit classé, soit transmis au Procureur général de la Cour de Cassation aux fins de saisine de la Cour.

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Soit le Procureur saisit directement la Cour sur avis conforme de la commission des requêtes.

Lorsque la commission des requêtes estime qu’il y a lieu de poursuivre, elle renvoie l’affaire devant la Cour par un arrêt susceptible d’un pourvoi en cassation.

L’instruction est alors confiée à une commission d’instruction composée de 3 conseillers à la Cour de Cassation qui décide de renvoyer devant la Cour ou d’abandonner les poursuites.

La Cour juge alors le ministre lors d’une procédure publique et contradictoire. Elle est liée par le principe de la détermination légale des infractions et des peines.

Depuis l'installation de la Cour de justice de la République, le 1er février 1994, la commission des requêtes a été saisie de 1 075 requêtes, 38 ont débouché sur une saisine de la commission d'instruction. A l'issue de celle-ci, quatre affaires ont conduit à un arrêt de renvoi devant la Cour de justice de la République. La formation de jugement s'est donc réunie à quatre reprises depuis sa création, le 9 mars 1999, le 16 mai 2000, le 7 juillet 2004 et le 30 avril 2010.

Dans son arrêt du 9 mars 1999, concernant l'Affaire du sang contaminé, la Cour de justice de la République, a relaxé deux ministres : Laurent Fabius, Premier ministre et Georgina Dufoix, Ministre des Affaires sociales et de la Solidarité. Mais elle a déclaré coupable Edmond Hervé (secrétaire d'État à la Santé) en le dispensant toutefois de peine.

Le 16 mai 2000, Ségolène Royal, ministre de l’enseignement scolaire a été relaxée. Elle était poursuivie en diffamation par deux enseignants à qui elle avait reproché d'avoir permis la commission d'actes de bizutage

Le 7 juillet 2004, elle a condamné Michel Gilibert, ancien Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées dans le gouvernement Bérégovoy, à trois ans de prison avec sursis, 20 000 euros d'amende, cinq ans d'inéligibilité et d'interdiction de droit de vote pour escroquerie au préjudice de l'État (détournement de 1,3 million d'euros)

Le 30 avril 2010, Charles Pasqua ancien ministre de l'Intérieur a été relaxé dans l’affaire du transfert du siège de GEC-Alstom où il était poursuivi pour« complicité et recel d'abus de biens sociaux » et dans celle du casino d'Annemasse où il était poursuivi pour « corruption passive par une personne dépositaire de l'autorité publique ». Mais dans l’affaire de la Sofremi il a été condamné à une année de prison avec sursis pour complicité d'abus de biens sociaux et de complicité de recel.

La Cour de cassation saisie par Charles Pasqua a confirmé d'une part les relaxes dont a bénéficié l'ancien ministre mais également sa condamnation dans le troisième dossier.

Le 3 août 2011, la commission des requêtes de la Cour de Justice de la République a donné son feu vert à une instruction dans l’affaire Christine Lagarde, à propos d'un arbitrage en faveur de Bernard Tapie en 2008. Par la suite, en juillet 2014, la commission d’instruction l’a mise en examen. Le 17 décembre 2015 Christine Lagarde a été renvoyée devant la CJR, pour « négligence d’une personne dépositaire de l’autorité publique ».

Constitution du 4 octobre 1958

Article 20

Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation.

Il dispose de l'administration et de la force armée.

Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50.

Article 49

Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l'Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale.

L'Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d'une motion de censure. Une telle motion n'est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l'Assemblée nationale. Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu'à la majorité des membres composant l'Assemblée. Sauf dans le cas prévu à l'alinéa ci-dessous, un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure au cours d'une même session ordinaire et de plus d'une au cours d'une même session extraordinaire.

Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session.

Le Premier ministre a la faculté de demander au Sénat l'approbation d'une déclaration de politique générale.


Article 50

Lorsque l'Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu'elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du Gouvernement.

  • Titre IX : La Haute Cour

Article 67 

Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.

Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.

Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions.

Article 68 

Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.

La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours.

La Haute Cour est présidée par le président de l'Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d'un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d'effet immédiat.

Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution.

Une loi organique fixe les conditions d'application du présent article.

  • Titre X : De la responsabilité pénale des membres du Gouvernement

Article 68-1 

Les membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis.

