Les droits fondamentaux et les libertés publiques : Les droits garantis : les libertés collectives

Modifié par Julien Lenoir le 27 septembre 2018

Par Éric Guérin : docteur en droit
Dernière mise à jour : octobre 2016

1. Liberté religieuse, la liberté de culte

La liberté de religion rejoint la liberté de conscience évoquée dans la partie consacrée aux libertés individuelles. Sous l’ancien régime, la France était un pays à religions d’État. Depuis Napoléon, les cultes étaient officiellement reconnus, au sens que les ministres du Culte, les officiels religieux, étaient payés par l’État et agents publics. A parti des débuts de la IIIème République, les républicains vont entreprendre de laïcisé la République. La laïcisation signifie la séparation entre le religieux et l’espace public. Dans ce processus, la loi du 9 décembre 1905 a été votée pour séparer les cultes de l’État. Les républicains ont voulu ainsi abolir tous les cultes reconnus afin de les traiter de la même façon. Désormais, La République ne reconnaît plus aucun culte.

Les libertés collectives sont des libertés dont l’individu est titulaire, mais qui ne peuvent s’exercer qu’en groupe.

1.1 Le principe de la liberté du culte.

Le Conseil d’Etat défini un culte comme, La réunion de fidèles unis par une même croyance religieuse pour célébrer des cérémonies autour de rites ou de pratiques. Par voie de conséquence, la liberté religieuse est la liberté pour les fidèles de se réunir dans un cadre particulier puisque le juge donne une dimension rituelle à la liberté de culte. La loi du 9 décembre 1905 prévoit un régime particulier des associations cultuelles.

Le législateur a donc créé des associations cultuelles, particulières. Elles doivent avoir un objet exclusif, le culte et bénéficient notamment d’un régime fiscal favorable, et peuvent recevoir des dons et legs. Toutefois, les associations cultuelles se doivent de respecter l’ordre public. Le Conseil d’Etat juge toutefois au cas pas cas. Pour les témoins de Jehova il a considéré que l’on ne pouvait considérer qu’il ne respecté pas l’ordre public au seul motif qu’ils refusent les transfusions sanguines (CE, 24 octobre 1997, association locale des de Rion).

1.2 Le principe de la séparation entre l’État et l’Église.

Les républicains ont coupé le lien entre Église et État. Ils ont posé l’interdiction de toute subvention de la part de l’État aux cultes. Mais ce principe n’est pas absolu. Seul les concours directs pour financer l’activité des cultes sont interdits. Il n’est plus possible par exemple de payer les ministres du Culte, les prêtres, évêques, Pasteur, imams… La question de l’enseignement privé s’était aussi posée. Ainsi des subventions légales peuvent être accordées aux écoles, collèges, lycées.

1.3. Le principe de la neutralité de l’État.

La neutralité est conçue pour respecter la liberté de conscience de tous. Elle est stricte et absolue au nom du respect de la liberté de conscience des administrés. L’État ne doit pas même donner l’apparence de privilégier une croyance sur une autre. L’État doit ainsi de permettre l’expression de la liberté de conscience de tous en même temps qu’il protège l’ordre public. Seuls des risques graves d’atteinte à l’ordre public peuvent justifier l’intervention de la puissance publique en matière cultuelle et fonder l’interdiction de réunions religieuses. Par ailleurs, le fonctionnement des services publics doit respecter un strict principe de neutralité (voir fiche sur les services publics).

2. La liberté de réunion et d’association

Tout comme la liberté d’opinion et la liberté d’expression, la liberté d’association et de réunion sont indissociables.

2.1 La liberté de réunion

La liberté de réunion est définie comme le droit de s’assembler avec autrui. Dans la jurisprudence de la Cour européenne, elle inclut aussi bien les réunions privées que les réunions publiques. En droit français, la liberté de réunion n’existait pas sous l’Ancien régime car elle était soumise à une autorisation du roi. Elle est oubliée par la Déclaration de 1789, mais peut cependant être rattachée aux articles 10 et 11 de la Déclaration qui protègent la liberté d’opinion et la liberté d’expression. La liberté de réunion ne sera formellement proclamée que sous la IIIème République par la loi du 30 juin 1881. La loi soumettait le droit de réunion à une déclaration préalable. Cette formalité sera supprimée par une loi du 28 mars 1907.

