Par Marc Baudino
Dernière mise à jour : novembre 2018

Introduction

L'intervention publique en matière culturelle vise à prévenir et à corriger les risques inhérents au fonctionnement du marché économique : disparition, défaut de rentabilité à court terme, concentration ou standardisation des productions culturelles n’étant pas considérées comme des marchandises.
Le spectacle vivant ne rentre pas dans le cadre des compétences obligatoires des collectivités territoriales. Cependant, ces dernières ont généralement fait le choix de s’y impliquer. L’un des effets de la décentralisation est précisément d’avoir introduit une plus grande diversité dans leur manière d’agir.
Les collectivités jouent en effet un rôle majeur dans tous les domaines de la culture, d’ailleurs en témoigne la part importante des budgets qui lui est souvent consacrée. Les initiatives qui sont prises en matière culturelle depuis plus de vingt ans vont bien au-delà des obligations légales imposées.
De ce fait, leurs interventions en matière culturelle sont vastes et s'expriment à travers notamment la gestion et le financement de bibliothèques, médiathèques, musées, les aides aux équipements culturels, le développement de l'éducation artistique… A cela s'ajoute les partenariats avec l'État afin de financer des projets spécifiques.
Les baisses actuelles de budgets concernent toutes les collectivités publiques et tous les secteurs d’activité. La place de la culture étant déjà minoritaire dans les activités d’un territoire, celle du spectacle vivant y occupant un des derniers rangs, ces diminutions budgétaires peuvent fragiliser la création.
Aussi, les équipements culturels peuvent être plus que jamais sollicités afin de permettre une mutualisation nécessaire quant au soutien et à l’accompagnement des artistes et des projets artistiques. Le cadre d’un théâtre municipal peut s’élargir et vite devenir un lieu de vie et d’échange autour de pratiques multiples.

1. Cadre règlementaire et institutionnel

1.1. Connaissance des principaux textes réglementaires et normatifs

L’exploitation d’un lieu de spectacle n’est pas une mince affaire. Elle repose sur de nombreuses réglementations et normes qui régissent toute action visant à la mise en place d’un spectacle et à l’accueil de ses différents publics (artistes, techniciens, spectateurs, etc.).
Une structure qui souhaite diffuser ou produire un spectacle ou encore exploiter un lieu de diffusion d’artistes, doit être titulaire d’une autorisation (licence) délivrée par la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) depuis l’ordonnance du 13 octobre 1945 (modifié notamment en 19921 puis en 19992).
Les raisons de cette réglementation sont d’avoir les garanties de :

  • compétence, d’expérience professionnelle et d’intégrité,
  • respect des obligations de l’employeur en matière de droit du travail et de sécurité sociale,
  • respect des dispositions légales et réglementaires relatives notamment à la protection de la propriété littéraire et artistique,
  • préservation de la sécurité des spectateurs.

L’article L.7122-2 du code du travail définit l’entrepreneur de spectacles vivants comme « toute personne qui exerce une activité d’exploitation de lieux de spectacles, de production ou de diffusion de spectacles, seul ou dans le cadre de contrats conclus avec d’autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités ».
Il est nécessaire de connaître le fonctionnement des sociétés civiles de perception des droits directs ou voisins (de type SACEM, SACD), des assurances, ainsi que les pouvoirs du maire, les différents types de responsabilités, le fonctionnement de l’intermittence du spectacle, la réglementation autour de la billetterie…
De même il est impératif de respecter le droit du travail, la réglementation et la sécurité applicable aux ERP, à l’accueil des personnes à mobilité réduite, les risques liés aux multiples métiers qui se croisent dans ces « antres » du spectacle.
De ce fait, il est bien aussi de travailler en équipe et de se partager les différents champs de compétences et/ou de connaissances à avoir pour la bonne marche de ce type d’équipement, que ce soit dans le secteur public ou privé et d’effectuer une « veille » afin de se tenir informé des changements qui s’opèrent.

1.2. Textes constitutifs cadres

Les lois de décentralisation de 1982 et 1983 n’ont pas spécifié de compétences particulières à une collectivité publique dans le cadre du spectacle vivant. Ainsi, l’État, les Régions, les Départements, les intercommunalités de même que les communes peuvent tout à fait intervenir dans ce secteur en s’appuyant sur des textes qui posent les fondements et légitiment l’intervention des pouvoirs publics pour la partie culturelle et artistique :

