Dernière mise à jour : juin 2015

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L’ordonnance du 23 septembre 2015 procède à une nouvelle rédaction des dispositions législatives du livre 1er du Code de l’urbanisme. Consultez sur Légifrance la table de concordance permettant de faire le lien entre l’ancienne numérotation des articles (utilisée dans cette fiche) et la nouvelle numérotation en vigueur depuis le 1er janvier 2016.

Le contentieux de l’urbanisme peut porter sur de nombreux objets différents, pouvant être visées une décision d’urbanisme, ou une collectivité, dans des hypothèses de responsabilité administrative, civile ou pénale.

Classiquement, est distingué le contentieux administratif (I) du contentieux judiciaire (II).

1. Le contentieux administratif

Le contentieux de l’annulation (1.1) se distingue du contentieux de la responsabilité (1.2). Des procédures d’urgence peuvent aussi être utilisées (1.3).

1.1. Le contentieux de l’annulation

Ce contentieux est fondé sur l’application du recours pour excès de pouvoir en droit de l’urbanisme (1.1.1), les effets des jugements d’annulation différant selon les actes concernés (1.1.2).

1.1.1. L’application du recours pour excès de pouvoir en droit de l’urbanisme

L’exercice de ce recours implique de déterminer les actes susceptibles de recours (1.1.1.1) et déterminer le cadre de l’intérêt à agir (1.1.1.2). Les délais de recours (1.1.1.3) connaissent des règles spécifiques, au titre desquelles figure également l’obligation de notification (1.1.1.4). Les recours sont limités du fait de la cristallisation des moyens (1.1.1.5) et la lutte contre les recours abusifs (1.1.1.6)

1.1.1.1. Les actes susceptibles de recours

Seuls peuvent faire l’objet d’un recours direct en annulation les actes considérés comme faisant grief. Cela signifie que ces actes ont des effets juridiques. Pour limiter les contentieux, les actes préparatoires ne sont ainsi pas considérés comme faisant grief.

1.1.1.2. L’intérêt à agir

L’intérêt à agir respecte des caractères traditionnels du contentieux administratif (1.1.1.2.1) et également des règles particulières du code de l’urbanisme (1.1.1.2.2).

1.1.1.2.1. Les caractères traditionnels

Classiquement, l’intérêt à agir doit être actuel, étant donné que l’intérêt s’apprécie à la date où le recours est exercé.

Il doit également être personnel, c’est-à-dire qu’il soit suffisamment propre au requérant.

Surtout, il doit être direct, et donc que la décision ait une incidence directe sur le tiers qui forme le recours. L’intérêt est nécessairement plus facilement déterminable dans les cas de recours contre les actes réglementaires que contre les actes individuels.

Enfin, l’intérêt doit être pertinent, ce qui implique que l’intérêt doit exclusivement être de nature urbanistique.

1.1.1.2.2. Les règles particulières du code de l’urbanisme

L’intérêt à agir des particuliers est restreint.

En effet, une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire.

En outre, et pour l’ensemble des requérants, sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l'intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.

Pour les associations, cela se matérialise par la nécessité de déposer les statuts de l’association en préfecture antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.

Référence : L. 600-1-1, L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du code de l’urbanisme

1.1.1.3. Le délai du recours

Le recours par voie d’action (1.1.1.3.1) se distingue du recours par voie d’exception (1.1.1.3.2).

1.1.1.3.1. Le recours par voie d’action

Le délai court à compter de l’accomplissement des formalités de publicité, qui diffèrent selon les actes. Par exemple, pour les permis de construire, il est de deux mois à compter du premier jour de l’affichage continu pendant au moins 2 mois sur le terrain.

Référence : R. 600-2 du code de l’urbanisme

1.1.1.3.2. Le recours par voie d’exception

Avec ce mécanisme, il est possible de contester la légalité d’un acte à l’occasion du recours contre une décision qui en constitue une mesure d’application, alors même que le délai de recours contentieux est expiré. Les juridictions n’admettent la recevabilité de l’exception que dans les cas où l’acte attaqué constitue une mesure prise pour l’application du règlement, en ce qui concerne les actes réglementaires.

