Le contexte sociologique de la pratique et de l'encadrement des activités physiques et sportives

Modifié par Julien Lenoir le 27 septembre 2018

Par Frédérique Thomas

Dernière mise à jour : juillet 2018

1. Propos liminaires

Les principales enquêtes réalisées par l’INSEE1, l’INSEP2, le CREDOC3, mettent en évidence que l’accroissement de la pratique est lié à plusieurs facteurs comme l’augmentation de la pratique féminine, la continuité de la pratique avec l’avancée en âge, l’accès plus important de la pratique à des groupes sociaux qui ne pratiquaient pas ou peu.

La régularité de la pratique continue aujourd’hui d’augmenter avec le niveau de diplôme ou de revenus. Mais ce constat est à nuancer quant à :

  • la manière de pratiquer
  • l’intensité de la pratique
  • les activités physiques pratiquées

Avant d’aborder le contexte sociologique de la pratique des Activités Physiques et Sportives, il est indispensable de fixer quelques points de repères quant à l’analyse de Pierre Bourdieu, prélude à celle de Christian Pociello.

2. L’approche de Pierre Bourdieu

L’approche de P. Bourdieu marque un tournant important dans l’analyse de la stratification sociale. Tout en reprenant l’idée de distinction des travaux de Max Weber, Bourdieu va développer une conception structurale et en partie marxiste (opposition entre dominants et dominés) de l’espace social.

L’essentiel de ses travaux se trouve dans son ouvrage « La Distinction » (1979). Dans cette œuvre centrale, il cherche à comprendre les logiques sociales qui sont au fondement de la question du goût (culturel, esthétique, etc.) et des jugements de goût que nous faisons tous par rapport aux autres.

Il va montrer au travers d’analyses empiriques fouillées comment les classements que nous faisons des goûts des autres, sont liés à la position objective que nous occupons dans l’espace social. En ce sens, le goût est une sorte de sens de l’orientation sociale. Mais il développe également dans d’autres ouvrages (« La Noblesse d’Etat »4 en particulier), une véritable théorie du pouvoir qui renvoie cette fois à la question de la domination liée à une position de décision quant à la destinée des autres.

2.1. L’espace social

Le concept d’espace social forgé par Bourdieu vise à appréhender le monde social de manière relationnelle. Chaque individu occupe une position sociale qui a une existence et une stabilité uniquement parce qu’elle est relativement différente de celle d’autres individus ou d’autres groupes. En d’autres termes, la position qu’un individu occupe dans l’espace social n’a de réalité que parce qu’elle est proche ou éloignée d’autres positions, au-dessus ou au-dessous d’autres encore, entre telle et telle position enfin (« je suis ouvrier en opposition aux patrons ou aux intellectuels»).

Comme le définit P.Bourdieu, l’espace social est “un ensemble de positions distinctes et coexistantes, extérieures les unes aux autres, définies les unes par rapport aux autres, par leur extériorité mutuelle et par des relations de proximité, de voisinage et d’éloignement et aussi par des relations d’ordre, comme au-dessus, au-dessous et entre ».

La position sociale occupée par un individu est dépendante du volume et de la structure du capital qu’il possède. La nouveauté par rapport au marxisme est d’ajouter au capital économique (ensemble des richesses matérielles), qui reste essentiel, le capital culturel (capacités intellectuelles, biens culturels possédés et titres scolaires) qui est transmis par le milieu social d’origine et renforcé par l’école et la formation.

Au-delà du volume de capital (toutes espèces de capital confondues) qui donne une idée de la position hiérarchique des individus, P. Bourdieu met l’accent sur la différenciation du capital pour placer les individus et les groupes dans l’espace social.

La première dimension hiérarchique du volume du capital oppose entrepreneurs, professions libérales, professeurs aux plus démunis en capital économique et culturel comme les ouvriers sans qualifications.

Selon la seconde dimension (différenciation du capital), on verra s’opposer en haut de la hiérarchie, les professeurs, (plus riches relativement en capital culturel qu’en capital économique) aux entrepreneurs (plus riches, relativement, en capital économique qu’en capital culturel).