  • Le préambule de la Constitution de 1946 : « la nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, la formation professionnelle et la culture ».
  • Le traité de Maastricht : « contribuer à une éducation et une formation de qualité ainsi qu’à l’épanouissement des cultures des états membres ».
  • Le décret relatif aux attributions du ministère en charge de la culture lui donnant pour missions l’accessibilité au plus grand nombre aux œuvres capitales de l’Humanité, favoriser la création et développer les pratiques artistiques (...).
  • La charte des missions de service public pour le spectacle vivant (circulaire du 22 octobre 1998) qui définit les missions de service public confiées par l'État, en partenariat avec les collectivités territoriales, à des personnes de droit privé.
  • Le droit fondamental de la constitution et de la charte de l’UNESCO sur la diversité culturelle : l’accès pour tous les citoyens à l’éducation, à l’art, à la culture et à la connaissance.
  • L’agenda 21 de la culture est un engagement des villes (ou des gouvernements locaux) du monde entier qui s'engagent dans les domaines des droits de l'Homme, de la diversité culturelle, du développement durable, de la démocratie participative et de la création de conditions pour la Paix.
  • L’Assemblée nationale a adopté, le 11 décembre 2013, un texte de loi ouvrant la possibilité pour l’État de déléguer des compétences culturelles aux collectivités qui le souhaitent.

2. Connaissance des acteurs « institutionnels »

Les institutions sont des ensembles de forme ou des structures politiques, telles qu'elles sont établies par la loi ou la « coutume ». Elles relèvent du droit public, ce sont des institutions démocratiques.
La légitimité de l'intervention publique en matière culturelle s'établit également, d'une part, vis à vis du patrimoine artistique et culturel, considéré comme un bien commun à l'ensemble de la nation, qu'il convient donc de sauvegarder, entretenir, conserver, mettre en valeur, promouvoir, diffuser et enrichir, et d'autre part, concernant la création artistique et culturelle à protéger, encourager et soutenir également dans sa diffusion.

2.1. Institutions relatives au spectacle vivant

La Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) :
Le ministère de la Culture et de la Communication est chargé de la mise en œuvre de l'action publique en matière culturelle, sur l'ensemble du territoire national.
Les DRAC sont présentes dans chaque région depuis 1977, ce sont des services déconcentrés du ministère depuis la loi du 6 février 1992 organisant l’administration territoriale de la République.
Elles sont en charge de la mise en œuvre, sous l'autorité du préfet de région et des préfets de départements, de la politique culturelle définie par le gouvernement.
Elles ont également une fonction de conseil et d’expertise auprès des partenaires culturels et des collectivités territoriales dans tous les secteurs d’activité du ministère de la Culture et de la Communication : patrimoine, musées, archives, livre et lecture publique, musique, danse, théâtre et spectacles, culture scientifique et technique, arts plastiques, cinéma et audiovisuel.
Concernant le spectacle vivant, des labels sont attribués à certains équipements de diffusion qui correspondent à des critères bien précis (les scènes : conventionnées, nationales, de musiques actuelles...) en partenariat avec des collectivités territoriales et des professionnels de la culture.

Les services culturels des Régions :

Au niveau culturel, les collectivités régionales ont la responsabilité de l'organisation et du financement des musées et des archives régionales. Elles sont responsables de l'inventaire général du patrimoine culturel.
Les Régions sont un partenaire important dans la structuration culturelle d’un territoire. Les objectifs des services culturels peuvent être multiples selon les politiques définies :

  • faciliter l’accès à l’offre culturelle et à la pratique artistique,
  • promouvoir la démocratie culturelle,
  • participer à la cohésion territoriale par l’aménagement des territoires,
  • contribuer au développement d’une offre culturelle et artistique,
  • soutenir la création,
  • financer des équipements culturels,
  • accroître le soutien au spectacle vivant, etc.

Certaines fois, la politique culturelle de la Région est mise en œuvre par un office régional culturel ou une agence culturelle régionale (elles feront l’interface entre les acteurs, opérateurs et la collectivité). Le plus souvent, le choix est fait de constituer un service culturel interne.

Les services culturels des conseils départementaux :
Les Départements ont fait l’objet, dans les lois de décentralisation de 1982 et 1983, du transfert de compétences culturelles des bibliothèques centrales de prêt et des archives départementales.
En dehors de ce transfert direct, les lois de décentralisation ont reconnu aux Départements, (comme aux communes et aux Régions d’ailleurs), la possibilité d’intervenir dans tous les domaines de la vie culturelle, en concertation avec l’État.
Cependant les politiques culturelles départementales sont loin d’être toutes semblables. Il est courant de trouver au sein des Départements (selon la taille des territoires concernés) des services culturels, des Directions des Affaires Culturelles (DAC), bien structurés.

