L'application de la loi pénale dans le temps et dans l'espace

Modifié le 16 mai 2023

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Dernière mise à jour : juin 2019

La question de l’application de la loi pénale ne pose aucune difficulté dès lors que les faits sont commis et définitivement jugés sous l’empire d’une loi. Un conflit émerge dès lors que les faits sont commis sous l’empire de la loi ancienne et ne sont pas définitivement jugés au moment de la promulgation d’une nouvelle loi. Dans cette hypothèse, quelle loi sera appliquée ? Il en va de même, lorsque des faits sont commis sur le territoire français alors que l’auteur est de nationalité étrangère, ou que des faits sont commis à l’étranger alors même que l’auteur des faits est français. Dans quelle mesure la loi française s’applique-t-elle ? Le code pénal organise des règles d’application de la loi pénale dans le temps (1) et dans l’espace (2) afin de régler ces conflits.

1. L’application de la loi pénale dans le temps

Un conflit de loi suppose qu’une loi nouvelle intervienne alors même que les faits commis sous l’empire de l’ancienne loi ne sont pas définitivement jugés lors de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. Les règles sont distinctes selon qu’il s’agisse d’une loi d’incrimination ou de pénalité (1.1), d’une loi relative à l’application des peines (1.2), une loi relative à la prescription (1.3) et d’une loi relative à la compétence ou à la procédure (1.4).

1.1. Les lois d’incrimination et de pénalité

Les lois d’incrimination ont pour objet de créer ou d’élargir des incriminations. Les lois de pénalité, quant à elles, sont relatives au renforcement d’une peine. Elles sont régies par le principe de non-rétroactivité de la loi pénale la plus sévère (1.1.1) et celui de l’application immédiate de la loi pénale plus douce (1.1.2).

1.1.1. La non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère

Le principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères signifie qu’une loi nouvelle plus sévère que la loi ancienne ne s’applique pas aux faits commis et non définitivement jugés avant son entrée en vigueur. Ainsi un fait commis sous l’empire de l’ancienne loi, non définitivement jugé lors de l’entrée en vigueur de la loi pénale plus sévère restera régi par la loi ancienne. En revanche, si les faits sont commis sous la promulgation de la loi nouvelle, il n’y aura aucun conflit et la loi plus sévère s’appliquera.

L’application de ce principe ne pose pas de difficultés lorsque les infractions concernées sont instantanées (elles s’exécutent en un trait de temps). En revanche, il en va autrement pour les infractions continues ou à exécution successive (des actes peuvent avoir été commis sous l’empire de la loi ancienne et d’autres sous l’empire de la loi nouvelle). La chambre criminelle de la Cour de cassation les considère constituées postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle et indique de ne pas leur appliquer le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.

Il demeure des exceptions au principe de non-rétroactivité de la loi pénale la plus sévère :

  • Les lois interprétatives s’appliquent immédiatement (ce sont des lois qui ont pour objet de préciser les dispositions d’une loi ancienne) ;
  • Les lois déclaratives sont d’application immédiate (lois qui ont pour objet de constater une situation légale) ;
  • Les lois incriminant les atteintes à des valeurs essentielles de la civilisation : le principe de non-rétroactivité de la loi pénale ne s’applique pas en principe aux actes contraires au droit humanitaire international, d’après l’article 7§2 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Toutefois, la Cour de cassation limite la portée de ce texte en prévoyant que des dispositions nationale ou internationale doivent expressément prévoir cette rétroactivité. En l’absence de ces dispositions, le principe de légalité criminelle prévaut.

1.1.2. L’application immédiate de la loi pénale plus douce ou rétroactivité in mitius

Prévue à l’article 122-1-3 du code pénal, le principe signifie que la loi pénale plus douce s’applique aux faits commis antérieurement à son entrée en vigueur et non définitivement jugés. On parle alors de rétroactivité in mitius. Il ne s’agit pas de remettre en cause les situations définitivement jugées mais simplement de faire application de la nouvelle loi plus douce aux situations en cours de jugement.

Ce principe d’origine prétorienne, a acquis valeur constitutionnelle (Conseil Constitutionnel, décisions des 20 et 21 janvier 1981, Sécurité et liberté).

