1995-2018 : Nouvelles esthétiques, dispositifs alternatifs et innovations pédagogiques

Modifié par Julien Lenoir le 30 avril 2019

Par H. Alexandre, Directeur d’enseignement artistique
Dernière mise à jour : octobre 2018

Le choix du fil conducteur de la structuration des enseignements artistiques à partir de la musique n’a pas pour propos de poser l’histoire des enseignements liés à ces quatre domaines (musique, danse, théâtre et arts plastiques) comme univoque. Chaque domaine a ses logiques, contextes, liens aux milieux professionnels et académiques. Il n’en demeure pas moins que la structuration nationale en France de ces enseignements artistiques, tant pour ce qui relève des textes règlementaires, des financements, des questions sociales et de publics que pour la mise en place de filières de formations professionnelles et supérieures, a été posée pour et à partir du cas de la musique, globalement généralisée aux autres domaines. Les spécificités des enseignements en arts plastiques, quant à leur structuration, sont évoquées dans les deux fiches complémentaires d’octobre 2018. Nous noterons au titre des étapes majeures de cette histoire les ruptures avec les Académies des Beaux-Arts pour une orientation vers la création contemporaine dans les années 70, ainsi que la séparation d’avec les écoles d’architecture à cette même période du XXème siècle.

1. Retour synthétique sur plus de deux siècles de structuration des enseignements artistiques publics du spectacle suivant

Sous l’ancien régime, la transmission et l’apprentissage de la musique était l’apanage de l’église et de la cour, avec un maillage du territoire autour des paroisses. Cet enseignement apparaît principalement lié au fonctionnel.

La révolution de 1789 éradique toute référence au culte et à l’ancien régime et les débats de la Convention dès 1792 posent alors le constat d’un besoin de création de l’Institut National de musique (1793) devenu conservatoire national de Paris en 1795, ce pour permettre la formation de musiciens professionnels, essentiellement pour les orchestres militaires et les théâtres parisiens. Institution vouée à la propagation des orientations du nouveau régime, le conservatoire se trouve alors en peine de recrutement des jeunes talents à même de remplir ses rangs.

Entre 1826 et 1846, cinq écoles de provinces sont alors choisies pour devenir « succursales » du conservatoire, rejointes par d’autres villes pour leur établissement dans une construction pyramidale néanmoins pour l’essentiel à la charge financière des villes.

C’est donc toute une construction à vocation professionnelle qui se structure, en tous points dans l’esprit identique pour les autres arts avec, comme ultime perspective et légitimité, l’accès au conservatoire, opéra et école des beaux-arts parisiens.

En parallèle se développe au 19e siècle des sociétés musicales, initiatives de quelques philanthropes souhaitant tout à la fois faire de la France une nation musicienne, édifier le peuple, l’élever intellectuellement et socialement et diffuser l’idéal républicain dans les campagnes. Les mouvements orphéoniques et les harmonies se développent alors sur l’ensemble du territoire, véritables lieux avant l’heure de pratiques vocales et instrumentales amateurs.

Si le terme « orphéon » est quelque peu tombé en désuétude, le développement de l’industrialisation de la France au 19e siècle s’accompagne de celui des harmonies comme vecteur de lien social essentiel où se retrouvent ouvriers et employés. Les jeunes musiciens les plus méritants et talentueux issus de ces harmonies se voient alors promus, accèdent aux « succursales » en régions pour aboutir dans le cadre de l’excellence républicaine au conservatoire de Paris. La force de ce dispositif de promotion sociale est à noter, avec en particulier le constat à la fin des années 1970 que 70% des musiciens « vents » des orchestres parisiens, diplômés du conservatoire de Paris avaient fait leurs débuts au sein des harmonies du Nord et de l’Est de la France.

Les fondements de notre « culture » des enseignements artistiques publics sont dès lors posés à partir du début du 19ème siècle : des enseignements portant leur légitimité sur l’insertion des élèves au sein du conservatoire de Paris, alors même qu’une infime minorité des publics y accède et que les communes financent l’essentiel des charges des établissements.

