Par Raymond Ferretti : maître de conférence à l'Université
Dernière mise à jour : sptembre 2016

« Les régimes autoritaires sont des systèmes à pluralisme limité, mais non responsable, sans idéologie directrice élaborée, ni volonté de mobilisation intensive ou extensive »

Cette citation du politologue américain Juan Linz situe les régimes autoritaires par rapport aux régimes totalitaires. Ce sont certes des systèmes dans lesquels la liberté est réduite voire inexistante (pluralisme limité) et où les dirigeants ne rendent pas compte de leur pouvoir (non responsable), mais contrairement aux régimes totalitaires, ils ne sont pas sous-tendu par une idéologie fortement articulée et surtout ils ne se fondent pas sur mobilisation des masses.

En effet, selon François Furet on peut ramener le totalitarisme à trois éléments :

- un régime où l’Etat est total c'est-à-dire où est nié toute séparation entre l’Etat et la société entre le politique et le social. L’Etat régit toute la société.

- cela est rendu possible grâce à une mobilisation constante des masses qui est entretenue par le parti et ses milices, par l’appareil policier

- un Etat qui s’appuie sur une idéologie construite et articulée et millénariste, diffusée par une propagande constante et par des mises en scène grandioses et spectaculaires.

Si les régimes autoritaires doivent être distingués des systèmes totalitaires comme le fascisme, le nazisme, le stalinisme, ils sont à l’opposé de la démocratie.

Ils le sont :

- par leur fondement, car ce ne sont pas des gouvernements de tous, du peuple mais d’un seul ou de quelques-uns

- par leurs procédés, puisque le pouvoir est imposé par la force, par la terreur, mais ne fait pas l’objet de délibérations. Il n’est pas consenti.

- par leur finalité, car le pouvoir n’est pas exercé pour le bien commun, mais pour celui des gouvernants.

Telle est la forme traditionnelle de l’autoritarisme, toutefois certains régimes autoritaires à ont une finalité populaire : le pouvoir y est certes exercé par quelques-uns, mais c’est pour le bien du peuple, du moins au début, du moins le croient-ils.

1. L’AUTORITARISME TRADITIONNEL

Ce sont, soit des monarchies soit des dictatures

1.1. Les monarchies archaïques ou absolues

L’Europe et notamment la France ont connu dans leur histoire des monarchies absolues, des systèmes dans lesquels le Roi disposait de tous les pouvoirs ou presque. Aucun contre-pouvoir n’existait ou ne pouvait s’exprimer. Aujourd’hui, ces régimes ont disparu, sauf dans le monde arabe.

L’exemple type est celui de l’Arabie saoudite. A l’origine, c’est-à-dire au milieu du 18siècle, un chef tribal, Mohammed Ibn Saoud, s'associe avec un prédicateur religieux, Mohammed Ibn Abdelwahhab, cette alliance du sabre et du goupillon, version orientale, a permis l’instauration d’une monarchie s’appuyant sur une conception dure, fondamentaliste de l’Islam.

Au XXe siècle, un descendant d’Ibn Saoud, Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud profite de la dislocation de l'Empire ottoman s’empare de La Mecque et de Médine, chassant la famille hachémite c’est à dire les descendants du prophète.

Le souverain saoudien devient de fait le gardien des lieux saints. Ce qui assoit son autorité d’autant qu’il s’appuie sur la famille Wahhab qui imprime toujours sur l’Islam saoudien son empreinte fondamentaliste.

Longtemps, l'Arabie saoudite n’a eu pour Constitution que le Coran. Depuis le 1er mars 1992 une « loi fondamentale de gouvernement » a été adoptée par le Roi Fahd. Selon son article 8 « la gouvernance du Royaume d'Arabie saoudite est basée sur la justice, la Choura et l'égalité selon la charia islamique ».

Le roi nomme les membres du conseil des ministres, chargés de le conseiller sur les lignes directrices de la politique du royaume. Les postes clé du gouvernement (défense, intérieur, affaires étrangères) reviennent à la famille royale. Le roi nomme les hauts fonctionnaires civils et militaires, des forces armées, de la garde nationale, de l'administration provinciale.