Ils sont jugés par la Cour de justice de la République.

La Cour de justice de la République est liée par la définition des crimes et délits ainsi que par la détermination des peines telles qu'elles résultent de la loi.

Article 68-2 

La Cour de justice de la République comprend quinze juges : douze parlementaires élus, en leur sein et en nombre égal, par l'Assemblée nationale et par le Sénat après chaque renouvellement général ou partiel de ces assemblées et trois magistrats du siège à la Cour de cassation, dont l'un préside la Cour de justice de la République.

Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions peut porter plainte auprès d'une commission des requêtes.

Cette commission ordonne soit le classement de la procédure, soit sa transmission au procureur général près la Cour de cassation aux fins de saisine de la Cour de justice de la République.

Le procureur général près la Cour de cassation peut aussi saisir d'office la Cour de justice de la République sur avis conforme de la commission des requêtes.

Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article.

Article 68-3 

Les dispositions du présent titre sont applicables aux faits commis avant son entrée en vigueur.

Conseil Constitutionnel ; Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999

Traité portant statut de la Cour pénale internationale

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 24 décembre 1998, par le Président de la République et le Premier ministre, conformément à l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si, compte tenu des engagements souscrits par la France, l'autorisation de ratifier le traité portant statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 doit être précédée d'une révision de la Constitution ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 18, alinéa 2, 19 et 20 ;
Vu le décret du 2 décembre 1910 portant promulgation de la Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, signée à La Haye le 18 octobre 1907 et le règlement annexé concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre ;
Vu le décret du 22 août 1928 promulguant le Protocole concernant la prohibition d'emploi à la guerre des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques, signé à Genève le 17 juin 1925 ;
Vu le décret n° 45-2267 du 6 octobre 1945 portant promulgation de l'accord entre le Gouvernement provisoire de la République française et les gouvernements des Etats-Unis d'Amérique, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord, et de l'Union des républiques socialistes soviétiques concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des puissances européennes de l'axe, signé à Londres le 8 août 1945, ensemble le statut du tribunal militaire international ;
Vu le décret n° 46-35 du 4 janvier 1946 portant promulgation de la Charte des Nations unies contenant le statut de la Cour internationale de justice, signée à San Francisco le 26 juin 1945 ;
Vu le décret n° 50-1449 du 24 novembre 1950 portant publication de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide approuvée par l'assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948 ;
Vu le décret n° 52-253 du 28 février 1952 portant publication de la Convention relative au traitement des prisonniers de guerre, de la Convention relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, de la Convention pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer, de la Convention pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, signées à Genève le 12 août 1949 ;
Vu la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ;
Vu la loi n° 83-1130 du 23 décembre 1983 autorisant l'adhésion de la République française au protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (protocole II), adopté à Genève le 8 juin 1977, ensemble le décret n° 84-727 du 17 juillet 1984 portant publication de ce protocole ;
Vu la loi n° 87-1134 du 31 décembre 1987 autorisant la ratification d'une convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination (ensemble les protocoles I et II), conclue à Genève le 10 octobre 1980, ensemble le décret n° 88-1021 du 2 novembre 1988 portant publication de cette convention ;
Vu la loi n° 90-548 du 2 juillet 1990 autorisant la ratification de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, ensemble le décret n° 90-917 du 8 octobre 1990 portant publication de cette convention ;
Vu la loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 ;
Vu la loi n° 96-432 du 22 mai 1996 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et, s'agissant de citoyens rwandais, sur le territoire d'Etats voisins ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

