Par Éric Guérin : Docteur en droit public
Dernière mise à jour : octobre 2016

L'acte administratif est un instrument juridique qui permet à l’administration d’imposer sa volonté. C’est un acte juridique ce qui signifie qu’il produit des effets juridiques. Après avoir défini la notion d’acte administratif nous en examinerons le régime juridique

1. La notion d’acte administratif unilatéral

1.1. Les caractères de l’acte administratif

L’acte administratif unilatéral peut se définir comme l’acte juridique adopté unilatéralement par une autorité administrative, portant sur l’ordonnancement juridique et affectant les droits ou les obligations juridiques des tiers sans leur consentement. Il se défini par un critère organique, un critère formel et par l’autorité juridique que lui confère la loi.

1.1.1 Le critère organique

L’acte est administratif parce qu’il émane d’une autorité administrative, c’est-à-dire d’une personne publique. On parlera de décret du Président de la République ou du premier ministre, de délibération du conseil municipal ou d’arrêté du maire et du préfet. L’autorité administrative est une personne publique qui est compétente pour édicter certaines réglementations. Il ne s’agit pas nécessairement d’un fonctionnaire. L’acte administratif est toujours l’acte de l’administration. L’acte administratif traduit une seule manifestation de volonté, celle de l’autorité administrative qui a édicté l’acte (et qui est compétente pour le faire). Le caractère unilatéral de l’acte ne signifie pas obligatoirement que l’acte doit être édicté par une seule personne. Plusieurs personnes ont pu concourir à son édiction. C’est par exemple le cas des décrets pris en conseil des ministres et qui doivent être contresignés par plusieurs ministres, ou de la délibération d’un conseil municipal qui est le résultat du vote d’une assemblée constituée de plusieurs personnes. Dans un cas comme dans l’autre, l’acte final traduit une seule volonté (celle du conseil municipal dans sa globalité) et non la volonté individuelle de chacun de ses auteurs.

Dans certains cas l’autorité administrative, avant d’edicter l’acte, doit consulter une autre autorité. Le caractère obligatoire de la consultation ne prive pas l’acte qui fait suite à la consultation de son caractère unilatéral, dès lors que l’autorité décisionnaire reste le plus souvent libre du sens et de la portée de sa décision.

Toutefois, il arrive que le juge administratif reconnaisse la qualité d’acte administratif unilatéral à des actes édictés par des personnes privées gérant un service public et disposant de prérogatives de puissance publique (CE 13 janvier 1961 Magnier). Ce sera, par exemple, le cas des fédérations sportives ou des ordres professionnels (ordre des avocats, des médecins ...). Dans un arrêt Époux Barbier du 15 janvier 1968 le Tribunal des conflits a reconnu à certaines dispositions du règlement intérieur d’Air France un caractère administratif. Le règlement d’Air-France faisait alors interdiction aux hôtesses de se marier. Le juge des conflits a estimé qu’une telle disposition apparaissait comme touchant à l’organisation du service et conféré à l’acte litigieux, dans son intégralité un caractère administratif.

Selon ce principe, il a été jugé que seules les décisions de France Télévisions qui affectent la garantie de ses ressources, touchant à l'organisation même du service public, sont des actes administratifs relevant de la compétence de la juridiction administrative. En revanche il n’en va pas de même pour la délibération par laquelle le conseil d'administration de France Télévisions dont l'État détient la totalité du capital mandate son président pour céder 70 % de sa participation dans le capital de sa régie publicitaire. Cette décision ne met en oeuvre aucune prérogative de puissance publique car elle est sans incidence sur le financement de France Télévisions et, de manière générale, sur l'organisation du service public dont elle a la charge

Les actes pris par une personne de droit privé dans ce cadre, pourront néanmoins faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.

1.1.2 Le critère formel

Les actes administratifs peuvent se présenter sous une forme verbale (ou sous la forme d’un comportement de l’administration) ou sous la forme d’un écrit. Cette forme est la plus fréquente mais n’est requise que si un texte l’impose. Les actes administratifs peuvent se présenter sous la forme d’une décision expresse ou sous la forme d’une décision implicite résultant du silence de l’administration. Nous reviendrons plus loin sur cette distinction.