En 1992 une Assemblée consultative a été créée. Ses membres sont nommés pour quatre ans par le roi. Son rôle est essentiellement consultatif et son pouvoir est extrêmement restreint.

Le 11 janvier 2013, pour la première fois, des femmes saoudiennes ont été nommées membres de l'Assemblée consultative, 20% des sièges leur sont réservé.

Des élections ont lieu au niveau municipal. En décembre 2015 pour la première fois les femmes pouvaient être candidates, une seule a été élue.

Malgré les apparences, le régime reste particulièrement autoritaire. Aucune manifestation ou culte d'une autre religion ne sont acceptés, et ceux qui expriment à ce titre une opinion différente sont déclarés apostats et passibles de la peine de mort.

Des systèmes assez proches fonctionnent dans la péninsule arabique dans ce qu’il est convenu d’appeler les monarchies du golfe. Que ce soit le Koweït, Bahreïn, le Qatar, les Emirats arabes unis et Oman qui comme l’Arabie saoudite bénéficient de la manne pétrolière, même si elle est en train de fondre quelque peu en raison de la chute du prix du pétrole.

Ces monarchies pétrolières ont connu un rythme de développement économique sans précédent, et ont donné naissance à des sociétés tout à fait originales où les citoyens nationaux ne constituent plus qu’une infime partie de la population.

Cependant, les structures patriarcales et tribales traditionnelles ont largement résisté à toutes les formes de modernisation politique.

1.2. Les dictatures

Dans les dictatures, le pouvoir est aussi peu partagé que dans les monarchies archaïques. La différence tient au fait que les règles d’accession au pouvoir sont préétablies dans les monarchies, ce qui n’est pas le cas dans les dictatures. Il s’agit là d’ailleurs de leur point faible puisque bon nombre d’entre elles s’écroulent après que le dictateur ait disparu.

On peut distinguer les dictatures personnelles dans lesquelles c’est un homme sans légitimité particulière, qui en raison de son charisme et pour la seule raison que c’est lui qui détient le pouvoir qu’il l’exerce. Souvent le pouvoir a été pris à l’occasion d’un coup d’Etat grâce à l’armée, sans que l’on puisse parler de dictature militaire. Dans ce dernier cas, c’est l’armée en tant que corps, en tant qu’institution qui exerce le pouvoir.

1.2.1. Les dictatures personnelles

Elles peuvent prendre deux grandes formes.

1.2.1.1. Les formes archaïques : le caudillisme

A l’origine le Caudillo est un chef de guerre à la tête d'une armée personnelle à l’époque de la Reconquête en Espagne. Ce modèle a été repris et adapté en Amérique du sud au cours du XIXe siècle. Les caudillos étaient des leaders charismatiques qui avaient accès au pouvoir par des procédures informelles, grâce à l’ascendance qu’ils avaient sur les grandes masses populaires.

Au XXe siècle, dans de tout petits pays des personnages proches de ce profil prendront le pouvoir.

On peut citer le cas de Rafael Trujillo Molina qui exerça le pouvoir à deux reprises à Saint Domingue de 1930 à 1961.

Mais le meilleur exemple est celui de Duvalier à Haïti. Comme Trujillo il accède légalement au pouvoir à la suite d’élections, mais il agit comme un chef de bande qui fait régner la terreur (les fameux « tontons macoutes » pour Duvalier, et La 42 pour Trujillo) qui utilise le clientélisme, pour s’enrichir personnellement.

1.2.1.2. Les formes plus évoluées : le salazarisme et le franquisme

Ces dictatures personnelles n’ont pas d’idéologies propres, ce sont des régimes « caméléons », puisqu’ils empruntent aux idéologies du moment et se cachent derrière elles (corporatisme, fascisme, opus dei). Elles s’appuient sur l’armée sans être des dictatures militaires.

