Les échanges, les nouvelles dynamiques de l’économie et les déséquilibres internationaux

Modifié par Julien Lenoir le 27 septembre 2018

Par Philippe Frouté : Maître de conférence des Universités

Dernière mise à jour: mars 2018

Thème 2 : La croissance, l’emploi et les échanges internationaux

Fiche 8: Les échanges, les nouvelles dynamiques de l’économie et les déséquilibres internationaux

« L’étude des problèmes monétaires et commerciaux internationaux a toujours été une partie spécialement vivante et controversée de la science économique. Beaucoup des idées de base de l’analyse économique moderne émergent d’abord aux 18ème et 19ème siècles dans des débats concernant les échanges et la politique monétaire au niveau international. Et cependant, à aucune autre époque antérieure, l’étude de l’économie internationale n’a été aussi importante qu’aujourd’hui. Par l’échange international de biens et services et par les flux internationaux de monnaies, les économies des différents pays se relient plus étroitement les unes aux autres que ce ne fut jamais le cas auparavant. En même temps, l’économie internationale connaît plus de turbulences qu’elle n’en a eues pendant des décennies. Se hausser au niveau d’un environnement international changeant est devenu la principale préoccupation des stratégies industrielles et des politiques économiques nationales. »

Krugman P., Obstfeld M., Economie internationale, De Boeck, 1995

L’introduction de l’ouvrage de référence en économie internationale rédigée il y a plus de 20 ans par Paul Krugman et Maurice Obstfeld pose les grandes problématiques de la discipline qui sont toujours d’actualité. D’une part, les théories traditionnelles élaborées aux 18ème et 19ème continuent d’être pertinentes pour analyser les flux d’échanges actuels. D’autre part, des analyses nouvelles ont émergées dans les années 1980 et permettent de combler en partie les manques des théories traditionnelles. On les rassemble au sein de la nouvelle théorie du commerce international qui est une théorie plurielle (voir section 1). La période actuelle se caractérise également par un renouvèlement des flux économiques, qu’il s’agisse des flux de biens et services, mais également des capitaux, réels et financiers. Ces nouveaux flux sont à la fois le résultat et le moteur du développement de nouvelles dynamiques de l’économie mondiale qui bouleversent les équilibres internationaux (voir section 2). Ils sont également à l’origine de turbulences que les institutions internationales comme le FMI appellent à résorber pour éviter la division et la mise en danger de la dynamique retrouvée de la croissance (voir section 3).

1 Les théories du commerce international

Les théories du commerce international qualifiées de traditionnelles par Paul Krugman et Maurice Obstfeld ont été élaborées en réaction à l’échec de politiques commerciales antérieures portées par les théories mercantilistes et physiocratiques (voir section 1.1). Les théories traditionnelles prônent l’instauration d’un libre-échange basé sur la spécialisation des économies et l’idée que les échanges sont à l’origine de gains pour l’ensemble des parties prenantes (voir section 1.2). Toutefois, une part importante des flux d’échanges internationaux ne relèvent pas des logiques décrites par les théories traditionnelles. L’explication de ces échanges s’effectue par le recours à de nouveaux modèles regroupés sous la dénomination de nouvelle économie internationale depuis les travaux de James Brander et Barbara Spencer. Le développement des entreprises multinationales a également profondément modifié la nature des échanges internationaux avec l’essor du commerce intra-firme qui répond à de nouvelles motivations (voir section 1.3).

1.1 Les théories mercantilistes et physiocratiques

Les théories mercantilistes ont été élaborées aux 16ème et 17ème siècles. Elles ont été appliquées principalement en Angleterre, en France et aux Pays-Bas. L’idée est d’obtenir un excédent commercial en protégeant les industries domestiques par la mise en place de droits sur les importations par exemple. Les politiques mercantilistes ont été pratiquées principalement au détriment de l’Espagne. Ainsi, les excédents commerciaux ont été financés par le déficit espagnol lui-même financé par le pillage des réserves d’or et d’argent de son empire colonial. Les théories de l’échange sont ainsi fondées sur l’existence d’un jeu non-coopératif (voir Fiche 1) qui trouve ses limites dans l’acceptation de pertes par au moins l’un des joueurs.

