Par Frédérique Thomas

Dernière mise à jour : juillet 2018

1. Propos liminaires

La pratique des activités physiques et sportives n'est pas sans danger. Elle engendre pour les pratiquants une prise de risques. Si la prévention est une nécessité elle ne peut, à elle seule, protéger le pratiquant. L'accident sportif peut malgré tout se produire et engager la responsabilité des parties engagées dans l’accident. L’étude des responsabilités juridiques des acteurs intervenant dans la pratique et l'organisation des activités physiques et sportives implique naturellement la référence au droit et en particulier le recours aux connaissances apportées par le droit de la responsabilité1. Pour comprendre comment les responsabilités des acteurs sont mises en jeu, il nous faut donc recourir à diverses branches du droit dans la mesure où il s’agit d’actions en responsabilité pouvant avoir diverses origines :

  • La responsabilité civile, et le juge civil
  • La responsabilité pénale et le juge pénal qui connaît les délits répréhensibles pénalement (coups et blessures, homicides involontaires, vols) 
  • La responsabilité administrative et le juge administratif qui a naturellement compétence lorsqu’il s’agit de problèmes de responsabilité de la puissance publique (mauvaise organisation du service ou mauvais fonctionnement, dommage dû à un ouvrage public).

P. Le Tourneau et L. Cadiet en donnent la définition suivante : « La responsabilité est l’obligation de réparer le dommage causé à autrui par un acte contraire à l’ordre juridique. Elle tente d’effacer les conséquences du fait perturbateur, de ce désordre. Son auteur doit en répondre2 » La responsabilité désigne alors un rapport triangulaire entre le responsable et celui dont il répond, et celui devant qui il répond.
Ce type de responsabilité se rencontre en particulier dans des situations où l’on a d’autres personnes sous sa « dépendance » : dans la famille, le père ou la mère sont responsables de leurs enfants, le patron est responsable de ses employés, le chef d’établissement est responsable de son établissement, le professeur/ l’éducateur est responsable de ses élèves.
Dans le Code civil, l’article 1382 traduit la responsabilité au sens individuel, quand l’article 1384 rappelle la responsabilité « du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore par le fait des personnes dont on doit répondre » et fait référence à l’exercice d’un pouvoir. C’est une autre dimension de la responsabilité : ce qui rend responsable, c’est le fait même de la décision. Il est possible d’avancer qu’une réparation soit mise à la charge de toute personne dont l’activité dommageable peut être qualifiée d’anormale et la faute est un comportement apprécié in abstracto sur le modèle du « bon père de famille ».
Le législateur a fondé la responsabilité sur la faute :

  • l’article 1382 emploie le mot 
  • ceux de négligence ou d’imprudence donnés par l’article 1383 visent également des fautes 
  • la responsabilité du fait d’autrui (art. 1384) et celle du fait des animaux (art. 1385) supposent un défaut de surveillance

2. La responsabilité civile et la responsabilité pénale

2.1. La responsabilité civile

Pour le sens commun, la responsabilité civile évoque l’idée d’un dommage et de sa réparation, ou encore de l’indemnisation des victimes. Elle doit être distinguée de l’assurance qui tend à l’indemnisation des victimes et représente une alternative à la responsabilité civile : tandis que l’assureur est totalement étranger au dommage, le responsable entretient nécessairement avec celui-ci une relation plus ou moins étroite, même s’il n’en est pas l’auteur. Cette responsabilité est soit délictuelle, soit contractuelle :

  • elle est délictuelle lorsque le dommage résulte d’une faute intentionnelle, elle est quasi délictuelle s’il résulte d’une faute non intentionnelle (imprudence, négligence, maladresse, inattention) ou du fait d’une personne dont on doit répondre
  • elle est contractuelle si le dommage causé résulte de l’inexécution d’un contrat liant le responsable et la victime.

Quelle que soit la nature de la responsabilité, le mécanisme qui la met en œuvre est identique : tout commence par un dommage et la responsabilité civile cherche à assurer aux individus la réparation afin de rétablir un équilibre qui avait disparu.

  • Trois sources de la responsabilité :
    - le fait personnel du responsable
    - le fait des choses
    - le fait d’autrui.

Chacun de ces faits dommageables, source de droit à réparation pour la victime, sera étudié successivement, en gardant à l’esprit que la victime devra établir qu’elle a subi un dommage, quel en est le fait générateur, et qu’il existe entre le fait et le dommage un lien de causalité.

  • La responsabilité du fait personnel.