A un niveau inférieur, on peut faire le même constat dans l’opposition à gauche et à droite du schéma entre instituteurs et petits commerçants.

En fin de compte, l’espace social n’est donc pas qu’un ensemble différencié qui comprendrait autant de positions qu’il existe d’individus. On peut déceler dans cet espace social des proximités entre des positions sociales ou comme les nomme P. Bourdieu, « des classes de conditions d’existence ». Ce sont des classes théoriques, probables, qu’on peut essayer de saisir à travers des outils de mesure statistique portant sur un grand nombre de personnes.

2.2. L’espace des styles de vie

A cet espace des positions sociales, correspond pour P. Bourdieu un même système d’écarts entre des propriétés, c’est-à-dire des pratiques et des biens possédés. Autrement dit, à des groupes de positions (ou classes de positions) correspondent “un ensemble systématique de biens et de propriétés, unis entre eux par une affinité de style” (P.Bourdieu ). Ainsi, on trouvera des liens forts entre le fait d’être ouvrier, d’aimer le vin rouge ordinaire (le gamay), de faire du football, d’écouter de l’accordéon, de regarder la télévision dans ses loisirs et d’aller en vacances au «club Med».

Ou encore, il y a affinité entre une position sociale de professeur et la fréquentation des musées, la participation à des spectacles de théâtre, l’écoute de musique classique, la possession d’une maison de vacances, la lecture du « Monde » et la préférence pour le whisky single malt. Les propriétés, biens et pratiques, des agents sociaux correspondent donc statistiquement à leur position sociale et plus particulièrement à la classe de conditions d’existences à laquelle ils appartiennent. Il y a ainsi homologie entre l’espace des positions sociales et l’espace des styles de vie composé des différentes propriétés et choix des individus.

Des combinaisons (statistiques) typiques sont ainsi mesurables entre des groupes de positions sociales (définies par le volume et la structure du capital) et les propriétés des individus (au sens de choix de biens et de pratiques).

2.3. Un espace théorique : l’habitus

Qu’est-ce qui permet de comprendre cette distribution structurée et probable des préférences des individus et des groupes d’individus proches dans l’espace social ?

Entre l’espace des positions sociales et l’espace des styles de vie, Bourdieu introduit un espace théorique à travers la notion d’habitus compris comme principe générateur et unificateur qui est structuré (par la position sociale) et structurant (des choix en termes de pratiques, de biens, de prises de positions politiques, etc.).

L’habitus est donc cette formule génératrice qui transforme une condition sociale en un style de vie distinct et distinctif. En d’autres termes, les habitus de classe ou les goûts propres à une classe sont les résultats de conditionnements sociaux, de structures sociales (objectives) incorporées. En aval, ce sont des principes de classement des pratiques des autres, de vision et de division du monde social. Cette double fonction de l’habitus est illustrée ci-dessous par Bourdieu :

  • L’habitus comme produit de conditions d’existence

“Les habitus sont des principes générateurs de pratiques distinctes et distinctives : ce que mange un ouvrier et surtout sa manière de le manger, le sport qu’il pratique et sa manière de le pratiquer, les opinions politiques qui sont les siennes et sa manière de les exprimer diffèrent systématiquement des consommations ou des activités correspondantes du patron d’industrie (P.Bourdieu)”

  • L’habitus comme producteur de classements

Les habitus sont aussi “des schèmes classificatoires, des principes de classement, des principes de vision et de division, des goûts, différents. Ils [les habitus ] font des différences entre ce qui est bon et ce qui est mauvais, entre ce qui est bien et ce qui est mal, entre ce qui est distingué et ce qui est vulgaire, etc., mais ce ne sont pas les mêmes. Ainsi, par exemple, le même comportement ou le même bien peut apparaître distingué à l’un, prétentieux ou m’as-tu-vu à l’autre, vulgaire à un troisième. (P. Bourdieu)”

En résumé, on peut dire que l’habitus est tout d’abord l’ensemble des goûts, des préférences, des dispositions à agir, à parler, à sentir les choses dont on hérite par la transmission et l’apprentissage familial. C’est en premier lieu une sorte de programmation, de transposition des structures sociales externes en personnalités (recevoir une éducation, c’est avant tout recevoir une éducation de classe). Mais c’est aussi une grille de lecture des nouvelles situations que l’on rencontre, qui nous permet de classer les gens, les pratiques, de reconnaître ce qui est adapté à notre condition sociale et à faire des choix ajustés à ce qui nous a été inculqué. Ce concept permet par conséquent de comprendre comment une position sociale peut être retraduite en style de vie.