Surtout, le code de l’urbanisme limite drastiquement la possibilité d’invoquer par voie d’exception les vices de forme ou de procédure touchant les documents d’urbanisme.

Ainsi, l'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma directeur, d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan d'occupation des sols, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause.

Cette règle est également applicable à l'acte prescrivant l'élaboration ou la révision d'un document d'urbanisme ou créant une zone d'aménagement concerté.

Néanmoins, certains vices peuvent continuer à être invoqués sans délai. Il en va ainsi lorsque le vice de forme concerne :

  • l'absence de mise à disposition du public des schémas directeurs dans les conditions prévues à l'article L. 122-1-2 dans sa rédaction antérieure à la loi SRU
  • la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales
  • l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques.

Référence : L. 600-1 du code de l’urbanisme

1.1.1.4. L’obligation de notification des recours

Le champ de l’obligation est particulièrement large.

En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation.

Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir.

La notification doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours.

Cette obligation est capitale, car le défaut de recevabilité entraine l’irrecevabilité du recours ou de la requête.

Référence : R. 600-1 du code de l’urbanisme

1.1.1.5. La cristallisation des moyens

Il est loisible pour le juge de déterminer une date à partir de laquelle aucun moyen nouveau ne pourra être invoqué, de façon à éviter que les requérants les mentionnent au fur et à mesure de l’instruction. Cela avait pour effet de retarder le jugement.

En effet, saisi d'une demande motivée en ce sens, le juge devant lequel a été formé un recours contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager peut fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués.

Référence : R. 600-4 du code de l’urbanisme

1.1.1.6. La lutte contre les recours abusifs

Les recours abusifs ont pris une ampleur conséquente en droit de l’urbanisme, souvent du fait de particuliers cherchant à monnayer leur désistement.

Face à cet phénomène, une disposition a été introduite dans le code de l’urbanisme, selon laquelle : lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel.

Référence : L. 600-7 du code de l’urbanisme

1.1.2. Les effets des jugements d’annulation

Les effets diffèrent selon que sont étudiées les règles applicables en cas d’annulation ou de déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme (1.1.2.1), les conséquences de l’annulation d’un plan local d’urbanisme sur les décisions prises (1.1.2.2), les conséquences de l’annulation d’un permis de construire (1.1.2.3) ou encore les conséquences de l’annulation d’une décision de préemption (1.1.2.4).

1.1.2.1. Les conséquences de l’annulation ou de la déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme

L’annulation d’un règlement remet en vigueur le règlement auquel a été substitué le règlement illégal.

Ainsi, l’annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale, d'un schéma directeur ou d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le schéma directeur ou le plan local d'urbanisme, la carte communale ou le plan d'occupation des sols ou le document d'urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur.

Si aucun document n’existait antérieurement au document annulé, les dispositions du règlement national d’urbanisme s’appliquent. Ce cas peut également se rencontrer lorsque le document qui redevient applicable est lui-même illégal, et que cette illégalité n’est pas couverte par l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme.

Référence : L. 121-8 du code de l’urbanisme

1.1.2.2. Les conséquences de l’annulation d’un plan local d’urbanisme sur les décisions prises sur son fondement

Le permis de construire ne constitue pas un acte d’application de la règlementation d’urbanisme, en application de la jurisprudence Gepro (CE, 12 décembre 1986). L’annulation d’un PLU n’entrainait alors pas alors de plein droit l’annulation d’un permis de construire délivré sur son fondement.

Avec la décision Commune de Courbevoie (CE, 7 février 2008), l’illégalité du plan ne peut plus du tout être invoquée dans cette hypothèse. Les requérants doivent nécessairement contester le permis en invoquant la méconnaissance des règles remises en vigueur par l’annulation du PLU, ce qui implique de respecter les dispositions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme.

1.1.2.3. Les conséquences de l’annulation d’un permis de construire

Lorsque l’administration est saisie d’une demande, et que la décision qu’elle prend est annulée, l’administration est à nouveau saisie de plein droit de cette demande. Les collectivités pouvaient alors avoir tendance entre temps à modifier leur réglementation pour justifier légalement leur décision auparavant illégale.

