Par Vincent Chrétien
Dernière mise à jour : octobre 2019

1. Le cadre réglementaire applicable aux sites et sols pollués

Il n'existe pas de réglementation spécifique concernant les sites et sols pollués. Leur cadre réglementaire relève à la fois de la réglementation relative aux déchets et de celle relative aux Installations Classées pour la Protection de l'Environnement (ICPE). Les sites contaminés par des déchets industriels sont considérés comme des ICPE, ce qui permet à l'administration d'user de sanctions pénales ou administratives à l'encontre du responsable.

1.1. La loi du 30 juillet 2003 et l’article 34-1 du décret 77-1133

Pour les installations classées au titre du code de l’Environnement, la législation pose le principe de la responsabilité entière et première des exploitants. La loi du 30 juillet 2003 pose le principe de la remise en état après cessation d’activités des terrains occupés par des installations classées en fonction de l’usage et fait intervenir, pour la détermination de l’usage pris en considération, une concertation entre l’exploitant, le propriétaire du terrain et les autorités chargées de l’urbanisme.

Pour les installations nouvelles, l’arrêté d’autorisation déterminera les conditions de remise en état. La concertation se déroulera au moment de la procédure d’autorisation. La mise en œuvre de cette disposition impose que l’exploitant recueille l’avis du propriétaire du terrain et des autorités chargées de l’urbanisme sur ce point.

Les dispositions législatives relatives à la cessation d’activité des installations classées. L’exploitant doit :

  • dès la cessation d’activité, mettre le site en sécurité ;
  • dans un second temps, lorsque des terrains susceptibles d’être affectés à un nouvel usage sont libérés, assurer la mise en œuvre de mesures de réhabilitation dont l’objectif est de rendre compatibles l’état du site et l’usage futur prévu.

Pour les sites pollués ne relevant pas du cadre des installations classées, il n’existe pas de police administrative spécifique visant la gestion des risques éventuels. Le rôle de l’État n’apparaît pas pouvoir aller au-delà des recommandations, sauf à ce qu’un péril imminent et avéré conduise l’autorité préfectorale à devoir se substituer au maire de la commune, compétent en matière de police générale de salubrité. Le propriétaire d’un site a toutefois, sur le plan civil, une responsabilité quant aux dommages que son site pourrait causer à autrui.

1.2. Intervention de l'Adème sur les sites pollués à responsables défaillants

L'action de l'Adème pour la remise en état des sites pollués englobe des missions confiées par l'État dans le cadre d'une maîtrise d'ouvrage.
Les missions de mise en sécurité des sites pollués à responsables défaillants apparaissent dans les deux textes portant la création de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) :

  • l'article L131-3 du code de l'Environnement ;
  • le décret d'application n°91-732 du 26 juillet 1991.

Ces deux textes définissent les champs d'action et les missions de l'Adème : « Cet établissement public exerce des actions [...] dans chacun des domaines suivants : - [...], la protection des sols et la remise en état des sites pollués ». Plus précisément, « [...] l'agence a pour mission de susciter, animer, coordonner, faciliter et le cas échéant, réaliser toutes opérations ».

2. Connaître et maîtriser les risques liés à l'environnement et à la santé

On dit qu’un sol est pollué lorsqu’il contient une concentration anormale de composés chimiques potentiellement dangereux pour la santé des plantes ou des animaux. La contamination se fait alors soit par voie digestive (consommation d’eau polluée par exemple), ou par voie respiratoire (poussières des sols pollués dans l’atmosphère).

2.1. Les causes possibles

Ce sont, la plupart du temps, les activités humaines qui sont à l’origine des pollutions des sols :

  • les installations industrielles peuvent, dans le cas d’une fuite, d’un accident, ou encore lors de l’abandon d’une usine, provoquer une pollution du site ;
  • l’épandage des produits phytosanitaires et les rejets des bâtiments d’élevage, des exploitations agricoles, sont également à l’origine de nombreuses pollutions des sols (notamment par l’azote et les phosphates), qui vont à leur tour amener la contamination des eaux de ruissellement, et par la suite celle des cours d’eaux ;
  • les actions des collectivités territoriales peuvent également être à l’origine d’une pollution des sols : gestion des décharges et des stations d’épuration, utilisation de produits phytosanitaires par les services des espaces verts, gestion de jardins partagés, etc. 

2.2. Les conséquences possibles sur la santé

L’évaluation des polluants présents dans le sol peut être réalisée par des mesures physiques ou chimiques (calcul de la concentration de polluants comme le mercure, le cuivre, le plomb, etc.), ou bien, par observation des indicateurs biologiques : biodiversité végétale et animale, etc.
En effet, ces polluants peuvent se retrouver dans l’air (poussières) et dans l’eau, où ils deviennent dangereux car potentiellement absorbés par les êtres vivants et donc, susceptibles d’avoir un impact sur leur santé :

  • certains métaux lourds et métalloïdes sont connus pour leur pouvoir neurotoxique ou cancérogène par ingestion et/ou inhalation ;
  • certains hydrocarbures, en particulier le benzène et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont reconnus pour leur effet CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique). En 2003, les HAP ont été rajoutés aux produits visés par la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants : ils ont été classés comme produits très préoccupants pour la santé ;
  • beaucoup de solvants halogénés ou leurs produits de dégradation sont reconnus comme substances très toxiques, toxiques et nocives, parfois cancérogènes (par exemple le trichloroéthylène ou le chlorure de vinyle). Ils peuvent causer divers troubles, notamment neurologiques aigus et chroniques, cutanéo-muqueux, hépato-rénaux, cardio-respiratoires et digestifs.