;
- SUR LE RESPECT DES DISPOSITIONS DE LA CONSTITUTION RELATIVES A LA RESPONSABILITE PENALE DES TITULAIRES DE CERTAINES QUALITES OFFICIELLES :
15. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 27 du statut : " Le présent statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d'État ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement... n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine " ; qu'il est ajouté, au 2 de l'article 27, que " les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne " ;
16. Considérant qu'il résulte de l'article 68 de la Constitution que le Président de la République, pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions et hors le cas de haute trahison, bénéficie d'une immunité ; qu'au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de Justice, selon les modalités fixées par le même article ; qu'en vertu de l'article 68-1 de la Constitution, les membres du Gouvernement ne peuvent être jugés pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions que par la Cour de justice de la République ; qu'enfin, les membres du Parlement, en vertu du premier alinéa de l'article 26 de la Constitution, bénéficient d'une immunité à raison des opinions ou votes émis dans l'exercice de leurs fonctions, et, en application du deuxième alinéa du même article, ne peuvent faire l'objet, en matière criminelle ou correctionnelle, hors les cas de flagrance ou de condamnation définitive, d'une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu'avec l'autorisation du bureau de l'assemblée dont ils font partie ;
17. Considérant qu'il suit de là que l'article 27 du statut est contraire aux régimes particuliers de responsabilité institués par les articles 26, 68 et 68-1 de la Constitution ;
Décide :
Article premier :
L'autorisation de ratifier le traité portant statut de la Cour pénale internationale exige une révision de la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au Président de la République, ainsi qu'au Premier ministre, et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 janvier 1999, où siégeaient : MM Roland DUMAS, président, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Yves GUÉNA, Mme Noëlle LENOIR, M Pierre MAZEAUD et Mme Simone VEIL.
Le président,
Roland DUMAS

Journal officiel du 24 janvier 1999, p. 1317
Recueil, p. 29

Cour de cassation ; Assemblée plénière

Audience publique du mercredi 10 octobre 2001
N° de pourvoi: 01-84922
Publié au bulletin Rejet. 

Premier président :M. Canivet., président 
M. Roman, assisté de M. Lichy, auditeur., conseiller rapporteur
Premier avocat général :M. de Gouttes., avocat général
la SCP Lesourd., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu l'article 575, alinéa 2.4°, du Code de procédure pénale et les articles L. 2132-5 et L. 2132-7 du Code général des collectivités territoriales ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, chambre de l'instruction, 29 juin 2001) qu'au vu d'un rapport de la Chambre régionale des comptes, une information a été ouverte contre personne non dénommée pour favoritisme, détournement de fonds publics, abus de biens sociaux, prise ou conservation illégale d'intérêt, complicité, recel, concernant des irrégularités dans les marchés publics passés par la Société d'économie mixte parisienne de prestations, dissoute le 22 juillet 1996, dont la ville de Paris, le département de Paris et d'autres sociétés d'économie mixte étaient les actionnaires ;

Que, s'étant constitué partie civile en lieu et place de la ville de Paris en vertu d'une autorisation donnée le 7 juillet 2000 par le tribunal administratif, M. Michel X... a saisi le 21 novembre 2000 les juges d'instruction d'une requête motivée en vue de l'audition, en qualité de témoin, de M. Jacques Y..., à l'époque des faits maire de Paris et aujourd'hui Président de la République ;

Que, par ordonnance du 14 décembre 2000, les juges d'instruction se sont déclarés incompétents pour procéder à l'acte d'information sollicité, aux motifs que la demande d'audition est formulée en des termes tendant à la mise en cause pénale de M. Jacques Y..., qu'aux termes de l'article 68 de la Constitution, le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison, et que, selon l'interprétation que donne de ce texte la décision du 22 janvier 1999 du Conseil constitutionnel, " au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de justice, selon les modalités fixées par le même article " ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt retient que ce dernier membre de phrase est un des motifs qui fondent la décision du Conseil constitutionnel, dont, en vertu de l'article 62 de la Constitution, les décisions s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et judiciaires, et que, dès lors, tant l'article 68 de la Constitution que la décision du 22 janvier 1999 du Conseil constitutionnel excluent la mise en mouvement, par l'autorité judiciaire de droit commun, de l'action publique à l'encontre d'un Président de la République dans les conditions prévues par le Code de procédure pénale, pendant la durée du mandat présidentiel, les juges d'instruction restant néanmoins compétents pour instruire les faits à l'égard de toute autre personne, auteur ou complice ;

Attendu que le demandeur fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen :

1° que, n'ayant statué que sur la constitutionnalité de l'article 27 du traité portant statut de la Cour pénale internationale, la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999 ne dispose d'aucune autorité de chose jugée à l'égard du juge pénal agissant en application des dispositions du Code de procédure pénale, qui n'ont fait l'objet d'aucune décision du Conseil constitutionnel portant sur la question de l'immunité du chef de l'Etat ;