Ce système pyramidal est celui que reprend le ministère des affaires culturelles à sa création en 1958, l’Etat étant depuis lors garant des orientations pédagogiques, de la structuration des établissements et enseignements, et en charge des inspections et habilitations.

2. L’émergence d’alternatives pédagogiques dans la deuxième moitié du 20e siècle

La première moitié du 20e siècle verra l’émergence en Europe de pensées et expérimentations posant d’autres alternatives aux méthodes d’apprentissages développées dans le cadre de l’instruction publique obligatoire. Les travaux de la psychologie appliquée au développement de l’enfant sont la base de ces innovations.

Un certain nombre de noms résonnent encore aujourd’hui et continuent de proposer au sein « d’écoles libres » des démarches pédagogiques alternatives, mettant l’enfant et son développement au cœur et acteur des apprentissages, en pratiquant ce qu’aujourd’hui nous appellerions des pédagogies différenciées.

Ainsi des écoles Freinet, Montessori ou Steiner ont pu se développer avec pour toutes une place importante réservée aux pratiques artistiques tout au long du parcours scolaire de l’enfant.

En écho à ces recherches et alternatives, des musiciens et pédagogues vont interroger pour la première fois les fondements de la pédagogie musicale, dans ce qui sera qualifié à partir des années 1950 de « méthodes actives ». Nommons à titre d’exemple :

  • Edgar Willems (1890-1978), associe dans sa démarche développement de l’oreille musicale, sens du rythme, chant et mouvement corporel à travers toute une progression dès l’âge de 3 ans tenant compte du développement des diverses facultés de l’enfant.
  • Emile Jacques Dalcroze (1865-1950) pose les fondements d’une méthode d’apprentissage associant le mouvement corporel au mouvement musical au sein des apprentissages en rythmique, solfège et improvisation.
  • Maurice Martenot (1898-1980), au-delà de sa pratique de musicien et de recherche dans le champ des sciences et de l’art, s’attacha à appliquer les dernières données de psychopédagogie à l’enseignement de la musique.
  • Zoltan Kodaly (1882-1967) posait la pratique du chant comme première à toute pratique musicale pour tous, afin de détacher la pratique de la musique de la pratique instrumentale envisagée dans un second temps.
  • Carl Orff (1895-1982) rapproche les apprentissages musicaux et chorégraphiques avec le support de petits instruments de percussions dits « instrumentarium Orff ».

Tous posaient de fait à travers la diversité de leurs démarches le droit à l’enseignement musical comme droit de chaque être humain, l’apprentissage de la musique et sa pratique ne devant pas être l’apanage de ceux qui auraient un don. C’est l’acte de naissance de la notion de « pédagogie musicale » et de réflexions sur les méthodes et conditions de réalisation des apprentissages.

Ont alors éclos au sein des conservatoires de nombreuses propositions liées à ces « méthodes actives », mais réservées le plus souvent aux classes d’éveil musical, prélude aux apprentissages traditionnels. Elles ont marqué les enseignements depuis les années 1960 et ont contribué fortement aux réformes des apprentissages, à la place de la « formation musicale » en lieu et place du solfège en 1977, à l’apparition des notions de cycles d’apprentissages, à la fin du préalable des années de solfège avant toute pratique instrumentale et à l’instauration de transversalités entre pratiques corporelles, chorégraphiques et instrumentales.

3. La crise des établissements depuis la fin du 20e siècle et l’émergence des discours sur les pratiques amateurs

Si les initiatives pédagogiques et les orientations ministérielles ont été constantes et dynamiques en cette fin de 20e siècle, force est de constater que les représentations et pratiques sur le terrain et au sein des établissements évoluent lentement. Alors que la création de la fête de la musique en 1982 marque une ère de prospérité pour les conservatoires et écoles de musique qui ne peuvent répondre aux demandes, la fin des années 90 marque un net essoufflement.

