Par Raymond Ferretti : maître de conférence des Universités
Dernière mise à jour : septembre 2016

La souveraineté caractérise l’Etat, même si cette idée est contestée aujourd’hui par certains ou revendiquée par d’autres. Il s’agit d’abord de savoir ce qu’est la souveraineté de l’Etat, puis qui dans l’Etat est titulaire de celle-ci.

1. LA SOUVERAINETE DE L'ETAT

1.1. La notion

Historique

La souveraineté est une vieille idée conçue progressivement au Moyen-âge par les légistes, puis au XVIe siècle par Jean Bodin, et au XVIIe siècle par Charles Loyseau.

L’origine de la notion

Certains conseillers du Roi Philippe Le Bel (1285-1314) que l’on nomme les légistes, veulent fonder l’autorité du Roi. A cette fin, ils mettent en avant la notion de Souveraineté. Ils utilisent en particulier ce vieil adage : « Le Roi de France est Empereur en son Royaume » Ainsi le Roi est-il assuré d’être reconnu à l’intérieur comme à l’extérieur. A l’extérieur, il s’agit de montrer que le Roi est l’égal de l’Empereur ; à l’intérieur, il s’agit de montrer que le Roi dispose des mêmes pouvoirs que l’Empereur.

Le développement de la notion

Le Roi ayant pu s’imposer au-dedans et au dehors, c'est «l’Etat qui se construit autour de la dynastie et se renforce par une centralisation progressive » (Jean Touchard) en s’appuyant sur cette notion de souveraineté.

Pour Jean Bodin dans «Les six livres de la République » (1576) : « La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République ». Quant à Charles Loyseau dans le «Traité des seigneuries » (1609) : « La souveraineté consiste en puissance absolue, c'est à dire parfaite et entière de tout point »

Technique

Sur un plan technique, la Souveraineté a pu être définie par Julien Laferrière comme «la qualité d’un pouvoir de droit, suprême et originaire »

 C’est un pouvoir de droit, car il n’est pas fondé sur la force aveugle.

 C’est un pouvoir suprême, car il n’y a rien au-dessus «au sens non seulement relatif et comparatif mais superlatif et absolu ». D’où l’indépendance à l’extérieur

 C’est un pouvoir originaire, puisqu’il n’est pas délégué par une autre autorité, il est à l’origine des autres pouvoirs internes. D’où la suprématie à l’intérieur.

La souveraineté est donc le pouvoir sur le pouvoir ou pour Hans Kelsen : « la compétence de la compétence ».

Ses conséquences

La souveraineté interne

 Celui qui dispose de la souveraineté a abord la possibilité de déterminer sa propre organisation politique : il dispose du pouvoir constituant.

 Mais il a la possibilité de fixer les règles de droit : il dispose alors du pouvoir législatif.

 Enfin il a le pouvoir de faire appliquer les lois, le droit de contraindre bref il dispose du pouvoir exécutif.

La souveraineté externe

Elle se traduit de trois manières :

 L’égalité des Etats. Si tous les Etats sont souverains, ils sont égaux. Plusieurs principes en découlent :

- Non-intervention dans les affaires intérieures

- Egalité dans les organisations internationales

 Pas de «gouvernement international ». Si les Etats sont souverains ; il ne peut y avoir au-dessus d’eux une quelconque organisation, pas même l’ONU

 Seul le consentement peut lier sur la scène internationale. Personne, aucun Etat, aucune organisation ne peut imposer ses décisions aux Etats, même si dans des cas tout à fait exceptionnel cela est possible (Chapitre VII de la Charte des Nations-Unis).

2. LA SOUVERAINETE DANS L'ETAT

Tant que l’Etat et le Roi se confondaient le problème du titulaire ne se posait pas vraiment, mais il apparaîtra au fur et à mesure que le Roi sera contesté. On opposera alors les théories théocratiques de la souveraineté aux théories démocratiques de la souveraineté.

2.1. La souveraineté théocratique

« Non est potestas nisi a Deo ». Par cette formule de Saint Paul dans l’Epître aux Romains, est rappelée l’origine divine du pouvoir, mais encore convient-il de préciser comment Dieu détermine celui qui en son nom exercera le pouvoir. Deux conceptions se succéderont.