Les services culturels des intercommunalités :
Plus des trois quarts des communautés de communes interviennent dans la culture3. Leur légitimité en matière de politique culturelle, comme dans leurs autres domaines d’interventions, provient de l’échelon communal :

  • l’enseignement (conservatoires, écoles de musique…)
  • les « gros » équipements culturels (opéras, scènes conventionnées…)

L’émergence de ce nouvel échelon d’intervention culturelle amène les élus municipaux à reconsidérer la question des politiques culturelles locales. Les décisions à prendre, relatives aux compétences précises de ces groupements en matière culturelle, ne peuvent être déléguées directement aux techniciens des services ou aux professionnels.
Ainsi, elles conduisent les élus à réinterroger les finalités et les contenus des interventions culturelles publiques et à concevoir l’articulation des actions municipales et intercommunales en ce domaine.
L’échelle intercommunale est, sans doute, structurellement plus cohérente que celle de chaque ville si on la considère individuellement. Cela fait des communautés de communes les partenaires les plus indiqués, non seulement pour les Départements et les Régions, mais aussi pour l’État.

Les services culturels des communes :
Les compétences des communes sont identiques, quelle que soit leur taille. La commune joue un rôle important à travers les bibliothèques de prêts, les musées, les conservatoires municipaux. Avec la loi du 13 août 2004, les communes sont chargées de l’organisation et du financement de l’enseignement artistique initial (musique, danse, art dramatique), les établissements qui en ont la responsabilité étant intégrés dans un schéma départemental.
La culture a été longtemps le fait des grandes villes. La taille des communes est un élément déterminant dans la création d’un service culturel communal. En dessous de 8 000 habitants, il est rarement question de service culturel, ce sont le plus souvent les élus qui œuvrent pour la mise en place d’actions culturelles sur leur territoire. La plupart du temps, cela se fait en cohérence avec les associations locales sous la forme de subventions, d’aides logistiques, etc.
Ces collectivités locales tendent de plus en plus à fonder leur politique culturelle sur des principes d’aménagement du territoire (principalement autour des équipements telles les médiathèques, les salles polyvalentes équipées en son et lumières…), d’animation de quartiers, de création d’emplois et non pas sur une visée purement artistique.
Les villes moyennes4 accueillent, elles, les institutions culturelles qui constituent la base de l’offre culturelle publique soutenue par le ministère de la Culture et de la Communication (médiathèque, écoles d’enseignements artistiques, équipements de diffusion culturelle labellisés, etc.).
Des actions culturelles peuvent aussi être traitées par d’autres services municipaux (politique de la ville, service jeunesse, fêtes et cérémonies…) ou parfois confiés à des Comités Officiels des Fêtes (COF).

L’Europe :
La culture est un des champs de compétence de l’Union européenne. Il existe plusieurs volets d’aide à la culture et/ou aux projets culturels dans le cadre des dispositifs européens. Toutefois, les soutiens potentiels dépassent le cadre des programmes spécifiques à la culture. Ainsi, d’autres dispositifs sont possibles au sein des activités culturelles, autour de programmes liés à la jeunesse, au développement local et régional, à l’éducation et à la formation professionnelle…
Ces programmes interviennent sur la diffusion de l’art et de la culture, la création et la mobilité des artistes, l’accès du plus grand nombre à la culture, le dialogue interculturel et la connaissance de l’histoire des peuples européens, en soutenant aussi des organismes et réseaux de coopération culturelle.
Il est cependant nécessaire de savoir que la plupart des programmes européens représentent un investissement en termes d’énergie, de temps et de moyens (notamment en trésorerie), relativement conséquent et sans garantie de résultat.
La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des Métropoles prévoit que, pour la période 2014-2020, soit confiée aux Régions, à leur demande, tout ou partie de la gestion des programmes européens soit en qualité d’autorité de gestion, soit par délégation de gestion.

2.2. Compétences et modes d’action de l’Etat et des collectivités territoriales en matière culturelle (systèmes d’action sectoriels)

1544025615197-940.pngSource : l’observatoire des politiques culturelles

  1. ^ Extension de la licence aux associations.
  2. ^ Unification du cadre juridique (quels que soient les modes de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non). Les structures municipales (théâtre de ville…) en régie directe et les établissements publics entrent dans le champ d’application de la réglementation de la profession des entrepreneurs du spectacle.
  3. ^ « L’intercommunalité culturelle », réalisée sous la direction scientifique d’Emmanuel Négrier et Philippe Teillet avec la collaboration d’Alain Faure et Julien Préau - 2008.
  4. ^ Selon les considérations de l’INSEE les villes moyennes se situent dans les communes de 20 000 à 100 000 habitants.
Tags :
    
© 2023 CNFPT