Tels que décrits dans les rapports annuels du ministère de la culture (départements des études et de la prospective - DEPS), les établissements concernent toujours les mêmes types de publics malgré une volonté et de forts investissements pour aller vers une démocratisation culturelle. Par ailleurs, de nombreux conservatoires sont alors confrontés à une baisse de la demande, ce pour beaucoup en regard de l’absence de mises en cause des démarches pédagogiques et de postures de citadelles sur leurs territoires.

Le tissu associatif et sa dynamique liée aussi aux esthétiques et démarches pédagogiques proposées interrogent en parallèle les élus locaux qui voient les charges liées à leurs conservatoires croître (mise en place de la filière culturelle en 1991 et schémas d’orientation pédagogique de 1992/1996) et la demande faiblir.

4. L’intégration des nouvelles esthétiques et approches pédagogiques réformées comme élément de réponse : de l’expérimentation à l’inscription structurelle sur les territoires

4.1. L’intégration des nouvelles esthétiques au sein des établissements

Cette situation et la remise en question des établissements dans leur ensemble dès les années 2000 se sont additionnées aux travaux et aux démarches de reconnaissance institutionnelle proposés par des fédérations musicales rassemblant les structures de statut associatif. Citons à ce titre la FNEIJMA qui représente un large panel des pratiques d’enseignement des musiques actuelles et qui aura un rôle essentiel d’interlocuteur des acteurs historiques des enseignements artistiques.

L’ouverture à de nouvelles esthétiques est alors promue au sein des établissements, accompagnée par le ministère et la création de CA et DE de musiques actuelles, musiques traditionnelles, travaux sur les danses urbaines, autant de champs esthétiques alors l’apanage du tissu associatif et de la transmission orale pour beaucoup.

Juxtaposition d’offres ou réelle intégration au sein de démarches pédagogiques partagées : suivant les établissements et leurs projets, toutes les options seront présentes sur le territoire national. La cohabitation des tenants de la légitimité des musiques savantes, du conservatoire en lieu de transmission d’un patrimoine et de ceux des expressions populaires « actuelles » ou liées à l’oralité va parfois se muer en collaborations et partage des démarches pédagogiques transformant en profondeur les dispositifs pédagogiques, les cursus et les modalités d’évaluation de l’élève au sein de ces établissements. 

4.2. Interdisciplinarité, transversalité

La création contemporaine dans ce début du 20e siècle interroge les cloisonnements en domaines et disciplines. Musique, danse, théâtre, vidéo, arts de la rue, cirque, autant de champs que l’on retrouve intrinsèquement liés sur les scènes dans tout ce qui relève de la création. La transformation de la « direction de la musique, du théâtre et du spectacle vivant » en « direction générale de la création artistique » au sein du MCC en est la traduction institutionnelle la plus forte.

Si l’entrée disciplinaire demeure majoritaire, les cursus de formation des élèves et de nombreux parcours individualisés au sein des établissements prônent et organisent ces croisements et interdisciplinarité, dans une réelle transversalité de domaines.

Les départements « instrumentaux » cèdent alors la place à des départements liés aux « arts de la scène » ou à des cycles d’apprentissage impliquant enseignants en musique, danse et théâtre.

4.3. Nouvelles organisations pédagogiques au sein des établissements : de l’expérimentation à la structuration

Les représentations de ce que sont les conservatoires étant tenaces, bien des établissements innovants expérimentent et structurent depuis de nombreuses années leurs offres en questionnant sans relâche leurs pratiques sans réel écho.

