Les droits fondamentaux et les libertés publiques : Les droits garantis : les libertés individuelles

Modifié par Julien Lenoir le 27 septembre 2018

Par Éric Guérin : docteur en droit public
Dernière mise à jour : octobre 2016

Dans un avis du 13 aout 1947, le Conseil d’État a distingué les libertés individuelles des libertés collectives. Cet avisa adopte une démarche binaire simple. Les libertés individuelles sont des libertés que l’individu exerce seul (Liberté d’aller et venir, liberté d’opinion, le droit de disposer de son corps, le droit à la vie privée, à la sureté), les libertés collectives sont celles que l’individu exerce en groupe (Liberté de réunion, d’association, liberté de la presse, de communication, liberté syndicale, droit de grève, la liberté religieuse, la liberté d’enseignement). Cette distinction est largement reprise par la doctrine bien qu’il en existe d’autres (libertés physiques - libertés intellectuelles - libertés à caractère économique). Nous reprendrons donc cette distinction en débutant par les libertés individuelles.

1. La liberté d’aller et de venir

La liberté d’aller et de venir est l’une des premières traductions de la liberté individuelle. Elle bénéficie d’un cadre général très protecteur et d’un aménagement particulier pour les étrangers.

1.1 La garantie de la libre circulation en général

A l’intérieur du territoire national, la liberté d’aller et venir est totale : chacun peut circuler sur l’ensemble du territoire dès lors qu’il y est régulièrement entré. Toutefois, la liberté de circulation peut faire l’objet d’aménagements.

1.1.1 L’étendue de la liberté d’aller et venir

Toute personne peut se déplacer sans entrave et dispose d’une liberté de déplacement pleine et entière. Les autorités publiques ne peuvent pas y apporter de restriction. En ce sens, le Conseil d’État a annulé une taxe de sortie du territoire de Polynésie française, tant pour aller à l’étranger que dans un autre territoire de la République (1992), au motif qu’une telle taxe portait atteinte à la liberté d’aller et venir. De la même façon la juridiction administrative en 1995 a annulé le refus du premier ministre d’abroger une vieille disposition réglementaire qui réglementait l’entrée et le séjour des Français sur le territoire de la Polynésie française, atteinte injustifiée à la liberté de circulation sur le territoire de la République. Il ne peut donc y avoir des règles susceptibles de limiter la libre circulation.

De son coté, l’article 2 al.1 du protocole 4 de la CEDH, proscrit toute interdiction générale d’exercer cette liberté. Son exercice peut toutefois être limité pour des raisons d’ordre public ou de sécurité. Par exemple, la Cour de cassation dans un arrêt Bonnet du 28 novembre 1984 s’est fondée sur ces dispositions internationales pour juger que le retrait d’un passeport par la police des frontières pour motif fiscal constituait une voie de fait, car il y avait atteinte grave à la liberté fondamentale de quitter le territoire national. Le Conseil d’Etat adopte la même position mais en se fondant sur l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

1.1.2 Les aménagements à la liberté d’aller et venir

La liberté d’aller et venir peut toutefois supporter certaines limites. Certaines sont propres à une catégorie de personnes, comme par exemple pour les gens du voyage, les personnes assignées à résidence, celles faisant l’objet d’une interdiction de séjour,… .

D’autres limites résultent des circonstances comme par exemple les contrôles d’identité. Les agents ou officiers de police judiciaire peuvent les exercer dès lors qu’il existe un indice à l’égard d’une personne qui fait présumer qu’elle a commis une infraction ou s’apprête à la commettre, ou en a été témoin. De même, les vérifications d’identité permettent de retenir une personne pendant 4 heures afin de procéder à la vérification des informations déclinées par la personne.

