Le statut de la fonction publique territoriale : les sources du droit de la fonction publique

Modifié par Julien Lenoir le 24 juillet 2019

Par Eric Guérin

Dernière mise à jour : juillet 2019

Le droit de la fonction publique a subi de profondes transformations durant les 15 ans dernières années, notamment sous l’effet du droit européen et du droit communautaire. Les règles de recrutement, l’organisation des corps et des cadres d’emplois, la diversification des procédés et des voies d'accès à la fonction publique, les positions statutaires, sont autant de domaine qui se trouvent affectés par ces mutations. Néanmoins, le droit de la fonction publique reste un droit singulier.

Les sources du droit de la fonction publique sont à la fois d’origine interne (la Constitution, la loi et les règlements) mais également internationale. En effet, les traités relatifs à l’Union européenne en particulier occupent une place croissante dans le droit de la fonction publique qui subi une mutation importante sous l’effet des directives communautaires.

1. La Constitution

La Constitution de 1958 vise en premier lieu la nomination à certains emplois par le Président de la République. En effet, les hauts fonctionnaires (préfet, conseillé d’Etat …) sont nommés sur proposition par le président de la république. La Déclaration des droits de l’homme de 1789 et le préambule de la Constitution de 1946 sont également des sources importantes du droit de la fonction publique. C’est le préambule de 1946 qui permettra de reconnaitre aux fonctionnaires le droit de grève ou la liberté syndicale. La DDHC proclame la liberté d’opinion ou l’égal accès aux emplois publics.

Enfin, un dernier principe issu de la Constitution de 1958 s’applique exclusivement à la fonction publique territoriale, il s’agit du principe de libre administration formulé à l’article 72. Ce principe confère aux autorités administratives locales une certaine liberté dans le recrutement de leurs agents.

2. Les traités

De nombreuses règles applicables au droit de la fonction publique sont issues des traités. Cette source du droit de la fonction publique est particulièrement importante au regard des exigences du droit communautaire. Ce droit affecte de façon profonde le droit de la fonction publique. L’impact des législations européennes est suffisamment puissant pour remettre en cause l’économie générale et l’architecture du droit de la fonction publique tel qu’il est pensé en France depuis le début du XXème siècle. Parmi les aspects les plus remarquables du droit communautaire nous accorderons une attention particulière à la mutation de la notion d’emploi public (1), et à l’introduction du contrat à durée indéterminée de droit public (2)

2.1. La mutation de la notion d’emploi public

Le droit communautaire repose sur un principe cardinal, le principe de libre circulation des travailleurs affirmé par l’article 39 du Traité CE. Ces dispositions ouvrent différents droits aux ressortissants communautaires comme le droit de séjourner et de demeurer dans un autre Etat de l’Union que leur pays d’origine. Cependant, le Traité stipule que le principe de libre circulation des travailleurs ne s’applique pas « aux emplois dans l’administration publique ». Or, La Cour de justice des communautés européennes a très tôt consacré une définition restrictive de la notion « d’administration publique ». En effet, en 1980 une première fois et en 1982 une seconde fois, dans deux décisions (Commission c/ Belgique du 17 décembre 1980 et du 26 mai 1982), la Cour de justice des communautés européennes a interprété l’expression « emplois dans l’administration publique » comme visant « les emplois qui comportent une participation directe ou indirecte à l’exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’Etat ou des autres collectivités publiques ».

Cette interprétation a conduit le législateur à reconsidérer les dispositions de l’article 5 de la loi du 13 juillet 1983 selon lequel la nationalité française est une condition indispensable à l’accès à la fonction publique. L’article 5 bis de la loi du 26 juillet 1991 a alors prévu que « les ressortissants des Etats membres de la CE…ont accès, …, aux corps, cadres d’emploi, et emplois dont les attributions sont séparables de l’exercice de la souveraineté, ou ne comportent aucune participation directe ou indirecte à l’exercice de prérogative de puissance publique …. ». Ainsi, l’accès à la plupart des emplois de la fonction publique devient possible aux ressortissants de l’Union européenne. Plus récemment la Cour de justice des communautés et le Conseil d’Etat sont venus donner une portée nouvelle au principe de libre circulation des travailleurs.

Aujourd’hui, le principe trouve une application particulièrement remarquable dans le domaine de l’équivalence des diplômes et des expériences professionnelles. Pour simplifier la problématique, la question qui se posait était de savoir si l’expérience professionnelle acquise dans l’administration d’un Etat membre pouvait être prise en compte dans un autre Etat membre. L’affaire qu’ont eu à connaître les juridictions nationales et la juridiction européenne est particulièrement originale. En l’espèce, une ressortissante portugaise ayant effectué dans son pays d’origine une scolarité à l’école nationale de la santé publique entendait se prévaloir de cette scolarité auprès des autorités françaises et prétendait intégrer de ce fait la fonction publique hospitalière. Le refus opposé à la ressortissante portugaise ayant acquis la nationalité française devait faire l’objet d’un recours devant la juridiction française et devant la CJCE, au motif que ce refus était contraire au principe de libre circulation des travailleurs. La juridiction communautaire a alors considéré que la scolarité suivie à l’école nationale de la santé publique devait être assimilée à un diplôme, et qu’en conséquence cette reconnaissance faisait obligation à l’Etat français d’examiner l’éventuelle équivalence de la formation suivie par la requérante dans son pays d’origine avec la formation suivie à l’école française ; et le cas échéant de reconnaître à l’intéressée un droit à être intégrée dans la fonction publique hospitalière. En conséquence, dans certaines hypothèses (en réalité limitées), l’administration ne pourrait objecter à un candidat fonctionnaire, ressortissant de l’Union européenne, la circonstance qu’il n’a pas réussi à un concours d’accès à la fonction publique en France (dès lors que ce dernier a suivi une formation équivalente dans son pays d’origine).