2.1.1. La théorie du droit divin surnaturel

C'est Dieu qui directement désigne le Souverain. C'est sur cette théorie que la monarchie de droit divin s’appuiera en France. C’est ce qu’expriment bien ces paroles prononcées par deus monarques :

« C'est en Dieu, non dans le peuple qu’est la source du pouvoir, et c'est à Dieu seul que les rois sont comptables du pouvoir dont il les a investis » Louis XIV

Louis XV devait rappeler cette même conception au Parlement de Paris au cours de la séance dite de la flagellation du 3 mars 1766: « A moi seul appartient le pouvoir législatif sans dépendance et sans partage... L'ordre public tout entier émane de moi j'en suis le gardien suprême... et les droits et intérêts de la Nation dont on ose faire un corps séparé du monarque sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu'en mes mains »

Mais c'est BOSSUET, qui sera le théoricien du droit divin, dans sa « Politique tirée des propres paroles de l'Écriture Sainte ». Pour l'évêque de Meaux, le roi n'a à rendre compte à personne de ce qu'il ordonne ou de ce qu'il fait. Seules des « remontrances respectueuses, sans mutinerie et sans murmure et des prières pour sa conversion » peuvent lui être opposées par ses sujets. Il n'existe en effet qu'un seul pour lui demander des comptes : Dieu. C'est ce qu'affirmera l’article 1er de la « Déclaration du Clergé de France sur la puissance ecclésiastique et la puissance séculière », le 10 Mars 1682.

2.1.2. La théorie du droit divin providentiel

Dans ce cadre Dieu ne désigne plus lui-même le Souverain, mais, maître des événements et des hommes il s’arrange pour désigner par leur intermédiaire celui qui exercera le pouvoir.

« Le pouvoir est légitime non dans ce sens que celui qui l’exerce y soit nommé par un ordre visiblement émané de la divinité, mais parce qu’il est constitué sur des lois naturelles de l’ordre social dont Dieu est l’auteur. » Louis, Gabriel, Ambroise de Bonald 1859

2.2. La souveraineté démocratique

Avec la Révolution, le peuple devient titulaire de la souveraineté. Mais deux conceptions démocratiques de la souveraineté verront le jour.

2.2.1. La souveraineté populaire

2.2.1.1. Sa signification

C’est Jean-Jacques Rousseau qui est le père spirituel de cette théorie. Pour lui, comme son nom l’indique, c’est le peuple qui est titulaire de la souveraineté. Mais le peuple est ici conçu comme, le peuple réel, c'est à dire la population. Cela signifie que chaque citoyen est titulaire d’une parcelle de la souveraineté comme l’explique J-J Rousseau dans « Le contrat social » :

« Supposons que l’Etat soit composé de dix mille Citoyens. Le Souverain ne peut être considéré que collectivement et en corps. Mais chaque particulier en qualité de sujet est considéré comme individu. Ainsi le Souverain est au sujet comme dix mille est à un ; c'est à dire que chaque membre de l’Etat n’a pour sa part que la dix millième partie de l’autorité souveraine ».

Titulaire de la Souveraineté, le peuple ne peut la mettre en œuvre, c’est-à-dire faire la loi, élaborer la Constitution, gouverner, qu’à travers le suffrage, le vote. Il fait l’objet de deux conceptions dans le cadre de la Souveraineté populaire.

D’abord, l’électorat-droit, ce qui signifie que voter est un droit pour chaque citoyen. En conséquence ce droit appartient à tous : c'est la reconnaissance implicite du suffrage universel.

Ensuite, le mandat impératif : les élus sont liés aux électeurs par ce que l’on appelle un mandat. Il est qualifié ici d’impératif car les élus reçoivent des instructions, ils peuvent même être révoqués par leurs électeurs. Cela s’explique par le fait que la Souveraineté est inaliénable. Les élus ne sont donc que des administrateurs et non des représentants.

En France, seule la constitution du 24 Juin 1793 a prôné la souveraineté populaire.

2.2.1.2. Ses conséquences en termes de régime

La théorie de la Souveraineté populaire se traduit en termes de régime par la démocratie directe mais comme celle-ci est délicate à mettre en œuvre elle se traduit le plus souvent par ce que l’on appelle la démocratie semi-directe.

 La démocratie directe

Puisque c’est le peuple qui détient la souveraineté, il est logique que ce soit lui-même qui élabore la Constitution ou encore qui légifère. Bref le pouvoir est exercé par le peuple directement par le biais d’assemblées du peuple.

A Athènes du VIe au IVe siècle avant J.-C. s’est mise en place une démocratie directe. La cité était dirigée par trois assemblées et par des magistrats qui occupaient des fonctions, politiques, militaires, ou judiciaires.

Tous les citoyens, riches ou pauvres, pouvaient être élus ou tirés au sort pour exercer une magistrature. Selon les estimations, sur les 380 000 habitants d'Athènes en - 431 seuls 42 000 étaient citoyens, c'est-à-dire seulement 11 % de la population.