Il peut également exister des restrictions collectives à la liberté d’aller et venir dans le cadre d’une mesure de police général. Par une arrété Benjamin du 19 mai 1933, le Conseil d’Etat estime que le maire dans le cadre de ses pouvoir de police peut restrendre la liberté de réunion (mais le principe vaux pour toute les libertés) à trois conditions : Il faut qu’il y ait des menaces de trouble à l’ordre public, que la mesure de police soit proportionnée à la menace et qu’il n’existe pas d’interdiction générale et absolue. Dans tous les cas de figure la mesure est justifiée par des circonstances de temps et de lieu.

1.2 Le régime particulier applicable aux étrangers

Les conditions d’entrée et de séjour des étrangers peuvent être restreintes par mesure de police administrative conférant à l’autorité publique des pouvoirs spéciaux étendus, et reposant sur des règles spéciales (autorisation préalable). Les conditions d’entrée sont privilégiées pour les ressortissants de l’Union Européenne, et encore plus avec les états signataires des accords de Schengen.

L’étranger relevant du régime général doit présenter des documents et visas exigés par les traités et règlements en vigueur (variables suivant la nationalité). Le plus souvent, il faut un passeport régulier et un visa d’entrée. Ce dernier est considéré comme une faveur accordée discrétionnairement par les autorités administratives et diplomatiques, et le refus de l’accorder n’a pas à être motivé. En cas d’entrée clandestine, l’étranger encourt une amende et une peine de prison. Une la loi de 1992 fait encourir une amende à toute entreprise de transport débarquant en France tout passager clandestin.

Le ressortissant étranger doit également présenter des documents relatifs à l’objet et aux conditions du séjour ; posséder des documents relatifs à ses moyens d’existence (espèces, cartes de paiement, chèques de voyage) et des documents relatifs à son rapatriement ; ne pas être indésirable sur le territoire : ne pas constituer une menace pour l’ordre public, faire l’objet d’une interdiction de territoire ou d’un arrêté d’expulsion.

Un ressortissant étranger séjournant sur le territoire national et ne remplissant pas ces conditions peut faire l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière. Dans l’attende de sa reconduction il peut faire l’objet d’une mesure de rétention administrative. Mais dans ce cas il doit bénéficier de certains droits comme le recours à un interprète, consulter un médecin …. Et la rétention ne doit pas dépasser un délai raisonnable.

Le droit d’asile est cependant reconnu par le préambule de 1946. Les personnes admises à ce titre sur le territoire français demanderont à bénéficier du statut de réfugié qui leur donne droit à une carte de résident. L’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides accorde ou refuse ce statut. Un recours est possible devant la Commission de recours, et devant le Conseil d’Etat.

Les ressortissants étrangers hors Union européenne sont en outre soumis aux principes résultant des accords de Schengen. La convention de Schengen signée le 14 juin 1985 repose le principe de la disparition des frontières intérieures et le renforcement des frontières extérieures pour assurer la sécurité des citoyens au sein d’un espace de libre circulation. A l’intérieur des frontières de l’Union la circulation est libre mais le contrôle se fait aux frontières extérieures sous la responsabilité de l’Etat qui a la charge de contrôler la frontière. Ce dispositif implique notamment une politique de visas commune. Par ailleurs, le système d’information Schengen (SIS) est une pièce essentielle du dispositif. Il permet des échanges d’informations sur les personnes signalées, en matière d’immigration ou de procédure judiciaire, ou pour des objets volés. Il s’agit donc d’un système très perfectionné de coopération entre les États membres de l’espace Schengen pour veiller à ce que la liberté de circulation ne s’accompagne pas d’une moindre sécurité.

Les accords de Schengen supposent la suppression des contrôles aux frontières intérieures. Cependant, des contrôles temporaires peuvent cependant être remis en place pour des motifs de sécurité ou d’ordre public. Par exemple lors d’une manifestation sportive comme la coupe du monde de football.

2. Le droit à la sûreté

Il est affirmé solennellement à l’article 2 de la DDHC. C’est un droit essentiel à l’exercice des libertés. Il est susceptible de prendre plusieurs formes.