Il semble naturel qu’un fait dommageable engage la responsabilité personnelle de son auteur et un simple fait ne suffirait cependant pas ; ce fait doit être constitutif d’une faute. L’article 1382 du Code civil exprime clairement cette exigence : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » La faute est ici le fait générateur de responsabilité du fait personnel ; il est clair qu’elle ne sera effectivement source de responsabilité que si elle est cause du dommage (lien de causalité). La notion de faute n’est pas définie par le Code civil. Conformément à l’étymologie, la faute est une défaillance, un manquement à une règle préétablie (le mot faute vient du latin fallere : faillir, manquer).
Si la faute est délictuelle, elle se réfère à un devoir préexistant : il peut alors s’agir d’un devoir déterminé et précisé par une norme, ou bien d’un devoir de conduite indéterminé dans son contenu. Ici la faute est constituée pour l’auteur de ne pas avoir eu l’attitude prescrite.
Ce devoir correspond à une norme de comportement dont la violation constitue la faute d’imprudence ou de négligence que vise l’article 1383 du Code civil : « chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence. »
La généralité de la norme et du devoir émanant de cet article a l’incomparable avantage de la souplesse et sa malléabilité permet de s’adapter à toutes les circonstances, toutes les situations possibles, mais elle a une faiblesse inhérente à ses dispositions d’ordre général : son caractère indéterminé.
Autrement dit, pour apprécier la faute, il appartiendra au juge de déterminer, dans chaque espèce, en quoi consistait le devoir de conduite, et quelle était l’attitude qui s’imposait. Il est ainsi amené à construire un modèle de référence plus ou moins abstrait : le bonus paterfamilias du droit romain auquel se réfère le code civil dans maintes dispositions ; c’est le modèle de l’homme raisonnable, du « bon père de famille ».
Ce rôle du juge confère à la jurisprudence un pouvoir certain dans la définition de ces devoirs : la faute apparaîtra de la comparaison entre la conduite effective de l’auteur et celle que lui imposait la norme de comportement.
Pour procéder à cette comparaison, le juge devra, bien entendu, tenir compte des circonstances concrètes qui ont entouré l’action : les circonstances de lieu, de temps, ainsi que la nature de l’activité exercée. Les dommages causés par maladresse, inattention, ignorance, s’ils peuvent être excusables moralement, n’en sont pas moins des fautes civiles : la faute est donc appréciée in abstracto par le juge.
C’est à la victime qu’incombe la charge de la preuve et donc de prouver la transgression du devoir général de conduite : cette transgression peut aussi bien consister en une omission qu’en une action dommageable.

  • La responsabilité du fait des choses

Il faut donc que la « chose » ait causé le dommage, mais la jurisprudence pose comme condition que la chose ait eu un rôle actif, ou ait été la cause génératrice, tout cela évoquant la relation entre la chose et le dommage. Cette responsabilité une fois née, il convient de déterminer le responsable.
La loi le désigne ici en recourant au concept de « garde » (C. civ. art. 1384) : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l’on a sous sa garde. »
Les responsables sont donc les gardiens de la chose. La garde a été définie comme l’exercice des pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle.

  • La responsabilité du fait d’autrui

En matière délictuelle, l’alinéa 1er de l’article 1384 du Code civil déclare que l’« on est responsable par son propre fait, mais encore de celui qui est causé […] par des personnes dont on doit répondre […] ».
Suivent dans les alinéas suivants (4 à 8) de l’article 1384 du Code civil différents cas de responsabilité délictuelle du fait d’autrui :

  • responsabilité des père et mère du fait de leurs enfants mineurs
  • des commettants du fait de leurs préposés
  • des artisans du fait de leurs apprentis
  • puis des instituteurs du fait de leurs élèves.

La responsabilité des instituteurs, édictée par les alinéas 6 et 8 de l’article 1384 du Code civil, suppose préalablement établi le fait dommageable causé ou subi par un élève pendant qu’il était sous la surveillance de l’instituteur, et elle ne peut être engagée qu’en cas de faute prouvée de l’instituteur3. Son intérêt essentiel réside dans la substitution de la responsabilité de l’État à celle des membres de l’enseignement, et engendre un certain nombre de particularités procédurales, qui sont applicables aux ETAPS.

2.2. La responsabilité pénale

La responsabilité pénale existe lorsqu’une règle édictée par la société pour assurer sa propre sécurité interdit de commettre un acte déterminé et que cet acte est néanmoins accompli : c’est une infraction.
Chaque infraction a ses propres caractéristiques : le vol se différencie des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Tous les crimes et les délits présentent des caractéristiques communes : la loi définit ce qui est matériellement interdit, et elle indique si, pour la sanction, il est nécessaire que l’agent ait voulu l’action, ou s’il suffit qu’il ait commis une imprudence ou une négligence.
Une infraction est composée de trois éléments :

  • un élément légal
  • un élément matériel
  • un élément moral.