1.1.3 L’autorité de l’acte administratif

L’acte administratif unilatéral entraîne des conséquences juridiques par la seule volonté de son auteur. Il crée des droits et des obligations à la charge des destinataires de l’acte. La notion d’acte administratif recoupe l’ensemble des règles de droit qui détermine la situation des sujets de droit en créant des droits et obligations nouvelles. Ce sera par exemple le cas de l’octroi ou du refus d’une autorisation (permis de construire ou titre de séjour pour un ressortissant étranger). Ce sera également le cas d’une réglementation modifiant les conditions d’octroi de ces autorisations individuelles (Plan Local d’Urbanisme). Dès que ces actes modifient la situation de leurs destinataires, ces derniers peuvent former un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif pour en demander l’annulation.

Au contraire, certains actes émanant de l’administration ne sont pas considérés comme des actes administratifs, car ils ne modifient pas l’ordonnancement juridique et par conséquent ne peuvent pas faire l’objet d’un recours.

A partir de la définition des actes administratifs unilatéraux, il est possible de délimiter la catégorie de ces actes par rapport aux autres actes de l’administration et d’élaborer une classification des différentes catégories d’actes administratifs unilatéraux.

- Les actes préparatoires, c’est à dire les actes qui concourent à l’édiction d’un acte administratif mais ne constituent pas en eux même la décision (rapports, notes, réponses faites aux parlementaires, avis obligatoires ou facultatifs)

- Les circulaires (et les directives), qui sont des documents formulés à l’intention des agents et constituent des instructions que les ministres adressent à leur administration en vue d’une application uniforme du droit. Si une circulaire contient des dispositions à caractère général et faisant grief aux administrés, elle doit être qualifié de circulaire impérative (CE 18 décembre 2002 Duvignères). Dés lors, elles peuvent faire l’objet d’un recours. Est considérée comme une circulaire impérative : la circulaire fixant, au-delà des textes, des « règles nouvelles » relatives à la constitution des dossiers de demandes de subventions formulées par les établissements privés d'enseignement secondaire, la circulaire prévoyant les modalités de détention à titre provisoire des Étrangers sous le coup d'un arrêté d'expulsion, la circulaire subordonnant l'adoption d'enfants Étrangers à une attestation de la direction de l'action sanitaire et sociale.

- Les mesures d’ordre intérieur, qui sont de simples mesures d’organisation du service et qui ne peuvent donc faire l’objet d’un recours (affectation d’un élève dans une classe, affectation d’un agent à certaines fonctions). Toutefois, la jurisprudence a tendance à réduire le champ des mesures intérieures en particulier en matière pénitentiaire en particulier quand les mesures sont privatives de liberté ou quelles portent atteinte à la vie privée et familiale. Par exemple, la décision par laquelle un chef d'établissement pénitentiaire fixe les modalités essentielles de l'organisation des visites aux détenus, l'avertissement infligé à un détenu dès lors qu’il peut avoir des effets sur ses autorisations de sortie …..

- Les actes d’information, destinés à renseigner les administrés soit spontanément soit sur leur demande ne donnent pas prise au contrôle juridictionnel. Toutefois, la responsabilité de l’administration pourrait être engagée en cas d’information erronée.

1.2. Les catégories d’acte administratif

1.2.1 Les actes règlementaires et les décisions individuelles

Il est d’usage de classer les actes administratifs en deux catégories : les actes réglementaires, qui ont une portée générale et impersonnelle et les décisions individuelles. Les actes réglementaires sont ceux qui ont une portée générale et impersonnelle comme la loi. Ils entrent en vigueur dès leur publication et transmission, pour les actes des collectivités territoriales.

Les décisions individuelles sont les actes par lesquels une autorité administrative décide d’octroyer ou de refuser un avantage à une seule personne nommément désignée (octroi ou refus d’un permis de construire). Le régime de ces actes est sensiblement différent de celui des actes réglementaires. Comme ces derniers ils doivent faire l’objet d’une mesure de publicité (on parle de notification à la personne intéressée) et éventuellement d’une transmission en préfecture. Par ailleurs, alors que pour les décisions réglementaires les facultés d’intenter un recours pour excès de pouvoir sont largement ouvertes, pour les décisions individuelles, les conditions de recevabilité sont plus strictes. Le requérant doit se prévaloir d’un intérêt à agir individualisé. Mais la distinction entre les deux catégories d’actes résulte de leur mode d’édiction. Alors que les actes réglementaires sont toujours écrits, les décisions individuelles peuvent naître du silence de l’administration.