2.1 Le droit à un juge indépendant

Le droit à la sureté figure dans la Déclaration des Droit de l’Homme et du Citoyen parmi les droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Cette liberté est également consacrée par le Conseil constitutionnel. De même l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que « toute personne a droit à la liberté et à la sureté. Nul ne peut être privé de sa liberté ». Ce principe implique également que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial (article 6 CEDH). Dans notre Constitution, le principe d’indépendance des juges est garanti par l’article 64 de la Constitution.

Le juge administratif de son coté s’assure que l’administration ne se comporte pas de façon arbitraire. Pendant la guerre d’Algérie, deux juridictions ont été créés : le Haut tribunal militaire, qui a donné lieu à l’arrêt Rubin de Servens (Conseil d’Etat, 2/3/1962), et la Cour militaire de justice. Par l’arrêt Canal (Conseil d’Etat, 19/10/1962), le Conseil d’Etat se reconnaît compétent pour connaître du recours formé contre la création de cette cour, et constate que les atteintes aux principes généraux du droit pénal étaient excessifs, notamment par la procédure qui y est prévue et par l’exclusion de toute voie de recours.

2.2 Le principe de la légalité des délits et des peines et la présomption d’innocence

Ce principe est consacré par l’article 7 de la DDHC, l’article 7 de la CEDH et l’article. Ce principe implique que pour chaque affaire, le juge doit qualifier les faits en visant le texte applicable. Si le fait reproché n’est ni prévu, ni puni, il ne peut y avoir ni poursuite ni condamnation. De plus, le texte ne s’applique qu’aux seules hypothèses qu’il prévoit. Ce principe est repris par le Code pénal. Ce principe est essentiel car il n’y a pas de liberté quand un acte, licite au moment où il a été accompli, peut exposer son auteur à une sanction.

Le principe de la présomption d’innocence est consacré par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par l’article 6-2 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ce principe implique que l’accusation doit prouver la culpabilité de l’intéressé. Avant qu’un jugement de condamnation ne soit intervenu, l’inculpé doit être considéré comme innocent, même s’il existe contre lui des indices graves et concordants de culpabilité.

2.3 Protection contre les arrestations arbitraires

La protection contre les arrestations arbitraires recouvre le droit à un juge impartial qui protège le justiciable contre les mesures d’arrestation arbitraire. En France, la décision de placer en détention un individu avant son jugement est confié au juge de la détention et des libertés qui statut en toute indépendance. La protection contre l’arbitraire nécessite également une règlementation stricte des contrôles d’identité.

Code de procédure pénal autorise les contrôles administratifs, dits aussi contrôles préventifs. Ces contrôles préventifs s’exercent en l’absence de toute infraction et en l’absence de tout soupçon d’infraction. Ils s’exercent en dehors de tout indice potentiel apte à révéler l’existence d’une infraction. L’objectif est uniquement de prévenir les troubles à l’ordre public, les atteintes à la sécurité des biens et des personnes. Toutefois, la Cour de cassation estime que ces contrôles doivent être justifiés par le comportement de la personne contrôlée. La loi autorise également les contrôles d’identité dans le cadre d’une procédure judiciaire prévue à l’article 78 du Code de procédure pénale. Le contrôle d’identité peut se prolonger par une mesure de vérification d’identité qui peut entrainer une rétention de 4 heures maximum.

De la même façon le régime de la garde à vue est soumis au contrôle du juge judiciaire. Seul un Officier de police judiciaire peut placer une personne en garde à vue, pour 24 heures. Il faut qu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que la personne a commises ou tenté de commettre une infraction. Il n’est plus possible de placer un témoin en garde à vue. Dès le placement en garde à vue, l’OPJ doit informer le procureur de la République qui peut la prolonger de 24 heures. La présence d’un avocat est obligatoire pendant toute la durée des entretiens.