Le droit pénal protège la société, ne réprime pas les simples idées ou intentions criminelles. Il ne les punit que lorsqu’elles se sont manifestées extérieurement par un fait ou un acte. C’est le fait ou l’acte extérieur au travers duquel se révèlent l’intention ou la faute pénale qui constitue l’élément matériel de l’infraction.
Une faute pénale peut être reprochée au chirurgien ou à l’anesthésiste qui ne prend pas avant, ou même après une opération, les précautions conformes aux données acquises par la science. En ne prenant pas toutes les précautions qui s’imposaient, l’auteur a fait courir un danger aux autres et doit être sanctionné. Bien que le résultat n’ait été ni voulu ni prévu, cette faute est semblable à la faute d’imprudence ou de négligence de l’article 1383 du Code civil. Elle n’engage pas seulement la responsabilité civile de son auteur mais également sa responsabilité pénale, car elle entraîne pour la sécurité publique des dangers qu’il faut réprimer et prévenir par la menace d’une peine.

3. Les responsabilités des agents territoriaux des APS en milieu scolaire

Avant 1999, les ETAPS ne bénéficiaient d’aucune protection particulière dans le cadre de l’enseignement scolaire. Après 1999, c’est la décision du Tribunal des Conflits, « décision Martinez », qui va conférer à un agent territorial participant à l’encadrement d’une classe de neige et à qui une faute était imputée la qualité « de membre de l’enseignement public », dès lors que l’accident s’est produit sous la responsabilité de l’instituteur chargé de la classe.
En milieu scolaire, quelle que soit l’activité pratiquée, la responsabilité de l’Etat se substitue à celle de l’éducateur territorial des activités physiques et sportives, comme elle se substitue à celle de l’instituteur.
C’est là la spécificité de la loi du 5 avril 1937 : lorsqu’une faute est commise par un enseignant c’est l’Etat (le préfet) qui se substitue à l’enseignant. Celui-ci n’apparaît jamais durant le procès civil. (Loi du 5 avril 1937)
Il s’agit de la responsabilité civile de l’éducateur, sa responsabilité pénale n’étant pas couverte par cette loi. Le mécanisme qui la met en œuvre (comme dans tous les cas de responsabilité), est celui-ci : un dommage, une cause, un lien de causalité entre les deux.
Il va donc s’agir de savoir si la séance conduite par l’éducateur était bien adéquate tant du point de vue de l’organisation matérielle que pédagogique. Autrement dit les magistrats vont tenter de comprendre comment les évènements se sont déroulés, et si de ce point de vue, l’enseignant / éducateur a commis une faute.
Exemple : lors d’une séance d’athlétisme au cours d’un lancer de poids, un élève enfreint le consignes de sécurité données par le professeur et circule sur l’aire de lancer. Alors même que le professeur réitère son interdiction l’élève ne réagit pas immédiatement. Cet élève a commis là une imprudence fautive qui engage sa responsabilité.

Exemples :

  • lorsqu’au cours d’une partie de hockey un élève en blesse un autre à la suite d’une manipulation maladroite de la crosse, l’élève porteur de la crosse en était le gardien, en avait la maitrise et était responsable du dommage causé. La responsabilité de l’éducateur ne sera pas engagée, aucune faute ne sera établie à son encontre
  • lors d’une partie de base ball une élève est atteinte dans l’œil par une balle lancée par un autre élève ; une fois encore les juges vont considérer que l’on est responsable des choses que l’on a sous sa garde et que le fait dommageable a été causé par une balle dont le lanceur n’a pas eu la maîtrise.

C’est ici le jeune garçon qui est considéré comme le gardien de la balle
Exemples :

  • ne pas vérifier l’état d’une fosse de saut en longueur avant que les élèves sautent constitue une faute,
  • ne pas vérifier l’état du terrain (verglas, trous) constitue également une faute,
  • constitue également une faute le fait de ne pas avoir vérifié une anomalie de fixation détectable depuis le sol lors d’un cours d’escalade.

