Le fonctionnement de l'UE : vie politique et processus décisionnel : troisième partie

Modifié par Julien Lenoir le 27 septembre 2018

Par BAUBY Pierre, président de RAP (Reconstruire l’action publique), membre du Conseil scientifique d’Europa et Mihaela M. Similie (Popa), chercheur
Dernière mise à jour : janvier 2017

4. Le budget européen, les instruments budgétaires et financiers (ressources propres, cadre financier pluriannuel, budget et règlement financier)

La réalisation des missions de l’UE repose sur et dépend des ressources financières dont l’Union dispose. Actuellement, le niveau de son budget se situe à moins de 1% du PNB des Etats membres, ce qui représente un faible montant par rapport à celui des budgets nationaux.

Jusqu’en 1970, la Communauté économique européenne a été financée par des contributions directes des Etats membres (art. 200 du traité de Rome). Quant à elle, la CECA se finançait dès l’origine par un prélèvement sur la production de charbon et d’acier.

La décision du 21 avril 1970 a institué pour la CEE un système de ressources propres mais avec une procédure de décision à l’unanimité du Conseil et de ratification par tous les Etats membres de la Communauté. Le Parlement européen était sollicité seulement pour un avis consultatif. Trois catégories de ressources propres constituaient le budget de la Communauté : les prélèvements agricoles sur les importations en provenance des pays tiers, les droits de douane aux frontières extérieures de la CEE et une fraction de la TVA. Les deux premières catégories de ressources sont perçues auprès les opérateurs économiques et collectées par les Etats membres au nom de la Communauté européenne, qui gardent 25% au titre de compensation des dépenses de collecte. En 2014, ils ont représenté plus de 11% du total des recettes de l’UE. La fraction de TVA est perçue sur une base harmonisée des TVA des Etats membres. Elle a représenté plus de 12% du total des recettes en 2014.

En 1988, une quatrième ressource a été ajoutée par la décision 88/376/CEE, représentant une contribution assise sur le produit national brut (PNB) des Etats membres. Elle est devenue la ressource la plus importante du budget de l’UE (en 2014, presque 69% du total des ressources de l’Union) et la ressource d’équilibre du budget, alors qu’à l’origine elle ne devait être perçue que si les autres ressources propres étaient insuffisantes pour couvrir les dépenses de la Communauté.

Les autres recettes (en 2014, plus de 7% du total des recettes de l’UE) proviennent du solde de l’exercice précédent, des impôts versés par le personnel de l’Union sur les rémunérations qu’il perçoit, des contributions de pays tiers à des programmes de l’Union et des amendes payées en application de la législation européenne.

La décision du 28 juin 1988 a remplacé la décision de 1970. Elle a été prise dans le cadre du « paquet Delors I » [COM(87)100] qui a visé aussi des mesures relatives à la discipline budgétaire et à la gestion du budget, en particulier la décision du Conseil du 24 juin 1988 qui a inscrit la procédure budgétaire dans le cadre de « perspectives financières (1988-1992) » (données par type de dépenses) et l’accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l’amélioration de la procédure budgétaire).

Le « paquet Delors II » adopté par le Conseil européen d’Edimbourg de décembre 1992 a couvert la période 1993-1997. Les plafonds annuels de ressources propres pour les crédits de paiement ont été portés à 1,27% du PNB jusqu’en 1999. Depuis 2001 (décision du 7 juin 2007), le plafond maximal des recettes de l’UE est de 1,24% du RNB (Le revenu national brut représente la valeur de tous les biens et services produits dans le monde entier par les entreprises de l’Union européenne. Le produit intérieur brut (PIB) représente la valeur totale de tous les biens et services produits sur le territoire de l’Union européenne par des entreprises du monde entier) de l’Union (la dénomination RNB remplace celle de PNB). Des mécanismes de correction des revenus sont appliquées à plusieurs Etats membres, notamment au Royaume Uni, qui bénéfice depuis 1984 d’une réduction de sa contribution.

L’adoption de la décision sur les ressources propres de l’Union reste soumise à la règle de l’unanimité et l’accord préalable des Etats membres « conformément à leurs règles constitutionnelles respectives » (art. 311§3 TFUE).

Les perspectives financières constituent le cadre de planification pluriannuelle du budget de l’Union, en fonction des priorités politiques négociées entre le Conseil, le Parlement européen et la Commission. Elles sont adoptées par accord interinstitutionnel qui, depuis le traité de Lisbonne, est inscrit dans les traités et acquiert un caractère contraignant. L'article 312 TFUE dispose que le cadre financier pluriannuel est « établi pour une période d'au moins cinq années » et « vise à assurer l'évolution ordonnée des dépenses de l'Union dans la limite de ses ressources propres ».

Depuis 1988 et jusqu’à présent les perspectives financières ont couvert cinq périodes budgétaires (1988-1992 ; 1993-1999 ; 2000-2006 ; 2007-2013 ; 2014-2020), dont la cinquième en cours d’exécution (Accord interinstitutionnel du 2 décembre2013 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire, la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière). Elles ne doivent pas être confondues avec le budget multi-annuel de l’UE, au sens qu’ils ne constituent pas une autorisation de dépenser. Elles fixent un niveau général de dépenses (1,23% du RNB) et des niveaux de dépenses par rubriques/catégories et sous-rubriques/catégories (système de double plafonnement), qui doivent être respectés par législateur dans la construction budgétaire annuelle pendant la période de programmation multi annuelle (de 5 à 7 ans). En outre, le traité de Lisbonne précise que le ‘cadre financier pluriannuel’ (nouvelle dénomination des ‘perspectives financières’) « prévoit toute autre disposition utile au bon déroulement de la procédure budgétaire annuelle ».