 Le salazarisme

En 1926, une dictature militaire met fin à la République. Le Portugal vit alors une crise économique et militaire. En 1928, Antonio Salazar, un professeur d’économie à l’Université de Coïmbra est nommé au poste de Ministre des Finances. En un an, il procède à un redressement économique spectaculaire : équilibre budgétaire et monnaie stable.

En 1932 il est nommé Premier Ministre par le président-général António de Fragoso Carmona. Salazar consolide le régime. Il introduit une nouvelle constitution qui lui confère les pleins pouvoirs et le contrôle total de l'Etat : c'est l’Estado Novo (Etat Nouveau).

Sans vraie idéologie sauf un anticommunisme virulent, il dirige le pays d’une main de fer en s’appuyant sur une police politique, la PIDE. Conservateur au sens propre du terme, il maintient le Portugal dans un immobilisme économique et un isolement diplomatique.

Il meurt en 1970. Son successeur désigné est Marcelo Caetano, qui restera au pouvoir jusqu'en 1974 dans un pays affaibli. Il sera renversé lors de la Révolution des œillets par les capitaines d’avril comme on les a appelés.

 Le franquisme

Les 17 et 18 juillet 1936 éclate un coup d'Etat nationaliste en Espagne dirigé par le général José Sanjurjo qui coupe le pays en deux et déclenche une guerre civile. Quelques mois plus tard après le décès accidentel de Sanjurjo et du général Mola, la Junte de défense militaire, créée par les insurgés à Burgos, nomme Francisco Franco généralissime et chef du gouvernement.

Nommé Caudillo, puis chef de l'Etat, du gouvernement et de l'armée, Franco obtient la reddition sans condition des chefs républicains. Il est soutenu par la Phalange de José Antonio Primo de Rivera, les monarchistes, les carlistes, l’armée, l’Eglise et singulièrement au sein de celle-ci, l’Opus Dei. Il bénéficie également du soutien de l'Allemagne hitlérienne et de l’Italie de Mussolini. Mais très vite il prendra ses distances.

Comme Salazar son voisin, il met en place un régime autoritaire sans véritable base doctrinale et gouverne de manière assez pragmatique. Mais il sait habilement manipuler les rivalités et les oppositions des différentes factions qui le soutiennent pour qu’aucune d’entre elles ne réussisse à porter de l’ombre à son pouvoir personnel. Ce pouvoir est construit sur un parti unique, le «Mouvement national » qui encadre l’ensemble des organisations économiques, sociales, syndicales et de jeunesse ainsi que sur une police politique impitoyable.

En juin 1973, Franco renonce à la présidence du gouvernement et l’amiral Carrero Blanco est désigné pour occuper ce poste. Mais il est assassiné en décembre 1973. Franco meurt le 20 novembre 1975. Juan Carlos lui succède et rétablit la démocratie.

Au Moyen-Orient, dans un contexte différent se sont développés des dictatures personnelles assez proches du franquisme et du salazarisme. On peut citer la dictature de Saddam Hussein en Irak, celle d’Afez El Assad et de son fils Bachar en Syrie.

1.2.1. Les dictatures militaires

De tout temps les militaires ont pris le pouvoir et l’ont exercé. Les dictatures militaires peuvent se présenter de différentes manières.

1.2.1.1. Les dictatures indirectes

 Le pronunciamiento

Issu d’une pratique espagnole remontant au XIXsiècle, le pronunciamiento se caractérise par le fait que l’armée à travers certains de ses chefs se prononce pour un candidat lors d’élections ou juste après.

- A Haïti en 1959, l’armée mécontente de la gestion du président Magloire décide d’intervenir en forçant le président à s’exiler aux Etats-Unis et organisent des élections. Trois candidats sont en lice et, le 22 septembre 1957, François Duvalier est élu président de la République ayant obtenu le soutien de l’armée.

- En Argentine, le président Ortiz est élu en 1958 après avoir été choisi et soutenu par les militaires.

- Au Pérou le président Fujimori commet en 1992 un « coup d'Etat constitutionnel » en prononçant la dissolution du Congrès et la suspension de la Constitution. Avec le soutien de l'armée, il fait adopter une révision constitutionnelle qui lui permet de se faire élire pour un second mandat.