3. Le droit à la vie privée

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Le droit au respect de la vie privée recouvre de multiples aspects.

3.1 La protection du domicile

La notion de domicile est entendue de façon souple et recouvre plusieurs lieux et situations. Ainsi le lieu d’exercice du domicile ou le véhicule peuvent être considéré comme un prolongement du domicile. Le domicile est un lieu dans lequel il n’est pas possible normalement de pénétrer sans autorisation de l’autorité judiciaire, sous réserve des douanes qui visent les professionnels. Le domicile privé se distingue du domicile professionnel. Le domicile privé bénéficie d’une protection si large que l’on peut parler d’inviolabilité. La notion de domicile est donc importante. La jurisprudence judiciaire a opté pour une conception large. Ce n’est pas uniquement le lieu où la personne a son lieu principal établissement, mais c’est le lieu où elle a le droit de se sentir chez elle (Crim, 26 février 1963). La jurisprudence considère les résidences principales comme secondaires, les bateaux de plaisance, voire même les caravanes.

La protection du domicile implique notamment un encadrement strict de la procédure de perquisition ou de fouille. En droit français les perquisitions sont prévues par le droit pénal. Elles doivent être décidées par le juge judiciaire dans le cadre d’une enquête mais elles peuvent, en cas de flagrance, être décidées par un officier de police judiciaire. De plus, la loi encadre les perquisitions dans le temps (entre 21h et 6h sauf décision spéciale du juge). Le domicile fait ainsi l’objet d’une protection particulière même dans le cadre d’une procédure judiciaire.

3.2 La protection de la correspondance

Le droit au respect de la vie privée inclut le respect du secret de la correspondance, c'est-à-dire le droit d’échanger confidentiellement avec autrui par un moyen de communication (lettre, téléphone, courrier électronique). Depuis la révolution, en principe les écrits sont normalement couverts par la protection. Arrêté du 5 décembre 1789, proclamant pour la première fois que le secret des lettres doit être constamment protégé. La méconnaissance du secret des correspondances est réprumé par la loi pénale. Dans certains cas toutefois, le secret ne s’applique pas il en va ainsi de la correspondance des détenus.

En France, les écoutes téléphoniques depuis 1991 doivent faire l’objet soit d’une autorisation écrite et motivée du Premier ministre (écoute administrative) soit d’une autorisation d’un juge (écoute judiciaire) pour les crimes et délits passibles d’une peine supérieure à deux ans d’emprisonnement.

L’ensemble des ces interceptions est placé sous l’autorité d’une Autorité Administrative Indépendante, de la Commission nationale de Contrôle des Interceptions de Sécurité.

3.3 Le droit à l’image

Le droit à l’image protège la personne et l’utilisation qui en est faite. C’est le droit reconnu à toute personne de s’opposer à ce que son image soit figée, reproduite ou diffusée sans son consentement ou dans des conditions qu’elle n’a pas acceptées. La protection du droit à l’image est civile et pénale.

Le droit à l’image est protégé par le droit civil même s’il n’est pas formulé expressément dans le Code Civil. Cependant deux articles du Code Civil peuvent servir de fondement à ce droit :

. L’article 9 :

Chacun a droit au respect de sa vie privée.

Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.

. et l’article 1382 :

Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Les articles 226-1 et 226-2 du Code pénal sanctionnent les atteintes au droit à l’image.

Article 226-1

Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :

1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;

2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.

Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé.

Article 226-2

Est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit, tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1.

Lorsque le délit prévu par l'alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.

4. Le droit à la vie et la dignité humaine

Le droit à la vie et la dignité humaine ne sont pas expressément mentions dans la Constitution française. Toutefois, la jurisprudence fait régulièrement référence au respect de la dignité de la personne humaine et la Convention européenne des droits de l’homme accorde à ces deux droits une protection explicite (articles 2 à 4 de la Convention).