Les réunions publiques sont définies comme un groupement momentané, ce qui les différencie des associations qui ont un caractère permanent. Elles sont organisées, ce qui les distingue des simples attroupements, pour la défense d’intérêts et se font sur invitation impersonnelle et anonyme. Le régime de cette liberté est assez libéral mais les réunions publiques ne peuvent normalement plus avoir lieu après 23 heures et l’ordre doit être maintenu par un bureau de trois personnes qui endossent la responsabilité pénale en cas de troubles. En revanche, les réunions privées ne sont soumises à aucune restriction particulière.

La liberté de réunion s’applique également aux partis politiques. Toutefois, en cas de risque avéré de trouble à l’ordre publique l’Etat peut prendre des mesures de restriction à l’exercice de cette liberté.

2.2 La liberté d’association

La liberté d’association comprend la liberté d’adhérer à une association ou de la créer. La notion d’association est autonome des qualifications que donne le droit national. En France, le Conseil constitutionnel a consacré le régime de la liberté d’association dans une décision du 16 juillet 1971. Le Conseil rappelle que « la constitution d’associations, alors même qu’elle paraîtrait entachée de nullité ou aurait un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l’intervention préalable de l’autorité administrative ou même de l’autorité judiciaire ».

C’est la loi du 1er juillet 1901 qui fixe le régime de la liberté d’association. L’association est définie comme « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissance ou leur activité, dans un but autre que de partager des bénéfices ».

Il y a principalement trois éléments qui fondent la définition d’association :

- Un accord contractuel entre au moins deux personnes avec un objectif collectif.

- Une permanence, ce qui là distingue de la réunion.

- Un but désintéressé. L’objet n’est pas de faire du bénéfice, ce qui là distingue de la société.

Il existe trois régimes distincts de la liberté d’association :

- Les associations non déclarées : elles ne font pas l’objet d’une déclaration en préfecture et ne sont soumises à aucune obligation formelle. En revanche, elles n’ont pas de personnalité morale.

- Les associations déclarées : elles font l’objet d’une déclaration en préfecture et disposent de la capacité juridique. La déclaration doit mentionner le nom et l’objet de l’association, le siège, le nom des administrateurs (président, trésorier, secrétaire …). Le préfet a compétence liée, ce qui signifie qu’il doit accueillir l’association sans porter d’appréciation en opportunité sur les statuts de l’association. Il doit délivrer le récépissé attestant la déclaration dans un délai de 5 jours.

- Les associations reconnues d’utilité publique : Elles disposent d’une capacité juridique comme les associations déclarées mais celle-ci est élargie leur permettant ainsi de recevoir des dons, des legs. Le récépissé est donné non plus par le préfet mais par le ministre de l’intérieur.

Cependant, cette liberté rencontre quelques limites tenant essentiellement à l’ordre public. Il faut que l’adhésion soit libre, les seules exceptions sont posées par la loi. La principale concerne les fédérations sportives, qui ont un statut associatif, mais la loi impose à ceux qui veulent se livrer à des activités sportives et participer à des compétitions d’adhérer à la fédération. En outre celle-ci doit fonctionner de façon démocratique.

3. La liberté de l’enseignement.

Le Conseil Constitutionnel, dans une décision du 23 novembre 1977 a érigé la liberté de l’enseignement au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République. Cette liberté est d’abord le droit de créer un établissement d’enseignement privé. Ainsi, l’article L 441 du Code de l’éducation, affirme la possibilité pour toute personne de créer un établissement d’enseignement privé. Cette liberté s’exerce toutefois sous le contrôle de l’Etat en particulier pour les établissements sous contrat. Toutefois, l’Etat conserve le monopole de la délivrance des diplômes. La décision du conseil du 23 novembre 1977 a affirmé que découle du principe fondamental de la liberté d’enseignement le nécessaire respect du caractère propre de ces établissements et en particulier leur caractère religieux.

4. La liberté de la presse.

Le principe de liberté de la presse découle de l’article 11 de la DDHC. Toutefois, cette liberté a tardé à se mettre en place avant les débuts de la IIIème République. C’est une loi de 1881 qui a posé le principe d’une presse libre même si certains régimes de censure vont subsister en particulier pendant les périodes de guerre. Par une décision du Conseil constitutionnel du 11 octobre 1984 la liberté de la presse sera consacrée comme principe à valeur constitutionnelle. Le Conseil se fonde sur la nécessité d’assurer le pluralisme. Par une décision du 29 juillet 1986 le Conseil fera du pluralisme un objectif à valeur constitutionnelle afin que soit respectée la liberté de la presse.