Parmi les contentieux les plus graves, ceux qui concernent les accidents résultant du non-respect de la réglementation des buts mobiles. Les risques sont connus : les élèves se balancent et / ou se pendent à la barre transversale en provoquant le basculement de la cage. La vérification des fixations est impérative et en cas de défaut il est exclu d’utiliser l’installation. C’est pourtant ce qui s’est passé même après 1996, date à laquelle un décret très clair concernant la réglementation des buts mobiles fixe les principes de l’utilisation de ces buts.
On s’aperçoit que c’est la gymnastique (« dossier EPS n°514 ») qui est la cause d’une partie non négligeable des accidents. Les dispositifs pour améliorer la sécurité vont porter sur la mise en place du matériel, le fonctionnement en ateliers, le choix des consignes et des exercices
En athlétisme les dispositifs à vérifier sont les suivants : vérifier la stabilité des poteaux, utiliser un matériel adéquat adapté à l’âge des élèves, et encadrer rigoureusement le travail des enfants. Est fautif l’enseignant qui laisse un groupe d’enfants sauter seuls en hauteur, qui ne prend pas garde qu’une de ses élèves est gauchère et laisse les tapis se déplacer et se « déjointer ».

Les activités aquatiques largement pratiquées au niveau scolaire présentent à l’évidence des risques liés à la spécificité du milieu. En milieu scolaire les règles sont clairement définies par l’Education Nationale quant au nombre de nageurs par encadrants et au quant au rôle de chacun. (surveillance ou enseignement).
En définitive il s’agit pour l’ETAPS d’être vigilant sur :

  • l’organisation des lieux de pratique c’est-à-dire l’espace du gymnase, l’état du terrain en plein air du matériel et de son utilisation, le fonctionnement en atelier mais aussi de la réglementation concernant les buts mobiles
  • l’organisation pédagogique c’est-à-dire l’organisation et l’apprentissage de la parade, les consignes données aux élèves, leurs capacités, mais aussi la discipline
  • le fonctionnement en atelier, la parade mais aussi les consignes données aux élèves.

Que ce soit au niveau matériel ou pédagogique les précautions simples et de bon sens évitent aux ETAPS de voir une faute retenue contre eux.
Par contre, au niveau pénal, la loi de 1937 n’assure plus de protection particulière, elle ne se substitue à l’enseignant seulement en ce qui concerne le paiement des dommages et intérêts, s’il s’avère qu’un procès pénal a lieu et qu’il y a des dommages et intérêts à payer.

4. Les interventions des ETAPS hors cadre scolaire

Les éducateurs interviennent dans les clubs sportifs, dans les écoles municipales des sports, et autres structures municipales sportives, et également pendant les vacances scolaires. Le régime de responsabilité qui s’applique alors est celui du droit commun : ce sont les principes généraux de la responsabilité civile et pénale qui s’appliquent.
Le contentieux des réparations civiles, quand un accident se produit se partage entre le juge judiciaire et le juge administratif. En effet les organisateurs des activités physiques et sportives sont tantôt des collectivités publiques, tantôt des associations.
Le juge administratif est compétent pour connaître des activités ayant trait aux activités de vacances ou de loisirs organisées par des collectivités publiques : spécialement leurs centres de vacances ou de loisirs.
Le juge judiciaire est compétent pour les activités organisées par les clubs sportifs ou les centres de loisirs privés. Il est important de tenir compte de ces différences dans la mesure où elles déterminent le droit applicable. Cela étant les réparations procèdent toujours de la même démarche : un dommage compensé par une indemnité.
A cette démarche il est nécessaire d’ajouter le constat d’un lien de causalité entre le fait et le dommage, par exemple établir que l’accident survenu à un jeune est le résultat d’une faute de surveillance d’un éducateur ou du préposé de l’association concernée. L’organisateur est contractuellement (article 1147 du Code civil) responsable de l’inexécution des obligations nées du contrat passé avec les parents (exemple du club).

Des obligations existent et elle sont de deux types :

  • fourniture d’une prestation de service éducative ou sportive,
  • obligation de sécurité qui prend souvent la forme d’une obligation de surveillance

