Par Frédérique Thomas

Dernière mise à jour : juillet 2018

1. Propos liminaires

Les relations enseignants-élèves sont au centre de l’expérience éducative des apprenants. La relation entre un élève et son enseignant est un facteur clé de la réussite scolaire, particulièrement chez les plus jeunesLe lien éducateur élève se construit progressivement et cette relation éducative s'exerce différemment de celle des parents, tout simplement parce que pour l'enfant, l'éducateur reste un professionnel et n'occupe pas la même place subjective et symbolique.

Il existe différents types de relations entre les élèves et leurs enseignants, mais ce sont surtout les facteurs qui influencent cette relation qui sont à envisager de manière plus précise.

2. Les types de relations enseignants/ enseignés

Il existe différentes façons de travailler avec les élèves. Parmi celles-ci :

  • La relation directive : l'éducateur impose ses propres règles au groupe. C’est une relation à sens unique où l'adulte est prédominant. Les étapes de la tâche sont imposées au groupe ainsi que les techniques.
  • La relation non directive : c’est l'enfant qui décide; mais il y a un cadre. L'éducateur fournit des matériaux variés et laisse le groupe travailler selon ses envies ; l’enfant est placé au centre de l'éducation. L'éducateur doit savoir observer car c'est au cours des opérations libres que l'enfant s’exprime véritablement.
  • La relation démocratique : c'est l'éducateur qui fournit la perspective des différentes étapes. L'éducateur suggère une activité; mais c'est le groupe qui décide. Cette situation permet d'établir une situation de communication et de confiance entre l‘éducateur et l'élève, afin qu'il y ait un échange fructueux entre ces deux acteurs.

3. Les facteurs au cœur de la relation enseignant/enseignés

Les facteurs qui influencent cette relation sont nombreux et on peut les répartir en trois grandes familles : ceux liés à l’élève, ceux liés à l’enseignant, ceux liés au contexte scolaire.

3.1. Les facteurs propres à l’élève

Les élèves cumulant de nombreux facteurs de risque dans leur environnement familial perçoivent un plus faible niveau de soutien de la part de leurs enseignants, ce qui a un effet négatif sur leur engagement et leur rendement scolaire. En réalité, les difficultés comportementales vécues par les jeunes dans le milieu scolaire sont souvent associées à l’établissement d’une relation enseignant /élève négative. En outre la présence d’un retard scolaire chez un grand nombre de ces jeunes affecterait aussi négativement la relation enseignant élève.

Par contre, les élèves présentant de bonnes habiletés sociales auraient des interactions positives avec les enseignants, ces derniers interprétant les interactions positives comme étant un signe non seulement de compétence sociale, mais aussi comme un signe de compétence intellectuelle. Enfin, les élèves qui veulent être approuvés par leur enseignant ont tendance à adopter des comportements d’effort et de dépassement de soi lorsqu’ils réalisent des tâches scolaires.

3.2. Les facteurs propres à l’enseignant

Tout comme l’élève, l’enseignant aborde sa classe avec son propre vécu relationnel qui reflète ses émotions et ses attentes concernant les interactions avec les élèves et il déploie des stratégies motivationnelles à l’image de son propre style d’attachement.

L’image que l’enseignant a de lui-même quant à son sentiment d’efficacité et à ses compétences d’éducateur a une influence sur les interactions qu’il entretient avec ses élèves. Il est assez clair que le stress vécu par l’enseignant en classe a souvent un impact négatif sur ses interventions avec les élèves. Il aborde son rapport aux élèves avec ses croyances à propos de la nature de l’école, des connaissances et de l’apprentissage, des habiletés des enfants ainsi que de leurs motivations et de leurs chances de réussite. La perception qu’a l’enseignant des élèves aurait une incidence sur la qualité et le type de relation qu’il établit avec eux. Autrement dit, les croyances de l’enseignant façonnent non seulement la qualité de ses interactions avec les élèves, mais également la qualité de son enseignement.

3.3. Les facteurs propres au milieu scolaire

La relation enseignant élève est influencée par les structures dans laquelle ils évoluent comme :

  • le statut de l’école publique ou privée,
  • la taille de la classe, petit groupe, grand groupe
  • la composition de la classe, homogène ou pas
  • le climat de l’école : sentiment de sécurité ou pas

Autrement dit une relation enseignant /élève positive se traduit :

  • Au niveau de l’engagement et de la réussite scolaires de l’élève par :
    • l’amélioration de la participation en classe
    • une attitude positive envers l’école
    • une motivation accrue
    • un bon engagement
    • de meilleurs résultats scolaires
    • une persévérance dans les études
    • la diminution du risque de décrochage scolaire
  • Au niveau du bien-être psychologique et émotionnel de l’élève  par :
    • une source d’attachement sécurisant
    • une diminution des symptômes dépressifs
    • une augmentation de l’estime de soi
    • une réduction du sentiment de détresse
    • un meilleur contrôle des émotions et des pensées
  • Au niveau des problèmes de comportement et habiletés sociales par :
    • moins de problèmes de comportements
    • une réduction des risques de déviance et d’adoption de comportements violents
    • une utilisation de comportements proactifs
    • de meilleures compétences sociales
  • Au niveau de la transition primaire/secondaire par :
    • une transmission facilitée par une relation positive
    • une meilleure adaptation aux niveaux social et émotionnel
    • une diminution du stress
    • une diminution du risque de présenter des difficultés d’adaptation

Enfin, une influence positive de la part de l’enseignant se développe par le type de soutien offert c’est-à-dire :

  • un soutien émotionnel : facteur prédictif significatif des compétences sociales et scolaires des élèves,
  • un soutien à l’autonomie : une bonne gestion de l’équilibre entre le besoin de structure et d’autonomie augmente chez les élèves leur responsabilisation, leur motivation intrinsèque et leur sentiment de compétence,
  • par une relation chaleureuse : être humain, encourager et être engagé,
  • un traitement équitable et des interactions respectueuses,
  • une attitude qui démontre une reconnaissance de l’individualité de l’élève de ses habiletés, de ses difficultés et de sa contribution en classe.