1.2.2 Les autres actes administratifs

Les deux classifications précitées sont les plus utilisées mais il en existe d’autres. Il existe par exemple des actes mixtes. Pour partie règlementaire et pour partie individuelle comme par exemple la délibération du jury d’un concours. Une autre distinction est couramment utilisée pour distinguer les actes créateurs de droit des actes non créateur de droit. Cette distinction nous sera utile au moment d’examiner les conditions de retrait d’un acte administratif.

2. Le régime juridique de l’acte administratif unilatéral

Le régime des actes administratifs unilatéraux peut être examiné au travers des conditions d’élaboration de l’acte, des conditions et des modalités de son exécution et enfin de sa disparition.

2.1 L’élaboration de l’acte administratif

L’élaboration des actes administratifs répond à des règles de formes et de procédure mais également à une obligation de motivation.

2.1.1 Les formes et les procédures d’édiction de l’acte

L’acte administratif se présente le plus souvent sous la forme d’un écrit pour lequel le respect de certaines formes est obligatoire. A défaut de comporter certaines mentions substantielles l’acte serait annulable. Au titre de ces mentions obligatoires se trouve le nom de l’autorité qui édicte l’acte, le visa des textes servant de base à l’acte, l’énoncé des motifs de la décision, la signature de l’auteur de l’acte. Ces obligations sont principalement d’ordre formel.

D’autres obligations pèsent sur l’administration dans l’édiction des actes administratifs et tiennent à l’obligation de consulter certaines autorités avant de décider. La loi ou le règlement impose parfois à l’autorité compétente de consulter un organe particulier sous peine d’illégalité (cas des avis obligatoires). Par exemple, avant de prendre une sanction administrative du deuxième groupe, l’autorité administrative doit obligatoirement convoquer un conseil de discipline. D’autres obligations processuelles peuvent tenir à l’obligation de communiquer son dossier à l’agent qui fait l’objet d’une mesure prise en considération de la personne. L’administration peut encore être astreinte à respecter les principes du contradictoire lorsqu’elle édicte une mesure qui présente le caractère d’une sanction. Dans certains cas la légalité de l’acte administratif peut dépendre directement des conditions dans lesquelles l’autorité compétente a été amenée à se prononcer. Par exemple pour que la délibération d’un conseil municipal soit régulière il faut que l’assemblée ait été convoquée dans un certain délai et que la convocation fasse une mention exacte de l’ordre du jour.

Enfin, une dernière remarque tient à l’édiction des décisions individuelles. Celles-ci peuvent naître soit d’une décision expresse de l’administration soit du silence gardé par l’administration (décision implicite).

La loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 (réformant celle du 12 avril 2000) prévoit désormais que le silence gardé pendant deux mois par l'Administration sur une demande vaut décision d'acceptation. Cette nouvelle règle ne sera pas absolue au sens où la loi établit cinq cas de dérogation pour lesquels le silence gardé par l'Administration pendant deux mois continuera de valoir décision de rejet :

Les décisions d'espèce ou réglementaire

Les procédures non prévues par un texte ou ne présentant pas le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif

Les décisions à caractère financier sauf en matière de sécurité sociale, « dans les cas prévus par décret »

Les régimes d'acceptation implicite incompatible avec un traité, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l'ordre public

Les décisions relatives aux relations entre l'Administration et ses agents.

2.1.2 Le contenu et les motifs de l’acte

L’acte administratif pour être légal doit satisfaire un but d’intérêt général. Lorsque l’autorité administrative édicte un acte administratif dans un but autre que celui dicté par l’intérêt général elle commet un détournement de pouvoir (cf. les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir). Pour que le juge administratif soit en mesure de s’assurer que l’administration agit bien dans le souci de satisfaire l’intérêt général et ne commet pas d’erreur de droit ou de fait la loi impose à l’administration de communiquer les motifs de sa décision. La loi du 11 juillet 1979 impose la motivation des actes administratifs individuels contenant une mesure défavorable pour les administrés ou dérogeant aux règles générales fixées par les lois et règlements. A ce titre, doivent notamment être motivées : les mesures individuelles de police, les sanctions disciplinaires, le retrait d'une autorisation individuelle. Enfin, la loi du 12 avril 2000 est venue clarifier et renforcer les obligations de l’administration, notamment en élargissant et en facilitant le droit d’accès aux documents administratifs. La loi élargie également les compétences de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs), l’organe chargé de d’agir auprès de l’administration en vue de faciliter l’accès aux documents administratifs.