L’espace social est, cependant, selon Bourdieu, une construction intellectuelle, une réalité invisible à l’œil nu. Personne depuis son propre point de vue lié à sa position sociale n’est en mesure d’embrasser du regard l’ensemble des positions et des points de vue de l’espace social.

On peut pourtant construire des classes théoriques à partir des deux déterminants majeurs des pratiques et des propriétés que sont le capital économique et le capital culturel. Ces classes sont théoriques dans le sens où elles n’existent que sur le papier, sous le regard statistique du sociologue. Ce sont des groupes fictifs qui dessinent en pointillés les plis les plus probables de l’espace social. Ces classes théoriques ne deviennent pas des classes réelles par simple décision du chercheur. Si les gens proches dans l’espace social ont toutes les chances d’avoir des affinités entre eux, cela ne signifie pas pour autant qu’ils constituent un groupe mobilisé.

Ils définissent par contre des classes probables, qui ont une prétention à exister mais qui, pour exister réellement, doivent s’engager dans un processus de mobilisation collective.

C’est dans ce sens que P. Bourdieu explique que l’existence des classes est un enjeu de luttes. Les discours politiques peuvent favoriser ou non la prise de conscience des différences et favoriser ou non l’identité collective de groupes qui partagent les mêmes conditions d’existence. Mais tout discours politique est à mettre en relation avec les positions sociales des individus qui les prononcent. Suivant où l’on se situe dans l’espace social on a plus ou moins intérêt à le conserver en son état ou à le transformer.

En d’autres termes, exister en un point de l’espace social c’est aussi développer un point de vue sur cet espace social, une perspective profondément liée à la position objective occupée.

3. Pratiques sociales et pratiques sportives : l’analyse de Christian Pociello5

Il existe différentes approches sociologiques concernant les pratiques sportives mais la plus courante est l’application des principes de l’analyse de P. Bourdieu aux activités physiques.

Cette application a été conceptualisée par C. Pociello6, en analysant les déterminants sociaux des pratiques sportives, avec une analyse particulière, celle du rugby.

  • C.Pociello construit une approche socioculturelle des pratiques sportives, à partir des travaux de P. Bourdieu : il superpose à l’espace social, l’espace des pratiques sportives. Il conclut à l’existence de trois tendances dans l’évolution des pratiques physiques de loisir :
  • une tendance aux pratiques informationnelles,
  • aux pratiques libres (anti institutionnelles),
  • aux pratiques individuelles (mode convivial et familial).

Il affirme que le choix d’une pratique sportive est fonction d’options philosophiques et sociales.