4.1 Le droit à la vie

Le droit à la vie est protégé par l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme qui dispose : « le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ».

Le droit à la vie peut supporter des exceptions pour des motifs considérés comme légitime. Il en va ainsi en cas de légitime défense, d’arrestation régulière ou de répression d’émeutes. Il revient aux Etat non le soin non seulement le soin de ne pas porter atteinte au droit à la vie mais également de prendre les mesures nécessaires pour protéger les personnes. Des obligations positives pèsent sur les Etats et la Cour européenne des droits de l’homme le rappelle régulièrement. A ce titre la France a été condamnée en 2008 (arrêt du 16 octobre 2008 Renolde c/ France) pour avoir manqué à son obligation de protéger le droit à la vie d’un détenu qui s’était suicidé, car son placement en cellule disciplinaire n’était pas approprié à ses troubles mentaux.

4.1.1 Le droit à la vie et la peine de mort

L’article 2 de la Convention précitée n’interdit pas le recours à la peine de mort. Toutefois, la Cour estime que si un tribunal prononce la peine de mort, il doit avoir respecté les principes de l’article 6 de la Convention relatifs au droit à un procès équitable. Par ailleurs, la Cour estime que l’extradition d’un individu vers un Etat (les Etats Unis) pour un crime passible de la peine de mort constitue un traitement inhumain et dégradant (article 3 – arrêt soering du 7 juillet 1989).

L’abolition de la peine de mort s’étant rependue en Europe, les sixième et treizième protocoles additionnels à la Convention portent abolition de la peine de mort dans les Etats signataires. La France a aboli la peine de mort par la loi du 9 octobre 1981 et en 2007 cette abolition a été renforcée par une révision de la Constitution. Désormais l’article 66-1 de la Constitution dispose que « Nul ne peut être condamné à la peine de mort ».

4.1.2 Le droit à la vie et l’avortement

La question du droit à l’avortement pose à la fois des questions d’ordre moral, éthique ou religieuse. Dans certaines religions, la vie commence à l’état d’embryon. Pour d’autres, la vie commence à partir d’un certain stade de développement du fétu. Mais sur le plan juridique l’article 2 de la Convention précité reste silencieux.

L’avortement, bien que prohibé, était tout de même pratiqué illégalement, et ce, de façon significative. Jusqu’au vote de la loi de 1975. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé en faveur de la conformité de la loi autorisant l’IVG dans sa décision du 15 janvier 1975. Actuellement L’IVG est possible, en dehors des cas thérapeutiques, dans un délai de 12 semaines (loi du 7 juillet 2001). Le Conseil d’Etat a également du se prononcer. Dans un arrêt du décembre 1990, Confédération nationale des associations familiales catholiques. La décision d’autoriser la mise sur le marché de la pilule abortive était alors contestée. À cette occasion était soulevé le moyen de l’incompatibilité de la législation française avec la CEDH. Le juge a estimé que prise dans leur ensemble, les dispositions législatives françaises n’étaient pas incompatibles avec le droit à la vie de l’article 2 de la CEDH. Il faut encore préciser que pour des raisons morales un médecin ne peut être contraint de pratique un IVG.

4.2 La dignité humaine

La dignité humaine est protégée par les dispositions des articles 3 et 4 de la Convention européenne des droits de l’homme qui prohibent la torture et l’esclavage et le travail forcé, pour protéger de manière concrète la dignité humaine. En droit Français, la Constitution ne protège pas explicitement la dignité humaine, mais la jurisprudence du Conseil constitutionnel et celle du Conseil d’Etat y font référence.