 Les dictatures déguisées

Ce sont des civils ou des militaires qui gouvernent, mais soit, ils s’appuient sur les militaires (Franco au début, comme Salazar au début), soit les militaires leur dictent leur politique (Argentine : le président Frondizi en 1958).

1.2.1.2. Les dictatures directes

L’armée prend le pouvoir en tant que corps. Après un coup d’Etat, ce sont les chefs des trois armes qui sont représentées dans la junte qui exerce le pouvoir. C’est parce qu’ils sont les chefs des armées qu’ils exercent le pouvoir.

 Les colonels grecs

Le 20 avril 1967, en Grèce, un coup d'Etat militaire instaure une dictature appelée : le « régime des colonels », conduit par trois officiers supérieurs Papadopoulos, Makarezos et Pattakos. Ce coup d’Etat va bloquer l'évolution politique du pays et isoler la Grèce de l’Europe. En 1974, ce régime incapable de régler la crise chypriote avec les Turcs, abandonne le gouvernement.

 Le Chili (1973-90)

Le 11 septembre 1973, un coup d’Etat militaire met un terme à l’Unité populaire. Ce sont les chefs des différentes armes qui dirigent le pays :

  • Augusto Pinochet pour l'armée de terre ;
  • Gustavo Leigh Guzmán pour l'armée de l'air ;
  • José Toribio Merino Castro pour la marine ;
  • César Mendoza Durán pour la gendarmerie.

 L’Argentine

L'armée fomente des coups d'Etat successifs : 1930, 1943, 1955, 1962, 1966, 1976. Des généraux se succèdent au pouvoir. En 1950, le général Perón peut vanter « ce pays formé par ses généraux, libéré par ses généraux, conduit par ses généraux et, aujourd'hui, réhabilité par ses généraux ». En 1966, le coup d'Etat renverse le président Arturo Illia et amène au pouvoir une junte formée par les commandants en chef des trois armes.

Le général Onganía, qui dirige la junte est écarté du pouvoir en 1970 par l'armée et remplacé par le général Levingston, qui est à son tour destitué et remplacé par le général Lanusse, qui organisera des élections en mars 1973.

Juan Perón revenu de son exil l’emporte et revient au pouvoir, sa fille Isabel lui succède, mais elle est renversée.

Le 24 mars 1976, le général Videla, à la tête d'une junte militaire, s’empare du pouvoir. La junte restera en place jusqu'au 10 décembre 1983. Elle se compose dans un premier temps de Videla, du commandant de la marine, l’amiral Emilio E. Massera et du commandant des forces aériennes, le Brigadier-général Ramon Agosti. Videla cède la présidence de la Junte au général Roberto Eduardo Viola en 1980, l’année suivante c’est le général Galtieri qui lui succède et en 1982 ce sera le général Cristino Nicolaides. Il sera écarté par le général Bignone. Affaiblie par sa défaite face au Royaume-Uni lors de la guerre des Malouines, la dictature militaire doit céder la place en 1983 à un gouvernement civil élu démocratiquement avec pour président le radical Raúl Alfonsín.

 Le Brésil

Le 30 Mars 1964 un coup d'État militaire renverse le Président João Goulart. L’armée restera au pouvoir jusqu’en 1985. Se succéderont à la tête de l’Etat :

De 1964 - 1967 Humberto Castelo Branco

De 1967 - 1969 Arthur da Costa e Silva

De 1969 - 1974 Emilio Garrastazu Médici

De 1974 - 1979 Ernesto Geisel

De 1979 - 1985 João Baptista de Oliveira Figueiredo

En 1985 les civils reviennent au pouvoir avec Tancredo Neves qui meurt avant son entrée en fonction et qui sera remplacé par son vice-président José Sarney.

2. L’AUTORITARISME POPULAIRE

Il s’agit là d’une situation nouvelle, mais pas nécessairement plus récente. Dans cette forme d’autoritarisme, le pouvoir n’a pas de légitimité ou encore de fondement populaire, les procédés de gouvernement ne sont pas plus démocratiques, par contre la finalité du pouvoir est populaire. En quelque sorte, le pouvoir est exercé par le haut, par quelques-uns pour le bien du peuple ou du pays.