« L’obligation de surveillance commence dès l’arrivée des élèves dans l’enceinte du club et ne prend fin qu’au moment où ceux-ci quittent cette enceinte avec leurs parents ou seuls s’ils y sont autorisés4 ».
Cet extrait jurisprudentiel se rapproche du suivant où les juges lient l’obligation de garde à la présence effective de l’encadrement. Mais…
Exemple :
Un jeune membre d’un club de rugby laissé devant les vestiaires par sa mère avait été fauché par une voiture après avoir emprunté le vélo d’un camarade en attendant l’arrivée de l’entraîneur
Les juges ont considéré qu’en l’absence de l’entraîneur, la garde du mineur n’avait pas été confiée au club. Il faut noter ici que le règlement du club diffusé à tous les adhérents mettait en garde les parents que le fait de ne pas remettre un enfant entre les mains de l’entraîneur constituait un risque.
Autre exemple:
Si la fiche d’inscription prévoit que l’enfant est placé sous la responsabilité de l’organisateur de la montée dans le car jusqu’à la descente, la responsabilité du centre aéré ne peut être cherchée que sur le terrain délictuel pour tout accident survenu après la descente du car
Par contre le litige se jugera sur le terrain contractuel lorsque le centre aura avancé l’heure du retour sans en aviser les parents. C’est au titre du manquement à l’obligation d’information que l’organisateur sera jugé contractuellement responsable.
Quelle est l’intensité de l’obligation de sécurité?
C’est une obligation de moyens : elle implique un jugement de valeur sur le comportement de celui qui y est assujetti: c’est la victime qui devra apporte la preuve de la conduite fautive.
Elle ne peut mettre en jeu la responsabilité de son débiteur que s’il est prouvé que ce dernier a commis une faute et qu’il n’a pas utilisé tous les moyens à sa disposition. L’obligation de sécurité très présente dans l’enseignement des activités physiques et sportives fait partie de cette obligation.
«  Il est rappelé que l’enseignant n’est pas tenu à une obligation de résultat mais à une obligation de moyens dans le cadre de son obligation de surveillance5 »

Exemple : le professeur qui faisant faire de la lutte à ses élèves6 ne se préoccupe pas du fait que l’aire de réception mal aménagée, provoquait des chutes fréquentes des élèves commet une faute. Il aurait dû tenir compte de l’obligation de moyens à laquelle il est soumis et faire en sorte que les tapis de l’aire de réception ne se désolidarisent pas
En ce qui concerne l’organisation d’activités sportives de loisirs des jeunes, l’obligation de moyen est centrale. L’organisateur soumis aux aléas des réactions des enfants ne peut que s’engager qu’à assurer au mieux leur sécurité; il faut donc rapporter la preuve d’une faute de surveillance commise par l’encadrement.

Rappel : ce n’est pas parce qu’un accident survient qu’il y a obligatoirement faute de surveillance.

  • A savoir :
    Lorsque les enfants encadrés sont jeunes les tribunaux renforcent le caractère de cette obligation de sécurité. En fait les juges apprécient plus sévèrement la faute de l’organisateur.

Exemple : un tribunal déduit de l’absence de témoignage d’un animateur qu’aucune attention n’était portée à l’enfant lors de sa chute d’une petit train d’attraction.

  • Lorsque l’organisateur est une personne publique
    Dans ce cas de figure quel est le droit applicable? Qui est responsable? L’application du droit administratif ne fait aucun doute, il s’applique aux administrations de l’Etat et aux communes organisatrices d’activités de loisirs en régie directe ou par l’intermédiaire d’un établissement public administratif. La responsabilité de la collectivité publique pourra être recherchée soit pour un fonctionnement défectueux du service soit pour défaut d’entretien de l’ouvrage public ayant été la cause du dommage.
    L’organisateur (la commune) répond des fautes de services de ses agents, ce qui a comme conséquence que la victime demande directement réparation à l’administration devant le juge administratif. Dans ce cas l’administration peut exercer une action récursoire contre son agent. Un certain nombre de fautes peuvent être dégagées de l’analyse de la jurisprudence :

Le défaut d’information :
Exemple : une séance de tennis est annulée au dernier moment du fait de l’absence du moniteur ; le tribunal a considéré que le système d’information des parents n’intégrait pas un système d’information de dernière minute, et que le club aurait du mettre en place un système de vérification obligeant un des membres de le section tennis à vérifier si le moniteur était bien là. Ceci permettait aux parents de se rendre compte par la lecture du panneau que le moniteur était absent
D’où l’importance de la connaissance par tous du règlement intérieur : selon les dispositions de celui-ci les enfants restaient sous la responsabilité de leurs parents en dehors des heures de cours.

Le défaut de prévoyance :

Exemples: le fait de ne pas s’être préalablement informé auprès du directeur de la piscine des conditions de surveillance ce qui aurait permis d’apprendre qu’il n’y avait ce jour-là qu’un MNS.
-le fait de ne pas savoir si les baigneurs avaient pied… ce qui est capital pour les enfants qui ne savent pas nager…
Le matériel défectueux : ceci couvre une grande variété de situations
Exemples :

  • défaut de matériel : enfants sans brassards ni bouées alors qu’ils ne savent pas nager, cavaliers sans bombes
  • défaut d’entretien : organisateur qui met à disposition d’enfants des vélos non vérifiés
  • inadaptation du matériel : pratique du canyonisme avec des casques inadaptés

Insécurité des lieux de pratique:
Exemples :

  • organiser un jeu de cache-cache à proximité d’un pic dominant la mer de 70 mètres un jour de grand vent.
  • de permettre une baignade dans un endroit connu pour la violence du courant et la présence de trous d’eau.