Au-delà des questions de transversalité et transdisciplinarité des pratiques, les démarches identifiées sur le territoire national portent certaines constantes :

  • passer du cursus unique et ses étapes à des parcours différenciés et de plus en plus individualisés en regard des attentes et objectifs fixés « avec » les publics inscrits et non pas « pour » eux,
  • prioriser la place de l’équipe enseignante concernée par l’élève comme première dans l’avis et l’évaluation de son parcours. L’enseignant de la discipline « dominante » et le jury extérieur ne sont plus la seule référence, le « conseil d’enseignants » et ses déclinaisons locales investissant cet espace au premier plan,
  • baser l’affectation de l’élève et l’organisation de son parcours de formation sur une entrée par le collectif, le groupe, l’ensemble, la classe, au-delà de l’entrée instrumentale et de la nomenclature traditionnelle des pratiques collectives,
  • concerner la famille et l’environnement direct de l’enfant pour en faire un réel partenaire de son parcours et de sa construction,
  • oser de nouvelles modalités temporelles et pratiques d’exercice professionnel des enseignants dans le respect de leur cadre d’emploi et des textes d’orientations pédagogiques de référence,
  • muter d’une pratique d’expérimentations ponctuelles à une structuration administrative, pédagogique, financière et patrimoniale des établissements qui sont le reflet des orientations fortes inscrites dans les projets d’établissements.

Si un élément devait être emblématique de ces évolutions pédagogiques, ce sont bien les projets architecturaux et bâtiments de ces conservatoires ces quarante dernières années. La devise pourrait être « dis-moi comment est le bâtiment de ton conservatoire, je te dirai quel est ton projet pédagogique ! »

Partant des conservatoires additionnant petites salles de cours individuels, avec une grande salle d’orchestre, peu d’espaces pour le théâtre et la danse (pensée des années 70 pour des bâtiments construits dans les années 80), l’évolution des années 90/2000 porte des établissements constitués autour de salles de taille moyenne permettant des regroupements ponctuels, des travaux de groupe, une multiplicité de configurations, avec pour les projets des années 2010/2020 une spatialisation des surfaces d’échanges entre domaines artistiques et modularités ainsi que les espaces et outils pour le travail d’équipe à demeure des enseignants des établissements.

5. Quand l’offre se renouvelle hors des établissements

Malgré les efforts et mutations opérées depuis plus de vingt ans, la représentation des conservatoires n’a que peu évolué dans l’esprit du grand public mais aussi dans l’analyse des offres effectives de nombreux établissements et ce depuis des décennies.

Le rapport de Didier Lockwood du 20 avril 2010 remis au ministre de la culture Frédéric Mitterrand marque en ce sens un rappel du peu d’évolution réelle des publics et des pratiques et a pu susciter de vives réactions des professionnels, à l’heure où la question de la légitimité de la dépense publique pour ces établissements est posée par les élus locaux.

Cette analyse a aussi été précurseur du désengagement de l’Etat auprès des établissements, d’autres priorités liées à la démocratisation des pratiques et à l’éducation artistique et culturelle étant alors posées.  

De « nouveaux » projets sont alors mis en avant, posés non comme une alternative aux conservatoires mais comme un complément d’offre s’appuyant sur les acteurs locaux, les collectivités territoriales et leurs opérateurs.

5.1. « Orchestre à l’école »

Initié en 1999 par la Chambre Syndicale de la Facture Instrumentale, la mise en œuvre du projet voulait répondre à une double problématique : la pratique instrumentale était jugée sur le déclin avec une perte d’effectifs des conservatoires et écoles de musique d’une part, d’autre part une économie de la musique en difficulté.

Le principe fondateur de l’Orchestre à l’école est la transformation d’une classe entière en orchestre pendant 3 ans (en primaire ou au collège). L’orchestre devient une matière à part entière et les enfants reçoivent en moyenne une heure de cours d’instrument et une heure de cours d’orchestre par semaine en temps scolaire. Les professeurs d’écoles de musique ou de conservatoires se déplacent au sein des établissements scolaires et travaillent en étroite collaboration avec les professeurs de l’Education Nationale.

Les élèves qui pour la majorité d’entre eux n’ont jamais fait de musique jouent dès le début en orchestre et apprennent en parallèle la lecture de la musique et la technique instrumentale.

Le dispositif se base sur un partenariat impliquant toujours – théoriquement – un établissement scolaire, un conservatoire ou une école de musique et des collectivités territoriales.