2° qu'en vertu du principe constitutionnel de l'égalité des citoyens devant la loi, l'immunité instituée au profit du Président de la République par l'article 68 de la Constitution ne s'applique qu'aux actes qu'il a accomplis dans l'exercice de ses fonctions et que, pour le surplus, il est placé dans la même situation que tous les citoyens et relève des juridictions pénales de droit commun ;

Mais attendu que, si l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel s'attache non seulement au dispositif, mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, ces décisions ne s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives et juridictionnelles qu'en ce qui concerne le texte soumis à l'examen du Conseil ; qu'en l'espèce, la décision du 22 janvier 1999 n'a statué que sur la possibilité de déférer le Président de la République à la Cour pénale internationale pour y répondre des crimes de la compétence de cette Cour ; qu'il appartient, dès lors, aux juridictions de l'ordre judiciaire de déterminer si le Président de la République peut être entendu en qualité de témoin ou être poursuivi devant elles pour y répondre de toute autre infraction commise en dehors de l'exercice de ses fonctions ;

Attendu que, rapproché de l'article 3 et du titre II de la Constitution, l'article 68 doit être interprété en ce sens qu'étant élu directement par le peuple pour assurer, notamment, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat, le Président de la République ne peut, pendant la durée de son mandat, être entendu comme témoin assisté, ni être mis en examen, cité ou renvoyé pour une infraction quelconque devant une juridiction pénale de droit commun ; qu'il n'est pas davantage soumis à l'obligation de comparaître en tant que témoin prévue par l'article 101 du Code de procédure pénale, dès lors que cette obligation est assortie par l'article 109 dudit Code d'une mesure de contrainte par la force publique et qu'elle est pénalement sanctionnée ;

Que, la Haute Cour de justice n'étant compétente que pour connaître des actes de haute trahison du Président de la République commis dans l'exercice de ses fonctions, les poursuites pour tous les autres actes devant les juridictions pénales de droit commun ne peuvent être exercées pendant la durée du mandat présidentiel, la prescription de l'action publique étant alors suspendue ;

Attendu que, si c'est à tort que la Chambre de l'instruction, au lieu de constater l'irrecevabilité de la requête de la partie civile, a déclaré les juges d'instruction incompétents pour procéder à l'audition de M. Jacques Y..., l'arrêt, néanmoins, n'encourt pas la censure, dès lors que les magistrats instructeurs, compétents pour instruire à l'égard de toute autre personne, n'avaient pas le pouvoir de procéder à un tel acte d'information ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

MOYEN ANNEXÉ

Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour M. X....

MOYEN UNIQUE DE CASSATION :

Violation du principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi, des articles 62 et 68 de la Constitution de 1958 et des articles 80, 80-1, 81 et 82-1 du Code de procédure pénale.

EN CE QUE que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris en date du 14 décembre 2000, par laquelle ces juges se sont déclarés incompétents pour auditionner en qualité de témoin l'actuel Président de la République, sur le fondement de l'article 82-1 du Code de procédure pénale, dans le cadre d'une information afférente à une procédure ouverte contre X... des chefs de favoritisme dans les marchés publics, détournements de fonds publics, d'abus de biens sociaux, de prise et conservation illégale d'intérêt, de recel et de complicité, au cours de la période 1989 à 1995 ;

AUX MOTIFS QUE les juges d'instruction ont pu à bon droit considérer que, eu égard au texte constitutionnel en vigueur et à la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999 d'une part, aux règles de procédure pénale, d'autre part, et à l'absence de jurisprudence sur le sujet de la Cour de cassation, ils ne pouvaient que se déclarer incompétents pour procéder à l'acte souhaité par la partie civile, puisqu'il leur était demandé de procéder à un interrogatoire du chef de l'Etat en exercice portant sur une éventuelle participation de ce dernier aux faits qui se sont déroulés entre 1989 et 1995, alors que celui-ci était maire de Paris ; que, dans sa décision précitée du 22 janvier 1999, le Conseil constitutionnel ayant affirmé " qu'au surplus, pendant la durée de ses fonctions, [la responsabilité pénale du Président de la République] ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de justice, selon les modalités fixées par ce même article " ; que cette affirmation fonde la décision même rendue par le Conseil constitutionnel ; qu'en application des dispositions de l'article 62 de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ; que l'autorité de ses décisions s'attache non seulement au dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et qui en constituent le fondement même ; que, de surcroît, les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours ; qu'ainsi, en l'état du droit positif, il résulte tant de l'article 68 de la Constitution du 4 octobre 1958 que de la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999, qu'est exclue la mise en mouvement, par l'autorité judiciaire de droit commun, de l'action publique à l'encontre d'un Président de la République dans les conditions prévues par les dispositions du Code de procédure pénale pendant la durée du mandat présidentiel ; qu'il s'ensuit au total que l'ordonnance d'incompétence des juges d'instruction querellée est valide en ce qui concerne les actes d'instruction visant le Président de la République en exercice ;

