La sociologie des publics des bibliothèques

Modifié le 12 décembre 2023

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Dernière mise à jour : juin 2023

Introduction : quels types de publics fréquentent les bibliothèques ?

On distingue les publics fréquentant les bibliothèques par les types suivants :

  • individuels ou en groupes
  • âges
  • catégorie socio-professionnelle
  • publics-cibles
  • inscrits / non inscrits
  • fréquentants / non fréquentants
  • usagers / non usagers
  • personnes empêchées (handicapées, détenues, personnes hospitalisées…)

Qu'est-ce alors que la sociologie des publics ? L'idée est de passer d'une connaissance intuitive des publics à une tentative de connaissance objective. La sociologie permet de faire un travail de décentrement qui va consister à se mettre à la place des usagers, dans leur système de valeurs. Il s'agit d'une posture méthodologique et pas d'une posture idéologique : il n'est pas question de dire que c'est le point de vue des usagers qui doit s'imposer sur le point de vue institutionnel.

 

 

1. Sociologie des publics de bibliothèque : données générales

Quatre points sont à relever :

  • La société française vieillit. Ce vieillissement de la population a des incidences sur les publics des bibliothèques, usagers comme non usagers. Il faut donc mettre en place ou renforcer certains services spécifiques, comme le portage à domicile ou les actions hors les murs. Il faut d'autre part réfléchir aux collections pour ces publics.
  • On constate d'autre part une élévation générale du niveau de diplôme dans la société française. Près de 70 % d'une classe d'âge obtient le bac en 2011 contre 25 % dans les années soixante-dix et 3 % en 1945. Cette élévation du niveau de diplôme ne s'est pas accompagnée d'un renforcement des pratiques culturelles, au contraire. L'investissement fort dans la lecture de livres s'est infléchi. En 2016 en France, 10 % des personnes âgées de 18 à 65 ans sont dans une situation difficile voire très difficile en ce qui concerne la lecture et l'écriture, parmi lesquelles 9 % ont été scolarisées en France. Comment les bibliothèques se positionnent-elles par rapport à ces questions ?
  • L'évolution des temps sociaux dans la société française a également une influence sur les bibliothèques : aujourd'hui la vision linéaire classique (formation-travail-retraite) est totalement remise en cause. Ceci doit avoir des conséquences sur l'offre de formations et de loisirs de la bibliothèque. À cela s'ajoute le motif d'insatisfaction généralisée à l'ensemble des catégories sociales sur le manque de temps ressenti pour développer ses activités culturelles. La question de la proximité et de l'éloignement de la bibliothèque est importante dans cette optique.
  • Enfin, on constate un processus d'individuation des mœurs et des pratiques culturelles. Il s'agit d'un processus d'émancipation, d'autonomisation des individus par rapport aux institutions. Les individus prennent de plus en plus leurs distances par rapport aux grandes institutions sociales et s'efforcent d'exister de plus en plus en tant qu'individus. Ce fait a une conséquence sur les modes d'apprentissage : la transmission des connaissances et du patrimoine culturel passe de la verticalité à l'horizontalité. On apprend davantage avec ses pairs qu'avec ses maîtres. Dans le même mouvement, il y a un abandon de la culture légitime au profit de la consommation culturelle domestique et médiatique. Ce rejet des hiérarchies culturelles va de pair avec la crise des institutions.

2. Les tendances lourdes par rapport à la lecture

On peut noter que si la France lit plus, les Français lisent moins : il y a moins de gros lecteurs de livres, et moins de gens qui ne lisent pas du tout. En revanche, on constate une bien meilleure présence du livre dans les foyers français. Ces chiffres sont à tempérer par le fait qu'aujourd'hui, la pression culturelle légitime a complètement disparu : on a beaucoup moins de difficultés à se déclarer non lecteur. La lecture de livres est une pratique culturelle qui s'est bien diffusée dans la société, mais elle est en régression et est concurrencée par d'autres médias.

On note une inégalité hommes / femmes en ce qui concerne la lecture de livres. Les femmes lisent plus que les hommes, notamment des romans. Mais les jeunes lisent moins que les générations précédentes, y compris chez les femmes. Si les femmes lisent plus que les hommes, c'est sans doute lié à un capital scolaire plutôt littéraire et au fait que les femmes sont plutôt orientées dès leur enfance vers l'intérieur du foyer, la lecture, au contraire des hommes qui sont encouragés à sortir de chez eux pour accomplir des tâches plus physiques.