Deux sortes d’autoritarisme populaire peuvent être distinguées le despotisme éclairé et le bonapartisme. Tous deux correspondent à un modèle historique qui par la suite au XXe siècle a pu être repris sciemment ou non.

2.1. Le despotisme éclairé

Forgée probablement par des historiens allemands au cours du XIXe siècle, l’expression de « despotisme éclairé » est maintenant consacrée. Celle « d’absolutisme éclairé », convient beaucoup mieux.

2.1.1. La forme historique

Il s’agit en fait de la rencontre dans tous les sens du terme entre des philosophes du XVIIIsiècle et certains autocrates.

« Si l’essentiel était que la raison régnât, qu’elle gouvernât les hommes à la place des usurpatrices qu’étaient la tradition et la providence, il ne convenait alors pas de trop se soucier de la forme du pouvoir, de la nature du souverain, dès l’instant que celui-ci était éclairé, acquis aux Lumières, décidé à mettre au service de la raison les moyens de l’Etat. » J.-J. Chevallier

En réalité, c’est l’alliance de l’efficacité au service du progrès. Contrairement à Montesquieu, Voltaire et Diderot ne voient pas dans le pouvoir l’ennemi dont il faut se méfier, mais au contraire l’instrument qui s’il est bien utilisé - s’il est éclairé - peut permettre d’améliorer la vie du peuple ou du pays.

Plusieurs exemples illustrent la catégorie :

  • Frédéric II, roi de Prusse, ou encore le Grand Frédéric, qui régna de 1740 à 1786. Voltaire rencontrait souvent le roi philosophe et correspondait avec lui.
  • Catherine II de Russie, la Grande Catherine, la « Sémiramis du Nord », qui régna de 1762 à 1796, illustre également la catégorie.

Mais l’histoire retient ensuite, à côté de l’empereur d’Autriche Joseph II, Gustave III de Suède, Charles III d’Espagne, Charles-Emmanuel III de Savoie, certains princes roumains, le « ministre philosophe » Pombal au Portugal et Struensee au Danemark (médecin du roi Christian VII, demi-fou, qu’il domine).

2.1.2. La forme moderne

Au XXe siècle certains régimes reprennent la formule sans vraiment s’en inspirer explicitement.

2.1.2.1. La réplique moderne : le Shah d’Iran

En 1921, Reza Khan prend le pouvoir et fonde la dynastie Pahlavi. Après la seconde guerre mondiale, les Anglais se méfient du vieux roi, trop germanophile à leur goût et le contraignent à abdiquer en faveur de son fils Mohammad Reza Pahlavi.

Le Shah d’Iran va se consacrer à développer ce qu’il nommait lui-même un nationalisme positif à la faveur d’un Iran ayant des liens étroits avec les Etats-Unis et contrôlant en même temps l’expansionnisme soviétique. C’est pour cette raison que 20 ans plus tard, son royaume était déjà doté d’une puissante armée prompte à s’imposer dans la région du golfe persique. Son pouvoir illimité sera mis au service de son ambition : faire de l’Iran un pays moderne et développé.

La Révolution islamique de 1979, met fin à ce règne au moment où l'Iran vivait ce que les historiens considèrent rétrospectivement comme un âge d'or qui doit tout à la dynastie Pahlavi et à son œuvre gigantesque.

2.1.2.2. L’adaptation du modèle : le présidentialisme africain

Ce sont des régimes qui se sont mis en place dans certains Etats en Afrique au lendemain de leur indépendance.