3. Actions menées au sein des collectivités territoriales

3.1. Actions préventives

  • Approfondir l’état des connaissances des milieux ;
  • Appliquer des plans de contrôle et de surveillance des résidus de pesticides ;
  • Consolider le dispositif de surveillance de l’état de santé des populations et approfondir la connaissance des effets sur la santé ;
  • Poursuivre la réduction de l’exposition des populations, assurer la qualité de la production alimentaire locale et soutenir les professionnels impactés ;
  • Gérer les milieux contaminés et assurer une bonne information de la population.

Les ICPE sont tenues avant leur mise en activité ou avant un changement ou une diversification de leur activité, de présenter un dossier en préfecture répertoriant toutes les nuisances et pollutions qu'elles sont susceptibles de provoquer ou émettre, et les moyens qu'elles comptent mettre en œuvre pour les prévenir et les réparer, le cas échéant.
Les ICPE qui cessent leur activité doivent remettre le site de l'installation dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article L 511-1 du code de l'environnement, ce qui comprend les nuisances « esthétiques » et qu'il permette un usage futur déterminé conjointement avec l'autorité compétente en matière d'urbanisme et le propriétaire du site.

3.2. Actions répressives

En cas de pollution des sols, le principe de base applicable est celui de pollueur - payeur.
Le principe du pollueur-payeur est le fait de faire assumer la charge (la charge utile -payload en anglais ; la charge payante- représente ce qui est effectivement transporté par un moyen de transport donné et qui donne lieu à un paiement ou un bénéfice non pécuniaire) financière de la prévention, de la réduction et de la lutte contre la pollution au pollueur. Dans cette optique, les équipements et produits polluants sont plus taxés que des produits dits écologiques. Et lors d'une pollution, le pollueur est censé assumer le nettoyage des zones contaminées.
En l'absence de diagnostic pollution des sols montrant la volonté du vendeur de se soustraire à ses obligations légales, l’État peut confier à l'Adème une mission de dépollution systématique, un recours juridique est alors systématiquement requis contre le responsable, ce recours est assorti de sanctions pénales et administratives. 

3.3. Les acteurs-clés en matière de pollution des sols

  • Le ministère chargé de l’Écologie. Son appellation actuelle est Ministère de la Transition écologique et solidaire
  • BASIAS (inventaire historique des sites industriels et activités de service).
  • BASOL (base des sites pollués ou potentiellement pollués qui appellent une action de l’administration).
  • Le BRGM : bureau de recherches géologiques et minières.
  • L'Institut national de l'environnement industriel et des risques.
  • Le Pôle de compétence sites et sédiments pollués.
  • Le Portail pour la gestion des sols et des eaux en Europe.
  • L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l’énergie (Adème).
  • L'institut national de veille sanitaire.

4. Techniques de traitement des sols pollués

Les techniques de traitement des sols pollués sont classées en quatre grandes catégories, tout comme les procédés de traitement de sol.

4.1. Les traitements par dégradation

Procédés biologiques : en apportant de l’oxygène, des engrais dans les sols, on développe les bactéries naturellement présentes dans les sols pour qu’elles détruisent la pollution. Ce type de traitement fonctionne très bien par exemple avec les hydrocarbures.

  • Procédés chimiques : on peut également apporter dans les sols ou les eaux souterraines des réactifs qui détruisent les polluants (oxydation, réduction...).

4.2. Les traitements par extraction

Extraction par la chaleur (traitements thermiques) : le sol pollué est chauffé. Les polluants contenus dans le sol se volatilisent. L’air chargé en polluants est brûlé. Le sol peut être réutilisé pour remblayer.

  • Extraction par un solvant, qui peut être de l’eau (traitement par lavage) : on « lave » les sols avec de l’eau ou avec un solvant. Les polluants sont entraînés dans le liquide, et les sols propres peuvent être réutilisés.
  • Extraction par séparation de la fraction fine des sols (traitement par lavage) : le lavage à l’eau permet de classifier un sol très finement (coupures à 50 µm ou à 80 µm par exemple). Les polluants étant généralement adsorbés sur les fractions fines, ils sont ainsi extraits avec ces fractions qui sont ensuite traitées suivant d’autres techniques. Cette solution est intéressante quand la proportion de fractions fines est faible (< 20 %, par exemple).
  • Extraction par aspiration (venting dans le cas des sols, stripping dans le cas des eaux souterraines) : on fait passer de l’air dans le sol ou dans l’eau. L’air se charge en polluants et il est ensuite traité ; le sol et / ou l’eau sont dépollués. Ces méthodes sont très efficaces sur les polluants volatils. Pour les eaux souterraines, lorsqu’une pollution par hydrocarbures ou par solvants chlorés s’infiltre dans le sol et atteint les eaux souterraines, on peut observer le produit qui reste en phase libre en tête (flottant, LNAPL) ou en fond (coulant, DNAPL) de nappe selon sa densité. Ces produits peuvent être extraits à l’aide de pompes sélectives ou par aspiration.

4.3. Les traitements par isolement

  • Confinement : les sols pollués sont stockés dans une alvéole et ils sont recouverts par des géo-membranes pour éviter la propagation de la pollution (transfert vers les nappes phréatiques, remontées de vapeurs, envol de poussières) vers les milieux environnants.
  • Inertage : le polluant est fixé par un liant à l’intérieur de la matrice.

4.4. Les traitements par oxydation

La technique consiste à dégrader totalement (minéralisation) ou partiellement (sous-produits plus biodégradables) les polluants par l'ajout d'agents oxydants tels que le peroxyde d'hydrogène associé au fer (Fenton), l'ozone, le permanganate et le persulfate de potassium ou sodium, etc.
Cette technique est le plus souvent utilisée pour le traitement de polluants organiques : BTEX, HAP, solvants chlorés, PCB, phénol...

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