Le second courant antérieur aux théories traditionnelles a été élaboré au 18ème siècle par les physiocrates. Au cœur des théories physiocratiques on trouve l’idée que la nature est à l’origine de la création de richesse et que celle-ci doit circuler comme dans le cadre du tableau économique de François Quesnay. Ainsi, contrairement aux mercantilistes, l’échange et les activités commerciales ne sont pas à l’origine de la création de valeur. Les commerçants appartiennent à la classe dite stérile de la population. En revanche, ils contribuent à la circulation de la richesse. Ainsi, les physiocrates sont des défenseurs du libre-échange. Le libre-échange permet aux producteurs d’accéder à des marchés plus vastes et à des acheteurs plus nombreux qui vont être en concurrence. Cette concurrence au niveau de la demande permet aux producteurs d’augmenter leurs prix et leurs profits. Ce faisant les physiocrates sont des précurseurs des théories de l’offre (voir Fiche 13).

En définitive, les théories mercantilistes et physiocratiques reposent sur une vision belliqueuse des échanges. Les mercantilistes adoptent une approche défensive en recommandant la mise en œuvre de politiques protectionnistes. Les physiocrates ont une approche plus offensive où le développement commercial repose sur la conquête de nouveaux marchés. Les théories traditionnelles vont renouveler la perspective adoptée.

1.2 Les théories traditionnelles des échanges

Les prémisses des théories traditionnelles sont posées par Adam Smith dans la Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations en 1776 mais c’est David Ricardo qui est le père fondateur de ces théories. Comme les physiocrates, David Ricardo est un fervent défenseur du libre-échange mais pour des raisons quasiment opposées. En effet, David Ricardo adopte la vision malthusienne de décroissance des rendements agricoles et l’intègre à une analyse de la société anglaise du 19ème siècle divisée en trois classes : les salariés, les industriels et les propriétaires fonciers. La croissance démographique plus rapide que la croissance de la production agricole engendre une pression à la baisse sur les salaires alors que les coûts de production et donc les prix augmentent. Aussi, la rémunération réelle des salariés diminue, les profits stagnent et seules les rentes foncières s’apprécient. David Ricardo voit le libre-échange comme un moyen de diminuer les prix à travers la diminution des droits de douane, ce qui redonne du pouvoir d’achat aux salariés et restaure les profits. Cependant, ceci suppose que les propriétaires des terres les moins fertiles dont les coûts de production sont supérieurs au prix du marché international renoncent à produire. Le développement du libre-échange s’oppose aux intérêts de certains propriétaires fonciers et a donné lieu à un affrontement législatif face aux tenants des Corn Laws qui interdisaient les importations de blé dans l’Empire britannique depuis la fin des guerres napoléoniennes. Sur le plan théorique, l’opposition aux Corn laws passe par la démonstration que l’ensemble des pays ont intérêt à échanger. David Ricardo inscrit le commerce international dans un jeu proche d’un cadre coopératif. Pour David Ricardo, les pays ont intérêt à échanger parce qu’ils sont différents. Il élabore le principe de l’avantage comparatif. Les pays doivent se spécialiser dans les secteurs où les coûts d’opportunité de production sont faibles relativement aux pays partenaires. Ils vont exporter ce type de biens et importer les autres. Les échanges vont induire des phénomènes de spécialisation des activités industrielles à l’échelle internationale. Les différents territoires vont gagner à l’échange car les phénomènes de restructuration induits par la spécialisation des économies reposent sur une utilisation optimale des ressources de chacun. Les échanges maximisent les quantités de biens disponibles à l’échelle mondiale. Cependant, le mouvement de spécialisation et les restructurations induites va accroître les inégalités entre les détenteurs de facteurs utilisés dans les secteurs exportateurs et ceux possédant les facteurs employés dans les secteurs concurrents des importations.

Dans la lignée des approches ricardiennes, des analyses plus contemporaines ont cherché à déterminer les origines des avantages comparatifs. Pour trois auteurs Eli Heckscher, Bertil Ohlin et Paul Samuelson, les avantages comparatifs reposent sur des différences de dotations factorielles au niveau international. Cette approche permet de décrire en partie comment les échanges commerciaux ont pu s’organiser entre les pays du Nord et du Sud où les pays en développement exporteraient principalement des matières premières et des biens intensifs en travail peu qualifié faiblement générateur de croissance et où les pays développés se concentreraient sur les produits manufacturés à fort contenu technologique plus fortement générateur de croissance.

Cependant, ces théories échouent à décrire l’évolution des échanges observée depuis la seconde guerre mondiale. En effet, une grande part du commerce s’effectue entre des pays semblables pour des biens similaires. L’argument de la différenciation ne tient plus.

1.3 Les nouvelles théories du commerce international

Les travaux de la nouvelle économie internationale remettent en question les principaux fondements des théories traditionnelles à savoir le cadre analytique de la concurrence pure et parfaite (voir Fiche 3) et le principal moteur des échanges : les avantages comparatifs. Les analyses des nouvelles théories sont le plus souvent menées en équilibre partiel en situation de concurrence imparfaite. Il n’existe pas à ce jour de cadre unifié pour les nouvelles théories.