En Suisse dans deux cantons (Appenzell Rhodes-Intérieures et Glaris), aujourd’hui encore la Landsgemeinde (Assemblée du peuple) se réunit et adopte les lois. Les habitants des cantons procèdent au vote à main levée, sur une place.

Si la Landsgemeinde est introduite pour la première fois dans le canton d'Uri en 1231. Dans les communes, en revanche, elle est encore très répandue puisque 4/5e d'entre elles disposent d'une assemblée populaire en lieu et place d'un parlement et ce, principalement en Suisse alémanique.

Plusieurs cantons ont eu une Landsgemeinde par le passé et l’ont supprimée: Zoug et Schwytz en 1848, Uri en 1928, Nidwald en 1996, Appenzell Rhodes-Extérieures en 1997 et Obwald en 1998.

Ce système ne peut matériellement fonctionner que dans de très petits pays. C’est pourquoi un système intermédiaire s’est développé.

► La démocratie semi-directe

Si le peuple ne peut pas systématiquement légiférer en se réunissant, il le peut plus exceptionnellement en étant consulté par la voie du référendum.

Le référendum est un instrument polymorphe selon ses conditions de déclenchement, il peut être d’initiative populaire ou d’initiative institutionnelle.

Le référendum peut se présenter sous diverses formes selon son objet : soit il s’agit de proposer l’adoption d’une loi, (référendum législatif) soit il s’agit de proposer l’adoption d’une loi constitutionnelle (référendum constituant).

Il peut prendre des formes différentes selon son ressort territorial. Il sera national ou simplement local (municipal, départemental ou régional).

Il peut également prendre des formes différentes selon sa force décisionnelle : il pourra être simplement consultatif : il s’agit alors de demander un avis. Il pourra à l’inverse être décisionnel : le texte proposé est adopté ou rejeté.

Une autre procédure caractérise la démocratie semi-directe : le recall ou en français le droit de destitution ou de révocation des gouvernants. Dans ce cas, le peuple ne participe pas à l’élaboration de normes, mais peut remettre en cause ses représentants par le biais d’une procédure plus rare.

Le recall est un moyen pour les citoyens de certains Etats fédérés des Etats-Unis d'Amérique par exemple de destituer un élu, de mettre fin à son mandat avant sa fin légale, de le « rappeler ».

Les électeurs votent pour ou contre la révocation, et chaque électeur vote en plus pour un candidat devant remplacer le titulaire du poste, dans l’hypothèse où la révocation serait adoptée. Si la révocation est rejetée, l’élu incriminé reste en fonction. Si elle est adoptée, le candidat qui a obtenu le plus de voix prend sa place.

C’est ce qui s’est passé en Californie en 2003. Le gouverneur démocrate Gray Davis, a été démis de ses fonctions et c’est Arnold Schwarzenegger élu à sa place qui l’a remplacé. On peut citer également le vote de révocation auquel a été soumis Hugo Chávez en 2004 au Venezuela, mais qui a échoué. Par ailleurs, le président actuel Nicolas Maduro est menacé par un possible référendum révocatoire, souhaité par l’opposition sur fond de mécontentement populaire.

Ce sont là des exemples connus. Cependant nombreux sont les recall dans plusieurs Etats fédérés des Etats-Unis concernant des conseillers municipaux ou des maires ou mêmes des fonctionnaires.

Une autre technique est celle de l'initiative populaire qui permet au peuple de proposer l'adoption d'une disposition constitutionnelle ou législative. La procédure commence par le dépôt d'une pétition ; ensuite le principe de la révision constitutionnelle ou de la modification législative est soumis aux organes représentatifs et, si ceux-ci sont défavorables, le texte es soumis à l'ensemble des électeurs par référendum.

2.2.2. La souveraineté nationale

2.2.2.1. Sa signification

L’abbé Sieyès, l’auteur de « Qu’est-ce que le Tiers-Etat ? » doit être considéré comme l’auteur de cette théorie qui reprend certaines idées de Montesquieu. Pour ces auteurs, c'est la Nation en tant qu’entité qui est titulaire de la souveraineté. Ce n’est donc pas le peuple réel comme dans la théorie de la souveraineté populaire. En quelque sorte, c'est un peuple sublimé, c’est-à-dire imaginé à travers son passé et sa projection dans l’avenir qui est titulaire de la souveraineté nationale. La Nation est un être collectif et indivisible, une entité abstraite distincte du peuple, une fiction juridique.

