Le contrôle sur l'élaboration et l'exécution des budgets locaux

Modifié par Julien Lenoir le 17 décembre 2018

Par Gilbert Lemardeley
Dernière mise à jour : décembre 2018

1. Le contrôle sur l’élaboration

1.1. Le contrôle classique

1.1.1. L'obligation de transmission des budgets au préfet

1.1.1.1. Les modalités de la transmission

Les documents budgétaires sont obligatoirement transmis par l'exécutif au préfet ou sous-préfet du département. Ils peuvent l'être également par le comptable.

1.1.1.2. Les conséquences de la transmission

Elle rend l'acte exécutoire. Le délai de saisine du tribunal administratif court à compter de la date du récépissé de réception délivré par les services préfectoraux. Si la transmission est incomplète le préfet peut demander le complément des pièces : le délai ne court alors qu'à compter de la réception de celles-ci.

1.1.2. La faculté du déféré du préfet au tribunal administratif

1.1.2.1. Le principe

Dès réception, le préfet examine le respect de la légalité : régularité du vote, réalité de l'intérêt local des dépenses, présence des dépenses obligatoires… En cas d'illégalité, il défère l'acte au tribunal administratif

1.1.2.2. L'application du déféré

Le préfet dispose de 2 mois pour saisir le tribunal administratif de l'illégalité qu'il a cru déceler. Il doit informer immédiatement la collectivité. Généralement, il demande à celle-ci de réformer elle-même l'acte illégal, ce qui interrompt le délai du recours contentieux.

1.1.2.3. Les conséquences de l'annulation par le tribunal administratif

L'annulation contentieuse du budget primitif conduit à considérer que cette décision budgétaire est réputée n'être jamais intervenue. La collectivité est donc placée dans une situation semblable à celle qui adviendrait si son budget n'avait pas été voté avant le 15 avril. Elle dispose d'un nouveau délai raisonnable mais court pour adopter un nouveau budget faute de quoi le préfet saisit la Chambre Régionale des Comptes.

1.2. Le contrôle spécifique : le contrôle budgétaire

1.2.1. Les raisons de ce contrôle spécifique

1.2.1.1. Les limites du contrôle de légalité

Le contrôle de légalité ne peut conduire qu'à l'annulation prononcée plusieurs semaines voire mois après le vote. De plus, une fois la décision rendue, le tribunal arrête son contrôle.

Dès lors, le contrôle budgétaire trouve sa justification dans les insuffisances de l'annulation qui n'intervient qu'à postériori pour réformer l'acte. Le contrôle budgétaire s'exerce donc à priori.

1.2.1.2. Les exigences d'un contrôle spécifique

Ce contrôle s'explique par 2 raisons :

  • l'activité financière des collectivités n'est pas sans risques : les actes budgétaires ont une importance particulière appelant un contrôle particulier,
  • de plus, la tradition veut que ce contrôle soit confié à des juridictions financières et non administratives.

1.2.2. Les modalités de ce contrôle budgétaire

1.2.2.1. Les chambres régionales des comptes (CRC)

Elles exercent le contrôle budgétaire. Elles ont été instituées par la loi du 2 mars 1982. Il existe une chambre par région. Leurs attributions principales consistent à se prononcer sur la saisine par les préfets et l'élaboration des préconisations nécessaires à faire cesser ce qui menace l'équilibre financier des collectivités mais également, depuis 1992, à vérifier la gestion des collectivités.

Les membres des CRC sont des magistrats qui bénéficient de l'inamovibilité. Chaque chambre comprend au minimum un président et deux assesseurs.

1.2.2.2. Le domaine du contrôle

Il s'applique à l'ensemble des actes budgétaires (budget primitif, budget supplémentaire, décision modificative et compte administratif) mais seulement dans 4 cas :

  • La date d'adoption du budget primitif
    • détermination de la date limite : celle-ci est fixée au 15 avril (30 avril en cas de renouvellement des organes délibérants)
    • sanction du non-respect : le préfet saisit la CRC. Le conseil délibérant ne peut plus délibérer sur le budget de l'exercice en cours. Dans le mois qui suit sa saisine, la CRC formule des propositions pour le règlement du budget après avoir entendu les observations de l'exécutif. Le préfet règle le budget sur les bases de ces propositions ou s'il s'en écarte, doit motiver sa décision.
    • exercice de ce contrôle

En raison de sa gravité et de sa lourdeur, cette procédure reste assez peu utilisée. Il n'en est fait usage qu'en cas de négligence démontrée ou de gestion impossible en raison de l'absence de majorité.

  • L'équilibre du budget primitif
    • définition de l'équilibre. Il répond à trois exigences :
      • la section de fonctionnement et celle d'investissement respectivement votées en équilibre,
      • les dépenses et les recettes évaluées de façon sincère,
      • le remboursement de la dette en capital exclusivement couvert par des recettes propres.
    • procédure de vérification : le préfet saisit la CRC dans les 30 jours de la transmission du budget. La CRC informe l'exécutif afin qu'il puisse présenter ses observations. Si le déséquilibre est constaté par la CRC, elle formule des propositions sous 30 jours au préfet. La collectivité est invitée à redélibérer. A défaut de nouvelle délibération, le préfet règle le budget sur la base des propositions de la CRC ou motive pourquoi il s'en écarte.
    • conséquence de la vérification : à compter de la saisine de la CRC, le conseil ne peut plus délibérer en matière budgétaire. Par ailleurs, si le budget a été réglé par le préfet, le budget supplémentaire du même exercice est transmis à la CRC.