4.2.1 Le respect de l’intégrité physique

A. La prohibition de la torture et des traitements inhumains ou dégradants

Selon l’article 3 de la Convention « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Pour qu’un traitement soit considéré comme tel, il doit atteindre un minimum de gravité. Les atteintes peuvent toucher des situations très différentes. Par exemple

B. Le respect du corps humain

Le respect du corps humain complète l’interdiction des traitements inhumains et dégradants. En France, la loi du 20 décembre 1988 règlemente les expérimentations sur le corps humain, dont la finalité ne peut être que scientifique ou thérapeutique. Mais surtout les lois de juillet 1994 et du 6 aout 2004 forment un corpus juridique relatif à la bioéthique. De plus, le Code civil proclame l’inviolabilité et la non-patrimonialité du corps humain (interdiction de faire commerce de ses organes ou de son sang). La loi de 2004 interdit le clonage reproductif ou thérapeutique, la recherche sur l’embryon et le recours aux techniques d’eugénisme.

La loi du 7 juillet 2011 ajuste la bioéthique aux enjeux contemporains. Elle réaffirme des principes anciens auxquels notre législation reste attachée comme l’interdiction de la gestation pour autrui, l’anonymat du don de gamètes, le principe de l’interdiction des recherches sur les cellules souches,…

La loi procède à certaines modifications en matière d’assistance médicale à la procréation, mais plus encore a autorisé le don croisé d’organes. Le législateur a autorisé cette pratique « en cas d'incompatibilité entre la personne ayant exprimé l'intention de don et la personne dans l'intérêt de laquelle le prélèvement peut être opéré (...), rendant impossible la greffe ». Le don croisé d'organes consiste pour le receveur potentiel à bénéficier du don d'une autre personne ayant exprimé l'intention de don et également placée dans une situation d'incompatibilité à l'égard de la personne dans l'intérêt de laquelle le prélèvement peut être opéré, tandis que cette dernière bénéficie du don du premier donneur. En cas de mise en oeuvre d'un don croisé, les actes de prélèvement et de greffe sont engagés de façon simultanée respectivement sur les deux donneurs et sur les deux receveurs. L'anonymat entre donneur et receveur est respecté.

C. L’interdiction de l’esclavage et du travail forcé

L’article 4 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que « nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire ». La Convention signée à Genève de 25 septembre 1926 défini l’esclavage comme la condition de l’individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété.

4.2.2 Le droit de mourir

Il n’existe pas dans notre droit d’interdiction du suicide, même s’il est considéré par la société comme condamnable sur le plan moral. Le suicide ne relève d’aucun délit depuis la Révolution française. Par contre, il n’est pas possible légalement d’inciter au suicide, c’est pénalement sanctionné par une loi du 30 décembre 1987, suite à la parution d’un ouvrage « suicide mode d’emploi ». En réaction au scandale de la parution d’un tel ouvrage, le législateur a créé le délit du fait de la propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de produits, d’objets ou de méthodes, préconisés comme moyen de donner la mort. Ce qui est sanctionné en France, c’est donc le fait de faire de la propagande pour le suicide ou une aide au suicide. Mais le suicide n’est pas poursuivi pénalement.

La question qui se pose est l’euthanasie, acte par lequel il est mis fin à la vie du malade en l’état de grave souffrance. Cette question renvoie à l’eugénisme, la sélection des races et l’élimination des indésirables. Loi du 22 avril 2005, constitue une évolution pour permettre dans certaines hypothèses aux médecins d’interrompre les soins. Le Code de la santé publique permet à une personne consciente, mais en phase avancée d’une maladie grave ou incurable de décider de limiter ou d’arrêter tout traitement. Notre législation a reconnu le droit à un malade conscient en phase avancée d’une maladie grave ou incurable de demander au médecin de limiter ou d’arrêter tout traitement. Le médecin doit respecter la décision du patient après l’avoir informé des conséquences de sa demande. On reconnaît le droit de mourir, le médecin doit respecter cette volonté dès lors que la maladie est grave et non curable. Il doit inscrire au dossier médical cette demande. Mais parallèlement, le médecin doit prescrire les soins palliatifs.