Cette conception est rappelée par André Hauriou en ces termes :

« La «Nation-personne » ne se confond pas, en effet, avec la somme des citoyens vivant à un moment sur le territoire national, car elle englobe à la fois le passé, le présent et l’avenir. Elle est faite non seulement des vivants, mais des morts, comme aussi de ceux qui naîtront »

Elle est énoncée dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (art 3) : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation »

La mise en œuvre de la souveraineté passe par le suffrage qui fait l’objet de deux théories exactement inverses de celle qui caractérisent la souveraineté populaire.

La première théorie concerne la nature du suffrage, il s’agit de l’électorat-fonction. Dans ce cadre, le vote est conçu comme une fonction et non un droit. D'où la possibilité dans cette théorie de restreindre le corps électoral. Ainsi, cette théorie légitime le suffrage restreint. Le critère longtemps choisi fut le cens. Mais on pouvait aussi choisir le suffrage familial (1 voix de plus par enfant)

L’autre théorie concerne la relation électeur-élu. Il s’agit du mandat représentatif. Puisque la Nation est une personne morale, elle ne peut agir que par ses représentants. Ils sont élus, mais ils ne représentent pas leurs électeurs, ceux-ci n’exerçant à travers leur vote qu’une fonction et non un droit comme on l’a vu plus haut. « Les représentants nommés dans les départements ne seront pas représentants d’un département particulier, mais de la Nation entière » Constitution de 1791.

Les représentants sont donc indépendants de leurs électeurs. C’est ce que rappelait en son temps Condorcet :

« Mandataire du peuple, je ferai ce que je croirai le plus conforme à ses intérêts. Il m’a envoyé pour exposer mes idées, non les siennes ; l’indépendance absolue de mes opinions est le premier de mes devoirs envers lui »

Et plus près de nous Raymond Carré de Malberg :

«Le député ne remplit pas un mandat qui l'enchaîne, mais il exerce une fonction libre. Il n'exprime pas la volonté de ses électeurs, mais il se décide par lui-même et sous sa propre appréciation. Il ne parle, ni ne vote, au nom et de la part de ses électeurs, mais il forme son opinion et émet son suffrage selon sa conscience et ses vues personnelles. En un mot, il est indépendant vis-à-vis de ses électeurs ».

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Ce système peut paraître aberrant, puisque les électeurs désignent à travers leur vote des personnes qui ne les représentent pas mais qui au contraire représentent la Nation. Pour Léon Duguit il s’agit là du mystère de la Sainte trinité dans la science politique.

2.2.2.2. Ses conséquences en termes de régime

Cette conception de la souveraineté a des conséquences politiques sur la démocratie qu'elle induit. Il s'agira d'une démocratie représentative. L'exercice du pouvoir est confié à des représentants qui seront chargés de décider au nom de la Nation. Pour J.J. Rousseau ce système est détestable : «Le peuple anglais pense être libre, il se trompe fort, il ne l'est que durant l’élection des membres du parlement ; sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est rien».

La critique essentielle faite à cette forme de démocratie est la confiscation du pouvoir par une minorité et donc un risque de dictature de la minorité. Une autre dérive possible est celle de voir les parlementaires confisquer à leur profit le pouvoir qu'ils exercent au nom de la Nation. Il sera alors question non plus de souveraineté nationale mais de souveraineté parlementaire.

Mais ses partisans estiment que contrairement à la démocratie directe, une assemblée de représentants est présumée avoir plus de mesure, être plus raisonnable, moins démagogue, respecter mieux les libertés de la minorité que le peuple lui-même. Une distance s'établit où s'essoufflent les passions.

La souveraineté nationale débouche sur la démocratie représentative qui peut évoluer vers une version «dure » ou vers une version plus «molle».

 La démocratie représentative

La Nation ne pouvant exercer elle-même la souveraineté, puisqu’elle n’a pas d’existence réelle, s’en remet à ses représentants. C’est ce qu’exprime la Constitution de 1791 : «La Nation de qui émane tous les pouvoirs ne peut les exercer que par délégation».

Elle présente plusieurs caractéristiques. La première concerne la nature du régime. Au départ il est oligarchique puisque les représentants ne sont qu’une infime minorité : l’élite économique, intellectuelle et sociale. C'est ce qui s’est passé en Angleterre, mais aussi en France à l’époque de la Révolution et sous la monarchie constitutionnelle. Mais avec la généralisation du suffrage universel, le régime représentatif se transforme en démocratie représentative.

