Par Frédérique Thomas

Dernière mise à jour : juillet 2018

1. Propos liminaires

L’apprentissage moteur est un processus interne. Cela signifie que c’est un processus cognitif qui se déroule dans le système nerveux de celui qui apprend. Ce processus interne permet à un élève de modifier son comportement chaque fois qu’il est confronté à une tâche vis-à-vis de laquelle il n’a pas encore de réponse adaptée. Ce changement progressif doit être durable et engendre des possibilités de développement des habiletés motrices.

2. Le caractère finalisé de l'habileté motrice

Par habileté motrice (l'habileté sportive étant une sous-catégorie de celle-ci), on désigne habituellement le niveau de compétence ou de savoir-faire acquis par un pratiquant dans l'atteinte d'un but particulier.

Les exemples abondent : au basket, c'est mettre la balle dans le panier ; en natation, en athlétisme, en aviron, c'est aller le plus vite possible ; au football, c'est être précis dans les passes ou dans les tirs ; en danse classique, c'est reproduire fidèlement une forme gestuelle. Sans l'atteinte de ces objectifs, il n'y a pas d'habileté.

  • L'habileté est donc la capacité d'un sujet à atteindre un objectif de manière efficace mais aussi de manière efficiente. Plus généralement, un pratiquant est habile s'il est capable d'atteindre de manière appropriée l'objectif ou le but préalablement fixé.
  • L’habileté se traduit comme la réalisation fidèle de l'objectif de la tâche motrice. Si l'objectif est, par exemple, d'attraper une balle au vol, l'habileté de l'exécutant ne dépend pas de la forme du mouvement réalisé, mais de la capacité démontrée à intercepter la balle.
  • Par contre, dans le cas d'un salto et demi avant en plongeon, l'habileté dépend totalement cette fois de la forme du mouvement réalisé. Dès lors, si l'on veut évaluer le degré d'habileté d'un sujet, il importe d'identifier au préalable et avec précision l'objectif de l'activité. Cette capacité à atteindre des résultats fixés à l'avance se traduit concrètement par la mise en œuvre de mouvements corporels appropriés.
  • Ainsi, on ne peut pas dire qu'un pratiquant est habile s'il est capable de réussir un saut ventral uniquement à de faibles hauteurs. De même, pour un lanceur de poids qui possède un style très correct et qui pourtant ne peut lancer le poids qu'à une courte distance ; ou encore pour un joueur de tennis qui peut avoir un style parfait et ne pas toucher la balle.

Quelle que soit la perfection des formes de mouvements produites, un hockeyeur sur gazon sera jugé incompétent s'il n'est pas à même de marquer des buts, de construire le jeu avec ses coéquipiers et de tromper ses adversaires, c'est-à-dire au regard de l'objectif de l'activité. Il en va de même pour un joueur de bowling : peu importe que ses gestes soient techniquement parfaits, l'essentiel est qu'il parvienne à marquer le plus de points possibles. Les actes moteurs sont dirigés par une intention particulière d'atteindre un but.

Dans le milieu de l'éducation physique et du sport, on pense trop souvent qu'être habile c'est posséder une technique gestuelle parfaite, une configuration idéale de mouvement. L'efficacité de l'habileté réside dans la forme du geste réalisé et l'apprentissage moteur est considéré essentiellement comme un apprentissage de mouvements.

L'habileté motrice sous-tend donc deux aspects : l'aspect moteur proprement dit et l'aspect que l'on peut appeler direction intentionnelle objective.

En d'autres termes, il y a lieu de distinguer :

  • d’une part, le mode d'exécution c'est à dire les déplacements objectifs des segments du corps les uns par rapport aux autres, observables
  • d'autre part, la signification précise de ce mouvement déterminée par le but à atteindre. C'est ce dernier qui confère à l'aspect moteur sa signification comportementale. Le comportement moteur est réglé et modulé à chaque moment de son exécution par ce but cognitivement élaboré.

3. Habiletés et classifications

D’après Famose1, c’est la « capacité d’un sujet à atteindre un objectif de manière efficace et efficiente ».

Les habiletés motrices sont classées selon plusieurs principes et trois types de classifications existent :

  • En fonction de leur forme et de leur organisation.
  • En fonction de leur dimension motrice d’acquisition et cognitive des habiletés.
  • En fonction des conditions environnementales.

De manière plus concrète un modèle de classification2 permettra d’illustrer le propos :

Habiletés discrètesHabiletés sériellesHabiletés continues
Début et fin identifiables
  • Lancer une fléchette
  • Attraper un ballon
Actions discrètes enchaînées, organisées
  • Enfoncer un clou avec un marteau
  • Enchaînement gymnastique
Début et fin non identifiables
  • Conduire une voiture
  • Nager
  • Tâche de poursuite

Dimension motrice et cognitive des habiletés :

Habileté motrice

« comment faire »

Continuum

Habileté cognitive

« ce qu’il faut faire »

Prise de décision minimum

Contrôle moteur maximum

  • Saut en hauteur
  • Lancer le ballon
  • Musculation
Quelques prises de décisions contribuant au contrôle moteur
  • Conduire voiture de course
  • Piloter char à voile

Prise de décision maximum

Contrôle moteur minimum

  • Jouer aux échecs
  • Entraîner une équipe

Conditions environnementales :

Habiletés ferméesContinuumHabiletés ouvertes

Stable

Prévisible

  • Gymnastique
  • Tir à l’arc
  • Lancers de poids
Environnement semi-prévisible
  • Acrobatie
  • Conduite automobile
  • Echecs
Variable imprévisible
  • Football
  • Lutte

4. Du côté des élèves

  • Novice : l’enseignant fournirait à l’élève des règles qui déterminent son action car le débutant est lent, pas coordonné et toute action semble laborieuse. A cette étape nous aurons les premières représentations mentales liées à l’action à mener. C’est l’aspect cognitif à cette étape qui domine.
  • Débutant avancé : les comportements s’affinent. L’élève peut faire appel à une certaine expérience acquise dans le développement des nouvelles règles. Il anticipe les comportements et les réactions.
  • Aisance : le sujet devient plus habile. Il est capable de développer des plans, des buts à atteindre et de prendre des décisions adaptées à l’atteinte de ces buts.
  • Compétence : l’élève parvient avec une certaine exactitude à évoquer les représentations de ses plans d’action, de ses objectifs. Il saura prendre les décisions appropriées au cours de l’action.
  • Expertise : l’élève consacre beaucoup moins d’attention à la tâche motrice.

Au début de l’apprentissage, les représentations sont orientées vers l’exécution séquentielle des habiletés motrices, alors qu’à la fin de l’apprentissage, ces représentations seraient plutôt constituées de plans tactiques ou encore d’images anticipatrices.

Pour aller plus loin : Famose JP : « Apprentissages moteurs et conditions d’apprentissage » Paris, PUF, 1991

  1. ^ L’acte moteur d’un point de vue psychologique : le déroulement d’un acte moteur efficace », INSEP, 1990.
  2. ^ Classifications des habiletés (Schmidt, 1982).
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