A présent, lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée.

Encore faut-il que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire.

Référence : L. 600-2 du code de l’urbanisme

1.1.2.4. Les conséquences de l’annulation d’une décision de préemption

Deux hypothèses sont à distinguer, selon qu’il y a eu ou non transfert de propriété.

Lorsque qu’il n’y a pas eu transfert de propriété, et que la décision par laquelle le titulaire du droit de préemption décide d'exercer son droit est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, ce titulaire ne peut exercer son droit à nouveau sur le bien en cause pendant un délai d'un an à compter de la décision juridictionnelle devenue définitive. Dans ce cas, le propriétaire n'est pas tenu par les prix et conditions qu'il avait mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner.

Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel l'acquisition du bien en priorité.

Dans ce cas, le prix proposé vise à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. A défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation. A défaut d'acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel sont réputés avoir renoncé à l'acquisition.

Références : L. 213-8 et L. 213-11-1 du code de l’urbanisme

1.2. Le contentieux de la responsabilité

Deux régimes coexistent : un régime jurisprudentiel de responsabilité (1.2.1) et un régime légal fondé sur les exceptions au principe de non-indemnisation des servitudes d’urbanisme (1.2.2).

1.2.1. Le régime jurisprudentiel

Comme en droit commun, le fait générateur du dommage (1.2.1.1), le préjudice indemnisable (1.2.1.2) et la réparation (1.2.1.3) s’étudient successivement.

1.2.1.1. Le fait générateur du dommage

La responsabilité pour faute (1.2.1.1) et sans faute (1.2.1.2) sont à distinguer.

1.2.1.1.1. La responsabilité pour faute

La responsabilité est principalement pour faute.

Dans ce cadre, elle est majoritairement quasi délictuelle. Ainsi, sont tout d’abord sanctionnées les illégalités, et ce d’autant plus que toute illégalité est fautive, même lorsqu’elle résulte d’une simple erreur d’appréciation (CE, 26 janvier 1973, Driancourt). Très simplement, il peut ainsi s’agir d’autorisations refusées, accordées ou retirées à tort, ou encore de vice affectant la légalité interne ou externe de l’acte. Sont également visés les agissements fautifs, qui peuvent par exemple se matérialiser par des retards ou la fourniture de renseignements erronés.

La responsabilité peut également être contractuelle. Le juge du contrat a particulièrement vocation à être saisi dans le cadre des concessions d’aménagement, que ce soit pour les relations entre collectivités et aménageurs, ou dans les relations contractuelles impliquant les sociétés d’économie mixtes. Les contrats passés entre les services de l’Etat et les communes quant à la mise à disposition d’agents sont aussi l’objet de contentieux, mais la responsabilité de l’Etat ne peut être engagée que lorsqu’un agent de l’Etat commet une faute en refusant ou en négligeant d’exécuter une instruction du maire (CE, 27 octobre 2008, Commune de Pouilly-lez-Gien).

1.2.1.1.2. La responsabilité sans faute

Par définition, le droit de l’urbanisme entraine des ruptures d’égalité, la responsabilité sans faute est donc rarement reconnue. Les juridictions l’ont cependant déjà appliquée, par exemple en cas d’inaction de l’administration alors qu’une construction est édifiée sans permis.

1.2.1.2. Le préjudice indemnisable

Pour être indemnisable, le préjudice doit être certain. Ainsi, la perte de chance ne peut être indemnisée. Le préjudice doit également être direct, sachant que le comportement de la victime peut rompre totalement ou partiellement le lien de causalité.

Pour la responsabilité sans faute, le préjudice doit au surplus être anormal et spécial.

1.2.1.3. Les règles de réparation

Ce sont surtout les préjudices matériels qui sont indemnisés, même si le préjudice moral peut aussi donner lieu à réparation. Du fait des règles de décentralisation, ce sont surtout les collectivités territoriales qui verront leur responsabilité engagée. Il existe cependant des hypothèses de partage de responsabilité entre l’Etat et les collectivités territoriales.