Parmi les premiers modèles, on trouve les travaux de James Brander et Paul Krugman en 1983. Ils considèrent une situation oligopolistique où deux pays parfaitement identiques produisent les mêmes biens. Les auteurs montrent que, si la production est réalisée par des entreprises en situation de monopole sur leur marché domestique, en présence de coûts liés à l’échange (droits de douane ou coûts de transport), les entreprises vont considérer les marchés étrangers comme autant de cibles potentielles et vont chercher à accroître leur parts de marchés en diminuant leur marge sur les ventes réalisées à l’export. Ce faisant, la stratégie commerciale à l’international est celle d’un « dumping réciproque » où chacun cherche à entrer sur le marché externe qui devient concurrentiel. Les gains en termes de bien-être global dépendent de la taille des coûts liés à l’échange. Au-delà d’un certain seuil, l’échange peut ne pas accroître le bien-être car le surplus est absorbé par les coûts liés à l’échange. On peut analyser la construction européenne et les politiques en faveur du développement du marché unique comme la volonté de diminuer les coûts à l’échange. Aussi, les pays européens semblables vont échanger des biens similaires ce qui sera favorable au bien-être car les coûts liés aux échanges sont bas. Mais ceci suppose que les entreprises ne reconsolident pas leur pouvoir de marché, c’est-à-dire que le « dumping réciproque » puisse se poursuivre sans que les entreprises fusionnent ou mettent en place des stratégies coopératives comme des cartels pour constituer des monopoles internationaux (voir Fiche 13).

Paul Krugman a ensuite conduit des études plus générales permettant de proposer un cadre compatible à la fois avec les théories traditionnelles du commerce international et la nouvelle théorie. Le fondement de ces modèles est le rôle des économies d’échelle comme fondement des politiques industrielles et commerciales. La nouveauté du cadre proposé par Paul Krugman est d’expliquer l’origine des rendements d’échelle par un processus interne aux stratégies d’entreprises dans un cadre de concurrence monopolistique emprunté à Avinash Dixit et Joseph Stiglitz. L’idée est de prendre en compte l’existence de coûts fixes de production à l’origine de rendements d’échelle croissants (plus on produit plus la production est rentabilisée car les coûts fixes sont amortis). Les rendements d’échelle justifient le cadre monopolistique. Du côté de la demande, les consommateurs ont une préférence pour la variété. Ainsi, chaque nouvelle firme arrivant sur un marché va obtenir une part de marché au détriment de ses concurrentes. Ces caractéristiques conduisent à l’apparition d’un commerce intra-branche.

Dans ce cadre, si plusieurs structures de marché existent simultanément, on peut théoriquement observer des échanges interbranches concomitant à des échanges intra-branches. Les biens et services produits en situation de concurrence pure et parfaite verront une organisation conforme à la description offerte par les théories traditionnelles basées sur les avantages comparatifs tandis que les biens et services produits dans un cadre monopolistique verront une organisation conforme aux nouvelles théories avec des échanges de biens différenciés similaires entre des pays semblables. La coexistence de ces deux types de commerce va influencer la répartition des populations et des centres productifs à l’échelle internationale. C’est l’objet d’étude de la nouvelle économie géographique (voir Fiche 16).

Un autre phénomène nouveau est l’accroissement du nombre d’entreprises multinationales qui serait à l’origine de quasiment 2/3 du commerce international. Or, parmi ces échanges on trouve des transferts entre des filiales de même groupe pour des motifs d’optimisation fiscale qui ne répondent donc pas à des logiques d’échanges traditionnelles. Il convient donc d’étudier les nouvelles dynamiques de l’économie.

2 Les nouvelles dynamiques de l’économie

Depuis la seconde guerre mondiale le rythme de croissance des échanges internationaux est plus élevé que celui de la croissance de la production. D’après l’OMC, depuis 1981, la croissance du commerce mondial s’est élevée à 1,5 fois celle de la production. Si les acteurs leaders sont sensiblement les mêmes à l’exception du Japon dépassé par la Chine, cette stabilité masque de profondes mutations au niveau des acteurs du commerce international (section 2.1). Des évolutions notables concernent également la nature des biens échangés (section 2.2). L’ensemble de ces évolutions engendre une recomposition des flux d’échanges à l’échelle internationale (section 2.3).

