Par Raymond Ferretti : maître de conférence à l'Université
Dernière mise à jour : septembre 2016

Le Gouvernement est un organe collégial dirigé par le Premier ministre. Les pouvoirs du Gouvernement se répartissent en conséquence entre ceux qui appartiennent à l’organe collégial et ceux qui appartiennent au chef du Gouvernement.

1. LES POUVOIRS DU GOUVERNEMENT, ORGANE COLLEGIAL

L’article 20 précise non seulement l’objet des pouvoirs du Gouvernement, mais aussi les moyens permettant leur mise en œuvre, ainsi que leurs limites.

1.1. L’objet des pouvoirs

1.1.1. La détermination de la politique de la Nation

Il s’agit là d’une prérogative importante puisque c’est l’ensemble de la politique de la Nation qui est ainsi choisie, que ce soit la politique intérieure (économique, sociale, culturelle etc…) ou encore la politique extérieure (diplomatie et défense). Il faut également insister sur le fait que ce sont des options politiques qui sont prises et non pas des décisions concernant les institutions. C’est donc la Nation qui est en cause et non pas l’Etat.

1.1.2. La conduite de la politique de la Nation

Si le Gouvernement détermine la politique de la Nation, il est également chargé de la conduire ; cela revient à dire que les grandes options, les grands objectifs qui ont été arrêtés doivent être transformés en mesures concrètes. Ainsi, le Gouvernement dispose non seulement de la fonction exécutive au sens strict, mais aussi de la fonction gouvernementale

1.2. La mise en œuvre des pouvoirs

La conduite d'une politique se traduit toujours par des mesures qui sont mises en œuvre par l'administration, par l'armée.

1.2.1. L’administration

Le Gouvernement dispose de l’administration au sens matériel du terme, c’est à dire, les services. Le Gouvernement peut donc mobiliser tant les moyens humains que sont les fonctionnaires, composant ces services, que les moyens matériels constitués par des installations, des bâtiments etc.

Le Gouvernement dispose également de l’administration au sens fonctionnel, c’est à dire qu’il peut édicter des règles de droit grâce au pouvoir réglementaire.

1.2.2. L’armée

Elle permet de mettre en œuvre la politique de défense et dans certaines circonstances le maintien de l’ordre public.

1.3. Les limites de ces pouvoirs

Deux organes viennent restreindre les pouvoirs du Gouvernement. Le premier est prévu explicitement par l’article 20, il s’agit de l'Assemblée nationale. Toutefois, la limitation des pouvoirs du Gouvernement par l’Assemblée est réduite, pour ne pas dire inexistante dans la réalité.

A l’inverse, le président de la République limite bien réellement les pouvoirs du Gouvernement, sans pour autant que cela soit inscrit dans l’article 20.

1.3.1. Limites par rapport à l'Assemblée

1.3.1.1. Les textes

L’article 20 précise, que le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation, mais c’est avec l’accord du Parlement. Il peut en effet, soit manifester sa confiance ou sa défiance dans cette politique. Pour ce faire, il dispose des procédures de mise en jeu de la responsabilité politique que décrit l’article 49 et dont les conséquences sont tirées par l’article 50.

1.3.1.2. Leur portée

Dans la réalité la responsabilité politique du Gouvernement devant le Parlement n’est pratiquement plus mise en œuvre. Plus précisément, elle n’aboutit plus à un renversement du Gouvernement. Faut-il rappeler qu’un seul Gouvernement a été renversé sous la Veme, celui de Georges Pompidou qui est tombé à la suite du vote d’une motion de censure le 4 octobre 1962. Cette première limite bien que prévue par le texte n’est donc pas très efficace. Il n’en va pas de même de l’autre limite.