1.2.2. Le régime légal

En principe, les servitudes d’urbanisme ne s’indemnisent pas, dans les cas où ces servitudes ont été légalement instituées. Il en va différemment quand les règles proviennent de stipulations contractuelles.

Surtout, l’exception légale tirée de l’article L. 160-5 du code de l’urbanisme est fondée sur 2 branches. La servitude peut être indemnisée si elle entraine une modification à l’état antérieur des lieux. Il en va de même si la servitude entraine une atteinte à des droits acquis.

La décision Bitouzet (CE, 3 juillet 1998) est quant à elle venue préciser qu’est aussi possible l'indemnisation des propriétaires supportant une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général suivi. L’article L. 160-5 a ainsi été interprété de façon extensive.

Références : L. 160-5 du code de l’urbanisme

1.3. Les procédures d’urgence

Celles-ci sont issues du droit commun (1.3.1), tandis que le droit de l’urbanisme connait un référé-suspension spécifique (1.3.2).

1.3.1. Les procédures de droit commun

Très brièvement, il s’agit du référé-liberté (1.3.1.1), du référé mesures utiles (1.3.1.2) et du référé-suspension (1.3.1.3).

1.3.1.1. Le référé-liberté

Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures.

En matière d’urbanisme, la liberté fondamentale concernée pourra être le droit de propriété, ou encore la liberté contractuelle. Son utilisation dans ce domaine reste très cantonnée, ce d’autant plus qu’il n’est pas possible d’utiliser le référé-liberté en matière de permis de construire.

Référence : L. 521-2 du code de justice administrative

1.3.1.2. Le référé mesures utiles

En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative.

Par ce biais, le juge peut donc prendre des injonctions, par exemple, en particulier si la suspension antérieurement demandée n’est pas respectée.

Référence : L. 521-3 du code de justice administrative

1.3.1.3. Le référé-suspension

Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

La situation d’urgence est remplie quand la décision, qu’elle soit positive ou de rejet, préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre (CE, 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres). Du fait de cette condition d’urgence, il est évidemment plus simple d’obtenir la suspension d’un acte individuel, la situation pouvant être irréversible, que d’un acte réglementaire, ce dernier type d’acte étant moins susceptible de préjudicier immédiatement à qui que ce soit.

Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision.

En outre, le référé-suspension peut être accompagné d’une injonction, permettant d’assurer l’exécution de la chose jugée.

Référence : L. 521-1 et L. 911-1 du code de justice administrative

1.3.2. Le référé-suspension du contentieux de l’urbanisme

Il s’agit du référé-suspension visant les actes des collectivités (1.3.2.1) et des référés visant la protection de l’environnement (1.3.2.2).

1.3.2.1. Le référé-suspension visant les actes des collectivités

L'Etat, la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale, lorsqu'ils défèrent à un tribunal administratif une décision relative à un permis de construire ou d'aménager et assortissent leur recours d'une demande de suspension, peuvent demander qu'il soit fait application des dispositions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales.

Ces alinéas précisent que le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois.

De plus, jusqu'à ce que le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui ait statué, la demande de suspension en matière d'urbanisme, de marchés et de délégation de service public formulée par le représentant de l'Etat dans les dix jours à compter de la réception de l'acte entraîne la suspension de celui-ci. Au terme d'un délai d'un mois à compter de la réception, si le juge des référés n'a pas statué, l'acte redevient exécutoire.

Références : L. 600-3 du code de l’urbanisme et L. 2131-6 du CGCT

1.3.2.2. Les référés visant la protection de l’environnement

Il existe 3 types de référés spécifiques en la matière.

Le premier est le référé-suspension pour défaut d’étude d’impact, le juge n’ayant alors aucun pouvoir d’appréciation.

Le second est le référé-suspension des décisions soumises à enquête publique, le prononcé de la suspension étant également automatique, en cas de défaut d’enquête publique. La demande de suspension doit en tout état de cause comporter un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

Le troisième concerne les décisions soumises à évaluation environnementale, l’automaticité étant encore de mise.