5. La liberté d’opinion conscience et la liberté d’expression

Les libertés d’opinion (et de conscience) se prolonge dans la liberté d’expression. On trouve ces libertés liées à l’Article 10 de la DDHC, sous la formule suivante : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Elles sont également énoncés aux articles 9 et 10 de la CEDH.

5.1 La liberté de conscience, d’opinion et de religion

La liberté de conscience, qui englobe la liberté de religion, désigne le choix fait par un individu des valeurs ou des principes qui vont conduire son existence. Ce choix est de manière générale plus ou moins encadré par les lois. Il s’agit également de la liberté d’agir en fonction de ses convictions.

En France, la liberté de conscience fait partie des Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République dégagés par le Conseil constitutionnel et par le Conseil d'État, qui figurent dans le bloc de constitutionnalité, elle recouvre notamment le droit de ne pas être croyant, la liberté de culte si on l'est, le droit de changer de religion ou de conviction, l'objection de conscience et le droit à l'éducation en accord avec ses convictions religieuses et philosophiques. La liberté de conscience est également protégée par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui définit le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Cela comprend aussi la liberté de changer de religion ou de convictions, et de manifester sa religion ou ses convictions individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites et l'objection de conscience selon la jurisprudence de la cour.

5.2 La liberté d’expression

Pour la Cour européenne des droits de l’homme, « la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiale de son progrès et de l’épanouissement de chacun ». L’article 11 de la Déclaration de 1789 en fait « l’un des droit les plus précieux de l’homme ». En France, le concept de liberté d'expression a germé sous l'Ancien Régime et fut l'une des premières conquêtes de la Révolution française. Aujourd'hui, la liberté d'expression de ses opinions est une des premières libertés politiques.

5.2.1 Le contenu de la liberté d’expression

La définition donnée à la liberté d’expression est assez large. L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, prévoit que « toute personne a droit à sa liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ». La cour fait également bénéficier les parlementaires d’une liberté d’expression très étendue lorsque les propos sont tenus dans l’enceinte de l’assemblée. La liberté d’expression implique également pour la cour la protection des sources journalistiques ou des organismes de presse.

En droit français, la liberté d’expression se rattache à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et elle fait partie des libertés les plus essentielles pour le Conseil constitutionnel qui la décrit comme une liberté fondamentale dans une décision du 11 octobre 1984. La liberté d’expression trouve en outre à s’exprimer de façon particulière dans certains domaines :

A. La liberté d’expression et la liberté de la presse et du livre

De façon générale la liberté d’expression implique l’interdiction de régime d’autorisation s’agissant de la parution de journaux ou de livres. L’édition d’un ouvrage peut être soumise à des obligations formelles telles que des obligations de dépôt légal, ou l’obligation de désigner un responsable de la publication mais n’est en aucun cas soumis à une autorisation préalable. Cette liberté suppose toutefois certaines limites :

- D’une part, la liberté de la presse doit respecter les contraintes de l’ordre public. Il est légitime d’interdire l’expression de certaines idées outrageantes (apologie du racisme, de la violence ….) ou de porter atteinte à la vie privée. De plus, les législations nationales peuvent comme c’est le cas en France sanctionner l’injure ou la diffamation.

- D’autre part, La loi peut instaurer un régime de déclaration préalable qui constitue une modalité de contrôle des publications et prévoir des procédures visant à interdire ou faire retirer des publications susceptibles d’enfreindre les lois en vigueurs.

B. La liberté d’expression et la liberté de l’audiovisuel et du cinéma

La liberté d’expression concerne également la communication audiovisuelle, définie comme toutes communications au public de service de radio ou de télévision. La liberté de communication semble s’opposer à toute idée de monopole notamment de la part de l’Etat. Cependant, ce principe n’interdit pas que l’Etat fixe des règles d’attribution des fréquences ou un cahier de charges aux opérateurs privés.