  • il démontre qu’il existe bien des activités sportives qui seraient l’apanage des différentes classes sociales. Ainsi les sports ascétiques comme la lutte, le judo, la boxe et l’athlétisme correspondraient plus aux classes dites défavorisées et sont situées au bas de l’espace des Activités Physiques Sportives et Artistiques alors que les sports hédoniques et informationnels comme le golf, le yachting, la voile, le deltaplane, le planeur appartiendrait aux classes dirigeantes et seraient situées en haut de cet espace.
  • Mais il fait aussi une constatation intéressante : le mixage social dans certains sports comme le rugby. On y trouve en effet un panel exhaustif de toutes les classes sociales mais pas dans tous les secteurs de jeux. Il fait la différence entre le rugby de tranchée des avants appartenant plus à la classe ouvrière et le rugby « champagne» des lignes arrières où les classes moyenne et favorisée sont sur représentées. Ce sport offrirait une représentation parfaite de la division sociale du travail
  • Il construit également une distinction entre les sports nautiques : les voiliers pour la classe favorisée à forte représentation de professions libérales et universitaires contre les yatchs aux puissants moteurs pour les cadres supérieurs et chef d’entreprises
  • Il a, d’autre part, mené des études sur l’esthétisation et l’euphémisation des pratiques sportives toujours en liaison avec l’appartenance sociale. Ainsi il existerait une progression dans la hiérarchie sociale dans la pratique des sports de combat : en partant de la classe ouvrière avec la lutte, la boxe, pour s’en éloigner avec le judo et le karaté (plutôt classe moyenne) pour finir par le jujitsu, l’aïkido et le kendo pour la classe dite dominante. Il explique cela par la place plus ou moins prépondérante occupé par le contact physique au fur et à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie sociale, place que le langage occupe au contraire de plus en plus.
  • En outre ses travaux montrent qu’il y a une apparente désaffection pour les sports dits de base qui demandent un fort engagement énergétique au profit d’activités nouvelles qu’il nomme sports californiens (surf, roller…). Plus le niveau d’instruction est élevé plus le rapport au corps est constant, plus la perception des sensations est accrue, la beauté est alors valorisée / force physique, la minceur / embonpoint….
  • Il s’est également intéressé à la divulgation des pratiques corporelles. Plus celles-ci se vulgarisent, plus ceux qui sont en haut de la hiérarchie sociale cherchent à recréer la rareté de la pratique en déplaçant celle-ci sur e plan de l’espace ou du temps ou des deux. Ainsi la vulgarisation du ski qui, au début des années 50, était le signe l’appartenance à la classe sociale favorisée, a entraîné une multitude d’autres pratiques dérivées plus consommatrices de matériel, de temps, d’espace : ski de randonnée, ski hors-piste, ski extrême, dépose en hélicoptère, qui permettent à la classe sociale dite «supérieure» de se démarquer à nouveau par rapport aux autres pratiquants.
  • D’autre part, le recours à des énergies extérieures au corps (moteur, vent, eau) s’inscrit aussi dans une transformation des rapports au corps des différentes classes sociales. Les éléments naturels sont domestiqués par l’intermédiaire de machines écologiques qui permettent aux pilotes d’exploiter les énergies douces grâce à un capital culturel et universitaire important. On observe alors une migration certaine vers la nature, pour se libérer des contraintes liées à l’encombrement d’une part mais aussi à un balisage trop contraignant.

L’accès à la pratique sportive, son intensité ses modalités sont seulement fonctions de l’âge, du sexe mais aussi du niveau d’instruction du revenu, de l’habitation, de la nature du travail, bref du statut social de l’individu. De plus il existe aussi une hiérarchie entre disciplines sportives certaines étant plus accessibles que d’autres pour un individu donné, en fonction de sa place dans l’échelle sociale. La sociologie permet de comprendre et d’appréhender certains facteurs (comme le rapport au corps) entrant en jeu dans le choix de la pratique d’activités physiques. Ces dernières sont souvent représentatives d’une classe sociales et en véhiculent les idées et les grands principes. Comme l’écrivait P.Bourdieu : « on peut poser en loi générale qu’un sport a d’autant plus de chances d’être adopté par les membres d’une classe sociale , qu’il ne contredit pas le rapport au corps dans ce qu’il a de plus profond et de plus profondément inconscient , c’est-à-dire la schéma corporel en tant que dépositaire de toute une vision du monde social, de toute la philosophie de la personne et du corps propre.7 »

4. Focus : le sport dans les banlieues

Depuis 2015, la France a accueilli de grands événements sportifs tels que l’Eurobasket 2015, l’Euro 2016 ou le mondial de handball 2017. Paris va organiser les Jeux Olympiques de 2024. Au quotidien, le sport est également un formidable outil éducatif, de mixité sociale et est porteur de valeurs de fraternité et de respect.

Le plan "Citoyens du sport" vise à développer la pratique du sport et à en faire, grâce à des actions concrètes, un moyen de renforcer le vivre ensemble et l’éducation à la citoyenneté.