Encadrement insuffisant :
Exemples :

  • le taux d’encadrement est prescrit par la réglementation et il s’apprécie de l’effectif global du groupe.
  • encadrement insuffisant compte tenu des risques de l’activité : le fait de confier la surveillance de 6 enfants de 6 à 11 ans dans une piscine équipée de deux bassins révèle une insuffisance d’encadrement car une seule personne ne peut surveiller ce qui se passe dans deux bassins.
    On l’aura compris les responsabilités des uns et des autres sont nombreuses et elles dépendent d’un nombre de facteurs importants. Il n’en demeure pas moins qu’en milieu scolaire, en milieu associatif, en centre de vacances, c’est la rigueur et le professionnalisme qui sont au centre des préoccupations de ceux qui organisent les activités sportives.
    Mais il est important d’insister sur le fait que le risque zéro n’existe pas….

Pour aller plus loin : « APS et responsabilités : aspects jurisprudentiels et réglementaires » PUS 2014, Frédérique Thomas ; Maitre Gérault Manein

Extraits  de cet ouvrage :

Extrait n°1 :

Piscine (noyade ivresse)
- Dates : 26 juin 2010, 6 novembre 2012.
- Juridictions : TGI Alençon, CA Caen.
- Circonstances de l’accident : Le 13 avril 2008, un homme est décédé des suites d’une noyade survenue dans le bassin sportif de la piscine municipale gérée par une société.
- Moyens des parties : En première instance, la veuve de la victime a été déboutée de ses demandes : il est considéré qu’il n’y a pas faute de surveillance de la part du personnel de la piscine. Elle interjette appel de cette décision.
- Motifs de la cour : La veuve soutient que l’article 6 du règlement intérieur de la piscine stipule que « l’accès à la piscine est interdit à toute personne en état d’ébriété évidente ». La personne qui a accueilli son mari à l’entrée de l’établissement avait remarqué son état d’ivresse, de sorte qu’elle aurait dû lui interdire l’accès au bassin ou, à tout le moins, le prévenir des risques encourus et avertir les maîtres-nageurs de son arrivée.
Le directeur de la piscine a déclaré que la victime semblait fatiguée, voire sentait un peu l’alcool, mais n’était ni agressive ni violente : « Il avait un pas lent comme étant un peu enivré. »
Les analyses sanguines ont révélé qu’il présentait un taux d’alcoolémie de 2,44 g et il résulte de l’autopsie qu’il s’agissait d’un « buveur d’habitude » présentant un éthylisme avec des lésions hépatiques importantes. Dès lors, son état d’alcoolisation et surtout son degré ont pu échapper à la personne chargée de l’accueil.
La circonstance que cet homme qui venait pour la première fois dans cette piscine se soit trompé de direction pour se rendre aux vestiaires des hommes, ne peut pas être davantage interprétée comme la révélation d’un état alcoolique patent. Il était vêtu correctement, s’exprimait de manière cohérente, ne titubait pas et n’était pas agressif. La présence de marques rouges sur son visage ne pouvait, en l’absence d’autres signes manifestes, être considérée par la personne de l’accueil comme un état d’alcoolémie important et ne pouvait justifier que l’accès au bassin lui soit interdit.
Il ne peut être reproché à la société de ne pas avoir organisé un contrôle à l’entrée de la piscine, comme il ne peut être reproché à l’agent d’accueil de ne pas avoir informé la victime des risques encourus par son état et de ne pas avoir prévenu les maîtres-nageurs. Le bassin dans lequel il s’est noyé était sous la surveillance d’un maître-nageur et d’un sauveteur secouriste. Le MNS était, au bord du bassin sportif, occupé à sa mission et n’a pas quitté son poste ; le sauveteur était sur le côté du bassin mais surveillait principalement le bassin d’apprentissage : aucune infraction à la réglementation applicable n’est alléguée ni même établie.
Alors qu’il y avait 35 à 40 personnes dans le bassin, l’homme, victime d’hydrocution, a dû couler brutalement. Il ne peut être déduit de la seule circonstance que le MNS ne l’ait pas vu disparaître de la surface, un manquement à l’obligation de surveillance.
En outre, le rapport d’autopsie ne permet pas de déterminer le temps durant lequel il est resté au fond de la piscine avant que sa présence ne soit détectée. Il ne peut être déduit de son décès un retard dans l’intervention des secours, alors qu’il a effectivement été réanimé et a récupéré une activité cardio-vasculaire. Pour autant, il a fait un autre arrêt cardio-respiratoire dans les heures qui ont suivi, en raison d’une ivresse aiguë et d’une résistance amoindrie par un éthylisme avec des lésions hépatiques importantes.