Pour que la presse puisse être libre, des protections particulières, des aides particulières ont été prévues par le législateur. La création d’une entreprise de presse doit faire l’objet d’une simple déclaration au procureur de la République. La publication doit indiquer le nom de la publication et de son responsable, qui doit être indiqué sur chaque périodique. Cette exigence de déclaration doit permettre de connaître le responsable, qui doit assumer les responsabilités de la publication. Doit être inscrite la dénomination de la société, le nom de ses représentants légaux. Pour assurer la transparence, lorsqu’une entreprise de presse est contrôlée par une société par actions, les actions doivent être nominatives….

Pour compléter la liberté de la presse et permettre sont exercice, les journalistes disposent d’un statut particulier. Les journalistes, ceux qui dépendant de cette définition, ont le droit d’obtenir une carte de presse. Le journaliste dispose d’une sécurité en matière de déroulement de carrière, et de droits financiers particuliers en cas de licenciement. Ils disposent également d’une clause de conscience qui leur permet une certaine liberté dans leurs écrits.

Enfin, on notera que la loi du 29 juillet 1881 a créé un droit de réponse. Il s’agit d’un droit ouvert à toute personne physique ou morale dans le délai d’un an dès lors qu’elle a été nommée ou désignée de façon suffisamment précise dans un périodique, que l’article soit favorable ou défavorable. Cette réponse est gratuite, ne doit pas dépasser la longueur de l’article qui l’a provoqué. La réponse doit être publiée à la même place et dans les mêmes caractères que l’article qui a motivé la réponse.

5. La liberté de communication.

La liberté de communication est l’une des plus modernes en raison du développement de nouvelles technologies. En France, pendant très longtemps, il n’y avait pas de liberté d’émettre. Les émissions nécessitaient des moyens lourds de communication et l’État avait un monopole en matière de communication radiophonique et audiovisuelle. Ce n’est que la loi de juillet 1982 qui a fait disparaître le monopole d’État symbolisé par l’ancienne ORTF. En supprimant le monopole le législateur a affirmé la liberté de communication audiovisuelle. Toutefois, l’ensemble du secteur, qu’il s’agisse du secteur public ou privé, est soumis à des obligations communes de respect du pluralisme. Toutes les radios, les télés, sont tenues au respect du pluralisme, des courants de pensée et d’opinion qui est considéré comme un objectif à valeur constitutionnel affirmé par le Conseil constitutionnel dans une décision du 18 septembre 1986

6. La liberté syndicale et le droit de grève

6.1 La liberté syndicale

Au terme de la Convention européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence de la Cour, la liberté syndicale est comprise dans la liberté d’association. Elle implique le droit de créer un syndicat et d’y adhérer. Elle entraîne également la liberté de ne pas y adhérer. La jurisprudence de la Cour fait obligation aux Etats de mettre les syndicats en mesure de défendre les intérêts de leurs membres.

En droit français, les syndicats ou corporation ont d’abord été interdits par la loi le Chapelier du 17 juin 1791. Il a fallu attendre la loi du 21 mars 1884 pour proclamer à nouveau la liberté syndicale. Cette liberté a ensuite acquis une valeur constitutionnelle dans le Préambule de 1946 qui dispose que « tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ». Le Conseil constitutionnel a confirmé la liberté du droit syndical dans une décision du 20 juillet 1983, tout comme l’obligation d’assurer la protection de l’exercice des fonctions syndicales.

6.2 Le droit de grève

Le Préambule de 1946 affirme le droit de germe en même temps que la liberté syndicale. La grève se définie comme la cessation collective du travail en vue de satisfaire des revendications professionnelles. Ce droit n’est toutefois pas absolu et peut supporter des limitations notamment pour le concilier avec le principe de continuité du service public.

La grève a longtemps été considérée comme incompatible avec la continuité des services publics. Comme pour la liberté syndicale, il a fallu attendre le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 pour mettre fin à l’interdiction du droit de grève dans la fonction publique. Ce droit a d’abord été reconnu par le Conseil d’État dans un arrêt Dehaene du 7 juillet 1950, puis inséré à l’article 10 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Toutefois, il appartient au législateur de réglementer la grève dans les services publics. Par exemple, certains fonctionnaires sont privés par la loi du droit de grève en raison de la nature de leurs fonctions, comme les magistrats, les personnels de police ou les compagnies républicaines de sécurité. Certaines grèves sont interdites par la loi du 31 juillet 1963 telles que les grèves sauvages, les grèves surprises et les grèves tournantes.

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