Cette influence positive se traduit par un mode de communication ouvert, permettant de s’exprimer de façon authentique : le ton de la voix fort mais posé, le fait de faire face aux élèves, le contact visuel et une voix empathique.

  • A savoir : l’effet Pygmalion1

« Dès que les professeurs commencèrent à le traiter en bon élève, il le devint véritablement : Pour que les gens méritent notre confiance, il faut commencer par la leur donner » Marcel Pagnol

L’effet Pygmalion consiste à effectuer des hypothèses sur le devenir scolaire d’un élève et les voir effectivement se réaliser. Autrement dit, en croyant qu’une chose est vraie, on peut la rendre réelle…Ou encore les attentes du maître vis-à-vis de la réussite des élèves se traduisent par des comportements subtils dont l’influence sur les résultats des enfants est loin d’être négligeable. Ce qui peut se résumer ainsi :

  • dans une classe donnée, les enfants dont le maître attend davantage feront effectivement des progrès plus grands.

Depuis la publication de l'ouvrage de Rosenthal et Jacobson sur l'effet Pygmalion à l'école, la question de savoir si les préjugés des enseignants influencent les productions des élèves est posée. Il est par ailleurs très important de rappeler que les enseignants ne sont pas conscients des différences de comportements qu'ils opèrent en fonction des élèves. On sait aujourd'hui que les élèves appartenant à des groupes dits stigmatisés réussissent moins bien l'école. (exemple : les enfants d'origine modeste, les enfants d'origine étrangère). Les élèves appartenant à ces groupes ont tendance à être moins performants au niveau scolaire. Les recherches sur cette thématique indiquent que ces croyances sont largement partagées y compris par les individus qui les rejettent.

Pour prendre un exemple concret, un enseignant qui va être affecté en Zone d'Education Prioritaire (ZEP) va sans nul doute avoir quelques appréhensions.

Il va en fait s'attendre à être confronté à des élèves en grandes difficultés scolaires. La théorie sur l'effet Pygmalion permet d'avancer la possibilité que la moindre réussite scolaire des élèves stigmatisés puisse en partie s'expliquer par les « a priori » moins positifs de l'enseignant à leur égard.

Pour expliquer l'effet Pygmalion, on peut le schématiser comme suit:

  • une personne a une attente concernant les capacités d'une autre
  • elle agit de manière conforme cette attente
  • la personne cible et interprète le comportement de la personne source
  • sur la base de cette interprétation, la personne cible répond au comportement de la personne source
  • la personne source interprète le comportement de la personne cible
  • la personne cible interprète son propre comportement

Et cela devient un cercle sans fin….

Les attentes concernant les capacités d'un élève peuvent être élaborées dès la première rencontre selon différents critères: le genre, l'apparence physique, la classe sociale, l'origine ethnique, les performances antérieures.

Rosenthal a élaboré "la théorie des quatre facteurs" qui se réfère aux quatre aspects de l'interaction élèves-enseignants:

  • le climat créé par l'enseignant
  • le temps et l'attention qu'il accorde à l'élève
  • les opportunités qu'il lui offre pour s'exprimer
  • la qualité des renforcements : punitions /récompenses

En observant les enseignants, on s’aperçoit qu'ils imposent un traitement particulier aux élèves qu'ils jugent moins capables. Les recherches ont répertorié les caractéristiques suivantes dans leurs interactions :

  • les enseignants acquiescent moins souvent avec les élèves qu'ils jugent plus faibles. On observe également qu'ils se maintiennent à une distance plus importante, qu'ils les regardent moins souvent dans les yeux, qu'ils les soutiennent moins lors de leur éventuelle prise de parole.
  • les élèves jugés faibles se voient offrir moins d'opportunités pour apprendre En effet, on les interroge moins souvent et des contenus moins complexes leur sont préférentiellement enseignés.
  • les enseignants persistent davantage avec les élèves qu'ils jugent "bons" en leur fournissant plus d'indices pour trouver une solution à un problème et les questions de l'enseignant sont davantage reformulées.
  • certaines recherches montrent également que ces élèves jugés "bons" disposent de plus de temps pour répondre.

Pour finir, les recherches attestent également que les élèves jugés faibles sont plus souvent critiqués pour leurs erreurs et moins récompensés pour leurs succès. En réalité, une attente positive ou négative concernant les capacités d'un élève se traduit par une modification du comportement de l'enseignant à son égard.

  1. ^ Rosenthal et Jacobson (1968), L'effet Pygmalion : Je pense donc tu es (résumé de l'expérience de Rosenthal et Jacobson en milieu scolaire).
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