Le personnel de la piscine n’est pas responsable.

Extrait 2 : Piscine (choc nageurs)
- Dates : 29 mars 2010, 29 juin 2011.
- Juridictions : TGI Niort, CA Nantes.
- Circonstances de l’accident : Le 26 avril 2008, deux personnes nageaient en sens inverse dans un bassin d’une piscine municipale lorsqu’elles sont entrées en collision, à la suite de quoi un des deux nageurs s’est plaint d’avoir perdu la vision de son oeil gauche.
- Moyens des parties : Le tribunal de grande instance a débouté la nageuse de l’ensemble de ses demandes ; elle interjette appel de cette décision. Elle demande de déclarer l’autre nageur entièrement responsable, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, du dommage corporel subi.
- Motifs de la cour : la nageuse prétend qu’elle se trouvait à la surface de l’eau et que l’autre nageur aurait dû nécessairement la voir et éviter de la heurter. De son côté, le nageur a déclaré spontanément à son assureur qu’ils pratiquaient tous les deux la brasse coulée et que la nageuse, après un demi-tour effectué sous l’eau, était en train de remonter à la surface quand la collision s’est produite. Puis, dans une seconde attestation, il a précisé que la nageuse, repartie du bord de la piscine, avait déjà effectué quelques mètres sous l’eau quand le choc s’est produit. Ces éléments ne suffisent pas à établir si cette nageuse avait la tête sous l’eau ou hors de l’eau lors de l’accident.

En revanche, il ressort des débats que les deux parties avaient eu, dans un premier temps, la même trajectoire, lui nageant derrière elle, puisque celle-ci, parvenue à l’extrémité du bassin, avait effectué un virage avant de repartir pour une autre longueur en sens inverse.

Elle s’était alors retrouvée face à lui qui, évoluant dans le volume limité d’une piscine où s’ébattaient d’autres usagers hors toute manifestation sportive organisée, devait se comporter avec prudence. Il devait rester ainsi constamment vigilant afin de pouvoir régler sa direction et sa vitesse en fonction des mouvements des autres nageurs situés dans son champ de vision, qu’ils fussent en surface ou sous l’eau. Il apparaît dès lors qu’il a manqué de prudence et que cette faute quasi délictuelle a entraîné la collision avec la nageuse.

Mais, parallèlement, elle aussi devait prêter attention, au moment d’effectuer sa manœuvre de retournement et en repartant en sens inverse, à la présence éventuelle de nageurs situés sur sa nouvelle trajectoire, inverse de la précédente.

Sa propre imprudence lors de son demi-tour a contribué à hauteur de moitié à la réalisation du dommage allégué, exonérant dans la même proportion le nageur de sa responsabilité.
Le nageur est responsable pour moitié de l’accident du 26 avril 2008. 

