Etablissement non contentieux de la filiation par le sang

Modifié le 16 mai 2023

Famille :

Les concours de la FPT

Par Frédéric ARCHER, Docteur en droit privé et sciences criminelles, Maître de conférences H.D.R. Université Lille 2, Codirecteur de l'Institut de criminologie de Lille.
Dernière mise à jour : février 2019

 

La filiation désigne le lien juridique de parenté entre l’enfant et ses parents. Le droit de la filiation a fait l’objet d’une importante réforme par l’ordonnance du 4 juillet 2005 entrée en vigueur le 1er juillet 2006. Ce texte a été ratifié par la loi du 16 janvier 2009 qui a opéré des modifications substantielles par rapport aux dispositions initiales.

La filiation peut être établie de plusieurs manières différentes :

  • par l’effet de la loi ;
  • par un acte de reconnaissance volontaire ;
  • par la possession d’état (qui correspond à la constatation d’une situation de fait) ;
  • par décision de justice.

Dès qu’elle est établie, les enfants disposent des mêmes droits et devoirs vis-à-vis de leurs parents que ceux-ci soient mariés ou non. Ils jouissent donc d’une égalité parfaite sur le plan de leur statut.

Attention : la loi interdit l’établissement du lien de filiation à l’égard des deux parents si ceux-ci sont unis par un lien de parenté. Dans une telle hypothèse le lien de filiation n’est donc établie qu’avec un des parents afin de ne pas consacrer ni reconnaître d’effets à une relation incestueuse.

Le droit de la filiation utilise la présomption légale de conception afin de faciliter la détermination du lien. Le Code civil considère à ce titre que l’enfant a été conçu pendant la période qui s’étend du 300ème jour au 180ème jour inclusivement avant la date de naissance ; ce qui correspond à une période de 6 à 10 mois avant la naissance.

1. Etablissement de la filiation par l’effet de la loi

La loi permet d’établir le lien de filiation sans avoir besoin d’accomplir des formalités spécifiques particulières.

  • 1er cas : pour établir le lien de filiation avec la mère :

La désignation de l’identité de la mère dans l’acte de naissance de l’enfant suffit à établir le lien de parenté. Cette disposition s’applique que la mère soit ou non mariée.

  • 2ème cas : pour établir le lien de filiation avec le père :

Il faut ici opérer une distinction selon que le père soit ou non marié avec la mère.

Si le père est marié avec la mère :

Afin d’établir le lien de filiation, il faut, dans cette hypothèse, utiliser la présomption de paternité qui consiste à supposer que l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari de la mère.

Il demeure en effet logique que le mari de la mère soit supposé être le père de l’enfant compte tenu des devoirs et obligations du mariage (en particulier l’obligation de communauté de vie et la fidélité).

Il s’agit toutefois d’une présomption simple c’est-à-dire qu’il demeure possible d’en apporter la preuve contraire voir d’en écarter l’application dans trois hypothèses faisant référence à la présomption légale de conception (expliquée en introduction de cette fiche) :

- lorsque l’enfant est né + de 300 jours après la date, soit de l’homologation de la convention de divorce, soit de l’ordonnance de non conciliation ;

- lorsque l’enfant est né – de 180 jours depuis le rejet définitif de la demande en divorce (ou en séparation de corps) ou depuis la date de la réconciliation ;

- lorsque l’acte de naissance de l’enfant ne désigne pas le mari en qualité de père (en pratique : déclaration de naissance sous le nom de jeune fille de la mère) dès lors que l’enfant n’a pas la possession d’état (donc de lien social) à l’égard du mari de la mère, situation qui permet de rétablir la présomption de paternité.

Remarque : la présomption de paternité écartée dans ces trois situations peut être rétablie par la réussite d’une action en justice qui prouverait, après expertise, que le mari de la mère est le véritable père de l’enfant (article 315 du Code civil). La demande peut être présentée en justice pendant la minorité de l’enfant, à défaut, celui-ci peut également agir pendant les dix années qui suivent sa majorité (donc jusqu’à 28 ans).

Si le père n’est pas marié avec la mère :

En l’absence de lien matrimonial entre le père et la mère de l’enfant il s’avère impossible d’avoir recours à la présomption de paternité.

Le lien de filiation paternel doit donc être établi par un acte de reconnaissance.

2. Etablissement de la filiation par la reconnaissance

La reconnaissance est définie comme un acte authentique, personnel et individuel par lequel, un homme ou une femme affirme être le père ou la mère.

C’est un acte unilatéral qui peut concerner un enfant né ou simplement conçu (on parle dans ce dernier cas de reconnaissance ante natale qui produira des effets juridiques lorsque l’enfant naîtra vivant et viable).