2.2 L’exécution de l’acte administratif

Les dispositions contenues dans un acte administratif unilatéral deviennent obligatoires à compter du moment où l’acte est entrée en vigueur dans l’ordonnancement juridique. Or, l’acte administratif ne commence à produire ses effets qu’à compter de sa publication ou de sa notification.

2.2.1 L’entrée en vigueur de l’acte

C’est à partir de son entrée en vigueur que l’acte administratif produira ses effets. C’est également à compter de son entrée en vigueur que les délais de recours commencent à courir. Pour qu’un acte administratif entre dans l’ordonnancement juridique il doit faire l’objet d’une mesure de publicité (la loi est publiée au Journal officiel). Les actes réglementaires font normalement l’objet d’une publication, alors que les actes non-règlementaires font normalement l’objet d’une notification.

A - La publication des actes réglementaires

Les actes réglementaires édictés par les autorités de l’État produisent leurs effets à l’égard des administrés à compter de leur publication au journal officiel ou dans les bulletins officiels des ministères. Les actes des collectivités territoriales produisent leurs effets à compter de leur publication par voie d’affichage ou d’insertion dans la presse, et de leur transmission au représentant de l’État. Pour les communes de plus de 3 500 habitants les actes ayant un caractère réglementaire doivent faire l’objet d’une publication dans un recueil des actes administratifs publiés de façon trimestrielle et tenu, en mairie, à la disposition du public.

B - La notification des décisions individuelles

Les décisions administratives individuelles prises par les autorités de l’État entrent en vigueur dès leur notification à leur destinataire. Les décisions individuelles prises par les autorités des collectivités territoriales doivent en outre être transmises en préfecture. On rajoutera qu’une fois entré en vigueur l’acte administratif (acte réglementaire et décision individuelle) ne produit ses effets que pour l’avenir. En principe les actes administratifs ne peuvent avoir d’effet rétroactif (CE 25 juin 1948 Sté du journal l’Aurore).

2.2.2 L’exécution matérielle de l’acte

Une fois entré en vigueur l’acte administratif déploie ses effets. Il peut donc être exécuté puisqu’il bénéficie d’une présomption de légalité. Cela signifie que même si un administré conteste la légalité d’un acte administratif son recours devant le juge administratif n’est pas suspensif. Il existe toutefois une procédure de référé-suspension qui permet au juge de suspendre l’exécution de l’acte dans l’attente que le juge de l’excès de pouvoir se prononce sur sa légalité (cf. contentieux administratif).

Le plus souvent l’exécution des actes administratifs ne pose aucun problème. L’administré exécute l’acte de sa propre volonté alors même que son contenu lui serait défavorable (certains actes administratifs ne supposent aucune exécution. C’est par exemple le cas des décisions de refus tel que le refus d’accorder un permis de construire). Toutefois, si l’administré refuse d’exécuter l’acte de sa propre volonté, l’administration dispose de plusieurs moyens pour le contraindre à exécuter ses obligations :

- L’administration peut recourir à l’exécution forcée. Le recours à l’exécution forcée n’est toutefois possible que si l’administration ne dispose d’aucune autre solution et elle doit être strictement nécessaire à l’exécution de l’acte (TC 2 décembre 1902 Sté immobilière de Saint Just).

- En cas d’urgence, il est admis que l’administration peut recourir sans condition à l’exécution forcée

- En situation extrême, l’administration peut recourir à des sanctions pénales pour violation d’un règlement administratif. Des sanctions administratives peuvent également être prises contre un administré qui refuse de se plier aux obligations découlant d’un acte administratif (fermeture d’un débit de boissons).

2.3 La fin de l’acte administratif

Les actes administratifs ne sont en principe pas édictes pour une durée limitée. Il incombe donc à l’autorité administrative de mettre fin à un acte réglementaire ou à une décision individuelle lorsqu’elle le juge nécessaire. Avec la disparition de l’acte cessent les effets juridiques qui étaient attachés à l’acte. Mais il faut distinguer deux hypothèses en fonction des effets provoqués par la disparition de l’acte. La première hypothèse consiste à abroger l’acte, la seconde à le retirer de l’ordonnancement juridique.