Le montant du budget de l’Union a crû progressivement suite au développement des politiques communes, en particulier de la politique agricole et de développement régional, mais il reste réduit par rapport à celui des budgets nationaux. L’intégration des PECO, de Chypre et de Malte a été accompagnée par une réduction des dépenses en rapport au RNB (de 0,95% du RNB en 2005 à 0,90% du RNB en 2008), mais après la crise de 2008 le niveau a légèrement augmenté.

Le niveau précis des dépenses autorisées et leur répartition entre les différentes lignes budgétaires (environ 1 700) sont déterminés par le budget annuel, adopté selon la procédure de codécision entre le Conseil et le Parlement européen. Après l’adoption du budget, chaque dépense autorisée par celui-ci exige une base légale pour être engagée, respectivement un acte législatif ou autre acte normatif adopté par l’autorité européenne compétente

A la grande différence des budgets publics nationaux, le budget de l’Union européenne doit être en équilibre : « le budget doit être équilibré en recettes et en dépenses » (art. 310 TFUE).

L’équilibre budgétaire est l’un des neuf principes de base qui caractérisent le budget général de l’UE : unité (le budget comprend les recettes et les dépenses) et vérité budgétaire, annualité (des crédits budgétaires, autorisés pour la durée d’un exercice budgétaire), équilibre, universalité (l’ensemble des recettes couvre l’ensemble des crédits de paiement), unité monétaire (euro, mais avec des opérations autorisées dans d’autres monnaies), spécialité des crédits (par titres et chapitres, articles et postes), bonne gestion financière (économie, efficience et efficacité ; objectifs spécifiques, mesurables, réalisables, pertinents, datés, contrôlés par des indicateurs de performance/activité ; évaluation ex ante, à mi-parcours et ex post de tous les programmes et activités occasionnant des dépenses importantes) et transparence (publication des comptes, budgets et rapports au JOUE). Ces principes sont prévus par le règlement financier de l’Union, l’acte qui prévoit et autorise pour chaque exercice financier l’ensemble des recettes et des dépenses estimées nécessaires à l’UE.

Les garanties des emprunts et des prêts contractés par l’UE sont également inscrits dans le budget de l’Union, y compris les dispositions du mécanisme européen de stabilité financière (MESF), qui agit pour gérer les crises dans la zone euro au sein du Pacte budgétaire européen, conformément au traité MESF et au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) signé à Bruxelles le 2 mars 2012 entré en vigueur le 1er janvier 2013, et le mécanisme de soutien à la balance de paiements, qui prévoit des prêts financiers à moyen terme aux Etats membres éprouvant des difficultés dans la balance de paiements courants ou dans celle de mouvements de capitaux.

Le traité de Lisbonne a apporté des modifications substantielles dans la procédure d’adoption du budget de l’Union (art. 314 TFUE), conférant plus de pouvoirs au Parlement européen qu’il en avait auparavant. En particulier, il a abrogé la distinction entre dépenses obligatoires et non obligatoires et donné au Parlement des pouvoirs sur les dépenses obligatoires. La procédure de décharge de la Commission sur les comptes de l’UE n’a pas été modifiée par ce traité (art. 319 TFUE).

La mise en œuvre du budget de l’UE est encadrée par le Règlement financier de l’Union européenne (Règlement UE, Euratom no 1311/2013 du Conseil du 2 décembre 2013 fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020). Le traité de Lisbonne a introduit la procédure de codécision pour l’adoption du règlement financier après la consultation de la Cour des comptes (art. 322 TFUE). En outre, l’unanimité qui était exigée pour que le Conseil « fixe les modalités et la procédure selon lesquelles les recettes budgétaires prévues dans le régime des ressources propres de l'Union sont mises à la disposition de la Commission » (art. 322§2 TFUE) a été remplacée par le vote à la majorité qualifiée.

L’exécution budgétaire est de la responsabilité de la Commission européenne. Elle peut se réaliser de manière directe (centralisée par la Commission ou par les agences exécutives), partagée avec les Etats membres ou indirecte (Etats tiers ou organismes désignés par ceux-ci, organisations internationales et leurs agences, organismes de droit public ou privé désignés). En réalité, les Etats membres partagent avec la Commission la dépense de la grande partie du budget de l’UE, en particulière des dépenses pour les politiques agricole, régionale, de recherche et d’infrastructures.

Principaux domaines de dépenses :

  1. Croissance intelligence et inclusive
    1. Compétitivité pour la croissance et l’emploi (renforcement de la compétitivité des entreprises européennes)
    2. Cohésion économique, sociale et territoriale (aide aux régions en retard de développement)
  2. Croissance durable : ressources naturelles (production de denrées alimentaires saines et sûres, agriculture innovante et utilisation efficace et durable des terres et des forêts)
  3. Sécurité et citoyenneté
  4. Europe dans le monde
  5. Administration
  6. Compensations

La Cour des comptes contrôle la légalité des recettes et des dépenses de l’Union et leur bonne gestion. Elle compte un représentant par État membre.

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