ALORS QUE, DE PREMIERE PART, il résulte de l'article 62 de la Constitution, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel lui-même dans sa décision du 20 juillet 1988, que l'autorité de chose jugée qui s'attache aux décisions du Haut Conseil " est limitée à la déclaration d'inconstitutionnalité visant certaines dispositions " de la loi déférée et qu'elle " ne peut être utilement invoquée à l'encontre d'une autre loi conçue, d'ailleurs, en termes différents " ; qu'il s'en déduit qu'en tout état de cause, la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999 susvisée qui statuait sur la constitutionnalité de l'article 27 du traité portant statut de la Cour pénale internationale ne dispose d'aucune autorité de chose jugée à l'égard du juge pénal statuant sur la base des dispositions du Code de procédure pénale pertinentes qui n'ont fait l'objet d'aucune décision portant sur la question de l'immunité du chef de l'Etat et rendue par le Conseil constitutionnel ; qu'en estimant pourtant que la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999 s'imposait avec autorité absolue de chose jugée à toutes les juridictions pénales de droit commun, la Cour a violé l'article 62 de la Constitution ;

ALORS QUE, DE SECONDE PART, toute juridiction doit assurer le respect du principe constitutionnel, et à portée générale, de l'égalité des citoyens devant la loi, et spécialement devant la loi pénale ; que le statut pénal du chef de l'Etat constitue, par certains de ses aspects, une dérogation au principe constitutionnel précité qui doit, dès lors, faire l'objet d'une interprétation stricte ; que l'article 68 de la Constitution dispose que " le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant ; il est jugé par la Haute Cour de justice " ; qu'on doit en déduire qu'en premier lieu, l'immunité ainsi instituée au profit du Président de la République ne s'applique qu'aux actes qu'il a accomplis dans l'exercice de ses fonctions, que, pour le surplus, il est placé dans la même situation que tous les citoyens et relève des juridictions pénales de droit commun ; qu'en deuxième lieu, l'irresponsabilité du Président de la République pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions vaut pour tous les contentieux civil, pénal et administratif comme au plan politique, et que spécialement dans le domaine pénal le Président de la République ne peut dans l'exercice de ses fonctions se voir incriminé pour avoir commis un crime ou un délit ; qu'en dernier lieu une exception est apportée à ces règles qui concerne le crime de " haute trahison ", cette notion de haute trahison étant une notion qui n'est pas limitée à la définition de crimes et délits donnés par le Code pénal pour ce qui concerne les diverses atteintes à la sûreté ou à la sécurité de l'Etat, mais une notion autonome, dont le contenu est laissé à l'appréciation tant des parlementaires des deux assemblées qui auront choisi, dans les conditions de procédure fixées par l'article 68, d'accuser le Président de la République, que de la Haute Cour de justice statuant sur cette accusation ; qu'il s'en déduit que le Président de la République peut être mis en cause au plan pénal pour des faits commis avant son élection à la magistrature suprême ; que ces faits sont par nature détachables de l'exercice de ses fonctions durant son mandat présidentiel, et que, de plus fort, avant qu'il ne fût élu Président, le chef de l'Etat était un citoyen ordinaire soumis au statut pénal commun reposant sur le principe d'égalité garanti par l'ordre juridique républicain ; que, de surcroît, cette interprétation résulte de la lettre même de l'article 68 de la Constitution qui ne met en cause le Président de la République pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison, et qui partant, renvoie au droit commun pour les actes détachables de ses fonctions, spécialement ratione temporis, comme ceux commis avant son élection ; qu'ainsi, force est de constater que la Cour a bien violé le principe, les textes constitutionnels et les textes pénaux susvisés régissant la compétence et les pouvoirs dévolus aux juges d'instruction.


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