Les éléments déterminants du projet : une volonté de réponse à la crise des conservatoires et de leur attractivité à l’aube du 21e siècle ; l’innovation pédagogique (à l’époque) ne posant aucun préalable à la pratique instrumentale ; un partenariat fort entre établissements scolaires, conservatoires, collectivités et facteurs d’instruments ; la possibilité de concerner des publics qui ne franchiront pas les portes des conservatoires.

5.2. « El sistema » / « Demos »

El Sistema est une politique d’éducation musicale initiée en 1975 et développée au Venezuela par José-Antonio Abreu, économiste et musicien, qui ne supportait plus de voir les enfants des rues de Caracas laissés pour compte. Plus de 700 000 jeunes répartis dans 371 centres académiques ont trouvé des repères grâce au Sistema ; certains sont devenus acteurs ou moteurs des trois cents orchestres symphoniques de jeunes qui essaiment dans le pays. Les meilleurs musiciens de ces orchestres composent l’orchestre de jeunes Simon Bolivar de Caracas, dirigé par Gustavo Dudamel dont les tournées dans le monde et le succès de chef ont contribué à la reconnaissance de ce projet.

En 2010 l’association El Sistema France voit le jour, basée sur une équipe de bénévoles et la mise en œuvre d’une expérience pilote en région nantaise. Les principes en sont de regrouper des enfants choisis sur des critères sociaux, sans aucune connaissance musicale qui vivent un apprentissage sous toutes ses formes en immersion au sein de l’orchestre. Sont relevées dans ce cadre les évolutions notables en termes d’apprentissages généraux et les comportements scolaires des enfants investis dans ce dispositif.

DEMOS, Dispositif d’Education Musicale et Orchestrale à vocation Sociale, reprend de fait l’esprit et les attentes posées par El Sistema et ce à partir de 2010. La Cité de la Musique à Paris devenue Philharmonie de Paris en est le porteur institutionnel, avec un très fort soutien du ministère de la culture et un engagement fort et direct de la ministre accompagné d’un groupe d’entreprises mécènes.

Destiné à des enfants ne disposant pas pour des raisons économiques sociales et culturelles d’un accès facile à la pratique de la musique, DEMOS poursuit quatre objectifs principaux : lever les freins sociaux et culturels liés à la pratique musicale ; proposer un dispositif complémentaire des institutions existantes ; contribuer au développement personnel des jeunes ; créer une dynamique territoriale innovante.

Ainsi, chaque enfant se voit confier un instrument et suit quatre heures de cours par semaine hors temps scolaire dans la structure sociale qu’il a l’habitude de fréquenter.

L’encadrement est assuré par deux musiciens professionnels et un travailleur social, par groupes de 15 enfants qui travaillent sur une même famille d’instruments, avec des temps personnalisés par groupes de 2/3 enfants.

Les éléments déterminants du projet : entrée par le champ social en intervenant dans le milieu d’origine de l’enfant ; implication des familles ; encadrement professionnel important et très structuré s’appuyant sur les artistes du territoire ayant une appétence pour de nouvelles formes d’action pédagogique ; des partenariats et des soutiens de collectivités et opérateurs privés importants.

Compte tenu de l’ampleur et des objectifs affichés de ce dispositif, soit d’ici 2019 la constitution de 30 orchestres concernant 3000 enfants à divers titres sur 8 régions, une évaluation argumentée de l’efficience des moyens engagés se pose. Dès à présent sont mis en avant et étudiés les impacts sur les enfants et leurs familles, impacts sur les pratiques professionnelles et sur les politiques territoriales, en allant vers des études suivies sur des quantités d’enfants observés en forte croissance. N’en demeure pas moins la réalité des coûts/enfant/an du dispositif qui, au-delà des 2.600 à 3.000 euros affichés et ce à reconduire pour les 3 ans du dispositif pour 1 enfant, voit les coûts en agents des centres sociaux, transports, restant à la charge des collectivités non mis en valeur dans le cadre de ces premiers bilans. C’est donc assez légitimement que sont posés certains comparatifs de coûts avec d’autres propositions portées par les acteurs des territoires, conservatoires ou autres dans des dispositifs innovants à entrées sociales, mais aussi de « l’après DEMOS », passées les 3 années de dispositif très largement financé par l’Etat qui remet ensuite les collectivités en seules porteuses d’initiatives et suites potentielles ou généralisations de propositions du même ordre.  