2.2. L’introduction du CDI

La loi du 26 juillet 2005 portant adaptation de la fonction publique au droit communautaire a notamment procédé à la transposition de la directive n° 1999/70/CEE relative au travail à durée déterminée. Sous l’effet du droit communautaire, la loi introduit une révolution en prévoyant que les contrats à durée déterminée ne sauraient être reconduits au-delà d’une période de six ans que sous la forme d’un contrat à durée indéterminée. Cette disposition a pour objet de limiter l’usage abusif des contrats à durée déterminée. Cependant, elle remet en cause un principe fondateur du droit de la fonction publique selon lequel les emplois sont occupés par des agents titulaires. Les agents contractuels n’ont vocation qu’à occuper des emplois dans des circonstances déterminées et à titre exceptionnel, notamment pour remplir des missions qui ne peuvent temporairement pas être exercées par un titulaire. Dans ces conditions il été logique de considérer le contrat à durée déterminée comme le mode normal de régulation des relations entre les agents et l’administration. (Avant la loi du 26 juillet 2005, le recours aux contrats à durée indéterminée était enserrée dans des limites strictes et le Conseil d’Etat affirmait pour l’Etat comme pour les collectivités territoriales que les contrats passés avec des non titulaires ne l’étaient que pour une durée déterminée).

La loi prévoit pour sa mise en œuvre qu’à la date de publication de la loi, le contrat à durée déterminée est transformé en contrat à durée indéterminée, si l'agent satisfait, au 1er juin 2004 ou au plus tard au terme de son contrat en cours, aux conditions suivantes:

Etre âgé d'au moins cinquante ans ; être en fonction ou bénéficier d'un congé (en application des dispositions du décret mentionné à l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée) ; justifier d'une durée de services effectifs au moins égale à six ans au cours des huit dernières années ; occuper un emploi en application de l'article 4 ou du premier alinéa de l'article 6 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, dans les services de l'Etat ou de ses établissements publics administratifs.

Les autres principes issus du droit communautaire ou de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le traité communautaire impose également le principe de l’égalité des sexes. Cette égalité se traduit à la fois par une égalité d’accès à la fonction publique mais également par une égalité de traitement dans l'activité professionnelle.

Le droit communautaire, lutte également contre l’utilisation abusive des contrats de travail à durée déterminée. Ainsi, le loi du 26 juillet 2005 a introduit dans notre droit de la fonction publique le principe du recours aux contrats à durée indéterminée et autorise le recrutement de contractuels sur des postes permanents. Ces exemples non exos tifs montrent combien le droit communautaire affecte l’économie générale du droit de la fonction publique.

La convention européenne des droits de l'homme présent également sur notre droit de la fonction publique. L'article 6 de la convention, avec ses exigences relatives au procès équitable s’applique à un grand nombre de contentieux de la fonction publique et notamment devant les juridictions disciplinaires.

3. La loi et le règlement

1. La Constitution (article 34) délimite la compétence législative en confiant à la loi le soin de fixer les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires. La compétence du législateur concerne aussi bien les fonctionnaires de l’État que les fonctionnaires territoriaux. Ainsi, le statut des fonctionnaires est constitué de dispositions générales applicables à tous les fonctionnaires et de dispositions particulières à chaque fonction publique. L’architecture du statut général de la fonction publique est organisée en quatre titres :

- le premier titre est constitué par la loi du 13 juillet 1983 « portant droit et obligation des fonctionnaires ». Ces dispositions feront l’objet d’un développement spécifique ultérieur. Ce texte pose une série de droits et obligations concernant toutes les catégories de fonctionnaires, mais contient également des règles touchant au déroulement de la carrière.

- la loi du 11 janvier 1984 constitue le titre deux du statut général, elle porte dispositions statutaires relatives à la fonction publique d’État.

- la loi du 26 janvier 1984 constitue le titre trois du statut général, elle porte dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

- enfin, la loi du 9 janvier 1986 constitue le titre quatre du statut général, elle porte dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

2. A côté de la loi, il existe de nombreux textes réglementaires qui fixent des statuts particuliers ou qui font appliquer les statuts généraux. Il faut encore noter la place importante jouée par la jurisprudence du juge administratif. En effet, ce dernier a dégagé un certain nombre de principes généraux du droit particulièrement importants, applicables à la fonction publique.

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