Le despote ici est « le père de la Nation » c'est-à-dire celui qui est à l’origine de l’indépendance du pays. Cette situation place le despote-président dans une situation privilégiée. Il connaît forcément ce que veut le pays, et il ne peut agir que pour le bien de la Nation. Il s’appuie sur un parti unique qui permet au président de confisquer le pouvoir et de l’exercer sans opposition ou presque. Plusieurs exemples peuvent être cités :

  • La Côte d’ivoire de Houphouêt- Boigny
  • La Guinée de Sekou Touré
  • La Tunisie de Bourguiba
  • Le Ghana de N’Kruma

Aujourd’hui, des régimes que d’aucuns désignent par les termes de démocratures correspondent d’une certaine manière au despotisme éclairé. Il s’agit plus précisément de la Russie de Wladimir Poutine et de la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan.

Dans les deux cas on a affaire à des régimes qui initialement sont des démocraties dans la mesure où l’accession au pouvoir se fait par des élections. Ces pays ont des Constitutions mettant en place un semblant d’Etat de droit. Mais les présidents qui ont été portés à la tête de l’Etat se sont transformés en autocrates. Ils pèsent de tout leur poids sur les élections, ils ne garantissent plus les droits fondamentaux. L’opposition n’y est pas respectée.

Ces deux dirigeants veulent à tout prix redonner à leur pays et à leur peuple la place et l’autorité qu’ils avaient sur la scène internationale. Poutine comme Erdoğan sont des nostalgiques de l’empire qu’ont été leur pays. Ils sont près à restaurer cette position et pour cela à mettre au service de cette ambition leur pouvoir qu’ils renforcent petit à petit. Ces régimes se transforment ainsi de démocratie en dictature et deviennent des démocratures. Ces deux exemples sont d’une certaine manière des interprétations postmodernes du despotisme éclairé.

2.2. Le bonapartisme

Pour Guy Hermet dans « Aux frontières de la démocratie » (1983), le bonapartisme opère la conjonction entre les aspirations à l’ordre et l’irruption canalisée des masses populaires sur la scène politique. L’appel au peuple via une symbolique populiste (grandeur nationale, chef militaire charismatique, pratique du suffrage universel) renforce la légitimité de l’Etat et lui permet d’accompagner, voire d'accélérer, les mutations culturelles et économiques du pays.

Là encore il existe un modèle historique auquel correspond une forme moderne.

2.2.1. La forme historique

« L’autorité vient d’en haut, la confiance vient d’en bas ». Cette citation de Sieyès illustre parfaitement ce qu’est le bonapartisme. Il se caractérise le plus souvent par la présence de trois éléments :

  • Prise du pouvoir par la force
  • Par un militaire, charismatique
  • En s’appuyant sur le peuple par des plébiscites notamment

Comme son nom l’indique, le bonapartisme correspond historiquement au régime mis en place par Napoléon Bonaparte à la suite du Coup d’Etat du 22 brumaire et qui prendra des formes juridiques qui évolueront à l’occasion des différents Senatus Consulte.

La formule sera reprise avec quelques aménagements par son neveu qui donnera naissance au second Empire, là encore c’est un coup d’Etat (2 décembre 1852), qui permet l’accession au pouvoir, grâce au suffrage universel et au référendum, il s’appuie sur le peuple, même s’il n’a pas le charisme de son oncle.

2.2.2. La forme moderne

Au XXe siècle, plusieurs Etats suivent ce modèle pour accélérer la modernisation d’une société : Mustapha Kemal en Turquie et Gamal Abdel Nasser en Egypte. Ce sont des régimes forts, dirigés par un chef militaire prestigieux, qui s’appuient sur l’armée et le nationalisme des classes moyennes. Ils n’hésitent pas à exalter des valeurs d’égalité et de révolution en faveur des plus démunis. Le Venezuela d’Hugo Chavez en est un exemple plus contemporain.

 Le Kémalisme

La fin de l'Empire ottoman provoque un sursaut militaire et politique, conduit par le général Mustafa Kemal. Rompant avec le pouvoir, refusant de reconnaître l'autorité des Occupants alliés, il débarque à Samsun le 19 mai 1919 et s'allie avec les autorités locales d'Anatolie ; lors des congrès d'Erzurum et de Sivas (Juillet-septembre 1919), les grands principes de la souveraineté nationale sont posés, et M. Kemal devient président d'une délégation qui rompt avec Constantinople. Le 23 avril 1920, une Assemblée nationale est proclamée à Ankara et prépare une Constitution, promulguée en janvier 1921.