1.3.2. Limites par rapport au Président de la République

Si le Gouvernement n’est plus, de fait, responsable devant le Parlement, il l’est toujours sur le plan des faits devant le Président de la République. Cette translation de la responsabilité conduit le Gouvernement à se défaire d’une partie de sa fonction. Ainsi, en fait c’est le Président qui détermine la politique de la Nation et c’est le Gouvernement qui conduit cette politique. Bien sûr une telle situation n’existe qu’en cas de concordance des majorités. Elle est l’une des manifestations du présidentialisme majoritaire.

2. LES POUVOIRS DU CHEF DU GOUVERNEMENT

Le Premier ministre est un Janus institutionnel, autorité politique, il est également et en même temps une autorité administrative. A ces deux titres il dispose de pouvoirs différents.

2.1. Le Premier ministre, autorité politique

Il dispose de prérogatives à l’égard des autres institutions politiques : le président de la République, le Gouvernement, le Parlement.

2.1.1. Le Premier ministre et le Président de la République

Le Premier ministre peut être amené à faire des propositions au président de la République, dans d’autres cas, il peut être sollicité par celui-ci en vue de donner simplement un avis.

2.1.1.1. Le pouvoir de proposition

La Constitution a prévu cinq cas dans lesquels le Premier ministre peut faire des propositions au chef de l’Etat :

- en cas de nomination des ministres (art 8 al 2)

- en cas de référendum (art 11)

- en cas de révision de la Constitution (art 89)

- en vue de la convocation des sessions extraordinaires du Parlement (art 29)

2.1.1.2. Le pouvoir d’orientation : les avis

Dans deux hypothèses, le président de la République doit solliciter l’avis du Premier ministre :

- en vue de l’utilisation de l’article 16

- avant la dissolution de l’Assemblée nationale (art 12)

2.1.2. Le Premier ministre et le Gouvernement

L’article 21 précise que le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement sans pour autant préciser comment cette direction est assurée.

En réalité, le Premier ministre adresse des directives ou des instructions a ses ministres. Il coordonne également l’action de ses ministres par l’intermédiaire de nombreux organes qui gravitent autour de Matignon, comme le Secrétariat général du Gouvernement ou tout simplement par le biais de son cabinet. Enfin le Premier ministre est sans cesse amené à arbitrer, c’est à dire à trancher en cas de désaccord entre deux ou plusieurs de ses ministres.

2.1.3. Le Premier ministre et le Parlement

En tant que chef de la majorité le Premier Ministre maîtrise le Parlement sur deux plans.

2.1.3.1. La conduite de la majorité parlementaire

Pour le Premier ministre, il est important de pouvoir compter à tout moment sur sa majorité parlementaire. Pour conduire la majorité, le Premier ministre dispose de moyens politiques, les partis de la majorité qu’il doit absolument contrôler, ce qui n’est pas toujours évident. Conduire la majorité passe aussi par des moyens juridiques. A cet égard le Premier ministre dispose d’un instrument important : l’engagement de la responsabilité du Gouvernement (art 49.1), mais il est rare qu’il en arrive à cette extrémité. Par contre le Premier ministre ne dispose pas d’une autre arme traditionnelle en régime parlementaire : le droit de dissolution qui, on le sait appartient au président de la République.

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2.1.3.2. La conduite du processus législatif

La Constitution donne au Premier ministre plusieurs moyens en ce domaine. D’abord, par son droit d’initiative des lois que lui reconnaît l’article 39, il peut orienter l’activité législative du Parlement. Ensuite, plusieurs autres articles de la Constitution lui permettent d’encadrer l’adoption des lois, qu’il s’agisse de la convocation de la CMP (art 45), du recours à l’article 49.3 ou enfin de la demande de convocation du Parlement en session extraordinaire (art 29).

2.2. Le Premier ministre, autorité administrative

Administrer, c’est le plus souvent prendre des mesures générales et impersonnelles par le biais du pouvoir réglementaire, mais c’est aussi assurer des prestations par l’intermédiaire de services que le Premier ministre contrôle à travers le pouvoir de nomination.