2.1 Les nouveaux acteurs du commerce mondial

D’après les données d’Eurostat, les trois principaux acteurs mondiaux du commerce international depuis 2004 sont l’Union Européenne, la Chine et les Etats-Unis. En 2016, l’Union Européenne occupait la première place avec un total des échanges (importations et exportations) s’élevant à 3 455 milliards d’euros hors commerce intra-communautaire.

En termes de flux d’exportations, l’Union Européenne représente près de 15,6 % du total mondial des exportations. La Chine 17,0 %, et les États-Unis 11,8 %. Ces trois espaces représentent ainsi 44,4 % des exportations mondiales. Au niveau des importations mondiales, les Etats-Unis représente 17,6 % des importations mondiales, l’Union Européenne 14,8 % et la Chine 12,4 %. Ainsi, ces trois espaces représentent 44,8% du total des importations mondiales.

Derrière cette suprématie on observe de nombreuses mutations depuis les années 1970, notamment au niveau des pays dits émergents. Certains pays ont développé une stratégie de croissance basée sur les exportations de produits manufacturés à forte valeur ajoutée. Ces pays sont surtout situés en Asie avec les dragons (Hong Kong, Singapour, Taiwan et la Corée du Sud) ou les tigres (Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Vietnam et Philippines). L’Inde est entrée à l’OMC en 1995 et s’est spécialisée dans les échanges de services notamment via la sous-traitance à destination d’entreprises américaines. Suite à son entrée à l’OMC en 2001 la Chine est devenu un pays leader dans le commerce international des produits manufacturés.

D’autres groupes de pays émergents sont apparus sur le devant de la scène internationale avec les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui regroupent des pays à forte croissance qui représentent un poids similaire à celui de l’Union Européenne et concentrent un nombre important de transfert de capitaux via les investissements directs étrangers notamment. A l’exemple de la Chine qui a supplanté le Japon, selon les projections, cet ensemble de pays pourrait représenter 40% du PIB mondial en 2050.

2.2 L’évolution de la nature des biens échangés

Si la majorité des échanges concerne les échanges de biens et services avec des volumes échangés valorisés à plus de 16200 milliards de dollars au niveau des exportations et plus de 16500 milliards de dollars pour les importations, les échanges internationaux concernent de plus en plus des échanges de service. En 2016, la valeur des services échangés au sein des pays de l’OCDE est estimée à près de 3400 milliards de dollars au niveau des exportations et près de 3000 milliards de dollars au niveau des importations. A cela s’ajoutent les investissements directs étrangers qui sont un échange de facteurs de production. La valeur des IDEs est estimée à 1500 milliards de dollars en 2016. Les échanges d’IDEs sont très volatiles et dépendent des fluctuations de variables économiques comme les taux de change ou les taux d’imposition mais également de l’évolution du contexte géopolitique. Le développement des IDEs est concomitant au développement des multinationales qui sont des acteurs majeurs des échanges internationaux. Selon les études, les échanges intra-firmes représenteraient plus de 40% des échanges internationaux et sont à l’origine d’une recomposition des flux d’échange.

2.3 La recomposition des flux d’échange à l’échelle internationale

L’apparition et le développement des nouveaux acteurs sur le marché international ont engendré une recomposition des flux d’échange à l’échelle mondiale. Au niveau des biens et services trois logiques d’organisation peuvent se rencontrer. La première est une logique de spécialisation ricardienne. C’est l’exemple des pays asiatiques qui concentrent des activités de production à destination des grands marchés comme les Etats-Unis ou l’Europe. On trouve ensuite une logique proche des travaux de Paul Krugman où se développe un commerce intra-branche de produits similaires entre des économies semblables. C’est le cas des échanges d’automobiles entre des pays comme la France et l’Allemagne. Le développement des zones économiques intégrées comme l’ALENA, l’UE, le MERCOSUR ou l’ASEAN a favorisé le développement de ce type d’échanges (plus des 2/3 des échanges commerciaux au sein de l’Union Européenne). Au sein de ces espaces, la majorité des échanges s’expliquent ainsi par les nouvelles théories du commerce international. Enfin, on rencontre des échanges intra-firmes avec le développement de multinationales. Ces échanges obéissent à des logiques d’optimisation financière et fiscale qui peuvent parfois prendre des formes illégales (cf. scandale des Panama papers). Ces derniers types de flux sont le plus souvent des échanges d’IDEs qui sont très volatiles en raison d’une forte sensibilité aux fluctuations de la conjoncture économique mais également des politiques publiques nationales (modification des règles fiscales par exemple, voir Fiche 12).

Si, au niveau de la balance des paiements mondiaux, les comptes sont équilibrés, au niveau des différents pays, les positions peuvent être déséquilibrées. C’est le cas des Etats-Unis qui sont largement déficitaires vis-à-vis de pays comme la Chine. Au niveau agrégé l’ensemble de ces déséquilibres peut être à l’origine de turbulences préjudiciables à la croissance mondiale.