Ce principe connaît toutefois des exceptions :

La rétroactivité in mitius ne joue pas pour des faits n’ayant pas entraîné une condamnation passée en force jugée au jour de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. La nouvelle loi, bien qu’elle soit plus douce ne pourra pas remettre en cause les condamnations devenues définitives avant son entrée en vigueur.

1.2. Les lois relatives à l’application des peines

D’après l’article 112-2 3° du code pénal, les lois relatives à l’application des peines s’appliquent immédiatement, même aux infractions commises avant leur entrée en vigueur.

Néanmoins, si ces lois ont pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par les décisions de condamnation, il y est fait exception. Dans ce cas, elles ne sont applicables qu’aux condamnations prononcées pour des faits postérieurs.

En apparence similaires au régime des lois pénales de fond, les lois pénales plus douces relatives à l’exécution des peines s’appliquent aux peines en cours d’exécution alors que les peines résultent de condamnations définitives. Ces lois font donc l’objet d’une application rétroactive.

1.3. Les lois relatives à la prescription

L’article 112-2 4° du code pénal fixe le régime des lois relatives à l’application dans le temps des lois de prescription.

  • Si la prescription est acquise au jour de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, cette dernière ne produira aucun effet ;
  • Si la prescription est en cours au jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, cette dernière s’applique immédiatement, bien qu’elle aggrave le sort de l’intéressé.

1.4. Les lois relatives à la compétence et à la procédure

Les articles 112-2 1°, 112-2 2° et 112-3 du code pénal, organisent les règles relatives à l’application dans le temps des lois relatives à la compétence et à la procédure.

Les lois sont d’application immédiate, bien qu’elles soient plus sévères. La loi nouvelle reste sans effet sur la validité des actes accomplis sous l’empire de la loi ancienne.

Deux exceptions subsistent :

  • Si au jour de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, un jugement de fond a été rendu en première instance, l’effet immédiat des lois relatives à la compétence et à l’organisation judiciaire est écarté ;
  • Selon l’article 112-3 du code pénal, les lois relatives aux voies de recours ne s’appliquent pas immédiatement aux instances en cours. Le recours reste régi par la loi ancienne en vigueur au jour de la décision même si pendant le délai de recours intervient une loi nouvelle qui modifie les conditions d’exercice du recours.

2. L’application de la loi pénale dans l’espace

Le droit pénal en ce qu’il représente le droit de punir, est l’expression de la souveraineté étatique. Ainsi, lors de la commission d’une infraction, il est possible que plusieurs États concluent à leur compétence. Le législateur est intervenu pour gérer ce type de conflits de compétence. Pour ce faire, il convient de distinguer les infractions commises sur le territoire de la République (2.1) de celles commises hors du territoire de la République (2.2).

​​​​​​​2.1. Les infractions commises sur le territoire de la République

L’article 113-2 du code pénal pose le principe selon lequel la loi pénale française est applicable à toutes les infractions commises sur le territoire de la République. La souveraineté nationale s’impose à tous sur le territoire de la République et l’ Etat est légitime à exercer le droit de punir. Il n’en demeure pas moins que ce principe suppose la réunion de conditions pour qu’il s’envisage (2.1.1). Son application est largement entendue (2.1.2).

​​​​​​​2.1.1. Les conditions permettant l’application du principe de territorialité

D’une part, il faut que l’infraction ait été commise sur le territoire de la République. Cette notion de territoire de la République s’entend largement puisqu’elle inclut les espaces qui lui sont assimilés. Le territoire de la République proprement dit inclut le territoire terrestre (métropole, départements et territoires d’outre-mer et collectivités à statut particuliers), les espaces maritimes et aériens.

Les espaces assimilés prévus aux articles 113-3 et 113-4 du code pénal sont les navires et aéronefs français où qu’ils se trouvent.