Le vote du compte administratif intervient avant le vote du budget primitif suivant. Si ce compte est en déficit, le budget primitif est transmis à la CRC. Cette procédure à répétition est destinée à assurer un suivi des actes budgétaires de la collectivité.

  • Le déficit du compte administratif
    • définition du déficit : pour les régions, les départements et les communes de plus de 20 000 habitants, il y a lieu à rétablissement de l'équilibre si le déficit est égal ou supérieur à 5 % des recettes de fonctionnement (à 10 % pour les communes de moins de 20 000 habitants).
    • Procédure : le vote du conseil arrêtant le compte administratif doit intervenir avant le 30 juin de l'année suivante. Il est transmis au préfet dans les 15 jours après cette date. La CRC dispose d'un délai de 2 mois pour proposer les mesures requises après avoir entendu l'exécutif. Le budget primitif suivant lui est obligatoirement transmis. Si elle constate que la collectivité n'a pas pris les mesures suffisantes, elle propose dans le délai d'un mois au préfet les mesures exigées. Le budget est réglé et rendu exécutoire par le préfet. La procédure ne comporte pas une nouvelle délibération.
  • L'inscription des dépenses obligatoires
    • définition des dépenses obligatoires : ne sont obligatoires, que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dépenses exigibles et celles pour lesquelles la loi l'a expressément décidé (cf. fiche "Les dépenses locales").
    • procédure de vérification : la CRC est saisie par le préfet, le comptable, et dans ce cas uniquement par toutes personnes y ayant intérêt. La CRC, si elle constate l'absence demande au préfet, après avoir invité la collectivité à produire ses observations, d'inscrire d'office les crédits. Le préfet règle et rend exécutoire le budget rectifié.

2. Contrôle sur l’exécution

Il est politique et juridictionnel.

2.1. Le contrôle politique

2.1.1. Sur l'ordonnateur

Il s'agit :

  • du contrôle des électeurs

dont la sanction est le non renouvellement de la mandature. Depuis la loi du 6 février 1992 (dite Administration Territoriale de la République – ATR) des informations sous forme de ratio doivent être fournies au public (montant des garanties d'emprunts, présentation consolidée…).

  • du contrôle des élus

il s'exerce par le vote du compte administratif. Ce compte est approuvé par l'organe délibérant, hors la présence de l'ordonnateur, et est mis à la disposition du public en même temps qu'il est transmis au préfet ou sous-préfet.

2.1.2. Sur le comptable

Le comptable établit chaque année son compte de gestion ou il retrace l'ensemble des opérations qu'il a réalisées. Celui-ci doit être conforme au compte administratif et est soumis à l'approbation de l'organe délibérant.

2.2. Le contrôle juridictionnel

2.2.1. Sur l'ordonnateur

Il est exercé par les juridictions pénales, administratives et financières.

2.2.1.1. Le contrôle des juridictions pénales

Lors de ces dernières années, l'arsenal répressif s'est étoffé et diversifié. On relève désormais la répression aux manquements à la probité (concussion, corruption active ou passive, l'ingérence, le favoritisme…).

2.2.1.2. Le contrôle des juridictions administratives

Il s'agit du contrôle de légalité et du contrôle de responsabilité au cas où la responsabilité de l'ordonnateur est engagée dans l'hypothèse d'une faute personnelle.

2.2.1.3. Le contrôle des juridictions financières

Les CRC peuvent déclarer comptables de fait, les ordonnateurs qui se sont immiscés sans titre dans la gestion des deniers publics.

Les CRC exercent aussi un contrôle non juridictionnel des fonds publics.

Jusqu'en 1988, les chambres s'assuraient "du bon emploi des crédits, fonds et valeurs". Désormais, elles s'assurent de "leur emploi régulier". Les chambres examinent donc la gestion des collectivités locales sans pour autant exercer, du moins au regard des textes, un contrôle d'opportunité. Elles doivent mesurer l'économie des moyens mobilisés, l'efficience (rapport résultats/moyens) et l'efficacité (rapport objectifs/résultats).

Ces contrôles se traduisent par des lettres d'observations provisoires, communiquées aux exécutifs locaux pour recueillir leurs observations, puis définitives. Si les faits apparaissent de nature à motiver l'ouverture d'une action pénale, la Cour de discipline budgétaire et financière sera saisie.

2.2.2. Sur le comptable

2.2.2.1. Nature du contrôle

Les CRC examinent la gestion des comptables en formation juridictionnelle, c'est-à-dire qu'elles règlent et apurent leur compte de gestion à travers des jugements qu'elles prescrivent avec les justifications et régularisations nécessaires.

2.2.2.2. Le domaine de contrôle

Les CRC jugent l'ensemble des comptes des comptables publics ainsi que les comptes des personnes qu'elles ont déclarées comptable de fait.

2.2.2.3. L'exercice du contrôle

La reddition des comptes est une obligation d'ordre public. Le compte de gestion est transmis à la CRC au plus tard avant le 31 décembre suivant la clôture de l'exercice.

La procédure de contrôle est écrite, inquisitoriale (le magistrat mène l'enquête sur place), contradictoire (le comptable doit donner son avis) et collégiale (le jugement est rendu par la section ou la chambre). Le jugement provisoire enjoint au comptable de fournir toutes explications ou justifications à sa décharge. Le jugement définitif peut lui donner décharge de ses obligations ou dans le cas contraire le mettre en débat.

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