3 Les déséquilibres internationaux

Les déséquilibres internationaux sont issus de deux mouvements opposés. D’une part, des pays sont en situation d’excès d’épargne (voir section 3.1). D’autre part, des pays sont en situation déficitaire (voir section 3.2). Pour éviter les crises (voir Fiche 11), il est nécessaire d’améliorer la coordination des politiques économiques nationales (voir section 3.3).

3.1 Des pays en excédent d’épargne

Une des principales origines de la crise de 2008 est l’accumulation pendant plusieurs années de déséquilibres internationaux. Les principaux pays en situation d’excédent sont situés en Asie. Un rapport des Nations Unis sur la situation et les perspectives économiques mondiales relevaient que plus de 4000 milliards de dollars de devises avaient été accumulés par les pays exportateurs de pétrole et par les pays d’Asie orientale, dont la Chine. Ces excédents avaient pour origine des positions commerciales (balance des transactions courantes) excédentaires et par des politiques d’encouragement de l’épargne. Le cas des pays producteurs de pétrole pour la plupart membres de l’OPEP appartient à la première catégorie. Le pétrole est la principale source énergétique à l’échelle mondiale. Les pays producteurs de pétrole bénéficient d’une rente liée à la détention de cette ressource et à des prix tirés par la forte demande existante. En ce qui concerne les pays d’Asie orientale, les excédents sont liés à des taux d’épargne élevés qui résultent des conséquences de la crise de la fin des années 90 (les pays ont accumulé des réserves pour pouvoir faire face à une nouvelle crise de liquidité - voir Fiche 12) et des comportements des épargnants qui préfèrent investir à l’étranger. En soi l’accumulation d’épargne n’est pas inquiétante si elle peut être utilisée à des fins productives qui vont permettre d’accroître le potentiel de croissance (voir Fiche 9). Il est important de relier l’excès d’épargne à sa contrepartie.

3.2 Des pays en déficit d’épargne

Sur le plan international, le débouché principal de l’excès d’épargne international est le marché des titres d’Etat américain. Selon les chiffres du Trésor Américain, en 2007, 3000 milliards de dollars d’obligations des administrations publiques américaines étaient détenues par des investisseurs étrangers. Cette situation renvoie à la théorie des déficits jumeaux, déficit budgétaire concomitant à un déficit commercial qui doit être financé sur les marchés de capitaux. En résumé, à la fin des années 2000, ce sont les excédents des pays en développement qui ont financé les déficits des pays développés. Ceci signifie que l’épargne des pays en développement ne finance pas les projets d’investissement des pays en développement mais ceux des pays développés. Or, sans investir, que ce soit pour renouveler un capital existant ou pour investir dans de nouvelles capacités de production, il est impossible de garantir un potentiel de croissance à long terme (voir Fiches 2 et 4). A l’échelle internationale, ce modèle de développement était donc appelé à s’effondrer. En outre, le niveau des déséquilibres, que ce soit en excès ou en défaut, représentait en 2007 près de 6 % du PIB mondial. Des figures de l’économie comme Ben Bernanke, avant qu’il ne soit nommé gouverneur de la Réserve Fédérale Américaine, s’alarmait de ces niveaux. En effet, plus qu’un problème d’épargne ces niveaux montraient un problème de débouchés en matière d’investissement. En d’autres termes, ces niveaux révélaient l’existence d’un excès de liquidité au niveau mondial sans que les politiques monétaires ne s’ajustent en raison d’un défaut de détection des risques systémiques induits (voir Fiche 11). Il est nécessaire de trouver des mécanismes de contrôle des liquidités au niveau mondial pour éviter de nouvelles crises du type de celle de 2008.

3.3 Une nécessaire coordination des politiques économiques internationales

Dès 2006, des négociations ont été engagées pour proposer des mesures correctives à ces déséquilibres. Il a été suggéré de stimuler l’expansion des pays excédentaires et de réduire les déficits des autres pays. Les négociations ont été menées notamment sous l’égide du FMI dans le cadre de négociations multilatérales rassemblant des pays comme les Etats-Unis, le Japon, l’UE, la Chine et l’Arabie saoudite. Si des avancées ont été réalisées, il n’existe cependant pas à l’heure actuelle de cadre permettant une supervision des déséquilibres à l’échelle internationale. Leurs résorptions dépend toujours de la volonté des Etats et de nouvelles crises financières ne sont pas à exclure (voir Fiche 11).

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