2.2.1. Le pouvoir réglementaire (art 21)

Ce pouvoir est plus large sous la Ve que par le passé, puisqu’il se traduit aussi bien par le règlement d’application que par le règlement autonome. Mais il n’appartient au Premier ministre que sous la réserve de l’article 13, c’est à dire la délibération en Conseil des Ministres.

En effet, tout décret délibéré en Conseil des ministres doit être signé par le président de la République. La réserve de l’article 13 a donc pour effet de faire partager le pouvoir réglementaire du Premier ministre par le Président de la République.

La véritable question c’est celle de savoir quand le passage en Conseil des ministres est obligatoire.

La Constitution est muette sur ce point. Seules quelques lois organiques ou ordinaires mentionnent dans quelques cas cette obligation.

Mais, un arrêt du Conseil d’Etat (CE, 10 mai 1992, Meyet) a fait évoluer quelque peu la situation puisqu’il prévoit qu’un décret signé par le Président de la République ne peut être modifié que par un décret signé par le Président de la République. Ainsi, lorsque le Premier ministre veut modifier un décret qui a été délibéré en Conseil des ministres, il ne peut le faire que par un décret du même type.

2.2.2. Le pouvoir de nomination (art 21)

L’article 21 donne au Premier ministre le pouvoir de nommer tant aux emplois civils que militaires. Toutefois, ce pouvoir peut être réduit par la réserve de l’article 13 et par le pouvoir de nomination du président de la République.

2.2.2.1. La réserve de l’article 13

Dans ce cas, cette réserve est beaucoup plus efficace car il existe deux «listes » d’emplois pourvus en Conseil des Ministres.

 La « liste » de l’article 13 de la Constitution

« Les conseillers d'Etat, le grand chancelier de la Légion d'honneur, les ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour des Comptes, les préfets, les représentants du Gouvernement dans les territoires d'Outre-mer, les officiers généraux, les recteurs des académies, les directeurs des administrations centrales sont nommés en Conseil des Ministres »

 La « liste » de l’Ordonnance du 28 novembre 1958 complétée par décret

« Article ler - Outre les emplois visés à l'article 13 (§ 3) de la Constitution, il est pourvu en Conseil des Ministres:

Aux emplois de procureur général près la Cour de cassation, de procureur général près la Cour des comptes, de procureur général près la Cour d'appel de Paris;

Aux emplois de direction dans les établissements publics, les entreprises publiques et les sociétés nationales quand leur importance justifie inscription sur une liste dressée par décret en Conseil des Ministres;

Aux emplois pour lesquels cette procédure est actuellement prévue par une disposition législative ou réglementaire particulière

2.2.2.2. Les nominations par décret simple du Président de la République (art 2 de l’Ordonnance du 28 novembre 1958)

« Article 2. - Sont nommés par décret du Président de la République: Les membres du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes

Les magistrats de l'ordre judiciaire, les professeurs de l'enseignement supérieur, les officiers des armées de terre, de mer et de l'air. Sont en outre nommés par décret du Président de la République, à leur entrée dans leurs corps respectifs, les membres. des corps dont le recrutement est normalement assuré par l'École Nationale d'Administration, les membres du corps préfectoral, les ingénieurs des corps techniques dont le recrutement est en partie assuré conformément au tableau de classement de sortie de l'École polytechnique.»

3. Les pouvoirs des ministres

Les ministres en charge d’un département ministériel disposent des pouvoirs relatifs à l’organisation des services selon un arrêt du Conseil d’Etat (Jamart du 7 février 1936).

Par ailleurs, en vertu de l’article 22 de la Constitution de 1958, les actes du Premier Ministre sont contresignés, le cas échéant, par les « ministres chargés de leur exécution » ainsi que ceux du Président de la République par les « ministres responsables » en vertu de l’article 19 de la Constitution.

Raymond FERRETTI, Maître de conférences des Universités, 14 mars 2014 Page 7

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