Extrait n° 3
Dates : 13 juillet 2007, 3 juillet 2008.
- Juridictions : TI Dijon, CA Dijon.
- Circonstances de l’accident : Le 17 juillet 2007, un jeune garçon âgé de 7 ans s’est rendu avec sa soeur et son grand-père dans un parc acrobatique forestier, c’est-à-dire un parcours sportif aménagé dans les hauteurs des arbres. Alors qu’il se trouvait sur une passerelle, l’enfant a été frappé par la foudre et a été victime d’un arrêt cardiaque avant d’être réanimé par son grand-père et transporté à l’hôpital.
- Moyens des parties : Les parents de l’enfant ont fait assigner la société afin de la voir déclarée entièrement responsable des dommages subis par leur fils. Le TI de Dijon les a déboutés de leur demande. Ils interjettent appel.
- Motifs de la cour : L’organisateur ou exploitant d’une activité physique et sportive est tenu envers ceux qui participent à cette activité à une obligation contractuelle de sécurité de prudence, de diligence et doit réparation du dommage qui, sans sa faute, ne se serait pas produit.
L’activité ici exploitée consiste en un parcours sportif ou de loisir aménagé dans les hauteurs d’arbres reliés entre eux par des passerelles, filins et agrès qu’empruntent les participants.
Le 17 juillet, le jeune garçon, alors qu’il était depuis environ dix minutes sur le parcours, a été frappé par la foudre alors qu’il se trouvait sur une passerelle reliant deux arbres.
La pratique de l’accrobranche, en raison de la configuration de l’environnement forestier dans laquelle elle se pratique et des pièces ou des infrastructures en parties métalliques qui en jalonnent et composent le parcours, est une activité particulièrement exposée aux orages, au risque de foudre (les harnais ou baudriers enserrant les jambes et la taille de ses usagers sont habituellement équipés de mousquetons et anneaux métalliques).
Le jour de l’accident, le bulletin local prévoyait un risque d’orage généralisé à l’ensemble du département dans lequel est situé le parc « en fin d’après-midi », aux environs de 17 heures, moment auquel la foudre a frappé le jeune garçon.
La société avait, à juste raison, consulté les prévisions météo pour l’après-midi, mais n’a pas tiré la conclusion impérative qui s’imposait avec d’autant plus d’acuité, le bulletin diffusé à 12 heures attirait particulièrement l’attention sur le risque d’orage.
La société n’a pas estimé nécessaire de prendre l’une ou l’autre de ces mesures (fermeture du parc forestier lui-même ou, à tout le moins, l’accès aux parcours accrobranche) et a manqué à l’obligation de sécurité de prudence et de diligence qu’elle devait aux participants afin de préserver leur intégrité physique.
En affirmant que le « coup de foudre qui est tombé était imprévisible », de sorte qu’elle ne pouvait pas prévoir l’accident, elle invoque la force majeure prévue à l’article 1148 du Code civil susceptible de l’exonérer de sa responsabilité. Mais cet événement ne peut être constitutif de la force majeure : la société a reçu en temps utile l’information relative au risque d’orage et elle n’est pas fondée à soutenir que l’accident qui s’est produit a résulté d’un phénomène inhabituel qu’aucun signe ne laissait présager.
La cour d’appel infirme donc toutes les dispositions du jugement prononcé par le TI de Dijon.

Extrait n°4 : baignade (lac)
- Dates : 18 septembre 2006, 29 mai 2008.
- Juridictions : TA Pau, CAA Bordeaux.
- Circonstances de l’accident : Le 25 août 2001, un jeune homme qui se baignait dans une zone non surveillée d’un lac a plongé d’un ponton et a heurté le fond en raison de la faible profondeur de l’eau (fracture des 4e et 5e vertèbres cervicales).
- Moyens des parties :
Le jeune homme soutient :
- que le lieu de l’accident était autorisé à la baignade ;
- qu’il n’est pas établi que la signalisation de l’interdiction de baignade ou de danger ait été faite ou ait été suffisante au niveau du ponton n° 3
- que la responsabilité de la commune n’est atténuée par aucune faute de la victime ;
-qu’en réparation de l’incapacité temporaire totale, de l’incapacité permanente partielle, du pretium doloris, du préjudice esthétique et d’agrément, des préjudices sexuels et professionnels, il a droit à une indemnité.
La commune estime qu’elle n’a commis aucune faute :
- la signalisation d’interdiction de baignade et d’accès limité au ponton est suffisante ;
- la faute du jeune homme est la cause de l’accident, car il s’est baigné en zone interdite et connaissait la faible profondeur de l’eau.
Le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune.
- Motifs de la cour (en appel) :
À l’entrée du ponton, qui sert d’amarrage pour les bateaux et de délimitation du port, un panneau, visible de toutes les personnes qui accèdent au ponton par la voie normale, signalait l’interdiction de se baigner dans le port ainsi que de sauter et de plonger du ponton.
Il n’incombait pas au maire de la commune de prendre des mesures particulières pour signaler aux baigneurs accédant au ponton par le lac, l’interdiction de baignade et de plongeon ni la faible profondeur de l’eau dont ils avaient au demeurant nécessairement connaissance
Le maire de la commune n’a commis aucune faute dans l’exercice de son pouvoir de police et aucune faute de nature à engager la responsabilité de la commune.
La victime n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

  1. ^ Responsabilité des collectivités, des enseignants et des pratiquants dans les APS, Frédérique Thomas, PUS
  2. ^ P. Le Tourneau et L. Cadiet, Droit de la responsabilité, Paris, Dalloz, 1998.
  3. ^ Voir « responsabilités et pratiques sportives dans les établissements scolaires » ; chapitre 1 dans « Responsabilités des collectivités, des enseignants et des pratiquants dans les APS »  Frédérique Thomas PUS, 2007
  4. ^ Cour d’appel d’Aix, 1993
  5. ^ T.I Fougères, 1996
  6. ^ TGI Reims, 2000
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