2.3.1 L’abrogation de l’acte

L’abrogation de l’acte est l’hypothèse la plus simple puisque l’acte abrogé disparaît et cesse de produire ses effets pour l’avenir. L’abrogation d’un acte réglementaire est toujours possible car nul n’a un droit acquis au maintien d’une réglementation. L’administration peut à tout moment mettre fin à une réglementation ou la modifier à condition de respecter le parallélisme des compétences. Seule l’autorité qui a édicté la réglementation peut y mettre un terme. Dans certains cas l’abrogation est obligatoire. C’est le cas si l’acte est illégal des l’origine ou s’il le devient suite à une modification des circonstances de droit ou de fait par rapport aux circonstances existantes lors de son édiction. L’administration est par exemple dans l’obligation d’abroger les règlements contraires aux dispositions issues du droit communautaire (CE 3 février 1989 Alitalia).

L’abrogation ou la modification d’un acte individuel ne pose pas davantage de problème et obéit aux mêmes règles que celles de l’abrogation de l’acte réglementaire. Toutefois, si l’acte a fait naître des droits au profit d’un particulier (nomination d’un fonctionnaire, permis de construire), il ne peut être abrogé que dans le respect des procédures prévues par les textes (pour un fonctionnaire l’abrogation du statut ne peut intervenir que dans l’hypothèse d’une démission, d’un licenciement ou d’une sanction disciplinaire).

2.3.2 Le retrait de l’acte

Le retrait des actes administratifs est plus complexe que l’abrogation car le retrait entraîne la disparition rétroactivité de l’acte. L’acte est donc censé ne jamais avoir existé. La théorie du retrait est bien évidemment une fiction car l’on ne peut jamais revenir dans le temps. Elle consiste seulement à revenir sur les conséquences juridiques d’un acte administratif. Se pose alors un problème de sécurité juridique. Dans quelles conditions l’administration peut elle revenir sur une décision sans porter atteinte à des situations définitivement constituées ? Il faut donc distinguer deux hypothèses, le retrait des actes non créateurs de droits et celui des actes créateurs de droits.

A - Le retrait des actes non créateurs de droits

Si l’acte n’a pas créé de droits au profit des administrés (ce sera le cas des actes réglementaires et de certains actes individuels, décision qui constate une situation de fait), son retrait est possible à toute époque.

B - Le retrait des actes créateurs de droits

Si l’acte est créateur de droits, il faut distinguer deux hypothèses. Soit l’acte est légal soit l’acte est illégal.

1. L’acte est légal. Dans ce cas le retrait n’est pas possible car son retrait aboutirait à rendre les actes administratifs rétroactifs. Le retrait reste possible si le bénéficiaire des droits donne son accord au retrait.

2. L’acte est illégal. Dans ce cas le retrait est possible mais sous des conditions très strictes. En effet, il est souhaitable que l’administration puisse elle-même revenir sur ses actes illégaux, tout en respectant la sécurité des situations juridiques. Le Conseil d’État, dans un arrêt Dame Cachet du 3 novembre 1922 avait posé deux conditions au retrait des actes créateurs de droits irréguliers. Le retrait était possible soit dans les deux mois qui suivaient la notification, soit, si un recours avait était intenté, dans les deux mois tant que le juge n’avait pas statué. L’administration peut ainsi retirer un acte pour éviter une annulation. Dans un arrêt Ville de Bagneux du 6 mai 1966, le Conseil d’État est venu apporter une précision importante à la jurisprudence Dame Cachet. En effet, dans le but de protéger les droits des tiers à la décision, le juge a admis que « même si la décision avait fait l’objet d’une notification à la personne visée par la décision, l’absence de publication ne pouvait faire courir le délai de recours à l’égard des tiers ». Dans ce cas, l’administration peut, même si aucun recours n’a était formé par un tiers intéressé, rapporter à tout moment la décision illégale. La jurisprudence Cachet-Bagneux avait le mérite de calquer les délais du retrait sur ceux du recours contentieux. Pourtant, cette solution a été remise en cause par le Conseil d’État dans un arrêt d’assemblée du 26 octobre 2001, Ternon. Désormais, l’administration peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si celle-ci est illégale, dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision (pour les permis de construire la loi ramène ce délai à 3 mois).

Tags :
    
© 2023 CNFPT