Références : L. 122-2, L. 122-12 et L. 122-16 du code de l’environnement

2. Le contentieux judiciaire

Ce contentieux comporte un volet pénal (2.1) et un volet civil (2.2).

2.1. Le contentieux pénal

Classiquement, ce contentieux repose sur la caractérisation d’infractions (2.1.1), le respect d’une procédure (2.1.2) et le prononcé de sanctions (2.1.3).

2.1.1. Les infractions

L’article L. 480-4 du code de l’urbanisme dispose que le fait d'exécuter des travaux soumis à autorisation ou déclaration en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable est puni pénalement.

Les sanctions prévues sont également applicables :

  • en cas d'inexécution, dans les délais prescrits, de tous travaux d'aménagement ou de démolition imposés par les autorisations visées au premier alinéa ;
  • en cas d'inobservation, par les bénéficiaires d'autorisations accordées pour une durée limitée ou à titre précaire, des délais impartis pour le rétablissement des lieux dans leur état antérieur ou la réaffectation du sol à son ancien usage.

Les sanctions édictées à l'article L. 480-4 s'appliquent aussi :

  • en cas d'exécution de travaux ou d'utilisation du sol en méconnaissance des obligations imposées par les règles générales d’urbanisme
  • en cas de coupes et d'abattages d'arbres effectués en infraction sur les territoires des communes, parties de communes ou ensemble de communes où l'établissement d'un plan d'occupation des sols a été prescrit mais où ce plan n'a pas encore été rendu public
  • en cas d'exécution de travaux ou d'utilisation du sol en infraction aux dispositions de l'article L. 142-11 relatif à la protection des espaces naturels sensibles des départements
  • en cas d'exécution de travaux ou d'utilisation du sol en infraction aux prescriptions architecturales ou aux règles particulières édictées dans une zone d'environnement protégé en application de l'article L. 143-1 (alinéa 2)
  • en cas d'exécution, dans une zone d'aménagement concerté, de travaux dont la réalisation doit obligatoirement être précédée d'une étude de sécurité publique avant la réception de cette étude par la commission compétente en matière de sécurité publique.

Il existe également des incriminations spéciales, comme l’obstacle à l’exercice du droit de visite.

L’infraction est relativement souvent constituée, puisque les délits d’urbanisme sont présumés être intentionnels selon la Cour de cassation.

Références : L. 160-1, L. 480-4 et L. 480-12 du code de l’urbanisme

2.1.2. La procédure

Le respect de la procédure implique de cerner les personnes habilitées (2.1.2.1), de présenter le mécanisme de l’interruption des travaux (2.1.2.2), et de détailler les poursuites (2.1.2.3).

2.1.2.1. Les personnes habilitées

Les infractions aux dispositions touchant le droit de l’urbanisme sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire.

Les fonctionnaires et agents contractuels de l'administration des eaux et forêts sont compétents pour constater par procès-verbaux les infractions aux dispositions du présent code relatives à la conservation et à la création d'espaces boisés.

Les infractions visées à l'article L. 480-4 peuvent être constatées par les agents commissionnés à cet effet par le ministre chargé des monuments historiques et des sites, et assermentés, lorsqu'elles affectent des immeubles compris dans un secteur sauvegardé ou soumis aux dispositions législatives du code du patrimoine relatives aux monuments historiques ou aux dispositions législatives du code de l'environnement relatives aux sites et qu'elles consistent, soit dans le défaut de permis de construire, soit dans la non-conformité de la construction ou des travaux au permis de construire accordé. Il en est de même des infractions aux prescriptions établies en matière de fouilles archéologiques.

Références : L. 160-4 et L. 480-1 du code de l’urbanisme

2.1.2.2. L’interruption des travaux

Quand une infraction pénale est constatée, l’interruption des travaux peut être ordonnée par l’autorité judiciaire ou administrative.

Dans certains cas, l’autorité administrative est en situation de compétence liée : en cas de construction ou d’aménagement sans permis par exemple. Si les travaux se poursuivent, le juge administratif des référés peut agir, enjoignant au maire d’édicter un arrêté interruptif des travaux.