En matière de cinématographie le droit français prévoit un régime d’autorisation préalable à la diffusion des films. Ces autorisations sont délivrées par le ministre de la culture qui conserve la possibilité de restreinte la diffusion de film en fonction de catégories d’âge ou en raison d’apologie de la violence ou du racisme comme dans le cas de la liberté de la presse.

C. La liberté d’expression et la liberté des télécommunications

En France, les télécommunications sont libres depuis la loi du 26 juillet 1996. La loi dispose que les activités de télécommunication doivent s’exercer librement. Sur le plan organique le droit des télécommunications a vue apparaitre un nouvel acteur, L’autorité de régulation de télécommunication, qui devient l’autorité de régulation des communications électroniques.

5.2.2 Les limites à la liberté d’expression

La liberté d’expression peut supporter plusieurs limites :

- pour assurer la sécurité nationale, par exemple les militaires se voient limités dans leur liberté d’expression ; ou pour assurer la protection de l’ordre public, les propos diffamatoires, injure, appel à la violence, … sont interdits et sanctionnés.

- Le recours à la morale peut également justifier une limitation de la liberté d’expression. Par exemple la Cour européenne des droits de l’homme a admis l’interdiction des activités d’une association qui incité les femmes enceintes à se faire avorter à l’étranger (CEDH 8 juillet 1999 Sure c/ Turquie).

- La législation peut interdire de publier des articles de presse sur des procès en cours au nom du secret de l’instruction ou du respect de la vie privée.

- Les fonctionnaires peuvent également se voir limités dans leur liberté d’expression. Le fonctionnaire ne peut librement exprimer ses idées personnelles. Il est tenu à une obligation d’impartialité et de neutralité mais également à une obligation de modération. L’impartialité signifie que l’agent doit réaliser un traitement égal de tous les usagers du service public. Conformément à la signification traditionnelle de cette grande « loi » du service public qu’est le principe d’égalité, dès lors que des usagers sont dans une situation semblable, ils doivent être traités de la même manière quels que soient leur sexe, leurs opinions, leur religion, leur race. La neutralité, signifie que l’agent ne doit pas se servir du service comme moyen de propagande de ses idées politiques, philosophiques ou religieuses. L'obligation de modération impose la prudence dans l'expression des opinions et proscrit l'injure, la grossièreté dans les paroles, l'attitude ou les écrits, les opinions tranchées (CE, 1er décembre 1972, Demoiselle Obrego).

6. La propriété privée

Le Code civil définit le droit de propriété comme : « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements». Il s'agit d'un droit naturel et sacré garanti par la constitution. Il figure explicitement à l’article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 comme l'un des quatre « droits naturels et imprescriptibles de l'homme ». Ainsi, le droit de propriété bénéficie d'une protection particulière en droit français « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». Il fait également l'objet d'une protection particulière aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, dont la violation peut être sanctionnée par la Cour européenne des droits de l'homme. Le droit de propriété a une définition large puisqu’il s’applique à la fois aux biens matériels qu’aux biens immatériels (propriété littéraire et artistique).

Toutefois, le droit de propriété supporte certaines limites et peut faire l’objet de restrictions. Ainsi, si l'intérêt collectif le justifie, la loi peut imposer des restrictions. C’est par exemple le cas de la loi de 2015 sur l’encadrement des loyers. De même dans le cadre des rapports de voisinage un propriétaire ne peut construire librement ni procéder à sa transformation ci celle-ci entraine des désagréments pour ses voisins.

Mais l’atteinte sans doute la plus grave au droit de propriété est sans doute la procédure d’expulsion pour cause d’utilité publique. Cette procédure permet l’expropriation au profit de la puissance publique ou d’un organisme privé chargé d'une mission de service public. Toutefois, le transfert de propriété bien que forcé ne se fait qu’en respectant une procédure contraignante sous le contrôle du juge judiciaire et sous resserve d’une juste indemnisation de la propriété lésé de son bien.

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