Le 29 octobre 1923, la République est proclamée avec Mustapha Kemal pour premier président. Il cumule les fonctions de président de l’Assemblée nationale, du Parti Républicain du Peuple et de chef suprême de l’armée. Il prend le nom d’Atatürk, c’est-à-dire le père de la nation.

La révolution kémaliste et le régime de parti unique (CHP, Parti républicain du peuple) transforment le pays par des mesures d'occidentalisation et de laïcisation :

- abolition du califat

- émancipation des femmes,

- promulgation d’un Code civil et d'un Code pénal fondés sur des modèles européens,

- réforme vestimentaire (à l'occidentale),

- abolition des confréries religieuses,

- adoption de l'alphabet latin (1928), épuration de la langue de milliers de mots arabes et persans, révision et correction de l'histoire de manière à réhabiliter la culture turque.

 Le nassérisme

Le 23 juillet 1952, un coup d'Etat porte les officiers libres au pouvoir. Le général Naguib, un vieil officier patriote et respecté, sert de figure de proue au mouvement, mais le Colonel Gamal Abdel Nasser, qui n'a pas encore trente-quatre ans, en est le véritable homme fort.

Le 18 juin 1953, les Officiers libres décrètent une première réforme agraire et proclament la République, mettant un terme à une dynastie vieille de cent cinquante ans.

Nasser participe à la fondation du Mouvement des Non-alignés à Bandoeng, en avril 1955. Il achète à la Tchécoslovaquie les armes que les Etats-Unis lui refusent. Il nationalise le canal de Suez, le 26 juillet 1956, et sort politiquement victorieux de la guerre qui s’ensuit. Un nouveau dirigeant est né : pour les Egyptiens enfin libres, pour les Arabes dont il galvanise le combat contre le colonialisme. Il devient le père du socialisme arabe puis du panarabisme.

Après l'échec de la République arabe unie (union de l'Egypte et de la Syrie, 1958-1961), Nasser radicalise sa politique intérieure : nationalisation d'une grande partie du secteur privé, nouvelle phase de la réforme agraire, adoption d'une Charte nationale, résolument socialiste, et création d'un nouveau front politique, l'Union socialiste arabe (USA). Un immense effort de développement économique est entrepris avec d'indéniables succès.

Il fait des émules : le Colonel Mouammar Al Kadhafi qui prend le pouvoir en Libye lors d'un coup d'Etat en 1969. Il est formellement le chef de cet Etat depuis 1970.

- A ses débuts, il prône le passage à un socialisme d'Etat fait des nationalisations d'entreprises (notamment celles détenues par des ressortissants italiens) et teinté de panarabisme.

- En 1977, il déclare la « révolution du peuple » : il change le nom du pays de République arabe libyenne en Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste et met en place des « comités révolutionnaires »

- Petit à petit, lors des années 80, son régime est mis au ban de la communauté internationale à cause des implications du colonel Kadhafi dans plusieurs actes terroristes (l’attentat dans une discothèque berlinoise fréquentée par des militaires américains en 1986 ou encore l’attentat de Lockerbie en Ecosse, contre un avion de ligne civil américain qui explose en plein vol en 1988, ainsi que l’attentat du DC-10 d'UTA qui fera 170 victimes dans le désert du Ténéré) et de son soutien à de nombreuses rébellions dans le monde.

- A partir du milieu des années 90, Kadhafi va œuvrer afin que son pays retrouve une place moins inconfortable par rapport aux nations dominantes comme les Etats-Unis ou l'Europe : en 1999, les agents des services secrets suspectés de l'attentat de Lockerbie sont livrés à la Justice internationale, ce qui provoque la suspension des sanctions de l’ONU envers le pays et le rétablissement des relations diplomatiques avec le Royaume-Uni.

Finalement il sera victime des révolutions du printemps arabe et surtout de l’intervention militaire multinationale conduite sous l'égide de l'Organisation des Nations unies (ONU) en 2011.


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