Enfin, l'émergence d'une « culture Internet » à partir de 2005 crée de nouvelles normes et de nouvelles valeurs : immédiateté (d'accès et de connexion), permanence (toujours ouvert) et image de la gratuité, ainsi que la possibilité d'avoir potentiellement accès à tout en même temps doit faire réfléchir les bibliothécaires et modifier leurs pratiques. Il s'agit pour la bibliothèque de ne pas être associée uniquement au livre, et ainsi de ne pas être vue comme scolaire, ennuyeuse et intellectuelle, pris dans leur sens péjoratif.

Il ne faut pas conclure des lignes précédentes que les formes classiques de la culture sont défaites. Ce sont les individus les plus diplômés et les milieux sociaux les plus aisés qui cumulent le plus facilement les différents registres culturels et s'orientent le mieux au sein des pratiques dites dissonantes (c'est-à-dire les variations des usages et des goûts en matière de culture, comme le fait de lire des classiques et de regarder des émissions de télé-réalité).

Dans ces modifications de pratiques, les bibliothèques doivent organiser des formes « froides » et des formes « chaudes » de la culture contemporaine, c'est-à-dire mêler des œuvres classiques entrées au panthéon et des formes plus récentes issues des industries culturelles de masse. Ces pratiques trans-médiatiques accompagne également le renouvellement générationnel dans les bibliothèques.

3. L'utilisation des bibliothèques aujourd'hui

En 2019, 40 % des Français ont fréquenté une bibliothèque ou médiathèque au cours des douze derniers mois. On constate un déficit d'inscription chez les 15-24 ans, ce qui nécessite une action particulière de la part des bibliothèques pour reconquérir ces publics adolescents. Chez eux, la bibliothèque fait certes sens, mais les attentes à son égard ne sont pas très fortes. Les adolescents se prononcent très majoritairement en faveur d'un espace qui leur soit dédié à l'intérieur de la bibliothèque. C'est le cas par exemple à la médiathèque des Champs Libres de Rennes ou à la médiathèque José Cabanis de Toulouse. 

Par ailleurs, la durée moyenne du séjour en bibliothèque est en hausse : les usagers restent plus longtemps, ce qui permet de mettre au jour le concept de « séjourneur », qui, se distinguant de l’emprunteur, est un usager qui reste quelques heures et qui profite non du prêt mais de l'ensemble des services mis à sa disposition (télévision, animation, musique, jeux, instruments de musique, lecture de revues, de livres, travail, repos…).

Les documents très empruntés sont les DVD. Concernant les livres, il s'agit des documents pratiques comme le tricot, la couture, l'informatique, le bricolage… La recherche d'information pour bricoler, jardiner, faire la cuisine ou aider les enfants à faire leurs devoirs se fait sur Internet plutôt qu'en bibliothèque. Mais ce sont les usagers inscrits qui sont le plus connectés à domicile.

Le frein à la fréquentation d'une bibliothèque réside dans le manque de temps et le manque d'habitude plutôt que dans l'offre. Le déterminant sociologique le plus influent de la fréquentation des bibliothèques est le niveau d'engagement des individus dans la lecture de livres. Si la bibliothèque municipale est considérée comme utilise par la grande majorité des personnes interrogées, elle manque de visibilité pour quatre personnes sur dix et est austère pour une personne sur trois. Les bibliothèques ne sont pas effacées du paysage culturel des individus contemporains. En revanche, les usages en leur sein changent : on assiste à un bouleversement de la chaîne traditionnelle production / diffusion / réception des contenus culturels, puisque désormais les usagers revendiquent d'être également producteurs de contenus et de savoirs, par l'intermédiaire de leurs pairs.

Par ailleurs, dans un monde hyper connecté, les bibliothèques ont un important rôle à jouer pour répondre aux attentes des publics, qui sont de plusieurs ordres : être accompagnés dans des recherches ou apprentissages, apprendre à apprendre, accéder à des contenus, y compris numériques, créer des contenus ou utiliser des outils, faire des découvertes dans les bibliothèques, mais aussi y inscrire ses usages habituels et découvrir de nouvelles pratiques ou de nouveaux objets nomades.

Pour aller plus loin

https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Livre-et-lecture/Documentation/Publications/Etudes-et-rapports-Lecture-et-bibliotheques/Les-non-usagers-des-bibliotheques-Etude-quantitative

https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Etudes-et-statistiques/L-enquete-pratiques-culturelles

https://www.enssib.fr/services-et-ressources/questions-reponses/pourcentage-dinscrits-en-bibliotheque

 

Auteur(s) :

RENAUDIN Coline

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