La deuxième caractéristique est relative au fonctionnement du régime. Seules les assemblées peuvent exprimer la volonté de la Nation, par conséquent le référendum est proscrit. D’autre part, les actes des assemblées sont insusceptibles de contrôle, ce qui interdit tout contrôle de constitutionnalité.

 La démocratie ultra-représentative

Selon les mots du Doyen Vedel, la démocratie représentative a été victime d’un « absolutisme représentatif ». Cela s’est traduit de deux manières :

  • Par la captation du pouvoir par l’assemblée élue au suffrage universel :

« Le détournement du régime représentatif commence lorsqu’une Assemblée invoque la théorie de la représentation pour se soustraire au contrôle populaire et invoque son origine populaire pour refuser tout partage des compétences avec une seconde Assemblée ou avec l’exécutif » Georges Vedel

On débouche ainsi sur ce que l’on a appelé «la Souveraineté parlementaire». De simple organe exprimant parmi d’autres la volonté de la Nation, l’Assemblée devient le véritable titulaire de la Souveraineté.

  • Par la captation du pouvoir par les comités directeurs des partis politiques :

La discipline de vote conduit les députés à abdiquer leur liberté au profit de structures partisanes qui pratiquent ainsi le mandat impératif, mais qui elles-mêmes ne sont absolument pas responsables. On débouche ainsi sur le «régime des partis »

 La démocratie semi-représentative

C’est un concept mis en avant par Adhémar Esmein et repris par Julien Laferrière. On peut le résumer de la manière suivante :

Les représentants de la Nation deviennent des représentants de leurs électeurs

C’est bien sûr la généralisation du suffrage universel qui provoque ce phénomène, désormais les élus le sont par l’ensemble des citoyens, de fait ils deviennent leurs représentants.

Mais certaines pratiques électorales vont de leurs côtés atténuer le caractère représentatif du mandat. Ainsi les élus s’engagent-ils devant leurs électeurs sur des programmes, par des promesses électorales. A l’inverse les électeurs contrôlent de plus en plus les élus par le « chantage » à la non-réélection. Un lien s’établit entre eux dans les deux sens.

Le choix des représentants devient un choix des politiques mises en œuvre

C’est l’élection directe ou quasi directe des exécutifs (E.-U., G-B, France Ve) qui est à cet égard l’élément déterminant. Mais, le fait majoritaire complète le phénomène en conduisant à transformer les programmes électoraux en programmes de gouvernement. En votant pour des députés les électeurs choisissent des représentants mais ils choisissent aussi la politique qui sera appliquée.

Gouvernement semi-représentatif et Gouvernement semi-direct. :

Ces deux expressions sont parfois employées comme équivalentes : Gouvernement semi-représentatif ou semi-direct, dit-on pour dénommer les systèmes qui, tout en comportant des assemblées représentatives auxquelles est dévolu l'exercice du pouvoir législatif, font en même temps place aux méthodes de la démocratie directe. Il est préférable d’employer distinctement ces expressions et de réserver le nom de gouvernements semi-directs à ceux qui confèrent dans certains cas un pouvoir de décision au peuple lui-même, par l'initiative ou le référendum. Au contraire, le titre de semi-représentatifs doit être réservé aux systèmes qui maintiennent le principe que le peuple n'agit jamais que par représentants, dans lesquels par conséquent la loi sera toujours l’œuvre exclusive des assemblées, mais qui admettent du moins le corps électoral à manifester sa volonté quant aux mesures à prendre par ses représentants et à exercer une influence sur leurs décisions.

Sans doute le gouvernement semi-représentatif sera souvent une étape vers le gouvernement semi-direct. Mais une donnée marque nettement la démarcation entre ces deux systèmes, à savoir que le gouvernement semi-représentatif ne comporte pas l’attribution au peuple du pouvoir de prendre des décisions par lui-même.

Julien LAFERRIERE  Manuel de droit Constitutionnel  1944 p. 393

  

SOUVERAINETÉ  POPULAIRESOUVERAINETÉ  NATIONALE

MANDAT

IMPÉRATIF

ÉLECTORAT-DROIT

MANDAT

REPRÉSENTATIF

ÉLECTORAT-

FONCTION

DÉMOCRATIE SEMI DIRECTE

DÉMOCRATIE

ULTRA REPRÉSENTATIVE

DÉMOCRATIE

SEMI REPRÉSENTATIVE

DÉMOCRATIE  DIRECTEDÉMOCRATIE  REPRÉSENTATIVE

 

 

Raymond FERRETTI, Maître de conférences des Universités, août 2016 Page 11

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