Références : L. 480-2, L. 480-4 du code de l’urbanisme, L. 521-3 du CJA

2.1.2.3. Les poursuites

Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 160-1 et L. 480-4, ils sont tenus d'en faire dresser procès verbal. La carence de l’administration en la matière peut entrainer la mise en jeu de sa responsabilité.

Les collectivités, les associations ou encore les particuliers peuvent se constituer partie civile.

Référence : L. 480-1 du code de l’urbanisme

2.1.3. Les sanctions

Les peines prévues peuvent être prononcées contre les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou autres personnes responsables de l'exécution desdits travaux.

Les personnes morales peuvent aussi être déclarées responsables des infractions précédemment mentionnées, et même plus car sont visées les infractions définies aux articles L. 160-1, L. 480-3, L. 480-4, L. 480-4-1, L. 480-12 et L. 510-2 du présent code.

Les infractions sont punies d'une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d'une surface de plancher, une somme égale à 6000 euros par mètre carré de surface construite, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros. En cas de récidive, outre la peine d'amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être prononcé.

Il existe aussi des infractions particulières : Est puni d'une amende de 15 000 euros le fait de vendre ou de louer des terrains bâtis ou non bâtis compris dans un lotissement sans avoir obtenu un permis d'aménager ou sans avoir respecté les obligations imposées par l'article L. 442-3, lorsque le lotissement est soumis à une déclaration préalable, ou sans s'être conformé aux prescriptions imposées par le permis d'aménager ou par la décision prise sur la déclaration préalable.

Pour les personnes morales, les amendes sont quintuplées. Surtout, des peines particulières leur sont applicables. Un délit peut être sanctionné d'une ou de plusieurs des peines suivantes :

  • -l’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales
  • le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire
  • la fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés
  • l'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus
  • l'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique.

Au surplus, des mesures de restitution peuvent être ordonnées, de façon à mettre en conformité les lieux ou ouvrages avec les règles applicables. Pour cela, les mécanismes de l’astreinte et de l’exécution forcée peuvent être utilisés.

Références : L. 480-4, L. 480-4-2, L. 480-5 à L. 480-9 du code de l’urbanisme, L. 131-38 et L. 131-39 du code pénal

2.2. Le contentieux civil

En principe, la responsabilité civile des constructeurs est mise en œuvre par les tiers (2.2.1), mais l’action peut aussi provenir de l’administration (2.2.2).

2.2.1. La responsabilité civile des constructeurs mise en œuvre par les tiers

Cette responsabilité peut être fondée sur la violation d’une servitude d’urbanisme (2.2.1.1), d’un droit réel (2.2.1.2) ou la théorie des troubles anormaux de voisinage (2.2.1.3).

2.2.1.1. La violation d’une servitude d’urbanisme

Pour saisir le juge civil, les tiers doivent prouver que la violation invoquée concerne une règle de fond, en particulier une servitude d’urbanisme, ou une prescription tirée d’une autorisation d’occupation des sols, et qu’ils subissent un préjudice personnel.

Lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :

  • le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. L'action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative
  • le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile doit être engagée au plus tard deux ans après l'achèvement des travaux.

Références : L. 480-13 du code de l’urbanisme

2.2.1.2. La violation d’un droit réel

En cas d’empiètement sur leur propriété, ou encore de non-respect des servitudes de vue par exemple, les tiers peuvent invoquer la violation d’un droit réel.

Dans ce cas, il n’est pas nécessaire que le juge administratif intervienne préalablement.

Références : articles 545 et 675 du code civil

2.2.1.3. La théorie des troubles anormaux de voisinage

La responsabilité des constructeurs peut être recherchée par les tiers si ces derniers subissent des troubles anormaux de voisinage. Peu importe ici que le permis de construire ait été respecté ou non.

2.2.2. La responsabilité civile mise en œuvre par l’administration

La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation des règles de fond applicables.

L'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux.

Référence : L.480-14 du code de l’urbanisme

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