D’autre part, pour qu’une infraction soit réputée commise sur le territoire de la République, il faut selon l’article 113-2 alinéa 2 du code pénal, que l’un de ses faits constitutifs aient été commis sur le territoire de la République, à savoir l’élément matériel ou moral de l’infraction (Cf. fiche sur l’infraction). La jurisprudence a élargi cette condition en considérant qu’un acte de complicité commis à l’étranger d’une infraction principale commise en France est considéré comme un fait constitutif de celle-ci relevant de la compétence de la loi pénale française. De même, les infractions commises à l’étranger, dès lors qu’elles sont en relation de connexité ou d’indivisibilité avec des infractions commises en France relèvent également de la loi pénale française.

L’article 113-5 du code pénal prévoit que l’acte de complicité commis en France, d’une infraction principale commise à l’étranger relève de la compétence de la loi pénale française dès lors qu’il y a une réciprocité d’incrimination du fait principal (autrement dit, le fait doit être incriminé dans les deux législations) et il faut que l’infraction principale ait été constatée par la juridiction étrangère. Cet article est d’application subsidiaire et ne s’appliquera que si aucun autre cas ne justifie cette compétence.

​​​​​​​2.1.2. L’application du principe de territorialité

Toutes les infractions commises sur le territoire de la République sont régies par la loi pénale française et ce quelle que soit la nationalité de l’auteur ou de la victime. Le fait que l’auteur ait déjà été jugé dans un autre pays pour les mêmes faits n’a pas d’importance. La règle de non bis in idem, pour laquelle, un fait ne peut faire l’objet de deux déclarations de culpabilité, ne s’applique pas.

La seule exception à l’application du principe de territorialité est l’immunité diplomatique : les diplomates et leur famille, échappent à la loi pénale française s’ils commettent une infraction sur le territoire français.

​​​​​​​2.2. Les infractions commises hors du territoire de la République

La commission d’une infraction hors du territoire de la République n’exclut pas forcément la compétence de la loi pénale française. Les articles 113-6 à 113-12 du code pénal organisent cette compétence en fonction de critères de rattachement : la compétence personnelle (2.2.1), la compétence réelle (2.2.2) et la compétence universelle (2.2.3).

​​​​​​​2.2.1. La compétence personnelle

Les articles 113-6 et 113-7 du code pénal organisent la compétence de la loi pénale française pour des infractions commises à l’étranger, dès lors que leur auteur a la nationalité française, on parle alors de compétence active, ou bien que la victime est française, on parle de compétence personnelle passive.

La compétence personnelle active est reprise à l’article 113-6 du code pénal. Pour que la loi pénale française s’applique il faut cependant que des conditions soient remplies de manière cumulative :

  • L’auteur est français ;
  • L’infraction doit être un crime ou un délit ;
  • S’il s’agit d’un délit il faut une réciprocité d’incrimination dans le pays où l’infraction a été commise. Cette condition ne joue pas si la victime du délit est française ou s’il s’agit d’une infraction sexuelle ou de proxénétisme commis à l’encontre d’un mineur.

La compétence personnelle passive est énoncée à l’article 113-7 du code pénal. La loi pénale s’applique dès lors que la victime est française. A la différence de la compétence personnelle active la réciprocité d’infraction n’est pas requise, en revanche la condition de crime / délit est nécessaire.

Il convient d’ajouter que le principe de non bis in idem est applicable dans cette hypothèse de compétence.

​​​​​​​2.2.2. La compétence réelle

Consacrée à l’article 113-10 du code pénal, la compétence réelle a pour objectif la défense des institutions étatiques. Ce texte énonce une liste exhaustive d’infractions pour lesquelles la loi française se déclare compétente quel que soit le lieu de commission de l’infraction (crimes ou délits portant gravement atteinte à des intérêts supérieurs français).

​​​​​​​2.2.3. La compétence universelle

Organisée par les articles 689-1 à 689-7 du code de procédure pénale, la compétence universelle donne compétence à la loi pénale de l’Etat sur le territoire duquel le délinquant a été arrêté.

La compétence des juridictions françaises doit nécessairement être organisée dans une convention internationale et ne vaut que pour les infractions définies par la convention (convention de Strasbourg portant compétence universelle en matière de terrorisme).

En revanche, le principe de non bis in idem trouve sa pleine application.

Auteur(s) :

COULLET Camille et DI TELLA Camille

Mot(s) Clé(s) :

 Absentéisme

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