Le sport pour sauver les jeunes décrocheurs de banlieue ? Depuis trente ans, tous les politiques adhèrent à cet objectif. Pourtant, les quartiers comptent toujours deux fois moins de licenciés et trois fois moins d'équipements que le reste du territoire. "Un jeune discipliné par le sport est un jeune sauvé" : c'est le plaidoyer formulé par nombreuses personnalités du monde sportif qui appellent à un véritable « plan de bataille » pour les banlieues pauvres, où le chômage des moins de 30 ans culmine à 35 %.

Infrastructures vétustes, précarité colossale de clubs plombés par la suppression des emplois aidés, éducateurs formidables mais épuisés et non reconnus : le constat est corroboré par des chiffres implacables. 

Les 5,4 millions d'habitants des 1.500 quartiers classés prioritaires pratiquent deux fois moins de sport que la moyenne de la population. Et près de 10 % des "zones urbaines sensibles" ne comptent aucune structure.

Parmi les idées du récent rapport Borloo remis au gouvernement : construire, soutenir financièrement les clubs, mais aussi former et recruter 5.000 "coachs d'insertion par le sport", chargés d'identifier et d'accompagner les jeunes en difficulté dans un parcours professionnel au sein d'entreprises partenaires.

« Le sport n'est pas en soi un vecteur intégrateur. Si rien n'est fait dans l'accompagnement social ça ne peut pas fonctionner : il faut des éducateurs multicasqués, avec des compétences sportives, sociales, éducatives ", souligne Gilles Vieille-Marchiset, chercheur à l'Université de Strasbourg.

Le sociologue rappelle que l'idée d'insérer "les classes populaires grâce à la pratique sportive fait partie du mythe fondateur du sport dès le début du XXe siècle", promue notamment par le fondateur du Comité international olympique Pierre de Coubertin. C'est au début des années 1980, après les premières émeutes urbaines, que les pouvoirs publics s'emparent de cette idée, sans cesse revendiquée depuis.

5. Nouvelles pratiques et stratégie des collectivités territoriales

A la lumière d’analyses sociologiques de plus en plus diverses et compte tenu des constats posés il apparait que des mutations sont en cours.

Plus d’autonomie, plus d’activités en extérieur, pour davantage de bien-être : présentée lors du forum Sportcoll (7-9 février 2017), à Montpellier (Hérault), une étude confirme les mutations en cours des pratiques sportives des français révèle des tendances qui pourraient amener les collectivités à adapter leurs investissements futurs, notamment en matière d’équipements de proximité.

Ce travail confirme une évolution de la façon qu’ont les Français, de consommer le sport, aussi bien en termes de motivations, de modes de pratiques que de lieux. Un Français sur deux pratiquerait au moins une fois par semaine une activité physique, le plus souvent dans un but de santé et de bien-être. Sur la forme, les pratiques autonomes ont la côte. Natation, vélo, course à pied, randonnée séduisent par exemple 37% des moins de 35 ans.

Les lieux de pratique évoluent également, sous l’impulsion d’activités émergentes comme l’outdoor fitness/crossfit (1 million de pratiquants), l’escalade indoor (1 million) ou le parkour (500 000). Ces tendances vont se poursuivre, vers toujours plus d’autonomie et de pratiques en extérieur, le plus souvent en cœur de ville. Sans oublier l’impact du numérique avec un nouveau schéma réseau social/communauté/pratique qui gagne du terrain par rapport à l’approche ‘fédérale’ : licence/club/compétition…

Les collectivités doivent adapter leur mode de fonctionnement pour répondre à ces demandes nouvelles, lesquelles par définition, ne sont pas organisées et donc pas simples à identifier. De la même manière, le mouvement sportif doit aussi se réinventer face à ces pratiques en pleine mutation et qu’il ne faut surtout pas opposer.

