Par BAUBY Pierre, président de RAP (Reconstruire l’action publique), membre du Conseil scientifique d’Europa et Mihaela M. Similie (Popa), chercheur
Dernière mise à jour : janvier 2017

1. Les origines

Contrairement aux dispositions des traités instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA), qui ont prévu des dispositions relatives à la recherche, le traité instituant la Communauté économique européenne (CEE) n’a pas institué d’actions communautaires en la matière.

La coopération scientifique entre les Etats membres s’est développée d’abord en dehors du cadre communautaire, par des coopérations intergouvernementales entre certains Etats membres (tels que la création en 1974 de la Fondation européenne pour la recherche, la coopération dans le cadre de COST, le programme EUREKA de 1985).

Le principe d’une politique et d’actions communes dans le domaine de la recherche et de la technologie a été posé par le Conseil européen de Paris d’octobre 1972. Le premier programme cadre de recherche a été adopté par le Conseil en juin 1983 pour une période de quatre ans (1984-1987), permettant notamment le développement des recherches sur les technologies de l’information et des télécommunications.

La politique de recherche et développement technologique a été inscrite dans les traités par l’Acte unique européen. Elle a été mise en œuvre par des programmes cadre adoptés à l’unanimité et des programmes sectoriels adoptés à la majorité qualifiée.

Le traité de Maastricht a introduit la procédure de co-décision avec le Parlement du programme cadre tout en maintenant l’unanimité au Conseil.

Le traité d’Amsterdam a remplacé la règle de l’unanimité au Conseil par la majorité qualifiée et a intégré dans les objectifs de l’Union celui visant à renforcer « les bases scientifiques et technologiques de l’industrie de la Communauté ».

Le traité de Lisbonne a élargi les objectifs de recherche de l’Union et consacre une compétence partagée avec les Etats membres par des actions coordonnées, « sans que cette compétence [de l’Union] ne puisse avoir pour effet d’empêcher les Etats membres d’exercer la leur » (art. 4 TFUE). En outre, une base juridique spécifique a été prévue pour la politique spatiale européenne et la coopération avec l’Agence spatiale européenne (ASE), organisme intergouvernemental créé en 1975, avec laquelle l’UE avait conclu un accord cadre de coopération en 2003. Vingt pays européens participent aux activités de l’ASE (dont la Suisse et la Norvège).

En 2000 a été lancé le concept d’Espace européen de la recherche visant en particulier la fragmentation de la recherche européenne résultant des approches définies au niveau national. Pour la coordination des actions et budgets nationaux de recherche, l’instrument ERANET a été développé en 2002. Puis, à partir de 2008, une série d’Initiatives de programmations jointes (Joint Programming Initiatives – JPIs) ont défini des agendas stratégiques de recherche (Strategic Research Agendas –SRAs) et des appels à projets joints. Ces démarches, même si elles n’ont pas conduit à un véritable système de recherche à l’échelle européenne par l’alignement des programmes, priorités et/ou activités de recherches nationales, ont favorisé les prémices d’une coordination entre les Etats membres.

2. Les objectifs

TITRE XIX RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE ET ESPACE

Article 179 TFUE

1. L'Union a pour objectif de renforcer ses bases scientifiques et technologiques, par la réalisation d'un espace européen de la recherche dans lequel les chercheurs (*), les connaissances scientifiques et les technologies circulent librement, et de favoriser le développement de sa compétitivité, y compris celle de son industrie, ainsi que de promouvoir les actions de recherche jugées nécessaires au titre d'autres chapitres des traités.

Article 189

1. Afin de favoriser le progrès scientifique et technique, la compétitivité industrielle et la mise en œuvre de ses politiques, l'Union élabore une politique spatiale européenne. À cette fin, elle peut promouvoir des initiatives communes, soutenir la recherche et le développement technologique et coordonner les efforts nécessaires pour l'exploration et l'utilisation de l'espace.

(*) Actuellement, les chercheurs européens s’orientent plus vers les Etats-Unis qu’ils ne circulent dans les Etats membres de l’UE.

En parallèle à l’effort croissant de l’Union pour la recherche, les Etats membres se sont engagés à atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020 qui ambitionne, comme la stratégie précédente de Lisbonne - Barcelone, à octroyer à ce secteur 3% du PIB (pour l’instant, cet objectif est atteint et dépassé seulement par la Suède et la Finlande) et à augmenter la part du financement privé. En effet, la plupart des activités de recherche sont financés dans un cadre national, mais la participation du secteur privé demeure plus faible qu’aux Etats-Unis ou au Japon.