Si en théorie l’acte de reconnaissance peut aussi être effectué par la mère de l’enfant pour établir le lien de filiation entre elle et l’enfant, en pratique ce procédé est dénué d’intérêt en raison de l’établissement par l’effet de la loi dès lors que la mère est désignée comme telle dans l’acte de naissance.

L’acte de reconnaissance peut être reçu :

  • par l’officier de l’état civil (directement contenu dans l’acte de naissance ou par acte séparé faisant l’objet d’une mention marginale portée sur l’acte de naissance).
  • par un notaire (dans un testament ou un contrat de mariage ou encore par acte séparé).

L’acte de reconnaissance doit comporter la mention selon laquelle son auteur a été informé du caractère divisible du lien de filiation. Cette exigence formelle réaffirme le caractère personnel et individuel de l’acte. Elle permet d’insister sur le fait qu’il ne produit effet (et donc établi le lien de filiation) qu’à l’égard de celui qui le souscrit à l’exclusion de l’autre parent.

Attention : la loi n’impose aucun délai pour reconnaître un enfant.

La reconnaissance est irrévocable (celui qui l’a souscrit ne peut pas revenir devant celui qui l’a reçu pour lui expliquer qu’il a changé d’avis). Elle demeure en revanche contestable en justice (y compris à la demande de son auteur qui souhaiterait par exemple se délier d’une reconnaissance mensongère).

3. Etablissement de la filiation par la possession d’état

La possession d’état c’est concrètement une personne physique qui va passer publiquement pour être dans une situation ou avoir un état (au sens juridique du terme -état des personnes-) donné.

Exemple en matière de filiation : si la possession d’état est caractérisée, l’enfant X passe publiquement pour être le fils de M. X. Cela permet d’établir le lien de filiation.

Afin d’être en mesure de caractériser la possession d’état, le Code civil impose de réunir suffisamment de faits de nature à révéler le lien de filiation entre une personne et une autre personne ou une famille à laquelle celle-ci est considérée appartenir.

La loi fixe donc des conditions d’existence à la possession. Pour caractériser l’existence d’une possession d’état il faut donc réunir suffisamment d’éléments parmi les 3 principaux proposés par le législateur à savoir :

  • le TRACTATUS : l’intéressé doit avoir été traité par celui ou ceux dont on le dit issu comme leur enfant et inversement ;
  • la FAMA : l’intéressé doit être considéré comme l’enfant de cette ou ces personnes par la famille, la société et l’autorité publique ;
  • le NOMEN : l’intéressé doit porter le nom de celui ou ceux dont on le dit issu.

A l’inverse des conditions d’efficacité, il ne s’agit pas de cumuler ses 3 principaux éléments mais d’en réunir suffisamment aux yeux du juge afin qu’il considère l’existence d’une possession d’état (l’existence d’un lien social) afin d’établir la filiation.

La loi fixe également des conditions d’efficacité à réunir cette fois cumulativement :

Pour produire ses effets juridiques, la possession d’état doit, non seulement exister, mais être efficace et donc réunir cumulativement les conditions suivantes :

La possession d’état doit être :

  • continue : elle doit être exercée en toute occasion où elle doit l’être ;
  • paisible : elle ne doit pas être établie en utilisant la violence ;
  • publique : elle ne doit pas être exercée clandestinement ;
  • non-équivoque : elle ne doit pas être ambiguë.

Le ou les parents qui souhaite(nt) établir un lien de filiation au moyen d’une possession d’état doi(ven)t réclamer et obtenir du juge d’instance un certificat de notoriété.

Le juge d’instance devra alors vérifier (il dispose ici d’un pouvoir souverain d’appréciation par rapport aux éléments qui lui sont présentés) :

  • la réunion suffisante des conditions d’existence ;
  • le cumul des conditions d’efficacité de la possession d’état.

Ce document sera ensuite utilisé dans une procédure devant le tribunal de grande instance.

Un acte de notoriété ne peut être délivré que dans un délai maximum de 5 ans à compter de la fin de la possession d’état alléguée. Toutefois, la possession d’état peut être constatée à la demande de toute personne qui y a intérêt (à la différence de l’acte de notoriété qui ne peut être demandé que par les parents ou l’enfant) dans un délai de 10 ans à compter de la cessation de la possession d’état alléguée ou du décès du parent prétendu.

Le refus de délivrance d’un acte de notoriété opposé par le juge d’instance n’est pas susceptible de recours.

Tags :

Accès thématique

Accès famille

© 2017 CNFPT