Autrement dit les villes sont le reflet des mutations en matière de pratiques sportives. Des sports qui étaient pratiqués à l’origine en pleine nature s’adaptent au paysage urbain. Ainsi de nouvelles pratiques apparues dans les années 1990 (roller, patinette, parkour) connaissent une augmentation continue de leurs pratiquants. Le partage de la voirie et la création de parcours sportifs favorisent le développement des pratiques sportives en ville auxquelles participent activement les municipalités.

Dans ce cadre il est possible de classifier ces lieux en fonction de leurs caractéristiques d’aménagement et de leurs usages :

  • les espaces publics non aménagés comme les parvis, les rues, les places, sont des espaces à l’usage de tous et lieux de pratiques
  • les espaces naturels de loisirs (intra urbains) : parcs, bases de loisirs sont aussi des lieux de pratiques pour les citadins, les pratiques libres sont omniprésentes ; on assiste paradoxalement à un déplacement des sports de nature en ville
  • les équipements en accès libre dans l’espace public : les équipements sportifs de proximité et le mobilier sportif participent à la valorisation du sport en ville ; ces équipements de proximité se trouvent souvent dans les quartiers populaires et leurs environs.

Les pratiques sportives urbaines sont autonomes et se déroulent en dehors de tout cadre fédéral ; de nouveaux sports apparaissent qui varient avec l’âge et la catégorie socio professionnelle des individus. Les pratiques de « glisse urbaine » et « originales » amplifient la montée en puissance de l’autonomie, notamment chez les plus jeunes.

De plus la digitalisation du sport contribue au développement de ces pratiques par le partage des performances sur les réseaux sociaux, l’accès à des cours gratuits en ligne.

Ces pratiques informelles et spontanées dépendent en réalité des logiques d’action de chaque pratiquant, quant à la proximité des lieux de travail, de leur motivation et des heures de la journée. Elles restent encore marginales mais elles sont plutôt bien accueillies par la plupart des fédérations, et surtout font émerger de nouvelles structures comme le « collectif freestyle » apparu en 2017 avec une culture communautaire très forte. Dans certaines collectivités des ETAPS organisent les pratiques avec les usagers.

L’aménagement des espaces publics notamment à des fins sportives sont des enjeux majeurs pour les collectivités : la piétonisation des villes, l’ouverture des places, la suppression du stationnement, la mise en place d’installations sportives démontables sont des initiatives qui visent à promouvoir l’activité physique des usagers. Mais la rencontre entre l’offre et la demande reste cependant difficile compte tenu d’un contexte financier tendu et contraint au niveau des collectivités territoriales. C’est pourquoi l’organisation d’évènements sportifs et ludo sportifs valorisent le sport en ville, avec l’aide d’entreprises spécialisées dans ce domaine (ASO).

Finalement les usages sportifs dans les espaces publics convergent de manière analogue et l’organisation des JO de 2024 va encore amplifier ce développement.

Pour aller plus loin :

  • « Le skateboard analyse sociologique d'une pratique physique urbaine » Julien Laurent, 2015

Résumé ( quelques idées principales)

Le skateboard, véritable totem contemporain, se révèle depuis plusieurs décennies comme le marqueur de la jeunesse urbaine et participe de ce courant de la culture de la rue. Influencée selon des modes par la musique punk-rock ou le rap, cette activité physique urbaine et artistique interpelle sur les appropriations de l'espace public. Le street skateboarding devient un mode de vie et d'expression qui permet de se positionner dans l'espace social et de construire son identité dans des groupes et en référence à des modèles. Cet ouvrage qui, par le prisme du skateboard dans la ville, traite plus largement de la sociologie des dernières générations et leurs manières de se mettre en scène et d'exploiter l'architecture, se fixe comme objectif de décrypter les manières d'être, de faire et de penser des streets skateboarders.  


  1. ^ L'Institut national de la statistique et des études économiques.
  2. ^ L’institut national du sport de l’expertise et de la performance.
  3. ^ Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie.
  4. ^ La noblesse d’Etat, Pierre Bourdieu, 1989.
  5. ^ « Le rugby ou la guerre des styles », 1984.
  6. ^ « Sports et société. Approche socioculturelle des pratiques ». 1981.
  7. ^ « La distinction » 1979.
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