3. La situation actuelle et les principaux moyens d’action

L’action communautaire en matière de recherche et de développement technologique repose sur la participation des chercheurs et entités concernées à des programmes cadre de recherche de l’Union européenne. Pour atteindre ses objectifs dans ce domaine, l’Union a notamment un rôle de levier. Elle cherche à encourager les « efforts de recherche et de développement technologique de haute qualité » des entreprises, des centres de recherche et des universités et à soutenir les « efforts de coopération » entre ces entités (art. 179§2 TFUE). En matière de développement technologique, par ses actions (programmes, coopérations internationales, diffusion et valorisation des résultats, stimulation de la formation et la mobilité des chercheurs), l’Union vise à compléter « les actions entreprises dans les États membres » (art. 180 TFUE). En outre, « l’Union et les Etats membres coordonnent leur action en matière de recherche et de développement technologique, afin d'assurer la cohérence réciproque des politiques nationales et de la politique de l'Union » (art. 181§1 TFUE) par des orientations et des indicateurs, des échanges des meilleures pratiques, la surveillance et l'évaluation périodiques initiées par la Commission s’ils sont considérés utiles à cette coordination.

L’ensemble des actions de l’Union se réalise dans un programme-cadre pluriannuel. Ce type de cadre stratégique a été institué en dehors du cadre des traités en 1984 et a été consacré par l’Acte unique européen. La durée de ce cadre a varié, de quatre à cinq ans, puis actuellement à sept ans, conformément à la périodisation du cadre financier de l’Union.

Le programme cadre fixe les objectifs à réaliser, les actions envisagées et leurs priorités, les grandes lignes de ces actions, le montant global maximum et les modalités de la participation financière de l'Union et la répartition par actions (art. 182 TFUE). Il est adopté conformément à la procédure législative ordinaire et il est mis en œuvre par des programmes spécifiques développés à l'intérieur de chacune des actions, qui sont arrêtés par le Conseil à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement. Dans la mise en œuvre du programme-cadre pluriannuel peuvent être décidés des programmes complémentaires auxquels ne participent que certains États membres qui assurent leur financement sous réserve d'une participation éventuelle de l'Union.

Le programme cadre de recherche en cours (Horizon 2020) recouvre la période 2014-2020. Il est doté d’un budget de 79 milliards euros (contre 53 milliards pour la période 2007-2013) orienté vers trois priorités scientifiques : l’excellence scientifique européenne, la primauté industrielle de l’Europe et les défis de société pour la santé et le bien être des européens. Le programme offre pour la première fois la possibilité d’un financement intégral des projets de recherche. Il cherche aussi une meilleure articulation avec les fonds structurels orientés vers la recherche. Les appels à projets sont conçus et lancés par la Commission européenne.

Un Conseil européen de la recherche (CER) a été crée en 2007 pour coordonner et financer la recherche fondamentale conduite par les chercheurs individuels qui se trouvent en début de carrière ou expérimentés.

Le Conseil peut créer, après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social, des entreprises communes ou toute autre structure nécessaire à la bonne exécution des programmes de recherche, de développement technologique et de démonstration de l'Union.

Le Centre commun de recherche (CCR), crée en 1957 dans le cadre du traité EURATOM, conduit actuellement des recherches dans plusieurs domaines technologiques, sur l’énergie et l’environnement, la santé et la sécurité. Il dispose de huit établissements européens (environ 3 000 employés), avec comme principal objectif d’apporter un soutien scientifique et technique aux institutions européennes, en particulier à la Commission.

En 2008, l’Institut européen de technologie et d’Innovation (IETI) a été crée pour coordonner des activités de réseaux et partenariats entre entreprises, établissements d’enseignement supérieur et établissements de recherche pour la réalisation d’activités de recherche, d’innovation, d’enseignement.

Les agences décentralisées de l’UE développent également des missions scientifiques et techniques.

Des initiatives technologiques jointes sont également soutenues par l’UE, soit par le budget de l’Union ou par des emprunts auprès de la BEI, dans le cadre des partenariats publics-privés financés pour au moins 50% par des partenaires privés.

Au début de chaque année, la Commission présente un rapport au Parlement européen et au Conseil. Ce rapport porte notamment sur les activités menées en matière de recherche et de développement technologique et de diffusion des résultats durant l'année précédente et sur le programme de travail de l'année en cours.

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