5.3. « Création en cours »

Tel qu’énoncé par Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, et Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication lors du lancement de l’appel à candidatures "Création en cours" ( communiqué de presse du 19 octobre 2016) : "Création en cours" vise à renforcer la présence artistique en milieu scolaire et permet aux enfants du cycle 3 (CM1, CM2, 6ème) de partager une expérience de création de longue durée avec un artiste. Ainsi l'appel à candidatures permettra d'installer 100 jeunes artistes issus de toutes les disciplines (spectacle vivant, arts plastiques, cinéma et audiovisuel, livre, architecture, photographie, mode, arts numériques, etc.) en résidence dans les écoles et collèges les plus éloignés de la culture : quartiers prioritaires, territoires ruraux et périurbains, outremer ».

Issu des priorités de la loi LCAP, cette démarche pose pour la première fois une relation forte entre établissements scolaires, artistes créateurs (et non plus interprètes ou enseignants) et établissements supérieurs relevant du MCC.

Les jeunes artistes retenus se voient dotés d’une bourse de résidence, après le dépôt d’un projet en partenariat avec l’établissement scolaire.

Les éléments déterminants du projet : un focus sur les jeunes créateurs issus de l’enseignement supérieur sous contrôle du MCC ; l’affirmation de la création comme constitutive du parcours de formation et d’éducation de l’enfant en temps scolaire.

5.4. Constantes – éléments d’analyse

Si elles s’énoncent comme complémentaires et alternatives aux propositions des conservatoires, le succès rencontré par ces démarches en regard des objectifs fixés interroge très directement la communauté des établissements d’enseignement artistique, enseignants, directeurs, mais aussi élus et collectivités territoriales dans leur ensemble.

Elles n’ont pu se développer qu’en s’appuyant sur la permanence d’artistes vivant et travaillant sur ces territoires, artistes qui pour la quasi-totalité d’entre eux sont des enseignants des établissements d’enseignement artistique. C’est bien ici cette situation statutaire et matérielle qui leur permet de se fixer sur ces territoires et de répondre à ces appels à projet et interventions.

Toutefois, des réactions de réserve, voire de rejet, ont pu être observées par ces professionnels. Elles peuvent tout autant s’expliquer par une forme de conservatisme que par la difficulté à se projeter dans des démarches pédagogiques pour lesquelles il n’ont pas été formés, ce en dehors du cadre habituel de leur établissement d’exercice. Fortement soutenus par l’Etat et des entreprises, ces dispositifs pourraient laisser penser qu’ils offrent aujourd’hui à moindre coût une réponse en termes de démocratisation des pratiques artistiques et de l’éducation artistique et culturelle, à l’heure de grandes fragilisations des finances publiques locales.

La qualité de ces démarches tient pour beaucoup à celle de l’encadrement de ces projets et leur professionnalisme : tout encadrement et frais nationaux et locaux confondus, un enfant inscrit dans le projet DEMOS représente un coût annuel de 2.500 à 3.000 euros, soit bien au-delà d’un élève de cycle 1 d’un conservatoire local.

Sauf à s’impliquer pleinement dans cette réflexion et analyser les conditions du succès de ces projets pour en faire émerger les leviers de leur mutation, les conservatoires peuvent sembler aujourd’hui en danger de marginalisation. Les reports successifs des concours d’enseignants de la fonction publique territoriale renforcent cette inquiétude et la valide, toute une filière et donc des territoires se trouvant à termes sans compétences pérennes présentes au plan local. Vision de court terme pour tous, les priorités nationales et financements par projets étant par essence de court à moyen termes quand toutes ces démarches s’appuient sur des compétences locales pérennes en présence pour se développer.

Tags :
    
© 2023 CNFPT